iflla^^^îl l^y^ Wi Il L I BRARÏ O F [f| 1 THE UNIVERSITY i k] 0 F I ^LI NQIS m m m ^^^^l|i||^^^^^ ^^ yjjffzj FKOM TH: LIBRARYOT ^NP ANff^NI^ CAVAQNA 5MGVIÎMIDïG\mDANA L^Z»^LADA'>'B^R^G\ÀRDO PUP CHA 5ED J9^1 ^ 94.0.5 M44ln War« Sook & Sp#cà|| ^^ fe ^ 1^ / r M au Irerf '^^ ^^^' ^'- ^S^\ J°e an HISTOIRE POLITIQUE DU SIECLE OÙ fe voit dévelopée la conduite de toutes les Cours, d'un Traité à l'autre, dep-uis la Paix deWESTPHALiE, jufqu'à la dernière Paix d'Aix LA Chapelle inclufivémeat. Avec une Préface , où TEditeur du Teftament Pol. du C. Albéroni répond àfes Critiques. PREMIERE PARTIE. Tros , R^itulusve fmt , nullo difcrimim halebo. Viig. Eueid. A LONDRES Aux dépens de la Compagnie» M D C C. LIV. 'iHS^S^' WVS^-T^'T.:^'. A MONSIEUR HUMBERSTON GENTILHOMME ANGLOIS. MONSIEUR. PU I s que je vous dois l'idée de ce petit Ouvrage, fa fortune vous intèreffe autant que moi,- & vous ne fauriez refufer de m'aider à la iui faire. Puifque vous le Jugés digne d'être donné au Public, il faut que vous me permettiez de vous le dédier, t 2, C'eft 54596îa ^ ( o ) ^ C^efl fil rtout chez les Angloîs qucquî- ent d'un Connoiffeur. Si vous rc- connoilTez vôtre plan dans réxécution^ je ne doute pas que ic Public , en vous falfant honneur de celui-là, ne m^ tienne compte de celle- cL Comme on ne penfè pas en Angle- terre que PH^ftoire doive fe taire fur les ¥ivans, & ne point parler défavanta- geufemenc des Morts , je ne vous ferai pas, MoN/siEUR, mon Apologie fur l'impartiale fincérité , qui fait le prîn* cipal mérite de mon travail. L'Hif* toire , vous le fqavez , efl: le récit vé- ritable du paifé , peu impor-te que oc foit celui d'un Siicle , ou celui <î'un Luftre. Tîiucidide écrivoit c^lui de fontemps: Tacite avoit pu voir la plu- part des perfonnages dont il parle : Le Préfident de Tiiou avait pu être té- moin de la moitié des événemens, dont il done l'Hiftoire la plus détaillce, "' Pans ^ ( o > m Dans une Hiftoire poHtrqxie , on doit faire abftradioti de toutes les qua- lités bon lies & mauvaifes, qui n-ap^ partieiineiît pa& à rhomme cfEtat. Crooiwel fîit un méchant homme. Jaques ï fût un Prince lettré ; Si Ja- ques IL un Prince pieux. Louïs XIV^ fût le Monarque le mieux pourvu de qualités- brillantes : Guillaume IIï fon rival de gloire & d'ambition , en eût très peu de cette efpèce. Tandis qu'un Hidorien Courtifan aura raifon de placer Louis XIV au rang des plus fameux Rois : Tandis qu'un Homnie de Collège fera fon Héros de Jaques I, & que les Eecléfiaftiques canoniferont Jacques II, Cromwel & Guillaume feront de plus grands hommes aux: yeux des Politiques. Quel feroit donc le reflfort de la no*- ble émulation des Souverains & de leurs Miniftres , fi PHiftoire devoit fe taire fur leur adminiftration , ou n'en? parler qu'avantageufement ? Il eft be- foin^ Moi^siEUR, d'une imaginatioti f 3 hkm ç^ (o) ègâ bien forte, pour remuer l'ame furies louanges & le blâme de la poftérité; & d'ailleurs la récompenfe eft bien foi- ble pour le Souverain qui facrifie fon repos & fes plaifirs au bien de fes Peu- ples, la punition eft bien légère pour le Miniftre qui facrifie le bien de l'Etat à fes palîîons,lorfqu'elle n'a lieu qu'après leur mort. Cependant on va jufqu'a vouloir priver le premier de celle-là, & mettre l'autre à couvert de celle-ci ! Mais fi dans ce Siècle, qu'on nom« me, je ne fcai fi c'eft à bon titre, le Siècle delaraifon illuminée, les Prin-. ces & les Miniftres alloient en croire les Philofophes , qui mettent au nom- bre des préjugés de l'éducation l'eftime du fuifrage de la poftérité y fi , dis-je , ils venoient à compter pour rien le ju- gement qu'on portera d'eux , lorf- qu'ils ne feront plus,- la loi, qui dé- fend à l'Hiftoire de parler des vivans, les réduirolt donc à n'avoir d'autre ap- pas pour le bien , d'autre frein pour le mal , que le Paradis & l'Enfer. Le$ ^ ( o ) ègs Les Souverains dignes du Sceptre font en plus grand nombre que jamais en Europe. Il y va de leur bonheur de mettre en loi , qu'on doit parler des Princes & de leurs Miniftres avec au- tant de vérité que de refpedl. Autre- ment, ils perdent l'unique récompenfe qu'ils puilTent recevoir en cette vie de leurs Vertus & de leurs Talens. Je ne fçai , Monsieur, comment je fuis tombé dans des reflexions de morale politique, en parlant à une perfonne qui les fçait (îbien faire. Je ne les croirai pourtant point un hors d'œuvre , fî vous leur reconnoiflez quelqu'affinité avec les vôtres. J'ai l'honneur d'être avec la plus refpedueufe confidération , MONSIEUR, Vôtre très humble & très obéïfTant Serviteur, Ds B\ M. ^ ms «^«j Mi^msMiMs^msm^m^Mi m^ (^ PREFACE Om l'\Ai4teur répond aux Cntiqms du Teft, PoL du Card^ Albéroni. CE morceau d^Hifïoire e§ d'une elpèce unique , & & d'un goût nouveau. Je- Tai travaillé à la foUieitation, & #après le plan d'un de ces Hom- mes eftimabîes , qui ont I© eourage de facrifier ramour dui Sol natal au defir d'être utiles à la Patrie ; & qui , dans l'âge dfes plaifirs , leur préfèrent la fèti* gue dès voïages ^ qui doivent les éclairer fur les préjugés na- tionnaux , gerfedionner leuis II PREFACE. talens naturels , & leur donner cette connoiflance pratique de refjDrit & du caradère des difFé- rens climats , fans laquelle un Homme d'Etat n'eft qu'un Sça- vant de cabinet. Mr. Humberfton , Gentil- homme Anglois , qui a moins voïagé pour le plaifir des yeux, que pour celui de l'efprit, m'ayant marqué combien il étoit peu fatisfait des meilleurs Hiftoriens du Siècle , dont l'Etude des Cours de l'Europe lui faifoit reconnoitre tantôt la prévention , tantôt la complai- îànce intèreffée, m'invita à exé- cuter le tableau , dont ils n'ont donné que des efquifles tron- quées. Il croïoit qu'un homme ifolé dans le monde , étoit feul capable de répréfenter au na- turel les pièces d'une machine, dont chacun des peuples qui la font jouer, a intérêt de mafquer PREFACE, m quelque refTort,* &illuifembla que de tous ceux à qui le Gou- vernement , fous lequel ils vi- vent , laiffe la liberté de penfer & d'écrire fur les affaires gé- nérales , le Suiffe étoit le feul , qui pût afficher une parfaite impartialité. En effet l'Anglois & le Hol- landois oferont peut être dire des vérités odieufes, que le Suiffe eftimera prudent de taire. Mais la vérité que ceux-là font incapables de retenir par timi- dité , Tefprit de parti la leur fera altérer } & fidèles à l'intérêt de leur Patrie , ils refuferont de préfenter les chofes fous le véri- table jour , qui lui feroit défa- vantageux. Le Suiffe n'a point ces entraves. Sujet d'un Sou- verain , qui fait être fans am- bition , avec de grandes forces, aimer & conferver la paix j ^[^ 6 tUE- IV P R E F A G Er tandis que ceux qui vivent fous; fesloixontun goût décidé, & des talens particuliers pour la. guerre. Il eft abandonné à Tin- différence , efTentielle à un' obfervateur exaél. C*eft un Ré- publicam , dont tous les devoirs & toutes les paffions font rap» pelles à ladéfenfe& à l'amour d'une Patrie , que toutes les PuiflTances de l'Europe ont intérêt de conferver , ou de ménager. Ses Maîtres, fans intérêt particulier dans les que- relles générales , lui permettent également, ou d'ignorer qu'el- les éxiftent , ou de le Içavoir îànsy prendre part, ou de prê-- ter £)n bras à celui des deux par- tis, pour lequel foîi inclination^ le décide. Tel devoit être Hiomme > que les loix anciennjes admet- toient à écrire l'Hiftoire. Elles vous. PREFACE Y vouloient qu*il fût en état d*o- fer-'dire , & ne pas altérer , la vérité. Sans doute que le Pu- blic de la vieille roche , ce Public, chez qui Ciceron & Quintilien ont encore quelque crédit , me tiendra compte de cette qualité fondamentale. Mais je dois aprebender qu'elle ne foit abfo- lument méprifée par ce nom» breux Public poffèdé ds la ma;- nie de la mode , & dont le nou- veau Législateur de la Républi- que des lettres eft enpofîefîion ê^ régler les Suffrages. Que Itii importe Timpartialité d*urï Hiftorien? s'écrie Pillujire Vol- taire , s'il * n*eft pas permis à PHiftoire de parler des vivans.- S'il lui eft défendu de parler dé- favantageufement des morts : Si * Ce font les paroles de Mr. de V. S^m les Lettres pour fervjr de Supplément aa;^ Siècle de Louis XI V. & àm% f©A Ejmmen 4« Teff, P. d» Ç, AlWxoniè, VI PREFACE. Si THiftorien ne doit voir, dans le Général qui a fait des fautes , que l'iionnête homme , qui n'en a point fait dans la Société , qui a été fidèle à l'amitié, généreux, bienfaifant : Si dans le Minif- tre incapable & préfomptueux il ne doit confiderer que l'hon- nête homme, l'homme modéré? Voila l'Hiftoire réduite au pa- négirique , iî pour le bien de la République dès lettres, &pour fon honneur propre. Air. de Voltaire ne dépofe à quelque Hôtel de Ville un certificat de fa maladie , lorfqu'il écrivit fon fu- plément, au Siècle de Louis XIV. & fon Examen du Tefla- ment Pol. du Card. Alberoni. L'Hiftorien de Charles XII. qui fe glorifie d'avoir été remercié par ceux dont-il fit mention dans fon Hiftoire : qui ne s'ex- cufe auprès des Hambourgeois, de: PREFACE. vu de leur avoir imputé la plus af- freufe barbarie, que fur la vé- rité du fait : l'Ecrivain du Ta- bleau de l'Europe, jufqu'en i7fo. THiftorien futur de la guerre de 1741; enfin l'Hifto- riographe de Louis XV. ne, peut alléguer qu'une entière abfence de mémoire , pour fe faire pardonner d'avoir dit qu'il n'eft pas permis à l'Hiftoire de parler des vivans. Car un génie de cet ordre ne comporte point une abfence de Jugement. Je n'entends jamais Mr. de Voltaire dogmatifer dans la Ré- publique des lettres , que je ne me répréfente le Cardinal de Retz haranguant au Parlement de Paris. Lorfque quelque nou- vel intérêt obligeoit ce Prélat à changer de langage, ou bien quand il avoit à le juflifierdu mauvais fuccès de quelque ma- nœuvre, Tiii PREFACE» nœuvre , il avoit en main quel- que Apophtegme ancien , qu'il forgeoit fur le champ , & qu'il débitoit d'un ton fententieux,. Il croïoit avoir battu fes antago- îiiftes , lorfqu'il leur avoit dit qu'il leur répondoit d'après un^ grand homme de l'antiquitéo- JSHifîoire , dit Mr. de Voltaire,, doit imiter les Jugemens de /'JE- gipte , qui ne i^eidoient du mêritt des Citoiensy que krfqu^iU rCétoient plus. Voilà bien le Cardinal de- Retz, qui donne une maxime' de l'antiquité à vérifier aux Con- feillers des Enquêtes de fonî temps. Les Egiptiens pouf- foient la févérité dans les mœurs , julqu'à inftruire en^ forme le procès des morts , afin de punir fur le cadavre les fautes que le vivant auroit î^ dérober à la Jufôcer ErgOyà\t le Conféquent Ypltaire, les?- Egip PREFACE. IX Egîptîens ne décidoîent du mé- rite des Citoïens, que lorfqu'ils n'étoient plus. Qui raifonne de cette façon n'eft certes pas une machine à raifonnemens. Je ne fçai pas à propos de quoi Mr. de Voltaire s'avife de donner les règles de l'Hiftoire , pour autorifer fa Cenfure du Teft. Pol. d*Albéroni, lui qui dit de ce livre, qu'il eft plus pour les Politiques, que pour les Hiftoriens. L'Editeur donine les raifonnemens du Cardinal, Que lui fait ce que des hom- mes, qu'on ne nomme pas, ont dit ? Il eft non feulement pot fible , mais même [très vrai , que les entreprifes, que le feu Cardinal juge mal digérées , aient paru le comble de la vrai- femblance à des gens qui auront plus de réputation que lui, dans la poftérité. Mais le Cardinal X PREFACE. raifonne de fens froid , & après coup. Qiiiconque veut mettre à néant le Jugement que porte cette Eminence , d )it prouver , non pas qu'elle raifonne diffé- remment de plufieurs grands hommes ; mais qu'elle raifonne mal. J'en appelle à l'illuftcQ Voltaire lui même. On ffe fou»* Viendra deLeXelliër, dç hof^ vois, du Père' la Ghai^f dçi, Confeil de LouïsXÏV, qui opin^ pour la révocation de l'Edit de Nantes; &ôn aura entiéi'ement oublié Gourville , qui la regar- doit comme un grand malheur pour la France. Cependant Louis XIV , fes iMiniftres , & fon ConfefTeur fe font trompés, & Gourville avoit raifon. 1^ Je fuis bien éloigné de me faire le Champion du Cardinal Alberoni. Ceux qui ont lû avec attention fes idées & fes raifon-. ne- PREFACE. XI nemens, que j'ai publiés, f>us le titre de fon Teftament Poli- tique , me rendent la Juftice de reconnoitre que j'ai donné à cha- que Chapitre le ftiie qui lui convenoit ,• & ils auroient pris pour une infulte la proteftation, que j'aurois mife en marge , de ma parfaite neutralité. C'eut été marquer une défiance injurieufe de leur difcernement. Je laifle à quelque la Baumel'e officieux à mettre au bas des pages : La Cardinal ejî en co'ère. Le C. e/i prévenu. Le C. eji indifcret. Le C. manque de poHtejfe. Le C. ri a pas de foi à la Galette, Le C. e/i mort trop tèt^ on lui auroit encore appris bien des chofes. Le Chapitre XII. eft écrit avec ce feu & cette rapidité , qui peignent un fpéculatif li fort livré à fes idées , qu'il ne voit qu'elles , & ne réfléchit que fur les xn PREFACE les rapports qu'i! leur a affignés. Si plume femble emportée par fon imagination : C'eft un tor- rent , qui roule avec violence , & ne fçauroit être retardé par les digues qui devroient l'arrê- ter. Les Jugemens d'un politi^ que de cette efpèce ne font point des arrêts fans appel ; & le Car- dinal Albéroni fût-il grand hom- me , mille fois plus que ceux dont il examine la conduite , fon nom ne donneroit pas le moindre poids à fes raifons» Chaque leàeur , ou leur répond fur le champ, ou fe réferve le plus ample informé. Le Teftament Politique d' Al- béroni étant d'une toute autre elpèce que les livres de ce titrcj». qui l*ont précédé , il ne doit point fouffrir de la deftinée que le Public judicieux a faite à ces ^rsj à moins que ce ne fbil PREFACE, xiii foitfurle titre, qu'on juge main- tenant des livres. J'abandonne à leur propre confufion les pe- tits Critiques qui ont ofé pro- duire leur cenfure dans ce goût Incapables de blâmer, comme 4e louer, avec difcernement, ils ont droit de prétendre, de qui- conque daigne lire ce qu'ils écri- vent , qu'il foit content d'eux pourvu qu'ils noirciffent du pa- pier ,• & je les recompenferois, au lieu de les punir , en daignant •leur répondre. Mais qu'il me foit permis de plaider contre l'illuftre Voltaire. Ce feroit in- fulter ce grand homme de ne pas lui témoigner craindra la propagation de fes opinions. Je laifTe , il eft vrai , les idées & les raifonemens du Cardinal fe feire leur fort Cependant, puifque je les ai jugés dignes d'être recueillis, j'ai quelqu'ifl- tèrét XIV PREFACE. tèrêt à repoufllT le ridicule , dont ona eflliïé de les couvrir; & l'équité exige de moi , que , fi réellement mon travail eft blâmable » je n'en laiiFe pas tom- ber le blâme fur qui n'y a eu au- cune part. Mr. de Voltaire fçait mauvais gré au Cardinal de ne s'être pas adrefle à lui , pour apprendre bien des chofes , qu'il ignoroit. S'il eut été queftion de redrelTer Son Eminence , j'ofe dire que f étois autant en état de le faire que celui qui s'y offre. L'obC- curité de mes études n'auroit point fait un préjugé contre moi; parce qu'on fçait que ce n'eft pas dans les lettres & les Mémoires des bureaux des Mi- niftres, que fe trouve la fidélité de l'Hiftoire. On fçait qu'au contraire ils fourniffent à l'en- tretien des Tedeum probléma- tiques, PREFACE. XV £iques , & qu'un Hiftorien qui y pren droit les matériaux de l'Hiftoire d'une guerre , feroit un pauvre Hiftorien. Je don- nois les idées d'A'beroni ; & je ne devois point y joindre les miennes. L'illuftre General , pour qui Mr. de Voltaire , s'eft avifé de faire affmt contre la feue Eminence , auroit dû me punir , fi je m'étois ingéré d'ê- tre fon Avocat. Le Cardinal étoit d'un rang à pouvoir s'en- tretenir avec liberté des plus grands hommes de l'Europe ; & puifque je n'écrivois point une Hiftoire, je devois me tenir à la diftance ou il a plû à la for- tune de me placer d'eux. En un mot le Cardinal Alberoni parloit de fes Egaux : Il me conve* noit de me taire. Serai-je reçu à apprendre quelque chofe au Sçavant qui en XVI P R E F A C E. en auroit tant apris au Cardinal Alberoni? Daignés, Mr. de Voltaire m'écouter vous dire qu'il n*efi; pas donné à un hom- me d'exceller en tout genre ; & qu'il eft auffi peu féant à Vol- taire de vouloir faire leçon de Politique au Cardinal Alberoni , qu'à la Baumelle de prétendre enfeignerle François àVoltaire. Vous étiés fans doute malade, Mon{ieur,Iorfque vous avez crû reconnoitrele ftile de M. l'Abbé de Montgon dans le Teftament Politique. Si vous étiés revena de la maladie , qui a penfé met- tre les Mufes Françoifcs en deuil , il vous faut avouer que l'envie de paroitre avoir raifon un inftant, vous a fait faire un grand facrifice de vôtre Judi- ciaire. Aprèsavoir donné pour Confrères au CrXpind^i Geron- te tous les Editeurs des Tefta- mens PREFACE, xvtt mens Politiques, vous n*avlez garde de regarder comme un Teftament olegraphe celui dont la minute n'étoit dans aucun Greape d'Hôtel de ville. Quoi- que vous vous viffiés obligé de convenir que l'Editeur de celui- ci a été dans rimpiffibilité ab- fblue de faire un pareil dépôt dans les Archives publiques : Vous ne vouliés pas abroger U loi qu'il a été de vôtre bon plai- fir de promulguer. Ainfi, il falloit de toute nécefîité que , le Teftament d'Albéroni ne pou- vant être recufé pour l'ouvrage d'un politique d'expérience, fou jb diteur fût fupofé un homme d'Etat. Je ne vois , en vérité , point d'autre raifon du préfent i^ue vous en faites à Monfieur l'Abbé de iVlontgon. Sur ce, Monfieur de Voltaire foufïrés <î|ue je vous dife que , pour un •f *f" hom- %vm PREFACE. homme qui veniés d*entrevoir de fi prés la vie éternelle , vous aviés bîen de la malice. Vous îi'ignoriés pas que Monfieur de Montgon vit à Rome,* & que 's'il prétend encore à quelque fortune , il ne la peut faire que dans l'Eglife. Et vous appuies avec une complaifance ironiquie fur des termes du Teftament ;^ <3ui , s'il en étoit l'Auteur , où î'Editeur, lui mettroient à do^ tous les Moines. Ce trait n'eft 'pas d'une bonne ame , comme la vôtre. Pour qu'il ne nuife pas au religieux Eccléfiaftique , je fuis bien aife de vous dire que, fans être un Crifpin, je n'ai jamais eu l'honneur d'être l'ami & le compagnon de Phili- pe V. & que f ai eu encore moins l'ambition d'être ce qu'ont été les Cardinaux de Fleuri & Al- teoni. Je vous dirai de plas ^e PREFACE. XIX que je ne goûterois pas le moyen de parvenir du Cardinal Dubois, que vous auriés pu vous difpenfer d'atteler avec deux hommes tout autrement célèbres. J'ajouterai que TEf- pagne efl de tous ks Païs de l'Europe celui que je connois lé moins , en étant revenu avant l'âge de dix fept ans. Vous m'a- vez deviné , en jugeant de moi que je connois afïez les hom- fiies, & les affaires , & le train de ce Monde, pour Içavoir qu'un bon leg, qui procure une vie heureufe , vaut mieux que' toutes les Spéculations politi- q^ues. Mais n'ayant pas eu l'hon- neur d'être connu particulière- ment du feu Cardinal, je n*aii point eu de tiire pour être placé lur fon Teftamsnt Civil. Je vous fuis obligé de vô^e fou- îiaitj.&, puifque vous fentez fi 'f'fz bien XX PREFACE. fi bien que j'auroîs mérité que le Cardinal m*eût donné un arti- cle , je vous prie de me choifir pour l'Editein: de vôtre Tefta- ment Littéraire. L*exaâ;itude & la fidélité, quefon Eminence a trouvées en moi vous garan- tiflènt que je n'en manquerai point pour un bienfaiteur. Puit fiez vous , pour l'honneur de la République des lettres , ne faire cette double difpofition , que quand * la vieilleffè me rendra le bon legs néceflàire. Vous vous mocquez , Mon- Cieurde Voltaire, quand vous nous donnez, les réflexions de qui? Voyage de St. Dizier à Moyenvie. Que font elles au Ch. VIII. que vous avez en viieî Daignez lire le Xï , auquel la note Vous renvoie , ^ge aji, Edit. de Laufanne. Vous y ver- rez: f Je Oiîs dans mon (èpttéme luftre. PREFACE. 2X1 fcz que vôtre voïageur doit di- re : Unp!u9 grand homme que le C. de Fleuri j^ aurait pas donné 3 6. millions à la maifon de Lorraine ; £5? avec tout s ces terres la France dur oit le Genevois ^ le FauJJignyy la partie delà Savoie^ qui eft en deçà des A'pes , avec le Comté de I^ice, Daignez lire encore le Chap. VIII. vous y verrez que le Card. Albéroni ne blâme le Card. Fleuri que de fon irrefo- lution. Il lui marque comme une faute en Politique de n'a- voir pas voulu aflez fortement la guerre de 1741. & d'y avoir fait entrer le Roy fon Maitre en qualité d'auxiliaire , tandis qu'il devoitl'y faire intervenir com- me arbitre. Vous verrez encore dans les Chapitres IX. &X. que le Cardinal ne blâme pas Char- les VI. d'avoir fait une Pragma- tique. La feue Eminence pré- .XXII PREFACE. tend feulement que ce Prince en pouvoit faire une plus avan- tageufe à laPrincefle fa fille. Il falloit prouver rimpoffibilité de celle que le Cardinal indique ; & bien loin de l'entreprendre , Monfieur, auffi verfé dans l'Hit toire d'Allemagne, que dans celle de France, vous auriez re- connu que le déplacement de la maifon de Bavière ti'étoit point une abfurdifé. Daignez voué fappellér que dan& la paix d'U- trecht le tuîcembourg & le Nai murquois étoient donnés à l'E- kfteur ; & que ,' dan» celte de Raftad, l'article du rétàblilfe- ment de ce Prince , portoit que Houïs XIV. ne s'opoferoit point à l'échange que fon Alteffe Elec- torale voudroit bien faire de fes Etats. Or apprenez nous de grâce avec quel autre païsque le Pâfe bas cet Echange pouvoit PREFACE, xxiii fè faire ; avec quelle autre PuiC. fkncQ que l'Empereur il pouvoit avoir lieu ; & de quelle au*e manière le Cardinal le dit polîî* ble. Vous demandez (i le projet relatif à la Corfe eftbien du feu Cardinal Aiberoni. Doutezivous que fon imagiaatiQn ait porté jurques fur le fort die cette isle? Ou bien jugés vous le projet indigne de fon génie?/ Pour le premier cas , je m'en tiens à ma réponfe générale ; & pour le fécond , je vous adreflè à ceux qui connoiflent à fond la. Gorfe & fes Peuples , le Prêtent dant & fes Irlandois ,• à ceux qui Içavent ce que c'eft qu*un ar-; m&nentQîi courfe , & combiem le butip à d'appas pour les gens de mer. Le Cardinal efl, à vôtre avis, Mr. de Voltaire, un Cenfeur bien impitoïable. Uà homme c. . i^t 4 ci^i xxir PREFACE. quis'intèrefle plus que vous à& mémoire , Monfignor A. M. a dit d'avantage dans fa lettre , que j*ai mife à la tête du livre. Il foupçonne fun Eminence d'a- voir fouvent plus donné à la fougue de fon imagination, qu'à la juftefîe de fon difcerne- ment. Or je me fuis mis dans le cas de ne pouvoir défavoiier cette lettre : Elle peut , mai- gré moi , être regardée comme de moi. N'y a-t'ii pas de l'inJuC^ tice après cela de joindre au doute fur l'auteur du fond du Teftament, le reproche de ce qu'il y a de défavorable , dans les idées & les raifonnemens qui compofent ce livre, à un General fameux, dont je fuis autant admirateur que qui que ce foit ? Offrir un innocent à fon indignation , eft ce bien le moïen d'arriver à l'honneur de Tes PREFACE. XXV fts bonnes grâces ? Si ce prani lictmme avoit befoin d*A pa ogie^ fçavez vous bien, Monlieur de Voltaire y qu'a moins que de vous tenir compte de vôtre bon- ne volonté , il feroit fondé à vous punir de l'avoir entreprife. Qii'avez vous oppofé aux rai- fonnemens du Cardinal ? Ëft-cQ par des démentis, & par des rail'eries que vous les renverfés? Le Cardinal a mis dans un plus grand jour que vous les forces imme? Tes, qui femb!< îient devoir accabler l'Héritière d'Autriche s 8z par la grandeur de ces forces, d'où vous conclues l'excellence du projet , il prétend démon- trer qu'il ne piuvo t fe foutenir dans l'exécution. Comni?nt lui prouvez vous qu'il démontre mal ? Il veut que l'Alliance de I74i.( nommée parerreu»* de l'Editeur Wnhn de Francfort ) XXVI PREFACE. ait été de nature à ne pouvoir fubfifter. Comment lui faites vous connoitre qu'il fe trompe? Vous avez ra«ifon de lui dire qu'il a mal marqué le nombre des Trouppes Françoifes deftinées pour l'Allemagne. Mais quel avantage fçavez vous tirer de fon erreur ? Vous qui offrez à lui apprendre tant de chofes , vous pouviez fi aifémeat bat- tre en ruine fa longue difîer- tation ! Etes vous excufabîe de ne l'avoir pas fait ? L'i- magination du Cardinal lui fai- fant fui vre une armée décent mille François dans fes opéra- tions , il prétend qu'elle auroit échoué comme une de cinquan- te. C'eft là le fort de la q,ue& tion. Cétoit là deffus qu'il fal- loit prendre la négative. Quant aux lumières fur le Siège de Prague , je fuis perfuadé que le Cardi- PREFACF. ^xxviï Cardinal en avoit befoin , & iqu'il en auroit reçu avec pWSv : Mais je ne penfe pas qu'il fe fût 11 bien trouvé, que vous le dites , de celles que vous étiez en état de lui donner. Gens qui voient les combats comme Sojîe n'en font guères de bonnes relations. Oferois-je vous dire, Mon- fieur de Voltaire , que vous êtes mal inllruît pour un grand HiC torien , & peu Logicien pour un Grand Philofoplie , quand vniis dites que jamais on n'a vu les Kutions prendre l'allarme fur le nombre des domeftiques, fur la magnificence , & la fomptuo- fité, d'un Plénipotentiaire. Dai- gnez premièrement nous ap- Jïrendre ce que les Puilfances îe propofent par la pompe de leurs Ambalfades, fi non de donner une haute idée de leur ^ ^'\' 6 cpi>^ xxvm PREFACE. opulence, fur laquelle fe prend l'opinion de leurs forces : & je vous dirai , avec tout le ret ped qui vous eft dû , qu'on vous apprendra dans toute l'Al- lemagne , que la connoifîance, qu'on y avoit de l'efprit œcono- me du Cardinal de Fleuri , ren- doit fufpede la magnificence d'une Ambaflàde , dont on croïoit qu'il faifoit prendre les frais dans les coffres de l'Etat. On vous y apprendra que Franc- fort fût en rumeur lur le foup- çon 5 qui s'accrédita , que les Domeftiques du Plénipotentiai- re F an çoisétoient des Officiers des meilleurs Régimens de Fifince. On vous y apprendra enfin que îa perfonne même du Pî'nipntentia're alfarma, que Ton génie & là capacité, que îa réputation qu'il avoit dès lors d'être également bon à la tête PREFACE xxix tête des affaires & des armées infpirérent de la défiance. Une chimère qu'une Bourgeoifie ti- mide fe met en tête , de faufîes idées fur le compte du Cardinal premier Minillre , Je mauvais tour d'efprit de quelques Ppécu- latifs , qui font le fujet de leurs craintes, de ce qui devoit être celui de leur eftime & de leur confiance, ne font point des raifons contre la conduite d'un Ambaflaidear. J'en conviens , & je me le fuis dit avant vous. Auifi ne vous rappellai-je tout cela que pour vous prouver que v Ainfî que je l'ai dit dans la Préface duTeft.Pol. le mot Tef. tament ne porte pas toujours à Veiprit l'idée des diJ^cfitions d*U21 ..ïxxxiv PREFACE. d'un mourant. Un Teîtarnent politique n*a pas plus de reiïem- b'ance avec un Teftament civil-, que lesCaraétères deThe> sphrafi te avec les Garadères des Elze». .virs ; & un Philofophe pouroifc auffi bien juger d'un livre fjir fon titre , que d'un Magiftrat fur le nom de là charge, p6MV=* qu'il fàifit la véritable figni*. fication de l'un & de l'autre^ Pb : même que' let nom , d'une charge de iViagiftratiire porte à l'efprit lîidée dés devoirs., dont Bobfervation Êiit le parfait M^ giftmt ; le titre d'un Imm^ doit àjiiner; l'idée des 'fu jets que HAuteur a* traités; dMsrfdnv ci» Q.u*onjuge ainfî; duTeM ment politique du Cardinal Al- beroni , fur fon titre , je ne le trouverai ni melféant , ni mi- nueieux pour le Philofophe. C'eft XXXV PREFACE. C'effc au contraire ce que je de- mande au public pour l*ouvrage que je lui préfente. Qu'il con- çoive bien ce que le mot Hijioire fignifie ; il connoitra les devoirs & les privilèges d'un Hiftorien; & il mefurera fon eftime pour le Livre & l'Auteur fur l'im- partialité du premier , & fur la difcretion du fécond. TABLE Pe; Chapitres de fWJl. Polit, du SiécU^ PREMIERE PARTIE- ^H Af . I. Idée de t Etat de l' Atlema^ne^ ^^ avant la Paix de Wejlphalie» Chap. il Pmx de Munjler , en i ^4t. entre la France^ P Eijnpereur. Chap. III. Paix d'Ofmémckj eii l6i^%. entre l^ Empire & la Suède. Chap.IV. Traité d'Alliance delà Franct avec t Angleterre en \66^* Chap. V. Capitulation de t Empereur Leopold en l^fg. Chap. VI. Traité desPyrénées en 1669. entre la France ^ PEjpagnt. Chap. VIL T^/uité d^Oliva^ en 1660. entre les PuijJaHces du KorJL Chap. VIII. Aâmt de Dunkerque par Louis XIV. Garantie de Tf- qui'tion en i662. Chap. IX. Paix de Breda, en 166 J. entre P Angleterre ^ la Hol- lande , avec leurs Alliés. Chap. K. Triple Alliance entre t" An- gleterre^ la Suède ^ ^ le Hollande f m 166^ Chap* XL Traité d^Aix ta Chapelle ^ m 1658. entrMla Frm<^ @f T A B L E. Çfikt. XII. Traité de Lisbonne , lentr^ f Efpagne ^ le Portugal , eit 1668. ChAP.XIII. Traité fecref de Louis XlV avec Charles IL Roi d'An- gleterre y en 1670. Gha^ . XIV. Faix de Nimègue , eh 1678. ^ 16-79. €hap. XV". Paix de B^fmck , eff 1697. Ghap. XVI. Paix de Carlomtz nvec le Turc j en 1699. Chap. XVII. Traités de Partage. -Tef^ tamens de Charles IL , en 1698. ^1700. Chap.XVIIL Paix d'Utrecht ^ de B^Jîad.yen 1713. ^1714. Chap. XIX. Exécution de la Paix d' CT. trecht. Traité de Barrière , en 171 f. Chap. XX. Idée du Corps Helvétique. Traité particulier d'Alliance des Cantons Catholiques avec la France y en 171^. 'ÔHAP. XXL & dernier de hi Prémiéf^e Partie. Mort de LouïsXlV. Portrait Hijlorique de jce Monarque. FIN de la Prémiéfe Partie. T AELE , . Dts Chapitres de la SECONDE PARTIE- /"^tîAF. I. Déplacement dans ia^a* lance canfé :par la Paix d" W ' trecbi. ' '"' ' Chap. il Triple & (Quadruple Allian^ ce j en 1717. & 1718. Chap.. IIL Négociations.^ Traités.^opir la Paix duNord depuiTlfôO. juf qu'en 1724. Chap. IV. Congrès de Cambrai. Traités de BJpperda. Triple Alliance de Hannovre , en Î72^ Chap. V. Congrès de SoiJJons, Traité de Sévi lie y en 1729. Chap. VL A&es ^ Traités relatifs à la Pragmatique San&ion de Charles VL juf qu'en 1732* Chap. VIL Paix de Vienne , en 1738. Chap. VIIL Traités de Pajfaromtz , en 171 8. & de Belgrade j m 1739. avec U Turc. CKAr^ TA B L E. Chap, IX. Paix d' Ah, en 174?. entre la Suède ^ la RuJJg. Ghap. X. Capitulation de P Empereur François I. en I74f. Chap. XI. Paixd'Aixla Chapelle, en 1748. €UAK XII. & dernier. Efat préfent de l'Europe. l F I N de la Seconde Partie.'^. HISTOIRE POLITIQUE DU S I E C L Eo Première Partie, Ufqu au règne de Louis XIIÏ en France , PEu- rope a ete fans llfteme gené'ral de Politique, Leg longues guerres entre les Valois & les Plantagenets n^inte- relièrent point les PuilTances Voillnes de la France & de l'Angleterre. Les divifîons de celle - ci 5 fous les règnes d'Henri VI, & d'Edouard ÎV. flif- pendirent Fanimofite des deux Nati- ons j & le règne pacifique de Henri VII parut y givoir mis fin. Les guerres d'Italie entre Louis XII 9 & Ferdinand le Catholique ^ ^rent naitre la rivalité des deux Cou- ronnes : les fuccès de Charles - Quint k portèrent à fon comble ^ & fixe-» rent fo les deux Puiflances l'attention générale. Mais le partage de la Suc- ceffion de l'Empereur entre fon Fils 6c fon Frère ^ fit revenir l'Europe de l'allarme , qu'elle avoit prife de fon ambition & de fon bonheur : tandis que la minorité & la foiblefle des fils de Henri II tinrent la France hor« d'état d'entreprendre au dehors. La Reine Elifabeth ^ tantôt en guerre ouverte avec Philipe 1 1 ^ tan- tôt entretenant par des puiffans fe- cours le foule vement des Païs-Bas 9 âffoiblit 9 epuifa l'Elpagne ^ & diffipa les vafteslprojets de fon Roi. Oa croit que Henri IV. s'etoit propofe TabaiC- fement de la Maifon d'Autriche. Quoi qu'il en foit -> la mort le iurprit fiir le point de Fexecution de fes projets; & la Reine fa Veirv^e fuivit tout un autre plan que le fîen pendant fa Ré- gence. Les Empereurs Ferdinand 1 9 Ma-* ximilien H ^ Rodolphe II ? & Mathias 7 qui ne trouvèrent pas Philipe II difr pofe a concourir a l'accroiflement de leur puifiànce ^ évitèrent de prendre part à fes querelles ; & contents d'af- fermir leur autorite dans FEmpire y ils fe bornèrent a afliirer la Cou- aronne Impériale a leur branche. Mak Pindiference de Philipe II fur les in- térêts de fa Maifon , en Allemagne ^ ne venant que de fon reflentiment particulier contre Ferdinand I ^ qui lui avoit refiife de relîgner l'Empire en fa faveur ; elle ne paffa point à Philipe m fon fils. Après fa mort ^ il s'établit une étroite correipondan- ce entre les Cours de Vienne & de Madrid J & Fintelligence ^ qui re^ gna entre les deux branches Autri-- chiennes t, encouragea Ferdinand II k tout ofer en Allemagne ^ pour fe met- tre au defïlis des Loix 5 qui bo^- noient fon autorité §• I. E'eft cette ambition des Empereurs ^ui a change la face de l'Europe ^ & donne la naiffance au fiftême politi- que 3 lùr lequel elle fe conduit de- A Z P-is 4 Histoire Politiq^ue fw un fîecle. Le Traite de Weft- phalie en étant la bafe ^ & les affaires d'Allemagne étant les principaux ob- jets du Traite , il eft k propos de jetter un coup d'œil (iir l'état de l'Empire 0 avant la guerre qu'il ter- mina. On ne fera pas fâche de con- noitre les matériaux anciens qui font entres dans la ^ompofîtion d'une Paix ^ qui a renouvelle & affermi la con- ititiition du Corps Germamani que meur-# très 5 & incendies 5 que violences de toute efpece. Les Gentilshommes 5 devenus autant de voleurs de grand chemin t> fe faifoient honneur de leurs bri^ndages. L'excellence du vol fut mjfe en maxime du DroiP Germanique. On traduit ainli les deux, vers Allemans qui la contenoient. Voler n'efi rien cle honteux j Les Voleurs font ce qu'il y a de meiU kur dans un FaïSé A 2 Quel- è Histoire Politique Quelqu-es Etats s'unirent par des Traites de confédération pour leur forete relpeftive. Ptufîeurs Nobles immédiats s'alïbcierent poiir la defen- five 5 & bâtirent des Fortereffes com- munes à leurs familles 5 qu'ails y reti- fuient avec leurs meilleurs ^^Qis. Le Clergé iîgnala fon zeie pour le re- tabliffement du bon ordre par la pu-^ fclication d^un recueil de Mandemens c[u'il intitula Treuga ( la paix du Sei- gneur ). Il y exhortoit les Brigands de toute condition 5 & de toute ef* pèce 9 a relpeéler le faint Jour du Dimanche 5 & à s'abftenir les Jours de Fête de voler les Marchands 5 de violer les femmes & les filles ^ & de piller les gens de la Campagne, Tel ^toit Fetat de P Allemagne 9 îorfque Maximilien parvint a FEmpi- ce. Tan 1493. Ce Prince^ n'eut pas plutôt reçu la Couronne , qu'il tra- vailla a la reformation du gouverne- ment. Aiant convoqué la Diète a Worms , pour Pannée fuivante 9 il s'y rendit avec tous les Electeurs 9 Princes ôc Etats ; il y propofa la con- ftitutioa générale 9 qu^il avoit digé- rée J & il la vit palTér d'une voix iinani- DU Siècle: L Fariie. 7 %manime. Les membres fentoient ^ comme le Chef d la neceffite de la fubordinatiecî. 5. ï I I Les principaux articles portoient? qiie l'Empereur feroit univerfellement reconnu dans fa qualité de Juge fo-*' prême. Qu'il feroit établi dans PEm- pire un Tribunal Souverain 5 dont PEmpereur choifîroit les membres 9 pour connoitre & décider de tous les difFerens entre les Princes & E- tats. Toutes les voies de fait 9 défis y reprefàilîes &c. etoient défendues : les parties lefees etoient obligeai à le pourvoir en Juftice régulière pouc leur fatisfâftion. ïl etoit pareillement défendu [fous peine pour les Prin- ces 9 & Etats immédiats , d'être mis au ban de l'Empire j &: fous peine de mort pour les feudataires médiats ]| d'apeller les étrangers dans l'Empire j foit contre le Chef 5 foit contre les membres 5 6c de les favorifer direc* tement ^ ou indireélement. . Cette Conftitution confirmée ^ au-^ gmentée 5 & éclaircie dans la Diete^ A 4. d'Aifô- g Histoire foLiriQVE d'Augsbourg en 1500. &; dans celle de Worms en 15ZI. a ete inférée dans les Capitulations des Empe- reurs. Tous les recès des Diètes 9 tous les articles des Capitulations Im- périales qui la confirment 5 foniient avec elle ce qu^on nomme La Paix profane 9 qui eft tenue pour Lai fondamentale de l'Empire, l IV. Les troubles excites dan» FEmpî« te par l'intolérance des Catholiques ^ & Fardeur àes Proteftans , ne purent €tre apaifes que par une féconde Con-» flitution qui portât généralement fur le gouvernement Ecclefîaftique. Le fameux Intérim de Charles - Quint 5 donne a la Diette d'Augsbourg en 1547. n'etoit qu'un Edit proviiîon.- Bel. La Convention de Paflau 5 qui le confirma en 15 3^. n'étant qu'un a6le particulier entre quelques Prin- ces -) ne pouvoit pafler pour Loi ge- aerale de l'Empire. Ce fut a la Diète d^Augsbourg en 15.55. qiie l'accord entre les deux Religions ^ rédige en dix ~ fept articles 9 devint Conûitu^ion geae- D u s I E G L E. I. Partie. 9 générale. On Papelia La paix de Religion J & joint a la paix profa-* .ne -) il fut 5 comme elle 5 Loi défi- nitive 5 & pénale 5 Loi parfaite, f. v: •«4k Les principaux articles de la pai^c- de Religion etoient : Que PEmpe-^- reur 5 les Princes & Etats immédiats de FEmpire 5 fe promettoient liberté entière de profelfer Fiine ou Vau- tre Religion ^ a Fexclnfion d'une troi- fieme quelle conque. Que les Benefi- ciers & Prélats Catholiques , qui; pafieroient a PEglife Proteflante ^ per- droient ^ ipfo faBo y leurs Bénéfices & Prelatures^ fans pourtant ê*tre fiê« tris , ou notes 5 par leur converfion.. Que les Princes & Etats de la Con-- fefflon d' Ausbourg 5 qui s'etoient em- pares des biens Ecclefiaftiques pen-^ dant les troubles , ne ieroient point: apetles' en Juftice pour ce fujet. Qiie- la Jurifdiélion du Pape fiir les Eg'i-^ fes devenues Protefiantes patïëroit aux Princes & Etats dans le territoire dei^» quels elles feroient ? & leur apar^- tiendroit comme portion de leur Ju^ *iiai6lion territoriale.. Â5 ' l^' f. VL . Sous les EiTspereurs Maximilien^ r Rodolphe IIo & Mathias r il ne fut point porte d'atteinte confiderablé à ces deux Conftitutions. Mais Ferdi- nand 11"% enhardi par fes premiers fixccès -i & par Tapui de FEipagne ^ fe propofa d^aneantir tout ce qui £iifbit obftacle au De^oriflîie des Empereurs. D'abord ^ il feignit de n'en vouloir aux Proteftans de Bo- hême 5 qu'entant qu'ils etoient des fii- jets révoltes 9 aux Calviniftes du Pa— latinat :> que comme a des Fauteurs de FEleéleur 5 qu'il avoit profcrit. Il parut ne combattre dans le Roi de Dannemarc 5 que l'Auxiliaire des Re- belles^ & ne dépouiller le Duc de Mecklenbourg de fes Etats ^ que par ce qu'il favorifoit l'entrée d'un E- tjanger dans l'Empire. Lors qu'il connût que la défaite du Roi de Dan- nemarc ^ & la profcription de l'Elec- teur Palatin avec fes Allies , avoient jette l'épouvante dans le Corps Ger- manique^ il publia un Edit^ par le- quel il étoit enjoint 5 fous peine a^ï^xe- eu-» D^ Si E CL F. J. Partie. ti ciition militaire ^ à tous les Princes & Etats Proteftans , de reftitiier les biens Eçcleiîaftiqiies ^ dont ils etoient poflèfleurs 5 depuis la Paix de Reli^ gion. Il pretendoit que l'article de cette Conltitution 9 relatif a ce point 9 ne portoit pas une cefîion expreffe' des Droits de l'Eglifej mais feule- ment une tolérance accordée à lai neceffite des tems : Tolérance 5 que le Traite lui-même declaroit revo- cable , dès - la même qu'il ftatuoit qu'aucun Bénéficier Catholique de- venu Proteftant ne pouroit conler- ver- fon Bénéfice 5 aucun Prélat 5 fa^ Prélature, UHiftoife du régne de Ferdinand' ï I -) depuis ce coup d'éclat 5 cft un tiflii de fautes & de difgi'aces. Fer-- dinand III*, fon fils , lui fuccéda en 16^37 i & ^^^ffi aveuglément ambi^ tieux que lui 5 il n'eut pas de meil- leurs fiiccès. On admire au moins' fon opiniâtreté 5 lors qu'on le confî- dere battu de toutes parts 9 &C fans eipoir d'être déformais apuié de l'E- fpagne , à qui le Cardinal de Richelieu donnoit de l'embarras chez eïÏQ 9 trai- ter encore les Princes de l'Empire A 6 ^m .en ftijets révoltes. Il paroiffoit. per=- fiiade qu'il etoit Empereur aux ter-» mes de Charlemagne , que la Sou- veraineté refidcit'indivifiblement .en la perfonne^ & que les Elefteurs n'etoient que des Gouverneurs de Province ^ qui avoient ufurpe' des Droits & des prérogatives -> qu'il de voit reclamer. Il vouloit faire de l'Empire une Monarchie arbitraire y & il fut trop heureux que le Corp5 Germanique lui pardonnant r& ^ ^^n Père ^ leurs attentats fur fa. liberté ^ îe confervât dans, la qualité de Chef de la. Republique. Aïant inutilement tente de faire ime paix particulière avec la Suéde •> il lui fallut recevoir les conditions ^ auxquelles on mit la fin d'une guer-» re î> qu'il lui etoit impolTible de con- tinuer. Il donna toutes les facilites r qu'on, exigea de lui 9 pour la* tenue des confei'*ences5.& fa répugnance a les. donner ne fervit qn'a mettre en un plus grand jour l'impuiiTance^ ou il etoit ^ d'en foutenir le refus. Les^ Plénipotentiaires Catholiques s'aflem- blerent à Munfter^ & les Proteftan9> a: pfnabrtick.. Après ^ trois, ans de ne5;o«- DU Siècle. LVartk. 13 Biegociations ^ il y eut deux Traites^ jSgnes le 24. Oélobre 1648. Fun à Munfler entre FEmpire & la France y Pautre a Ofnabruck ^ entre •FEmpe-- reur avec Tes adherans d^ine part - & la Suéde avec fes Allies de Fautreo. C H A P I T ErE IL Traité de Mitnfïer :, entre Œm- pre & la France , en 1 648.. ON reconnoit le puilTant génie du Cardinal de Richelieu dans ibn habileté a faiiîr precifement le tems le plus favorable ^ pour engager la France dans la querelle du Corps Germanique contre FEmpereur. Fer- dinand avoit fait enlever FEleéleur de Trêves dans fa Capitale ^ par Jes troupes Efi3agnoles i & il tenoit ce Prince prifonnier ^ en punition de ce que -> pour preTerver fon Eleftorat de Finvafion] de Suédois j il s'etoit luis avec fon Païs. fous la proteâion de la. France.. Le Cardir*^! de Ri- che- 14 Histoire PoLi»iPi(ixrr ehelieu reclama FElefteur ^ au nom du Roi fon Maître ; & fiir le refiis de remettre ce Prince en liberté ^ il dé- clara la- guerre aux deux branches de la Maifon d'Autriche. Le Roi de France entra donc en guerre en qua- lité de Prote6teur de la liberté du Corps Germanique ^ & de vengeur des Princes oprimes. Pendant le cours de la guerre j il foutint ce glorieux- titre 5 & il ne le démentit point à la paix. Ses Plénipotentiaires ^ lailTant aux Suédois les articles odieux 5 qui concernoient les diiFerens de Religi-- on , demandèrent le retablilTement des Princes & Etats de FEmpire dans leurs Droits & prérogatives J ils prirent en main la caufe du Corps Germanique ôc de fa liberté. §. I. Le Traite redrefla les principaux griefs de f Empire contre TEmpe- i^ur. Il déclara que la Souverainetp refîdoit dans le Corps Germanique qui par les Loix qu'il s'etoit impo- sées lui - même -) en avoit communi- qué par émau^ion quelques i^arcelles aux^ BIT STÊCtE. I.Tartîe. 15 atîx Emperers ^ & pouvoit 5 ou les au- gmenter 7 ou les diminuer par leurs; Capitulations , félon que lui paroi- troit demander l'intérêt de fa fiirete. La iliperiorite des Diètes fut établie comme principe fondamental. Les Electeurs rentrèrent dans tous leurs Droits & prérogatives ; ils farent re- connus membres de FEmpire *) coïm- perans avec l'Empereur ^ & ils trai-» terent av^ec lui fiir ce pie. Tous les Princes & Etats immédiats recouvre-^ rent le Droit de s'unir 5 même aux Etrangers 9 & de s'affoeier entreux pour leur lurete commune & particu- lière ^ pourvu que ce ne fut 9 ni con- tre TEmpire 9 ni contre FEmpereur r gouvernant ielon les Loix. Les Princes^ dépouilles de leurs .Etats 9 furent rétablis. Les uns ^ com- me le Landgrave de HefTe ^ obtin- rent le dédommagement des vexa- tions qu'ils, avoient effuiees- ^ & la recompenfe Aqs frais où la guerre les avoit engages. Les autres 5 de- grades & profcrits^ rentrèrent dans leurs biens & leurs Dignités. L'E- îeftorat fut conferve k la Maifon de Bavière, 5 avecle H^ut P^lâtinat^ que Fer-*-- i^ Histoire FoLiTKius Ferdinand' II lui avoit donne fur la confifcation de PEleileur Palatin ^ Roi eiû de Bohême. Mais les fils de ce malheureux Prince rentrèrent dans tout le bas Palatinat j & on créa pour eux un huitième Eleftorat J avec un Archi-offiee ^ fous condition que ^ fî la Maifcn de Bavière venoit a s'éteindre J fes Etats &: fa Dignité' Eleâoraîe avec fon Archi-offiee leur' reviendroient. On rendit réciproque cette condition en faveur de la Mai- fon de Bavière , au cas que les mfiles vinflent à manquer dans la Palatine J- & Fextinftion du huitième Eleâo— rat devoit fuivre Tune ou Tautre reunion. L'abus^ que Ferdinand avoit fait du pouvoir de mettre les Princes au ban de l'Empire^ fit dilputer vive-» ment fiir la médire d'autorité qu'on laifferoit aux Empereurs à cet égard. Les Allies mêmes de la Maifon d'Au- triche t> qui regardoient la Dignité Impériale comme héréditaire a ks Princes , vouloient qu'il fiit ftatue que déformais l'Empereur ne pût pro- noncer ce terrible Arrêt ^j que du ci^alèatemeat du Cprps Germ-anique I aifenir. BV Siècle. L Partie. 17 aflèmble en Diète. Mais la Suéde voyant Fercîinand refolu de tout riA qiier plutôt que de pafTer cet arti- cle : comme elle avoit befoin de lui pour fe faire affurer les acquifitions 9 qu'elle fe promettoit j elle fe con- tenta qu'ail fïit ftatue que déformais aucun Prince ne pouroit être mis au ban de l'Empire 5 que conformé- ment aux Loix & aux Conftitutions publiques.. La France 5 dont il n'e- toit pas de ^intérêt que la paix entre FEmpereur &. TEmpir.e fût inaltéra- ble 5 n'inlifta pas d'avantage fur une claufe 5 qui 5 il. elle eut pafie 5 cou- poit pie à toute difcuffion entre le Chef & les membres. §. IL La France aiant obtenu toute la fetisfaftion qu'il lui convenoit de pro- curer à c-eux dont elle s'etoit décla- rée la Proteélrice r, demanda la recom- penfe' de fa proteftion. Sqs deman-^ des furent exorbitantes : mais elle- avoit eu de grands fiiccès , & les tems lui etoient favorables. Sa puiflance ne. donncit point d'ombrage. Chaque Prince ï8 Histoire PoLiTiQifE Prince & Etat de TEmpire croïoit m© pouvoir rendre trop puiffant , & a- voir trop près de foi 5 le Proteâeur de la liberté commune 5 le garant dn Traite qui Favoit affermie. Decide^e pour la continuation de k guerre avec FElpagne^la France de- manda & obtint que le Cercle de Bourgogne (qui comprenôk les Païs-» bas & la Franche Comtes & que TEmpereur Maximilien I avoit mis au nombre des Cercles de FEmpire ^ fans que jamais fes Succeffeurs enflent tire de lui aucun Contingenta ni exerce liir lui aucune jurifdiftion ) fut exclus du Traite de paix. Elle fe fit aban- donner à fa difcretion la Loraine^ qu'elle detenoit au Duc Charles IV. Elle fe fit confirmer la Souveraineté pleine & entière des trois Evêches^ &• la propriété de Pignerol Elle fe fit céder à perpétuité la haute & bafle Alface ^ le Suntgau & Brifach 5 avec la Prote£î:ion de Philipsbourg 9 où elle mit garnifon. Elle fit confirmer le Traite de Chierafque de 163I1 & Ipecialement rinveftiture qu'il don- noit des Etats de Mantolie au Prince qu'elle y avoit preTente. Enfin elle fe DU Siècle. l.Partie. 15 le fit recevoir pour garant de la paix ci^Ofnabniek^ après s'être fait garan- tir par l'Empire 5 que FEmpereur ne donneroit aucun fecours- à FEfpagne 9 avec qui elle reftoit en guerre. CHAPITRE ÏIL l'raité d'Ofnahriick y entre FEm- pereur & la Suéde avec leurs Alliés refpeciifs. GUsTATE Adolphe^ attire en Allemagne par les Négo- ciations du Cardinal de Richelieu en *ï62,4 ' ^voit pris pour prétexte de fon invafîon le maintien de la paix de Religion de 1555. Il etok de l'honneur de la Suéde de ne point perdre de vue un motif auffi capa^ ble de r"*a{ïiTi*er les Princes Prote- ftans fur fes grands foccès. Le moye® de fe faire paflèr les acquittions qu'elle demandoit que le Traite lui afliirat dans l'Empire ^ etoit de les faire coniiderer comme neceffaires à equi- 20 Histoire Politkpe Feqiiilibre des deux partis. Le Chan-* relier Oxenftiern ^ a.iiffi grand hom- me d'Etat que les Cardinaux de Richelieu & Mazarin ^ fit agir le Con- feil de Suéde fur ce principe 5 lors qu'il en falut venir à la paix. Tan- dis que les Plénipotentiaires François ne parloient que des Droits & des prérogatives des Princes oc Etats J les Ambafladeurs de Suéde parurent uniquement attentifs a la liberté du Corps Germanique 5 quant a la Re* ligion. Après avoir ftipule ^ de con-» cert avec la France ^ le retabliflement des Princes dépouilles & profcrits^ la Suéde fit fon affaire des Conditions que les Proteftans exigeoient de l'Em- pereur 5 & celles qu'elle leur obtint ^ elle les leur afliira fi bien ^ qu'ils s'y" font maintenus ^ lors même qu'elle n'a plus ete en état de leur en tenir la garantie.. §. I. L'ufin^pation des Bénéfices ^ qui avoit ete le principal fiijet de la guer-» re f fut légitimée fur le pie où elle etoit l'an 162.4? ^^ ^^^^^ ^F^ ^^ V^^ les EU Siècle. LTartie. 2,1 les Princes en poffedoient 5 en cette année , leur dut demeurer comme un Domaine propre & inconteftable. L'Empereur n'aïant pas voulu fe re-^ lâcher for la Claufe de la paix^de Re- ' ligion, par laquelle un Bénéficier ou Prélat Catholique 9 devenant Pro te- nant -) perdoit fon Bénéfice & etoit dechû de fa Prelature : le Traite fit la condition des deux Religions égale à cet égard. On a un exemple de Pobferva- tion de cet article dans la ceffion que le Prince de Saxe Zeitz fit de ^ts E- tats 5 lorfqu'il paffa k la Communion Romaine. L'Eleéleur de Saxe ^ en qualité de Seigneur dire6l ^ entra en poiTeffion du Duché de Zeitz. De- venu Catholique lui-même comme le Prince fon Parent 9 il a conferv^e Zeitz 9 aux mêmes titres qui lui confervent toutes les Prc^iatures Protefiantes de fes Etats ^ nouobftant fa Catholicité ; c'eft - a-dire ^ en vertu de Tarticle VU du Traite -d'Ofnabruck , qui déclare que les Princes immédiats , Seigneurs direéls 9 qui dans la fuite pafferoient à une autre Communion ^ demeure- roient poireiTeurs des Etats :? païs & ■ Droits :2,z Histoire Folitiq^b Droits acquis , ou î*ecouvres par flic- ceffion ou par le traite ^ fans que leur converfîon particulière leur pr^judi- ciat en façon quelleconque. Il fut ac- corda k ceux qui pafleroient d'une Eglife à l'autre 5 de pouvoir tenir pour eux Se pour leur Cour ^ près de leur perfonne 9 des Prédicateurs & Miniftres de leur Communion ^ a condition qu'ils n'aporteroient aucun empêchement a l'exercice de la Reli-- gion, dominante lors du Traite^ & qu'ils ne contraindroient en aucune forte ceux de leurs fujets qui la pro- fefleroient. Cet article exaftement obferve avec toutes fes reftriftions en Saxe ^ & dans les E^ats de Han- novre & de Wirtemberg 5 a occa- fîonne de grands démêlés 5 au com- mencement de ce Siècle ^ entre l'Ele- êleur Palatin Catholique 1 & fes fujets Reformés. Le Traité pounait à ce que les Princes 5 2i qui il aiïuroit le Droit de régler le Culte extérieur ( ce que les AUemans apellent Jm reformandt ) ne pufTent perfecuter ceux de leurs Sujets qui embraflèroient une autre CooamuaÎQa II fetuâ ^ue les nou- veaux DU s I E C L E. 7. Tartie, 25 ■veaux convertis auroient ati moins trois ans pour fe difpofer a l'émigra- tion 5 foit qu'ils la demandaffent 5 foit qu'elle leur fiit ordonnée 5 avec liber- té entière de vendre , ou de retenir leurs biens ^ pour les faire adminiftrer à leur volonté^ comme d'emmener avec eux leur famille dans le pais qu'ils auroient choifî pour leur re- traite. En vertu de cet article 9 l'Ar- chevêque de Saltzbourg a ete en danger de voir deferter fon Païs, La Chambre Impériale 5 compofee jufqu'alors de membres Catholiques 9 du choix de l'Empereur 5 dut être déformais mipartie ; & les membres fiirent laifles a la nomination des Cer- cles , qui durent les preTenter à l'Em- pereur 9 pour en être agrées. Les Re- formes Calviniftes 5 qui jufqu'alors ^voient demande inutilement d'être compris nommément dans la paix de Religion de 1555. Fobtinrent par l'ar- ticle VIL Les Princes & Etats d^ leur Communion furent affocies a tous les Droits & prérogatives de ceux de U ConfefTion d'Augstreurg. La liberté des trois Religions fut ftipulee fans aucune autre referve t que les condi- tions 24 Histoire Politique lions que le Traite lui - même y met- toit 9 pour leur tranquilitë commu- m ôc refjpeélive. 5- II. Les Conditions que la Suéde fti- pula pour fon particulier , ne furent pas plus modérées que celles de la France. Elle voulut que FEmpire j deible par trente ans de guerre intes- tine , lui païat pour le licenciement de ks troupes ^ a trois termes en deux ans 9 • Cinq millions de Richsdalers. • UEmpereur n^obtint qu'a grand' pei- ne que les Cercles d'Autriche ^ de Bavière , & de .Bourgogne ^ fuflent exemts d'y contribuer. La Suéde fe fit céder a perpétui- té 9 avec tous les Droits & préro- gatives de Fiefs immédiats de FEm- pire 7 PAreheyêche de Bremen -> & FEvêche deVerden en Wellphalie ; la Haute Pomeranie -, dont elle donnoit un équivalent a FElefteur de Bran- debourgs a qui elle apartenoitj fous condition que la ligne mafculine de Brandebourg venant a manquer ^ la baffe Pom,erâaie feroit 5 comme la Haute DU Siècle. I. Partie. z$ Haute 5 unie à pèrpetiiiîe à la Cou- ronne de Suéde. Eiîe fe fit pareil- lement céder la Ville & le Port V^'if- mar apartenant au Meckienbourg > Plsle & la Principauté de Rugen 5 les Embouchures des trois Rivières 5 celle de l'Oder 5 avec Plsle de Wo- lin & le bras de Mer apelle FrifchafF. La Maifon de Brandebourg eut pour fa recompenfe FArchevêche de Magdebourg, & FEvêche d'Halber- flad -> le Comte de Hohenftein ^ TE-* vêche de Minden , & celui de Ga- min 5 avec permiffion d'éteindre tous les Canonicats du clernier 5 & de lii- primer un quart de ceux de Mag- debourg. Le Duc de Meckienbourg eut j pour compenfation de W ifmar ^ les Evêches de Schwerin & de Ratze- bourg 5 avec deux Commanderies de l'Ordre de Malthe en propriété. La Maifon de Brunswick fut re- compenfee de la deraifïion des Co- adjutoreries de Magdebourg ^ Hai- berftad t) Bremen ? & Ratzebourg -5 par l'alternative héréditaire de l'Evê- che d'Ofnabruck. Ainfî que la Fran- ce 5 la Suéde fit acheter k l'Empire la B Pro- z6 Histoire Politiq,ui Prote£lion qu'elle lui avoit offerte ^ & qu'il lui eut ete prefque auffi fli- uelle qu'à lui de ne pas lui donner. CHAPITRE IT. T^raîté d'Alliance de la France avec l'Angleterre -, en 16$$. DEpuis la paix de Weftphalie jut qu'au règne de Charles XII ^ là Suéde n^- figura plus que dans le Nord. La France ^ au contraire ^ fem- bla ne regarder les avantages qu'elle y avoit obtenu?? •) que comme un ache- minement a de plus grands. Elle s'e- toit relerve a Munfter de continuer la Guerre contre FElpagne , qui n'e- toit plus que le fquelete tronque de la puiflante Monarchie laiflee par Char- les-Quint j & comme fî la guerre avec elle eut 4^é une guerre entre Puiffances égales ? les Plénipotentiai- res François , a Munfter î lui avoient coupe 9 par un article exprès du Traité 5 les fecoiui de l'Empire & MU S 1 E c L r. L fartk. . V7 Àt ^Empereur. On pouvoit predir^ flirement 9 qu'à moins de Te faire de nouveaux Allies^ elle avanceroit dans fa décadence auffi longtems qu'elle difFe- reroit de faire la paix. Elle sV'toit en- fin délivrée^ quoi que peu glorieu- fement ^ de la guerre difpendieufe 4es Pays - bas ^ en reconnoiflknt k^ Sept Provinces Unies pour un Etat libre & Souverain. Son Traite avec elles avoit précède d'un an celui de Weftphalie. Mais les Hollandois fati- gues de la guerre ^ 5c pleins encore de leur haine contre la puiflance Ti- rannique ^ a laquelle ils s'etoient de- robes 5 ne penfoient a rien moins qu'k devenir fes defenfeurs. Cependant la révolte de la Catalogne <> & la Ré- volution du Portugal -) faifoient une facheufe diverfîon a fes forces. Les Puiflances d^Italie ^ ou Neutres , oiî déclarées contre elle , & foutenuès par les François ^ lui faifoient con- liimer a la deTenfe des deux Sicile^ & du Milanèz les fecours qu'elle avoît accoutiime d'*en tirer pour celle de fes autres Etats. Il n'y avoit que du cote de l'Angleterre qia'elle put efpe- rer de l'apui. Son Ambaffadeur^ à Lon^ B 2. dres , iB Histoire Politique cires 5 eut ordre de propofer a Crom- x^v^el un Traite d'Ailiance -> aux Con- ditions 5 qu'il lui plairoit de ftipuier pour la grandeur de fa famiiie & FaccroifTement de celle de la Royale Republique. II offrit au Protefteur de remettre Dunkerque aux Anglois auffi-tôt après la iîgnature du Traite : Et le Roi d'Elpagne s'engageoit en outre a agir de concert avec toutes fes forces dans les Païs-bas , pour faire revenir a FAngleterre Calais Ion an- cienne poifeilion. §. I. Le Cardinal Mazarin demandoit que l'Alliance de la France fut pré- férée 5 & quoi qu'il n'offrit que des eiperances tout a fait dépendantes du fort des armes ^ il fut écoute. -Crom- wel donna hautement la préférence a la France J & il s'engagea d'entrete- nir tant que la guerre dureroit , dans celle des armées Françoifes qui a- giroit en Flandres ^ un Corps de ûx mille hommes d'Infanterie Angloifè 5 a condition que le Siège de Dun- kerque an étant la preiraere opéra- tion DU Siècle. L Partie. 29 tion^oii lui remettroit la Ville auffi- tôt après fa prife. Le Traite fut re-« nouvelle & confirme en .1657. ôc FArmée Françoife agit en confequence^ §. I I La plupart des Politiques Angloi,^ ont blâme le Prote£leur du parti qu'il prit La Puiflance de la France^ difent - ils ^ menaçoit déjà TEurope ^ Foccafion etoit belle de la contenir €lans de juftes bornes ^ & Cromwel auroit trouve plus de gloire & d'a^ vantage pour Angleterre ^ fî ^ foutenant TElpagne fur le penchant de fa ruine f il i'avoit remife en équilibre avec fi rivale. Pour condamner un Politique auffi heureux •> il faut autant de pent^ tration que d'impartialit^e J & Tune ou l'autre paroit avoir manque k fes Cenfeurs. Le Cardinal Alberoni ^ qui pefè avec toute Texaftituda imaginable les motifs du Protecteur 3 hii fait honneur de fon choix. Il le regarde comme le Chef-d'œuvre de la bonne Politique. Une pareille au-« torite qui fe produit avec tout l'a-» p;îreil des raifonnemens^ & de l'Exf B 3 perienee^ ^ô Histoires Politiques, perience eft d\in grand Poids ; ôc la Sa* gacite qui paroit dans l'avis de cette Eminence.5 en fait un morceau curieux d'Hiftoire Politique , qu'on me faurii gre d'avoir donne» Voici comme on fait parier ce fameux Miniftre dans fon Teftament Politique Chap. XIII. 5. G'eft au Traite de Weftphalie qu'il 5>5 faut marquer PEpoque de l'Etabliffe- ^y ment dq l'équilibre de PEurope.Tous 59 les Traites qui lui font pofterieurs f> 55 toutes les guerres qui fè font faites de- 5, puis^n'ont eu pour objet que de trou^ 5!) bler 5 ou de maintenir l'ordre qu'iU 5^ fixe. Dès qu'on faiflt le! point de vlic 55 de l'ulurpateur Cromwel , on ne ^5 voit rien dans fa conduite qui ne ^5 reponde à cette idée. 5^ Le Cardinal de Riclielieu qui fe ^,flataque fes Succeflèurs lùivroient 5, conftamment les routes qu'il leur ^^fraïoit, avoit mis l'Angleterre hors 55 de la Balance. Les divalîons 5 que 55 d'habiles Minières y pouvoient 55 entretenir 5 lui {èmbloient un sur 55 garant 5 que jamais les Rois de ,5 France n'aureient à difcuter avec 55 elle les affaires Etrangeifes. Il pre- 55 para tout en confôquence pour que l'Equi- D F Siècle. I Vartk. § i ^ PÊquilibre iine fois établi 5 le foin ^? de le maintenir tombât au Corps ^5 Germanique. Cromvel fe propofa 9j) de lui oter la Balance ^ pour la fan 55 re pafler a fa Nation J & ce but ^5 Rit Famé de fa négociation avec FEf- 5? pagne & la France. Ce fut pour y 5^ arriver plus liirement qu'il feignit 55 de ne pas comprendre celui de là 55 paix de Miinfter. Sans fecours du -5!) côte de l'Empereur & de l'Empire ^^ ^5 l'Efpagne lutoit avec defavantage ">-) contre la France. Se joindre a elle?^ 55 en acceptant Dunkerque^) dont elle 5? faifoit la recompenfe du fecours 55 qu'elle demandoitj c"'etoit engagei* 55 PAngieterre dans une guerre ex- 55 trcmement longue : puifqu'elle fe- 55 roit entre Puiflances égales ; .c''e- . 55 toit ne lui procurer pour les gran-* 5) des depenfes qu'il lui faudroit faire y 5^ qu'une paix telle que l'Empire la 55 lui diéleroit. C'etoit ^ outre cc-^ 55 la ^ la mettre dans la neceffite d'en- 55 trer dans tous les diffei'ens des deux 55 Maifons ^ & de fe tenir toujours 55 du CÔÎ? ^^ 1^ P^^^^ foiblç. En prë- î^ferant l'Alliance de la tTance^ ca, 59 recevant Dunkerque conquis par B 4 les 32, Histoire Politi(5ijh 9) les armes combinées ^ c'etoit deor 55 der la iiiperiorite de la Maifon de t>5 Bourbon 5 liir celle d^ Autriche) & 55 lui faii'e terminer promptement cette 55 guerre par une augmentation Se 55 puilTance 5 qui ebranloit l'équilibre. 55 Dans la guerre foivante 5 il faudroit 55 que le Corps Germanique fè ren-^ 55 dit aux fcUicitations de fon Chef : 55 autrement la balance etoit renver-^ 55 fee j & il en fouffroit le premier, 55 La guerre feroit donc entre Puif- 55 Tances égales quand FEmpire & la 55 Maifon d'Autriche feroient unis con- 55 tre la France. 55 Cependant l'Angleterre 5 un pie 55 en Flandres 5 ménageroit auprès de 55 l'un & de Fautre parti les condi- 55 tions de fa neutralité 5 ou de fà de* 55CÎaration5 & feroit toujours a tems 55 de faire acheter fa Médiation au 55 prix qu'elle y voudroit mettre. UE- 55 fpagne etoit trop foible 5 \ la France 55 n'avoit point de raifoi) 5 pouf k trou- 55 bler dans la pofleffion de Dimker- 55 que. Les HoUandcis île pouvoient 55 que fe tenir en garde contre un 55 Voifin dangereux. Si le génie Po- 53 litique de Gromwel avoit anime 55 Char- DU SiEGLEi I. Partie. 33 55 Charles Second J la petite guerre 9 9, que le Traite d'Aix la Chapelle 5, étouffa 5 auroit donné a l'Angleter-» 55 re 5 ou par la ceffion de TEipagne 9 55 ou par Raccord de partage avec la 9, France ^ la plus inaportante moitio 55 du Païs-bas Autrichien. CHAPITRE V. Captuhtîon de VEmpereur Leojjold y en idyS. L'Empereur Ferdinand III. fe coi^» duilit ^ après la paix de Weft- phalie ^ comme ont accoutumé de fe conduire les Puiflances qu\ine guerre malheureufe a forcées de foufcrire à des conditions qu'elles defavouent intérieurement. Il n'omit rien pour relever fa Maifon des coups qui lui avoient été portés. Il avoit reuffi 9 en 1653. à faire élire Roi des Ro- mains Ferdinand IV 9 fon fils aîné. Le jeune Prince étant mort J & la jeujieiTe de Leopold fon freje empê- B 5 chant 34 HisToius Politique chant les Elefteiirs de fe défier de {es prétentions a FEmpire 5 l'Empe- reur avoit fait négocier fon mariage avec l'Infante d'Efpagne ^ alors heri- ritiere prefomptive de la Couronne, Pour déterminer le Roi & la Na- tion a cette Alliance 5 il avoit élude l'article du Traite de Weilphalie 9 en envoyant de fes troupes en Flandres 6c en Italie ^ dans les Armées d'E^P- pagne, non pas -j difoit-ii contre le Roi de France ^ mais contre les An- flois & le Duc de Modene ^ qui etoient fes Alliés. Il avoit fait re- connoitre Leopold Roi de Hongrie & de Bohême J il lui avoit aflure le^ Pats héréditaires. Enfin il avoit fait tout ce qui lui etoit pofTible pour ren^ dre à fa Maifon fon ancien lullre -, & préparer à fon Fils ^ un règne fèm- blable a celui de Charles-Quint. Lsi mort le fiirprit avant qu'ail eut re- cueilli le fruit de ces dilpoiîtions. Le Roi de Hongrie & de Bohême s'etant preTente pour fon Succeflèur à l'Empire 5 maigre fon deTaut d'*â- ge : la France envoya fes AmbafTa- deurs à Francfort ^ avec ordre de tray^rfer fon Eie6tion* On prétend que DIS g I tE C L s. 7. Partie. 35 que leurs inftmftions portoient de difpofer les Ele6leiirs à lui préférer Louis XIV. Quoi qu'il en foit ^ k minorité de Leopold cefla d'être un obftacle à fon Eleâion ^ auffî-tôt qu'il fot ne un Fils au Roi d'Efpagne, UElefteur de Bavière & l'Archiduc Guillaume aiant perfifte dans le refus de la Couronne Impériale ^ qui leur fut offerte 5 tous les fuffrages fe reû-« nirent fiir le fèul Candidat qui reftoit» Les AmbaflTadeurs de France ne pou- vant empêcher qu'il ne fîit eiû ^^fe bornèrent a lui faire faire une Capi-*^ tulation , qui 5 en refferrant l'autorité Impériale dans des bornes encore plus étroites que le Traite de Weftphalie ne les lui avoit marquées ^ augmen^ tfit l'infaience du Roi leur Maitre fiir les affaires de l'Empire. Les Capitulations Impériales îlyat des engagemens que le Roi des Ro- mains contra£î:e avec le Corps Ger- manique 5 avant que d'être couronné Empereur. Ce fout certains articles 5 dont il fe fait une Loi 5 qu'il jure {b-- B 6 lemnnel-^ Z6 Histoire Politiqi^b lemnellement d'obferver. AiiiTi - tôt que le Roi des Romains eil elû *> on procède à la Capitulation ; & fi ce Prince ne l'accepte pas TEleftion eil: mille. Après fon ferment ^ il elt tel- lement lie par ces conditions ^ que 9 inême en cas de neceffite ^ il ne peut s^en écarter fans Paveu du Corps Ger- manique ^ ou du moins, fans celui des Elefteur^, Tel ef> le Droit. Mais les Epereurs Leopold , Jofe'ph & Charles VI ^ afTJs accrédites dans l'Em- pire pour ofer y ha^rarder les Coups du Depotifme le plus entier t> n'ont guère regarde leur Capitulation que comme une formalité ; & ils l'ont fait impunément. Comme fouvent le Roi des Romains elû ne jure la Ca- pitulation que par fes Am.bafladeurs à la Diète 5 les Elefteurs 5 en le pro- clamant Roi des Romains, exigent de lui des Lettres ReverfaleS'y c'eft- i-dire , une déclaration folemnelie qu'il ne prétend exercer les fondions Impériales , qu'*après qu'il aura fait mi perfbnne le ferment requis. $. IX ùv Siècle. I. Fart. 37 f. II La Capitulation de Charles-Quînt eft la première ^ qu'on puiffe prou- ver. Elle fut dreflee fiir l'avis de Frédéric le Sage ^ Elefleur de Saxe ^ qui aiant refiife la Couronne Impe-- periale ? qui lui etoit déférée d'une voix unanime ^ 6c la demandant pour Charles - Quint 5 propofa aux Elec- teurs ^ que la puiffance de ce Prince allarmoit , de lui marquer les Con- ditions auxquelles le Corps Germa* nique le recevroit pour fon Chef L'Abus que cet Empereur fit de fe puiffance ^ pour éluder ou enfreindre là Capitulation ^ fit charger celle de fes fiicceffeurs. Ferdinond II t, & III ^ avoient franchi les bornes que la leur Hiettoit a leur autorite : ce fut 5 pour les Ambafladeurs de France ^ une puif- faute raifon à donner aux Ele63:eurs 9 pour les engager à fe precautionner^j par de nouveaux articles ^ contre l'am:- bition de Leopold* §. II L Jufqu'a i'Eleâlioa de Mathias , les Pria- Princes & Etats de TEmpire n'avoient point difpute aux Eleâeurs le droit de dreffer feuls la Capitulation. Ah lors ^ ils le leur contefterent. La Ca-^ pitiilation^ difoient-ils ^ faifant une Loi , & lapuiffance Législative refîdant uniquement dans le Corps Germani- que affemble^ les Eleveurs ^ qui n'en font que les membres 5 n'avoiait pas Fautorit^ neceffaire. Les Eleéleurs repondirent que la Capitulation n'eft Loi que pour l'Empereur j & que ceux a qui feuls il apartient de PE- lire î avoient feuls le droit de lui mar- quer les conditions de fon Eleftion, Le différent fut porte devant PAf- femblee de "Weftphalie ^ qui en ren- voya le Jugement à la Dicte, Celle de 1652*. prononça que les Elefteursr avoient privativement le Droit de dreflfer la Capitulation? Mais elle leur enjoignit de recevoir -, a fon fiijet 5 les avis des Princes & Etats , 6c d'y avoir égard. A FÈleâiion de Ferdinand IV , en 1655, les Ele£l:eurs parurent né- gliger les avis -) qui n'intereifoient point le Corps Ele£loral 5 & les plaintes des Princes recommencèrent. La difpute fembla DU Siècle. /. l^art. Z9 fenibla terminée en 1.66$ 5 lors que les Eleâeurs agréèrent le pian de Capitulation perpétuelle ^ qui leur fiit preTente par les Princes & Etats, Mais ils prétendirent fe reierver le droit d'y ajouter a chaque Ekftion ce qu'ils juger oient a propos J & les Princes refuferent abfolument d'y ac- quiefcen Prefentement ^ ce droit que les AUemans apellent Jm Adcapi-- tttlftndi ^ eft reconnu -) mais feulement quant aux articles qui n'intereffent pas tout le Corps Germanique. Il eft fort vrai - fembiable que la Capitulation de François I a mis fin à tous ces débats. Gomme elle ne lailTe à l'Empereur que les Droits & l'autorité 9 dont fa qualité de Chef 4e l'Empire ne peut fouffrir la dimi- nution 5 elle fera la Capitulation de fes Succefleurs. 5. I Y. L E 0 ? 0 L D refufa ^ pendant plus d'un an-> la Capitulation que les E- lefteurs lui prefentoient. On y fti- puioit l'cbfervation du Traite de Weftphaiie en gàaeraU & en parti- culier 40 Histoire Politique culier la Neutralité de l'Empereur dans la guen*e des deux Couronnes. Leopold ne gouvoit digérer ce der- nier article^ Voyant néanmoins qu^il ne reûffiroit pas à le faire changer » il craignit que kn opiniâtreté a le re- jptter ne dégoûtât les Elefteurs ; & il fit enfin le Serment ^ auquel etoit attachée la confirmation de fon Elec- tion. , De leur cote , les Elefteurs a- prehendant de ne pas trouver un Prince qui acceptât la Couronne Im- périale a la condition qu'ils vouloient inférer dans la Capitulation ( favoir qu'en Cas de contravention les Em- pereurs feroient déchus ^ ipfo fcKÎo j de leur Dignité ^ & les Elefteurs en droit de procéder a une autre Elec- tion ) ils corifentirent que cette Clau- fe ne fut point exprimée. Leopold eut le chagrin de voir la France s'of- frir pour garant de fa Capitulation ^ avec l'aplaudiflement 6c la confiance du Corps Germanique. C H A- DU Siècle. I. Partie. 41 CHAPITRE VI "Traité des Pyrénées , en 1 660 ^ entre la France & fEf^agne. DEpuis l'Alliance de la France avec r Angleterre ^ TEIpagnc faifoit la guerre par neceffite. La France refufoit de lui marquer a quelles con- ditions elle entendroit à la paix ', ou quand elle lui laiflbit entrevoir qu'elle n'y avQit point d'eloignement , elle mettoit pour première condition le mariage de fon Roi avec Flnfaifte. Le Miniftere des deux Cours voyoit e- galement que ce Mariage feroit, tôt ou tard ^ un titre & un Droit a la Couronne d'Elpagne. Tous deujc re- gardoient les renonciations comme de^ formalités-) qu'on cefleroit de refpeftcr 9 auflî-tôt qu'il s'*agiroit leur affigner leur prix. La foible faute du jeune Prince ^ Héritier preTomptif ^ faifoit regarder ce tems comme peu éloigné ; & ^ d^ns l'épuifenieat où etoit la Monarchie 5 la 4Z Histoire Poditiqûe la Nation n^ vouloit point fe foit« mettre a une difcution^ quelle ne pourroit foiitenir que par des raifons. C'eût ete aux autres Puiflances de , ^urope à prévenir des prétentions qui ne les intereflbient gueres moins ^ue TElpagne elle-même. Mais elles etoient fî fatiguées de la guerre ^ û accoutumées a fouhaiter l'abaiffement de la Maifon d'Autriche ^ fi peu eiï défiance de raccroiffement de la Fran- ce^ qu'elles croioient gagner beaucoup? en lailTant aux affaires des deux Cou- ronnes le cours qu'elles avoient pris, Cromwel avoit des v^ûës particu- lières poiu' la Grandeur de l'Angle- terre r& FEfpagnerqui ne -les pene« troit point ^ croyoit qu'il fermoit 1^ yeux aux Intérêts de la nouvelle Ré- publique 5 ou qu^il ne voyoit pas at fes loin dans l'avenir^ pour s'aperce- voir qu'il s'etoit fait illufion lur eux. L'Efpagne 5 pendant les dernières an- nées de la guerre ^ fembla un Mala- de à qui les Médecins ont intime la neceffite de mourir. Refîgne.e ap coup fatal 9 mais certaine qu^iî nepou^ voit rien lui arriver de pis 5 elle en praioj^geoit le momeiît. Depuis E Û s I E C L E. /. Partie. 43 Depuis la Bat^iiie des Dunes 5 & îa prife de Dunkerque par le Vi- comte de Turene^ la guerre ne fe foutenoit plus en Flandre que par la réputation du Prince de Conde. La bataille de Villa - Viciofa avoit fait Tuider le Portugal aux troupes Efpa- f noies. Le Gouverneur du Milanè^ defelpèroit de défendre plus long- tems fon gouvernement. Les deux Siciles ne demeuroient unies à la Mo- Barchie -) que par ce que la France negligeoit de les en détacher. Enfila Pepuifemens etoit fi grande que le Miniftère n'avoit pas même de quoi faire montre 5 & reprefenter pendant un armiftice. Dans PimpuifTance de foutenir Faparence de la guerre 5 A confentit à recevoir la paix. Les deux Miniftrcs nVnrent pas peu de peine à s'accorder flir le lieu & la forme des Conférences. Ces ri- dicules altercations prirent autant de tems que le Traite lui-même^ & ea furent le préliminaire le plus conte- fte. Une petite lie^ au milieu de la Ri vie- 44 Histoire Politique Rivière de Bidaflba ? qui fepare les deux Royaumes ^ fut toifee & parta- gée entré les deux Plénipotentiaires. Le tems que le Cérémonial leur lailTa^ ils l'employèrent à la Négociation» §: 1 1 Ce Traite? dont l'Hiftoire du Siè- cle fait il fouvent mention ? eft une tache éternelle à la réputation des deux Miniftres qui le pafferent. Il avoit trois objets principaux ? for lefquels chacun s'^efforça de duper fon Anta- gonifte. Le Mariage du Roi avec l'Infante etoit le premier. Don Louis de Haro ftipula -> pour la Dot de la Princefle ? une fomme ? qu'il favoit que TEfpagne n' etoit pas en état de payer. Le Cardinal Mazarin t) après avoir chicana y comme le plus avare Changeur ? for la qualité & la valeur des Ecus 1 engagea le Roi fon Maî- tre par des Sermens qu'il lui avoit déjà perfoâde de compter pour rien. Celui - ci oifroit ? celui - la exigeoit une renonciation •) que tous deux ef- timoient de nulle valeur. Le partage des Conquêtes etoit le fécond D U S r ; G L E. 7. Tartle. 45 fécond objet du Traite, On eût pris les deux Minières pour deux Juifs, qui fe difputent les pièces d'un En- can. L'un lurFaifoit ce qu'ail etoit obli- ge de donner : l'autre mettoit au def^ ïbus de ion prix ce qu'il ne pouroit fe difpenfer d'acheter. Celui-là joiioit le Marchand indigne , celui - ci faifoit l'acheteur indiferent. Le Prince de CondeS dont il eut ete de la dignité des deux Rois de faire l'objet de leur î^néïoiixé ^ devint partie Q&n-^ tielie de leur accommodement. Son retablilîement fat mis à l'enchère^ & au rabais , avec mille petites finelTes indécentes. Enfin ^ il rentra dans fon rang & ies biens 5 fa paix fut con- clue J il n'en eut obligation ni à fon Roi ^ qui fe la fit payer <> ni au Roi d'Eipagne 5 qui Pavoit marchandée. Les Intérêts des Allies reipeâift furent le troifieme objet du Traite. L'E^agne. accorda pour ceux de la France des conditions ^ qu'elle etoit refoîue de ne point tenir J elle fe re- fèrva de ne rien exécuter de ce qu'el- le promettoit pour les Princes d'Ita- talie. La France n'en agit pas de meilleure foi. Il etoit autant de fon hon- 45 HlSTOlUE PoLlTlCiUE neur que de fon intérêt de comprea-* dre le Portugal dans fon Traité. Le Cardinal jura de Tabandonner; & en même tems qu'il en faifoit le ferment^ il lui préparoit de puilTans fecours^ Il refufa d'entendre a aucune propo- fîtion fur le rétabliffement de Charles II en Angleterre; & fous main il lui faifoit offrir le Mariage de fa Nièce ^ avec promefTe de l'aider a remontée for le Trône. 5- III. Le Traité des Pyrénées n'efl: fa- meux dans l'Hiftoire que par fon in- exécution La renonciation aux Droits de l'Infante for les Etats de la Mo- narchie Efpagnole en fut l'article ef- fentiel; & fix ans après , Louis XIT armoit pour les Droits de la Reine fon Epoufè for un des plus beaux fleurons de la Couronne d'Efpagne. On ne cita fî fouvent à la France le Traité des Pyrénées ^ que pour lui reprocher le peu d'égard qu'elle y avoit. Il eft aflTés inutile de marquer la frontière qu'il lui faifoit^ du coté des Pays - bas ^i puifque les garnifons Fran- DU ÎÎIKCLE. LTarfà. 47 Françoifes y furent a peine établies , qu'elle flit environnée d'un double etoit entre en Pologne j Fan 1655. Cetoit la reprife d'une guerre commencée par Charles IX ^ contre Sigilixiond fon Neveu >, Roi de Pologne ^ à qui il avoit enlevé la Couronne de Suéde ^ du confente- ment des Etats. Guihphe Adolphe y fils du Charles IX 5 que de plus gran- des efperances appelloient en Alle- magne f avoit entendu a une trêve qui lui laiflbit en dépôt plufieurs Places de la Pruffe Royale ^ avec la Livo- nie 5 (es conquêtes. Charles X 5 dont la gloire de Guftave excitoit Femu- lation 5 & qui fouhaitoit fe faire con- noitre aux Suédois par les talens qu'ils prifoient le plus ? refofa de prolonger la trêve. Il avoir donné retraite dans fa BU Siècle. /. Tartie. 49 fa Conr au Vice-Chancelier de î'O- logne Radzieuski^ mécontent de Ca- fimir fon Roi. Les intelligences de ce Grand OiHicier dévoient favorifer les armes Siiedoifes, & Charles ne s'en promettoit pas moins que la Conquête de ce Vctfte Royaume. Les comjiïencemens furent très- favorables au ConqucTant. La No- blefle Polonoife fe joignit a lui'? pour obtenir fatisf^tclion de fôn Roi ^ qui avoit ieze fes Privilèges. Il parcou- rut toute la Pologne en Vaiiiqueur ; & Caiîmir pouiTJ jiifque fur la frontière ^ fut oblige de fe retirer ven Hongrie. Mais les lu:ccc% de Charle.s donnere.it: de la jalouiie au Roi de Danneinar: & au C var. Celui - ci ayant tout a coup dît fa paix avec CaGm r^ fe jetti fiir la Livouie occupée par les Sué- dois. Le Roi de Dannemarc s\-taat iailî de la meilleure partie du Hoi- frein 5 attaqua les Etats de la Sued^ en Allemar^ne. Ciiaries fat oblige d^ quitter la Pologne. Il marcha c? r^ le Roi de Dannemarc ^ qifii ba/ détail i il mit le Si/ge devant Co- penhague i & il auroit pris cette Ca« pitaîe 0 iî la Flotte Hollandoife ne ffe 50 Histoire Politique fut prefentee a propos pour la.fècou- rir. La îevee du Siège fut foivie d'un autre échec dans Plie de Rugen 5 au- quel Charles ne iiirvecut que peu de mois. Sa mort facilita k paix 5 qui fi negocioit a Oiiva •> près de Dant- zxk 5 fous la médiation de la France. §. I. Le Traite n'a que deux articles 5 qui interefiènt le refle de l'Europe, La Suéde s' étant fait confirmer la pof- feffion des Etats que la paix de Well- phalie lui avoit donnes en Allema- gne, abandonna la Pologne^ & ren- dit au Dannemarc ce qu'elle lui avoit pris. Mais la LivC'iiie lui fut entiè- rement cedee. Le fécond article con- firma le Traite de Vieiun de 165 8^ où la Pologne avoit quitte la Maifon de Brandebourg du VaflTelage pour la Pruffe Ducale. La France & la Hollande prirent la garantie du Traite. CHA- DU SïEGLS, L Farrie. 51 CHAPITRE VIII. Achat de Diinkerque ;par la France ^ Garantie de l'acq^iti- en i66z^ Jïtion A Près la mort du Cardinal Ma- zarin :» Louis XIV n'avoit per- fbnne dans fon Confeil qui dut pré- tendre fucceder a ce premier Mini- ftre. La Cour ^ accoutumée à ne voir que des Subalternes dans les Mini- ftres qui avoient travaille fous le Car- dinal •) n'en eftimoit aucun capable de remplir la première place ; & eux- mêmes (è rendirent d'abord afll*s de Juftice pour n'ofer y afpirer. Mr. Fouquet -) ebloiii de la faveur dont le jeune Monarque lui donnoit de lé- gères apparences -, fe flata d'une pré- férence entière ftir (es Collègues 5 & fa fortune fut renverfce aufli - tôt qu il eut laiile entrevoir fes efperances. Du côti de Nailfance il avoit quelque fa- penorite fur les autres Miniilres : mais C 2, les 52. HlSTOIPvE P0LITÎQ.UE les reflburces du génie ^ Fcclat des taiens^plus capables encore que la haute Naiflance^ d'en impofer aux Jaloux •? lui manquoient abfblument ; il etoit ^ . à cet égard ^ celui' dont Tambition devoit paroitre la plus téméraire. Ariïi Le Tellier & Colbert n'eurent - ils ^ pour le perdre dans Fefprit du jeune Roi , qu'à lui dire que Mr. Fouquet fè promettoit de le gouverner. Déjà preVenu de la gloire de ré- gner p^r loi-même? Louis XIV fut indigne du peu d'eftime que le Sur- Intendant fembloit faire de fon génie; tandis qu'il n'y avoit à lui imputer que de prefiimer trop de fa capacité. Sur ce que les Ennemis de Mr.Fou- quet lui iniinuerent qu'il importoit Ix fa r^joutation de taire connoitre que les elperances de ce Minifa*e n'avoient de fondement que dans fa vanité 5 il fe livra au plaiiîr de le punir de la manière la plus humiliante pour ua Courtifan de fon expérience^ La four- be & !a diffimulation h'entroient point dans le Caraéière de Louis X I V. Cette manœuvre ? indigne d'un Scu- rain aux prifes avec fon iiijet ? fut ccnduitepar Colbert 5 quiperfuada au Roi DU Siècle. 7. Partie. 53 Roi qu'en dupant le Sur - Intendant ^ il etabliflbit Fidee de la (iiperiorite de fon génie. Le Jeune Monarque fat finftrament de la paffion d'un de fès Miniftres , lors même qu'il croyoit fignaler Ton indépendance. 5. L Cette intrigue de Cour, dont les HiP- " floriens daignent a peine parler , eft la caufe première du Defpotifme avec le- quel Louis XIV a règne. Le Tellier & Colbert , reftes feuls Miniftres accré- dites dans l'Efprit du Roi ^ n'etoient encore recommandables a la Natioa que par le choix du Roi. Ils en firent l'unique raifon de TobeiiTance qu'ails exigèrent; & pour faire plier les Grands & les peuples fous leurs volont(rs •) qu'ils do*nnoient pour cel- les du Roi -» ils portèrent l'autorité royale auffî haut quM leur fut pof- iîble. Ils firent valoir -j comme la Loi fupr^me, le bon plaifir de Sa Majefte^ & les refoiutions du Confeil comme celles des Etats. S' étant partages en- tr'eux'-î au moyen de leur Créatu- res 5 toutes les parties du Gouverne- G 3 ^ment^ 54 Histoire Politique ment •> il leur fut aife de s'affermir dans le Miniftere !> en faifant honneur au jeune Roi des refolutions auxquel- les ils ramenoient. La jaloufîe sVtant mife entr'euXî ils durent opofer aux mauvais ofïices ^ qu'ils fe rendoierit mutuellement ? les projets ^ relatifs k leur Département ^ les pKis capables de plaire à un jeune Roi 9 qui ai- ;naoit la gloire fans bien laconnoitre^ éc ne faifîffoit point la différence qui eu entre un règne glorieux 5 & un règne bmiant, L'Emulation fît de Colbert un Mi- nière de Finances incomparable. Gom- me elle ne trouva ni dans le vieux Le Tellier r ni dans le jeune Loii- vois , un auflî bon fondj elle n'en ■fît que d'infatigables Miniflres de la guerre» Mais pour donner de l'éclat au règne de leur Maitre 5 il fuffifoit q;u'elle les portât k ce qui pouvoit rendre leur Département plus confî- derable. Louis XIV eût- il eu moins de génie c^u'il n'en avoit ^ il ne fè pouvoit pas qu'avec de pareils Mini- ères , il ne fut ambitieux ^ Conqué- rant^ fallueux •) magnifique J & c'eft ce qu'il a été. fil nu Siècle. I. Partie. 55 §. I I. Uacqiiifîtion de Dunkerqiie eft le fniit de cette émulation des deux Miniftres. Cette Place promettoit d'ê- tre un fiijet de rupture ^ & Paliment d\me défiance perpétuelle ^ entre Ton polTeffeur & les Puiffances aux Etats defquelles elle confine. Le Tellier ôc Louvois 5 qui ne refpiroient que la guerre ^ en firent envifager l'acquiiî- 'tionRoi^ comme un Préliminaire^ ef- fentiel des iiiccès^ qu'ils lui promet- toient,pour le tems ou il feroit va- loir les Droits de la Reine fon Epoufe. Colbert ^ en donnant au Roi le goût du fafte ^ s'etoit engage de fournir aux depenfes j & c'etoit le Commerce qui devoit ouvrir les nou- velles fources de Richeflès ^ qu'il fai- foitefperer au Royaume. Le Port de Dunkerque offroit un entrepôt pour les Mers du Nord ^ & l'unique Ha- vre qui foit pour la Marine royale 5 fur tout^. cette Côte de la Manche. A quelque prix que le Roi d'Angle- terre le mît 5 il devoit en peu de tems rendre au de-ià de ee qu'il au- C 4 roit 5^ Histoire Politic^ue voit coûte. Uachat en fat donc pro- pose par les deux Miniltres, §. III. Les plus grandes difficultés ne ve- noient point du cote que naturelle- îiient on devoit les attendre. Char- les II avoit befoin d'arrentj & en réduisant au fecret tout l'art de cette négociation -) on n'auroit difpute avec lui que fur le plus ou le moins. On y emploVa cependant un des plus fins r^Jegociateurs que la France eut alors. [ D'Efrrades ]. On voulut encore que la Reine Douairière d^ Angleterre fit iifage de fon crédit for Tefprit du Roi ion fils. Elle paffa la Mer a cet eC- fet ; & elle fiit le foliiciter à une baf- fellè qui à flétri fon règne- Dix de nos midions furent le prix d'une Ville Maritime 5 qui depuis en a coûte plu** de Cent -, qu'on regrette moins que fa perte* Le marche fut conclu le 27. Novembre ^6^?, & Dunkerque eut garnifon Françoife , avant que le Parlement d'Angleterre •> qui fe feroit opofe à fa VQiitQ -> fat allenible. 5. IV- d;t Siècle. J. FarHe. 57 §. IV. A ^eine îe Roi eut pris pofïeffion de cette importante Place ^ que Col-* bert & Louvois en difpoferent félon leurs vues. L'un la fit fortifier du côte de terre y Uautre r en attendant qu'il pût faire les fraix de fon amé- lioration du côte de la Mer, la fit déclarer , Porû franc. Il efl: bien dif- ficile de décider lequel des deux Mi^ niftres donna plus d'ombrage aux Provinces Unies. Le Roi ne faifbit point un fecret a leurs Hautes Puif- fances de fes prétentions aux Etats de la Couronne d'Elpagne. Une place d'armes auffi avancée dans le Païs-^ bas Efpagnol, devoit lui en faciliter la Conquête 5 & elles etoient déjà preVenuës que le plus grand malheur qui pût leur arriver , etoit d'avoir ce Monarque pour voifin. D'un autre côte 9 le Commerce etoit l'arne de leur République , & la franchifè du nouveau Port François lui devoit por- ter un notable préjudice 5 pendant le tems de la paix i tandis que des Ar- mateiu's s'y formeroient , pour le ruï- C 5 lier 58 KiSTOîRE P0LltlQ.UB ner au premier %nal de Guerre:. Cette effi-a'^'aiite perijpeélive retenoit les Etats GeneTaiix de prendre la ga- rantie t) que le Roi leur derrrandoit 'de fon acquîfîtion. Ils ne purent ga- gner fur eux de diffimuler des crain- tes 5 fur lefquelles ils n'etoient pas a- lors en état d'exiger qu on les raffu- rit. Menaces par ^Angleterre & par FEvêque de Munfter!) d'une guerre? d'autant plus furieulè •> que la jaloufîe ^ h Vengeance • &; la Cupidité en etoient les motifs i ils avoient befoin de Fa- Biitie de Louis XIV. Dcjails avoient avec lui un Traite de confédération &C de Commerce ? dont ils ne pou- voient revenir, fans Fengager a pren- dre parti avec leurs Ennemis. La faine Politique leur difoit de ne pas re- froidir, par leurs défiances, un Allie qui leur etoit neceflTaire : ils n'en fi- rent rien , & Louis XIV, qui con-* noiffoit Fembarras où ils fe trouvoient 9 leur déclara que la garantie de Fac- quiiîtion de Dunkerque etoit la con- dition a laquelle il mettoit la ratifica- tion de fon Traite d" Alliance avec eux. Il fallut remplir cette rigoureufe condition. Les Etats^ aflTurerent l\ la. Frau^ DU SlECLE.^'T. Partie. 5f France une polTeff.on^ qu'ih ont en- ' fuite travaille pendant quarante ans a lui enlever. CHAPITRE IX. Paix de Breda , en 1 66 j ^ en-^ tre t Angleterre & la HoU lande:, avec leurs Alliés. L'Hiftoire pafle trop légèrement for le règne de Charles II ea Angleterre : ce ne font point les re-' gnes les plus brillans qui font le^ plus importantes Epoques. Il n'y eut pas ibus celui-ci de ces grands evene-»^ mens qui étonnent & allarment les autres Etats , de ces révolutions dont le merveilleux affefte jufqu'*au petit peuple. Mais il offre le plus vafte champ aux obfervations dW Politi- que ^ pour qui la moindre altération dans le Sifteme gênerai ^ eft'un objet plus confiderable que les révolutions particulières les plus éclatantes. C'eft au règne de Charles II que FAngle-^ G G terre 6o Histoire Politiq^ue terre doit rapporter Pacquifîtion de TEmpire de la Mer. Ses Guerres con- tre les HoUandois entamèrent le Com- merce de cette République; & fes SuccelTeurs , qui ont porte la Grande Bretagne au plus haut point de Gran- deur & d'opulence ^ n'ont fait que receuîilir le fruit des Coups qu'il sut frapper» §. I. Charles II avoit de très graades qualités ^ dont fes foibleflès ne lui fauroient oter Thonneur. Uad- verfîte avoit forme fon Cœur aux vertus des bons Rois ; & fon Elprit y avoit acquis la trempe des hommes d'Etat. Il polTedoit a un degré emi- nent cette fermeté d'ame & cette hardielïè de génie ^ qui caraâerifent les grands hommes ^ & qui ^ faute d'av^oir ete réglées par l'expérience ^ ne font fouvent chez les Princes a qui on en fait honneur ^ que de l'en- têtement & de la témérité. Un long fejour en différentes Cours avoit poli fes moeurs ; il temperoit de l'affabili- te Françoife la gravite Espagnole ^ & du flegme Allemçind fa vivacité , . , ,iiatu- DU Siècle. LFariie. 6i naturelle. Supérieur a Tes difgraces, il n'avoit jamais perdu de vue la ré- volution qui devoit le rendre au Trô- ne J & dans les circonilances les plus humiliantes pour un Souverain ^ il avoit fû confèrver le Cœur & les fentimens d^'un Roi. Henri IV etoit le modèle qu'il dut fe propoferj & il l'auroit ep-ale dans la bonne -> com- me dans la mauvaife fortune ■> fi plus fenfible au retour de fes fujets vers lui 5 qu'aux peines que leur defèrtion lui avoit caufees •, il s'etoit détermi- ne -i ainfî que Ton Aïeul •> a ne les faire (ouvenir du pafle -j qu'en leur prou- vant par fon aplication aux affaires ^ qu'ails y avoient plus perdu que lui. Mais fa reconnoiffance s^Ltoit fixée uniquement liir le General Monck ^ à qui il donnoit tout Fhonneur de fon rctabliflement. Perfuade que la Na- tion avoit moins rapelie le Roi que la Royauté , & qu'elle l'auroit laiffe dans fon exil , fî elle avoit pu s'accommoder d^un nouveau Gouvernement^ il re- gardoit la Couronne comme un bien de patrimoine que la neceffite lui fai- foit reftituer J & il crut l'avoir rache- tée afTes cher? pQur avoir le droit d'en jouir. 6% Histoire Politiq.u^ jouir. Il parut ne vouloir connoitrc que les agremens de la Souveraineté •> & ne chercher fur le Trône que le dédommagement des chagrins & des incommodités de fa vie erran- te. Uamour de TEtat ^ celui mê- me de la gloire^ le reflbrt le plus fuiflant du Cœur des Rois , fo- rent etoufes par le goût du repos ôc des pîaifirs ^ & le bien de la Nation fut facrifie a ce dernier. Oblige de fe marier ^ ce Prince 9 qui avoit pu autrefois faire céder la fierté de fon rang a la Politique ^ & •s'accommoder aux tems & à fa for- tune ') jufqu'à rechercher Palliance u- tile du Cardinal Mazarin 9 ne confiil- :ta dans fon choix que Pinterêt de fës plaifirs. Il préféra rinfc.nte de Por- tugal a phifîeurs partis 9 que le bient -de £os affaires lui recommandoit ^ &. dont la recherche lui etoit ouverte 5 & il prit une femme qui ne lui apor- ta en Dot ^ ni Richeifes ni crédit r par la raifon , que des la elle ne pou- roit exiger de lui que les égards les "pkis commi-iS. • " Le Portugal ne connoiffoit point ^encore les K.icheiTes du £xelll ^ il avoit perdu DU Siècle, l Partie. 6% l^erdii celles dn Malabar & de la Guinée; & une guerre de plus de vingt ans avoit e^puifô ce que le gouverne- ment Efpagnol ne lui avoit pas en-» levé de lès propres reflburces. Loin d'avoir quelqu'^inlluence fur les affai- res générales de FEurope -) il etoit dans l'impuiffance de (è foutenir par lui-même contre fon ennemi naturel, Aïant peine a fournir à Fentretien de fes Places^ & de fes troupes ^ il ne pouvoit donner la Dot de (on Infante en argent. Tanger 5 Place forte fiir la Côte d'Afrique ^ Fembarraffoit ^5 il Foffrit au Roi d'Angleterre ; & ce Prince la reçut y moins a caufë de fon importance pour 1-e Commerce An- glois -i que parce qu'elle feroit un texte inepuifable de Harangues aux deux Chambres , & un prétexte perpétuel pour demander des fubfides au Par- iement 5~ II. La Nation ^ de (on côte 5 n'eut pas pour {©n Roi 5 les égards & la com- plaifance 5 qui peut-être le lui auroient âff^diourne. De même qu'il vouloit régner 64 Histoire Politique régner uniquement pour foi r> elle pre- tendoit qu il n'etoit fur le Trône que pour elle. Sans indulgence pour fes foibieffes^ elle lui citoit a tout propos, le bien public ^ & Tinterêt du Royaume^ que fouvent elle ne fairiifoit pas^ & comme elle ne lui tenoit aucun Comp* te de ce qu'il avoit fouffert pendant le Proteâ:orat 5 elle lui en refufoit toute recompenfe. Semblable à un jeune homme ^ qu'un Père avare bor- ne au pur nelTaire ^ Charles Second etoit réduit a captiver fes goûts, ou à donner dans les expediens les plus ruïneux. La vente de Dunkerque & l'abandon de Tanger -) fiirent autant des fautes de la Nation que du Roi* $. I I L C H A R L E s 5 chez qui toutes les paffions avoient fait place a l'amour du repos & des plaifirs , eût fans doute ete un Roi pacifique , fi la ne- ceffite de faire diverfion au mécon- tentement de fes peuples , & le be- fcin de prétextes pour tirer de l'ar- gent de fon Parlement , ne l'avoient oblige a la guerre. On doit pourtant lui DU S I S C L E. /. Vartie. 65 lui (avoir gre d'avoir choifi FEnnemi-^ que Finterêt de ia Nation- lui defi- gnoit ^ maigre la répugnance qu'il de- voit avoir à fuivre le plan 5 &: les \\\és de Cromwel La République de Hollande -^ dont le Protedeur avoit crû que FabaiiTe- iTient importoit a la Grandeur de FAngletere 5 etoit alors à fon plus, haut point depuiflànce & de gloire Mais le génie de Colbert^ qui ani'^ moit la* France-) lui caufoit une crife qui devoit dexider delà dtxadence^ ou de fa confiante profperite. Apres avoir reçu pour fon Allie Louis XIV^ qu'elle ne pouvoit éviter autrement d'avoir pour Ennemi ^ il lui falloit fe refîgner a partager avec la France les avantages du Commerce. C'etoit la même ce que Louis XIV avoit fdpifileS & le prix auquel il avoit mis fon Al-» liance. Quoi que la Republique efpe-^ rfit de Finconftance Françoifè que le geniQ de Coibert ne fubiifteroit qu'au- tant que fon Miniftere ? & paflèroit avec lui 9 comme un mode de la vieille Cour -) elle ne vouloit point courir les riiques d'un avenir auiTi incertain; elle pretendoit fe fervir de fon Ai;e% pour 66 Histoire Politiqu-e pour regagnier d'aillieiirs ce que foo Alliance lui coutoit. Dans le plan du Grand Penfionnai-» re de With 5 la part des Anglois 9 dans le Commerce 5 devoit la recom-* penfer de celle qu'elle y donnoit aux François. Maitreflè dans les Mers d'Afie & d'Afrique, elle faifoit fen- tir durement toute fa fiiperiorite aux Anglois qui fe hazardoient d'aller né- gocier aux Indes & en Guinée. L'An-* gleterre , en différant plus longtems d'en marquer fon refientiment !> s'ex- pofbit à décourager fes Negocians 5 & a perdre Tans retour les Richeflèsç dont la Reine Elizabeth, & Crom-* wel 5 lui avoient ouvert les Tources, 5. IV. Quand même l'ambition dé Louis XIV auroit déjà ete l'epouvantail de l'Europe , le tems n'etoit point enco- re venu 5 pour l'Angleterre •? d'y taire digue. Avant que de penfer h la fu- reté générale 9 elle devoit pourvoir à Ton bien être particulier. Ifolee com- me elle eft du refte de l'Europe , elle ne pouvoit y acquérir 5 que par ion opu- DU Siècle. /. Fart. 67 opulence^ le crédit & la confidera- tion capables de lui en faire déférer la balance. Or , quelle que foit fa fer- tilité 5 fon opulence etoit à peine 5 fans le Commerce 5 une obfciire îTiediocrite. Il eft vrai que la ven- te de Dunkerque avoit poite coup à ce Commerce immenfe , auquel elle devoit prétendre. Mais la faute etoit trop récente 5 pour qu^on en fentitfî tôt les facheufes fuites ; & il etoit vrai-» fèm^blable que le tems qui decouvri-- roit tout le maU feroit naitre Pocca-- fion dV remédier. Le befoin d'ar-» gent ncceffitoit Charles a la guerre J & le Commerce de la Grande Bre- tagne eût ete abfolument ruine par toute autre guerre que celle qui avoit pour objet de raffermir. On doit confîderer les guerres de Charles II contre les Hollandois corn-- me des reprifes de celle que leur fit Cromwel 5 & il eft inconteftable que la dernière fut le premier pas de PAngleterre vers l'opulence & la gloi- re -) ou lions la voyons. Les Hollan- dois lui vouloient fermer le détroit de la Sonde J ils lui vouloient enlever fcs etabliflèmens de la Côte d'Or : 68 HisToii.E Politique ils vouioient dégoûter fes Negocians^ ils avoient fiirpris en pleine ' paix •> par la rufe (*) la plus odieufe^ le Fort important de Formofa : ils a- voient ruine de même le Comptoir de BiVîtam ? & i^ttadue pliiiieurs Forts d^ Afrique : ils infoltoient a toute oc^ cafion le Pavillon Anglois. Une plus longue indiference fur leurs entre- prifes les auroit enhardis a de plus grandes : La Nation eût demande compte a fon Roi de fa foibleffe , & r Angleterre ^ en proie a ks diviiîons j leroit retombée dans fes malheurs & fon obfcurite. §. V. Quoi que la Marine Françoife fut encore en fon enrance ^ Louis XIV ^ qui pouvoit s^en tenir aux termes de fon Alliance avec les Hoiiaadois , & n'être qu'auxiliaire dans cette guerre de Mer-î y entra comme partie prin- cipale. Sa dtxiaration fut publi.'e avec toute la fîerte uuaginable. Ce qu'on nom- (i* ) Deux ÇVaifTeaiix Holhndoîs feignant (l'avoir été battus de la Tempête , furent re- çus dans le Port de Formofa ; & leurs Equi- pages maiiacrtrcnt leurs Hôtes, DU SiEC LE. A fart. 6^9 nommoit la Flotte de France dut fè joindre à la Flotte Holiandoife ; èc il fiit ordonne de courir lus aux An- glois , tant for Terre que fur Mer. Les efifets ne repondirent point k cette parade. A peine FAmiral Hol- landois pût - il obtenir d'être fecouru d\in Brûlot : les exploits c'os Fran- çois fe bornèrent a chafler les An- giois de leur portion de File St.Chri- fiophe^ & à leur enlever deux pe- tites Antilies , encore defertes. Mais il étoit de la Politique de la France ._ de parler fur ce ton^) afin d'encou- rager les Hoilandois a s'opiniaîrer a la guerre. La Marine & le Com- merce de France dévoient profiter de Tafibibliffement des deux FuiOan- ce.s ; & fi la fortune s'etoit abfoiu- ment décidée pour la République ^ Louis XIV ')eïï guerre ouverte avec les Anp-lois ^ etoit en état de faire avec eux on Traite particulier. Trois des plus terribles batailles qui fe kïevA jamais données for Mer^ difpoferem les deux Fui (lances k la Paix, Charles II qui ne refciroit ni la Vengeance ni les Conquêtes -) par- donna aux Hoilandois d'être venus briller 7© HlSTOÏRE POLITIQUS bmler fes vaifleaux jufques dans la Tamifè. Il flit den;oute de la guerre -> aiiffi-tôt qu'^elle conflima tous les fub- fides que le Parlement lui donnoit^. Il envoya fes Plénipotentiaires a Bre^ da, & le Traite s'y conclut le 31. Juillet 1661 5 fous la Médiation, de îa Suéde. . §. V I. La France dut avoir fon Traite particulier ? puis qu'elle avoit fait fa déclaration de guerre. Le Roi de Dannemarc -> qui n'avoit pas pris plus de part qu'elle aux opérations mili- taires 5 demanda la même diftinftion. Ce Prince avoit fait le il. de Février de l'année précédente r> un Traite d'Al- liance offenfive & deffenfive ^ unique en fon efpece -) avec la Republique. Il s'y engageoit d'entretenir dans la Baltique une Efcadre^ forte en pro- portion des Subfides qui lui feroient fournis , contre l'Angleterre ^ fans tou- tes fois infefter fes Côtes ^ ni trou- bler ion Commerce en cette mer. Son Traite de paix fiit auffi fîngulier. C'etoit une lonpue Lettre de compli- ment 5 rédigée en articles 5 où les deux Rois DU Siècle. LFartie. 71 Rois fe rapelloient les anciennes liai^ fons des deux Royaumes , & s^en promettoient le renouvellement. On mit au bas, par Poji Jlript ^ que les Ambafladeurs Danois avoient inutile- ment tente de régler le Péage du Dé- troit du Sond 5 & les prétentions du Roi leur Maitre ilu* les Iles Orcades 5 qui 'dévoient être les principaux ob- jets du Traité 5 & dont il ne fut pas parlé. La Paix de la France étoit la con- firmation & le renouvellement de.s anciens Traités 5 avec la reftitution relpeâive des Conquêtes , le renvoi des prifonnniers , & l'oubli du paflé. Il eft a remarquer que Louis XIV , que Cromwel avoit obligé , dix ans auparavant , de quitter (on titre de Roi de France 9 pour prendre celui de Roi des François , qui ne préjudicicit point à fes titres de Protefleur d'An- gleterre , d'EcoiFe 5 de France & d'Ir- lande , ne voulut pas 'a Brécîa , que le Canal de la Manche fut apellé Cmc^I d^AripJeterre ^ ou Mer Britannique. Les forces des deux Puinànces aVant agi dans la Manche où il n'y eut perte que d'hommes & de Vaif' féaux ? 72. Histoire Politique feaiTX 5 l'Angleterre fè remit par la paix ') a tes Depenfet près , aux mê- mes term.es où elle en etoit avec la République avant la guerre. Il fut dit que chaque Nation pollèderoit > à toutes (ortes de titres ^ les Païs ^ Forts , Comptoirs ^ & Droits , dont elle fe trouvoit en poflTeffîon lors du Traite 5 de quelque manière qu'elle les eut acquis. C'etoit là plutôt une flifpenlîon d'armes qu'un Traite de paix. Mais le Roi avoit befoin de tems , pour rétablir fa Marine i & la République ne pouvoit plus digérer les AUarmes -> que lui caufoient les prétentions de Louis XIV fur les Pays-bas Efpagnols.Pour fe réconcilier avec les Anglois ^ dont le fëcours lui devenoit neceffaire^ elle reconnut la prééminence de leur Pavillon ^ l'Angleterre & l'Italie 5 que le maintien de l'équili- bre intereflbit également ^ ne firent aucune difpofîtion relative a la Crife D q ui 74 Histoire Politiciub qui le menaçoit. Les Hollandois feiilà çn temoignoieiit de Finquietude J ÔC les Négociations du Mioiftere de France avec eux ^ jufqu'en 1667 9 eurent pour objet principal de les familiarifer avec les prétentions du Roi , ou de les -mettre hors d**etat de les traverjfèr. Le Grand Penfîonnaire de With avoit forme 5 en 1663? le projet d'u- ne Barrière perpétuelle entre la Fran- ce & la Republique ^ au moyen du Cantonnement des dix Provinces E& pagnoles 5 qui !> fe dérobant a la Do- mination de FEfpagne -) auroient fait une féconde République -> fous la Pro- te6Hon du Roi de France & des E- tats Généraux. L'E^agne qui ne voioit pour elle aucun avantage dans ce pro-| . jet 5 lui en avoit opofe un autre ^ de l'union des dix-fept Provinces en une feule & même République ^ li- guée avec l'Efpagne pour l'exécution du Traite des Pyrénées. Il eft fort probable que ce n'ctoit qu'un piège qu'elle tendoit aux Etats Gcnëraux pour indifpoler Louis X I V. contre eux. Quoi-qu'ii en foit^ le premier plan ne fbufiroit point de difficulté fi Louis DU Siècle. L Partie. 75 Louis Xiy vouloit concourir à Ton exécution. Mm-, ainfi que ie Ic^ond» il etoit abfblument impoffible -> fi le Roi ne Tagreoit pas. Les Païs-bas étant pour loi 5 fî j'ofe me fervir de cette exprefnon ? le morceau friand de la fucceffion d'Efpagne ^ il etoit bien éloigne d'agréer aucun des deux pro- jets 5 dont le plus favorable les lui enievoit. Il rejetta hautement le plan d'union des dix fept Provinces 5 & pour faire tomber celui du Canton- nement des dix Efpagnoles , il feignit de Fagreer; à condition que leurs Hau-^ tes Puiirances'9 reconnoitroient rin'.n- te Reine pour ITIeritit re a6lueil j de rinfant Don Balta^ar , fon frère du même Lit ^ quant au Pats -bas 5 & pour FHeritiere preloiriptive de h Couronne d^FJ/pd^-nie !> au cas que f In- fant 5 depuis Charles II »; mouriit fans pofterite. L'Infant Don Balta7:ar fiis' de Philippe IV ^ comme la Reine •) de [on px^emier mariage avec P^li-^abeth de France ^ etoit m^ort j & Louis Xï^ parloit dtja du Droit ae dtvolat on •> qui a lieu dans les Dix Provinces. Ainfi fon acceptation du projet de Can-. tonnementî fous ces conditions ^ etoit D 2 contra- 7^ Histoire PoLiTi^iUE contradi£loire. Le Grand Penfionnai- re -) qui le comprit ^ en abandonna Fidee. ■5. I. La guerre commençoit entre l'An- gleterre & la Hollande -> quand Phn lippe IV mourut t) le 17. Septembre 1665. Le Miniftere de France âpre-* henda que les prétentions du Roi , s'^il les produifoit alors -^ ne portaffent les deux Puiflances a fe réconcilier -> pour les traverfer de concert J & il remit à les déclarer dans des circonilances plus favorables , qu'il s'efforça d'a- mener. Toute fon aplication fut à commettre de plus en plus la 'Repu-* bliquc avec le Roi d'Angleterre J & lors - que deux prandes batailles lui parurent avoir porte l'animofîte a fbn plus haut point •> il tacha de faire trai- ner la guerre en longueur. On le vit , démentant fon génie & les principes , recommander aux Hoiiandois la len- teur & la circonfpeâiion ^ & leur re- procher leur trop d'ardeur. Cette prudence timide^ dont il don- noit de fort iiiauyaifes raifons ^ i'au- roit D B Si E CL E. /. Fart. 77 i^oit conduit à Ton btit 5 fi elle avoit ete écoutée. Car il n'y avoit gueres que Fepuifement des parties qui pût faire celîèr la guerre ; & les grandes aftions 5 ou les deuxPuiffances fe heur-» toient de toute la maflTe de leurs for- ces ^ ne pouvoient être frex^uentes fans devenir decifives. Mais le Pen-- fionnaire de Hollande 5 qui jjenetroit le fond de la Politique Françoife :> la déconcerta !) en feignant de fè laifièr emporter a Ton impetuofite naturelle* Louis XIV ^ comptant fur le difpo-* fîtif de la Campagne de 166^7 ^ P^^- lequel les Flottes -, qui ne dévoient for- tir des Ports qu'a la fin de Mai ^ ne pouroient rien entreprendre qu'après leur jonftion ^ efpera de s'*emparer des Pais - bas Efpagnols ^ avant qu'il y eut eu entre ies deux Nations au- cune a£lion capable de les détermi- ner à la paix. Il notifia Ces préten- tions à la Reine Régente d'Efpagne^ le 9. de Mai; & le z6 !> il etoit en Flandres à la tête de fon Armée. Les Places e toient fans defenfe J il re- gardoit fon Expédition plutôt comme une prife de polTeffion ? que comme une Conquête J & les conférences qui D 3 s'ou- 7^ Histoire ?olitiqt5e s'ouvrirent à Br^^da 5 le z8. de Mai 5 n'avoient point une a6livite% qui lui dut Faire craindre la prompte conclu- Son de la paix. Le Penfionnaire redoubla d'ardeur & de vivacité ^ a la vue du péril. Par fes foins , les Efcadres mirent en Mer plutôt qu'il n'avoit été concerte. Elles firent voile vers la Tamife ^ où s' étant réunies fous les ordi-es de Ruiter ^ elles furprirent les Anglois , & leur enlevèrent ^ ou brûlèrent la meilleu- re partie de leur Flotte. Le Roi d'An- gleterre ^ cjue cet échec mettoit hors d'état de paroitre en mer cette annee^ entendit d'autant plus volontiers a la paix^ que le Penlionnaire ne prenoit point avantage de ce dernier fùccès des Armes de Ta Republique ^ pour en charger les Conditions.. Les Plé- nipotentiaires convinrent bientôt des articles généraux -^ auxquels ils avoient ordre de s'en tenir 9 & après leur fîgna- tiire 9 ils cherchèrent avec leur Mé- diateur les moyens de régler -> ou d'anéantir les prétentions de Louis XIV. L'E{i3agne5 qui? clans la foiblefle OÙ elle etoitî devoit compter pour gagne BU Siècle. I. Partie. 79 gagne tout ce qu'elle eviteroit de per" dre t, repondit aux demandes de Louis XIV 5 avec Torgueil & la hauteur de f()n ancienne profperite. Sa décaden- ce etoit décidée :> elle efperoit peu du •tems 5 & elle aprt^liendoit avec beau- coup de raifon que les Ceffions 5 qu'elle feroit pour le bien de la paix ^ ne paf' faflent pour l'aveu d'un Droit ^ en ver- tu duquel la France multiplier oit dans la iiiite fes prétentions. Elle offrit aux Hollandois Oftende & Namur ^ & elle leur auroit donne encore au- delà ^ pour les faire entrer dans un Traite d'Alliance deTenfîve. Mais il etoit trop tard de prendre des me- fiires. Louis XIV etoit en forces au milieu des Païs-bas J & il auroit fran- chi la Barrière î avant qu'ils fe fuflènt avances pour la lui diiputer. Ce Mo- narque ecoutoit toutes les voies d'ac- commodement , qui lui etoient pre- fentees ; il en propofoit lui même plu- sieurs j mais fans interrompre fapri- fe de poffeffion. Les trois Puiffances craignirent qu'il n'eut projette ée con- quérir les Dix Provinces, & qu'il ne les voulût gard-er^ après les avoir con- -quifes, D 4 5. ni. So Histoire Politiq,ue 5. 1 1 I Le Chevalier Temple, le Comte de Dohna, & le Grand Penfîonnai- re 9 fignerent l' Alliance de leurs Maî- tres ^ qui s^engageoient à obliger PEf- pagne de céder , & Louis XIV de fe contenter , pour Ces prétentions a la Succeffion de Flnfant Don Balta- 2ar 5 ou de la Franche-Comte , dont il venoit de s'emparer pendant Phi?- ver 5 ou des Places , & Païs , dont il avoit pris pofTeflîon en Flandre ôc en Hainaut, Tannée précédente : Pop-» tion etoit laiflee à la Cour d'Elpagne. Le Traite flit publie 5 & notifie au Miniftere de France rie 25» AyrS ^mm^^^ CHA- DU Siècle. I.Partie. 8i CHAPITRE XL "Traité d'Aix la Chapelle , ew 1 668 5 entre la France & ïEfpagne. LA Cour d'Efpagne opofoit au%r prétentions de Louis XIV la renonciation de Pinfante ^ ftipulee au Traite des Pyrénées j & elle en prou- voit la validité par Tinterêt du falut public. C'etoient là toutes les raifons que le Baron de Lifola faifoit valoir dans fon fameux Mémoire intitule r Bouclier d'htat '^ de JujUce, La der- nière n'etoit alors rien moilis qu\inc Demonllration» On ne convenoit pas encore généralement que la Liberté de l'Europe fût en péril -) fî la puif- fance de la France augmentoit. Pour la premiere-^^ on n'etoit pas en forces à Fapuïeri & l'unique parti r*ue les Allies puffent prendre , etoit de ne^ la point difcuter. Mais le iîlence qu'ils^ gardèrent fur • elle les obligeoit de D % pronon*^ 82. Histoire Politique prononcer fur le titre auquel Ltuis XIV rcclamoit les PaVs-bas. Le Droit de Dévolution etoit d\i- fa^e in mémorial ^ pafle en Loi dans les Dix Provinces -, pour les héritages pcrticu'iers. Plufieurs exemples prou- ve i?nt qu'il avoit pareillement lieu pour les Souverainetés j & THiftoire iv'en offrcit point qui y euiTent déro- ge. Charles Quint ne révoqua fa Pragmatique Sanâion de 1520^ qu'a caufe de Pimpoffibilite qu il con- îîfit d'éteindre la Dévolution 9 fans renverfer les Loix ^ les mœurs •> & les ufages du Pais. Cetoit un article fon- damental de la Conftitution de cet Etat^ pour parer aux inconveniens des fécondes Noces. La Loi privilé- gia les premières 5 en afliirant aux En fans du premier lit la propriété des biens , dont elle ne pouvoit pas ôter Fufiifruit au furviyant des d^ux Epoux 9 qui fe remarie. En verm de Cette Loi -, Charles II -> ne du fécond Mariage de Philippe IV ^ n'avoit droit à la Succeffion de fon frere^ aine qu'a- près fa^ Sœur 9 du même Lit que le deffimt. C'eft ce que les Contraftans de la Triple Alliance furent obliges de reconnoitre pour inconteftablç. DU SiEGLE. I. Partie. 83 §. I. Louis XIV s'etoit fans doute pY©- mis d'ufer de fon Droit dans toute fon étendue i & par les plans d'ac-^ commodément qu'il reçut , ou qu'il propofa ') il ne prétendit qu'amufer les Puifiances capables de lui faire obfta- cle. Mais il m s'etoit point attendu à une guerre de quelque durée 5 & quoiqA.Te les forces des trois Allies , ne fufTent pas à portée de le trou- bler dans fa prife de poffeffion 5 com- me la Triple Alliance etoit une di- gue naiflante ^ que toute FEurope (e feroit Mtee de charger & de perfe- élionner ^ s'il avoit paru la vouloir forcer 5 il fe contint dans les bornes qu'elle lui prefcrivoit J & remit la Conquête des Dix Provinces au tems 9 eu il fe feroit prépare à la conlerver. §. IL Le Traite 5 digère a St. Germain ea Laie ^ fut conclu 5 & fîgne ^ a Aix-la Chapelle le 12. de Mai i66'8. Le Pape y eut les honneurs de la Me- D (à ' diction 5 ^4 Histoire Politiq.îJ!b diation 9 qu'il avoit briguée : les trois; Allies en prirent la garantie. Ge qu'il y a de plus étonnant -, c'eft que l'Ef- pagne? qui devoit fon falut ala Tri- ple-Alliance? voulut punir les Allies du Traite qu'ils lui procuroient. Elle s'irrita qu'ils l'obligeaflent à céder une petite portion du tout ? que Louis XIV lui auroit enlevé. L'allarme étant donnée à toute l'Europe fur l'ambi- tion de la France ? il n'y avoit plus à craindre qu'on fe laifsat furprendre par une féconde invafîon des Pais- bas 5 qu'on regardoit comme effentieis à l'Equilibre. La bonne Politique de- mandoit donc que Louis XIV fut ref- ferre ? de ce cote ? dans la Frontière y que le Traite des Pyrénées lui avoit marquée. La Cour de Madrid fe conduifît fiir d'autres principes. Une partie de fes Miniftres crut qu'il falloit augmen- ter le péril des *Dix Provinces , afin de rendre les Alliés plus attentifs k leur confervation L'autre voulut qu'on fe vengeât des Hollandois ? en redou- blant leurs inquiétudes ; & que le Voifinage de Louis XIV fût la pu- nition des mena^emens ? qu'ils avoient. eui E U Si E C L F. 7. Partie. 8 5' eu pour lui. MaitreflTe d'affoupir les prétentions de ce Monarque ^ en lui cédant la Franche - Comte 5 qui au- roit accru fon Royaume fans le rendre plus redoutable ^ elle aima mieux lui abandonner la nloitie de la Flandre 6c du Hainaut. Il etoit de la Grandeur Efpagnole de paroitre ne pas pefer de fi petits morceaux de h VB-He Monarchie. CHAPITRE^XII Traite de Lisbonne ^ entre tEf- ;pagne& le Portugal, en 1668. L ^Antipathie entre les Efpagnols &; les Portugais mettoit un obôa- cle invincible à la réunion des deux Royaumes. Vingt cinq aiis de la guer- re la plus opiniâtre avoient mains été ^ de la part de r£fi3agne^ l'effet de Tes Efperances , que de fon orgueil j k^ Rois avoient honte de céder une Couronne , qu'il leur etoit bien, plus S6 Histoire Politique fe lafla^ enfin cette année ^ de fe c©n- fumer inutilement ^ pour une aparen- ce de Grandeur ^ qui n'en impofoit pkis a perfonne. Le Marquis de Li- che^ prifonnier de guerre a Lisbon- ne -i prit fur foi de faire les avances de la paix ; & le Comte de Sand- wich -) AmbalTadeur d'Angleterre au- près des deux Cours ^ offrit le Roi fon Maitre pour Médiateur. §. I. Le Traite fut figne par le Pléni- potentiaire Médiateur 5 le 15. Février? & ratifie enfuite par le's deux parties. Tous les articles peuvent fe réduire a un feul ? favoir •> que les deux Roi- aixmes apartiendront déformais ^ cha- cun a fon Roi ^ dans l'état où ils e- toient 5 avant l'union que Philippe II en a voit faite. \ IL Il s'en falloit beaucoup que l'Efpa- gne ne put rendre le Portugal dans l'état où il etoit , lors de fon invafîon par Philippe IL Les Hollandois , qui n'ayoient ?5U Siècle. L Partie. 87 n'^avoient point diftingue le Roi de Portugal du Roi d'Efpa^^ne 1 avoient attaque Philippe II dans tous fès Do- maines. Ils lui avoient enlevé la Côte du Malabar ^ & celle de Guinée :> avec les Etabliflèmens dans les Indes Ori- entales -) a Pexception de Macao. Ils avoient fait chaffer les Portugais du Japon , & ils s'etoient empares de tout leur Commerce a la Chine. Le Portugal ? tel que Charles II le ce- doit à la Maifon de Bragance !> n'e- toit qu\ine très petite partie du Poj&- tugal uforpe par Philippe II. La de- couverte des Richefles du BrefiU au commencement de ce fîecle ^i Fa ra- proche de fon ancienne opulence 5 mais elle ne lui a pas rendu fon an- cienne réputation. C H A- gg HisToiHE Politique CHAPITRE XIIL Traité Secret de Louis XIV ^ avec Charles II , Roi d'Aii-^ gîeterre ^ en lôjo. LO u 1 s XIV imputoit aux Hol-- landois le Traite de la Triple Alliance ; & il s'en prenait à eux de la perte d\ine occafîon unique de s'em- parer -, fans coup ft/rir -> des Païs-bas Èipagnols. Il ne leur pardonnoit point d'avoir eu plus d'amour pour leur liberté ^ que de compiaiiànce pour fon ambition ^ ou de crainte de fbn ref- fentiment i & il avoit dt'ja refoiu leur ruine ^ lors qu'il fîgnoit l'accommo- dement 5 dont ils faifoient leur fùrete, Louvois î qui vouloit la guerre à quel- que prix que ce fut -, l'entretint dans fa haine & fes idées de vengeance ^ quoi qu'il ^it parfaitement que le Trai- te de la Triple Alliance etoit i'Ou- vrape du Clievalier Temple; & que ce Minilire Anglois ayoit eu beloin de BU Siècle. /. Partie. %i) 4e toute kïi adreffe :> pour y faire en- trer la Republique. Dans le grand nombre de Tes Al- lies -) la Republique n^avoit que l'An- gleterre capable -^ ou de la deffendre contre Louis XIV -> ou de contenir le reirentîment de ce MonarqueX'Empe- reur etoit uniquement occupe de Te- tabliffement de fon Defpotifme en Hongrie. L'Efpagne aprehendoit une guerre -> dont il lui faudroit efiiuer le premier feu ^ & payer a Tune ou Fau- tre partie les principaux frais. La Sué- de fe repentoit de s'être mêlée d'af- faires -) que fon eloignement lui ren- doit peu inlereifantes ^ & les Sublides de fon ancien Allie l'avoient entière- ment refroidie envers les nouveaux. Le Roi de Dannemarc -) tenu en échec par les Suédois ^ ne pouvoit prendre de parti avant qu'ils fe fuflent décla- res 5 fans s'expofer a les avoir en tête, L'Evêque de Munfter etoit un En- nemi reconcilie 5 avide de guerres 6c de butin ^ & qui foupiroit après Foc- cafion de fe refaire de fes dernières pertes. L'Eleéleur de Cologne voyoit k regret les Hollandois Maîtres de Shinbergi & le deiîr de recouvrer cette 50 Histoire Politique cette unique Place forte de fon Elee- torat le diipofoit a s\inir avec leurs Ennemis. §. I. C H À ?v L E s II Roi d'Angleterre vendit fon Alliance à Louis XIV !>& s^en fit payer l'abandon des Hoilan- clois. Mais4es Hiftoriens François ^ qui font honneur a leur Roi de tous les evenemens de fon règne ^ appuient avec trop de complaifance fiir le pa- rallèle entre les deux Monarques 9 dont Fun 5 fans ceffe dans le befoin d'ar- gent t> facrifioit fa gloire à l'autre 5 que {on ambition rendoit prodigue de fes treTors. Ici ^ la Critique ne peut mor- dre que fur les motifs de Charles II. Un Roi d'Angleterre ^ qui eut fait de l'intérêt de la Nation la règle de fa conduite t>*âuroit du s'offrir au Traite 9 qKe Louis XIV rechercha avec tant d'emprefîement 5 & qu'il fe ménagea par des voies fî peu glorieufes. Crom- wel lui-même auroit conjure ^ comme Charles 5 la ruine des HoUandois. La différence eut été 5 que fe refervant d'en marquer le point 5 il auroit mis a un DU Siècle. /. Partie. ^i à un prix plus noble la part qu'il au^ roit promis d'y prendre. La Paix de Breda avoit rcconciUe les deux Puiffances Maritimes ^ fans redrelïer aucun des griefs ^ qui avoient ete le fujet de la guerre. Les Nego-r- cians Anglois n'etoient pas moins gè- nes dans leur Commerce d'Aiîe & d'Afrique. Le Pavillon d'Angleterre n'etoit pas plus refpeûe par les Vai& féaux de la Republique. Enfin les Hol- landois confervoient toujours FEmpi- re des Mers-^ & la luperiorite •) que l'Angleterre devoit au moins parta- ger avec eux. Charles avoit éprouve dans la dernière guerre que les for- ces Maritimes des trois Royurnes e- toient à peine en égalité avec celles des Provinces - Unies ^ & qu'a moins de quelque grand coup du hazard 9 une guerre particulière ne pouvoit produire que i'epuifement des deux parties. En mienager une ^ dont l'An- gleterre feroit les moindres frais 9 tandis qu'elle feroit a portée d'en re- cueillir tous les fruits ^ etoit le Chef- d'œuvre de la bonne Politique. Louis XIV auroit ete la dupe d'une Negocicction •) dont (es Miaiitres s'a- ^z Histoire Politiq.ûs s'aplaudirent , fi Charles II avoit {iiî- vi conftamment fon caraftere. Après avoir vendu a la France l'Alliance diï Roi d'Angleterre^ il pouvoit faire a-* cheter aux HoUandois humilies celle de la Nation Angloife. La Republi-* que -) flir le panchant de fa ruine -> lui laiflbit diéler les conditions de fa paix avec lui ; & fon Parlement lui offroit 5 pour la Guerre contre la France j plus que Louis XIV" ne lui donnoit pour fon Alliance. En un mot ^ il au- roit fait fervir a la Grandeur de FAn-» gleterre Papareil immenfe ^ dont h France avoit elpere la fienne; ôc Louis XIV t, après avoir ete Finftrument de fa jaloufie contre les HoUandois , fe- roit devenu i'Artifan de fa fiiperoritë liir eux. Tout fe que les efforts de Pamhitloft ^ rie la prudence humaine peuvent préparer pour détruire une Ration , Louis XI V 5 dit Pilluflre Panegirifte du règne de ce Monarque ^ Pavoit fait pour détruire les HoUandois. Il viy a pas chez les hommes d'exemples d'une DU S I E C L g. /. Fciréie. ^g d'iote petite erttreprife formée avec des préparatifs plus formidables. En effet la monftrueiife expédition de Xerxès contre la Grèce ne rem- porte point fur celle de Louis XIV^ contre la Hollande. Mais ce dernier ne gagne point du tout a la fuperio- rite -i qu'on ne fauroit lui difputer.J & pour lui confer/er le titre de Grande PHiftorien auroit dû lui e'pargner l'ob- ferv^ation. Ce n^eft point dans la gran- deur de Papareil militaire qu'un Con- quérant trouve fa Gloire. Le premier Darius ^ qui entreprit avec de moin- dres forces -, & auffi peu de fiiccès 5 contre la Grèce •> que Xerxès ^ eft dans i^Hiftoire un Prince auffi puiifant ^ mais moins imprudent que lui. De fi for4Tiidables préparatifs otent tout rhonneur de la reuffite 5 & augmen- tent la honte du mau/ais fiiccès. Si la prudence dans les préparatifs & dans l'exécution fut a peu près la même chéries deux Monarques-, il s'en faut beaucoup qu'on ny trouve la même noblelTe & la même digni- té. Xerxès eft un puiifant Roi, qui veut acquérir au nombre de k^ (ujets un peuple libre oc vaillant quil eiti- me. 54 Histoire Politique me. Louis XÎV eft un Ennemi im- placable 5 qui veut détruire un petit Etat -, qu il craint ^ & dont il convoite les Richelles. Le Roi de Perle , plein de confiance en Tes forces 5 accorde fa prudence avec là gloire ; & s'il (ignale fa puiiTance dans les préparatifs^ toutes Tes autres mefures font dignes d'elle : il n'en prend point qu'il ne puifTe avouer avec honneur. L'alliance des Carthaginois ^ qu'il croit lui de- voir être utile -, il la recherche en Sou- verain 5 & l'obtient de même. Louis XIV aprehende de n'être pas aflcs puiffant de fes feules forces contre un petit Etat ^ qu'il aiFeâe de meprifer. Il lui lufcite des Ennemis ^ il s'achète des AUiJs 5 & ce Prince ? fi Jaloux de fa gloire ^ fi rempli de l'opinion de fes forces 7 ne voit de foi'etë k donner Pedort a fon ambition ^ qu'en permettant à fes Minilires la feduc- tion de Pefpece h p us odienfe. Il fe pouvoit trcs bien que la belle Ml'e. de Karwel manquât le Cœur de Charles il. Mais l'Europe favoit que le Miniflere de France avolt tait a xc elle fon Traite J & que 9 fon- dant fur fa beauté le .fuccès de la ne^'O- EH S 1 E C L E. 7. Partie. ^5 négociation ^ il ne Ij^i avoit fait pafler la mer t qu'après en avoir conceite avec elle la conduite 5 qu'après l'avoir reiîgnee k ce qu'elle y devoit mettre du fîen 9 pour la conclure & k fou- tenin Quelle manœuvre pour un Louis XIV ! . . . Charles fiit foible , ainfi qu'on l'avoit efj^ere. Mais l'Hiftoire lui pardonne fa foibiefTe ^ & ne peut pardonner le piège qui lui fut tendu. Madame ^ Sœur de Charles 1 1 , Princeiïè de vingt lîx ans ^ parut le Plénipotentiaire de Louis XIV. Mai? elle n'eut que les apparences & les honneurs de cette quahte. Après avoir demeure en Ang[eterre'?a{res pour don- ner le tems a la belle Karwel de faire fon imprefTion :> elle repaffa en France ^ laiiTant fes pleins pouvoirs a la nouvelle Favorite ? avec le Marquis de Croiffi pour fon Confeil. Chaules figna le Traite , qui lui fut prefente par fa Maitreile. Le Marquis de Croiffi -> qui l'avoit dreiTe, reçut la promeffe , qu'il faifoit à Louis XrV , d'attaquer & de preffer les Kollandois avec toutes fes forces de Mer ; & la belle Karweî prit la ga- rantie du Traite 5 moyennant les Pen* fions f 6 HlSTOlUE P0L]^lQ.Wfi fions dont la Cour de France lui a- voit donne parole de recompenfer fes bons offices. Cette dangereufe Beauté fut le grand reifort de la Politique du Miniltere François -5 pendant le cours de la guerre. Si les HoUandois avoient daigne faire ce qu'ils pouvoient-? pour s'en rendre les Maîtres , 6c le faire fervar à la leur ? ils auroient an- ticipe fur le Traite d'Utrecht ; & Louis Quatorze eut demande la paix avec autant d'empreffement ^ qu'il parut la diéler avec hauteur 5 a Nimegue. CHAPITRE XIV. Paix de Nimegue ^ en 1678. LA capacité des Généraux -> (5c h bonté des troupes de France ^ foutinrent en cette longue guerre la réputation de Louis XIV ^ contre les fautes de Tes Minifires , 6c fa propre prelomption. Oblige 0 comme Xer- %hs 5 de renoncer a fes efperances de Con- BU S î E C L |. L Farîk. 9 7 Conquête ^ il aiiroit paye plus cher que iui fa prilè d'armes 5 fî le Cabi- net eut continue de faire la guerre. Le Marquis de Louvois agiffoit con- formément a fes vues particulières ^ quand ^ éparpillant l'Armée Fran- , çoife dans les Places de la Republi- que •? il rejettoit toutes les propoiitions des HoUandois -> & reoifoit avec une dureté inouïe de leur marquer aucu- nes conditions. Mais on cherche en vain a dem.êler les vues de Louis XI V" dans l'aveu qu'il donnoit a la conduite intereiïee de Ton Minière , dont il ne penetroit point le principe. Ce der- nier -, qui n'aprehendoit que la paix -y fouhaitoit d'aiiarmer l'Europe. & Char- les lui - même !> en leur faifànt vo>r le Roi fon Maitre refolu de fjarder k'^ Conquêtes. Mais Louis XIV ne gagnoit rien a s'atirer tant d'Ennemis fiir les bras; & quand même^ pre- jdimant alTes de fes forces pour ne les pas craindre ^ il auroit mis fa gloire à les braver : il etoit de la prudence la plus commune de terminer fa pre- mière affaire 5 pour mieux faire tête aux autres. Le Marquis de Louvois n'avoit point E d'au- 98 Histoires Politiques. d'autre projet que celui de faire la guerre. Louis XIV s'etoit propofe% ou la ruine ^ ou rabaiffement ? ou la Conquête de la Hollande ; & il pou- voit fans témérité fe promettre Fun ou l'autre de la grandeur de fapa- reil avec lequel il marchoit contr'elie. , Il avoit dû s'^attendre aux fuccès de ia première Campagne ; & fans doute qu'il avoit fait délibérer dans fon Confeil fiir la deftinee qu'il lui con- viendroit de faire à la Republique , lors qu'elle iè mettroit a fa difcretion, en implorant fà generofite. S'il avoit refolu de fe Taffujenr ( c'etoit peut- être une refolution que l'expérience du génie & du Caraâere Hoilandoi? reduifoit a l'abftu'de ) il devoit le faire lignifier aux Députes ^ lors qu'ils vin- rent à Utrecht le ftiplier de diéler les Conditions de la Paix. S'il vouloit dé- truire la Republique 9 & l'anéantir : les avis de Conde & de Turenne lui en donnoient le procède. S'il etoit con- tent de l'humilier ^ il devoit lui faire des conditions iiiportables ^ lui deman- der des fatisfaàions qu'elle pût lui donner. Elle n'etoit pas réduite k Tex-» ta-emite 9 où fe trouva Carthage après k DU Siècle, L Partie. 99 la bataille de Zama ; & il exigeoit plus d'^elle ^ que le premier Scipion n'en demanda de cette rivale de Ro- me. Put - il elperer que ces mêmes Hollandois 5 qui -> pom* deffendre leurs privilèges , avoient autrefois rifque de s'^enfevelir fous les Eaux , lui facri- iîeroient leur Commerce 9 leurs biens» leur Religion , leur liberté > & qu'u- ne Patrie 0 incapable par elle même d'attacher fes peuples , ils fe la vou-», croient conferver ^ pour y vivre » moins encore les fujets que les Efcla- ves d'un Defpote ? C'eft la pourtant ce que fupofoient les odieufes cojiidi-* tions que le Marquis de Louvois dai- gna enfin leur marquer 5 au nom dii Roi fon Maitre. Louis XÎV. leur enlevoit tou- tes leurs frontières : il demandoit qu'ils lui donnaifent des Villes & des For- terelfes dans, le fe'm de leur Païs : qu'ils lui cedaflent tous les grands chemins ^ & les lui entretiniTent^ fans que ceux qui iroient fous Paffeport de France contribuaffentaux frais 5 fans que leurs Marchandifes païaffent ni péages ni Doûanne. Il exigeoit qu'ils fatisfiffent l'avidité de i'Eyêque de Munfter ^ l'am- E 2, bition loo Histoire Politique bition de TEledeur de Cologne ^ qu'ils ne rePafaflfent rien au Roi d'Angle- terre i & pour comble de dureté -> infultant a leur malheur -) il vou- ioit que le Phantome de Republique qu'il laiiTeroit fiibfîfter ^ lui envoïat déformais tous les ans , par des Am- baffadeurs , une Médaille d'or 5 for la- quelle il feroit grave que les fept Pro- vinces tenoient leur liberté de Louis XIV. Le retabliflement de la Reli- gion Catholique ^ ôc le payement de plus de trente de nos millions, etoient les Préliminaires de cette Capitula- tion inouïe. L'invafion avoit furpris , abatu les courages i l'indignanoii les ranima ■> & fit renaître l'efperance La dureté du Vainqueur etoit extrême : il ne pouvoit ie vanger plus cruellement de la defFenfîve la plus opiniâtre ; on re« fbiut de la tenter :> & on fe flata de le faire heureufement. Les yeux s'ou- vrirent fur les forces de la Republi-- que ? qu'on n'avoit defefpere de fau- ver que par deffaut d'^attention fur fes reffources. On aperçut les fautes de Louis XIV •) qui 5 de la manière dont il s'étoit conduit ? étoit plus redeva- ble DU Siècle. 7. Tmt. loi ble aux diviiîons inteftines ^ qu'Ali fa piiiiTance ^ de la conflernation géné- rale 7 que fon aproche avoit caufee. Les Républicains outres , qui jufqu'a- lors avoient vu dans le Stathouderaf le berceau du Defpotifme ^ renoncè- rent a leur préjuge ^ ou le plièrent au bien de FEtat. Le Stathouder pa- rut à tous un Officier necelTaire a la Republique J & le Jeune Prince d'O- range fut apelle au rang de fes An- cêtres. 5. I. Cette révolution que Louis XIX^. avoit dû prévoir^ & que fes formi-* dables préparatifs lui dévoient rendre peu conlîderable ^ étonna le Conqué- rant ^ & lui fît abandonner fon pro^ jet de Conquête. Ainfî que Xerxes, il vouloit 9 dit Pilluflre ' Panegirijle de fon règne ^ une gloire fure^ & la gar-» de des Provinces conquifes devenoit difficile. Il jugea qu'il ne lui conve- noit point de commander lui-même fon armée contre un Ennemi qui al- loit fe deffendre. Satisfait d'avoir prif tant de Villes^ en deux mois -) il re- vint a Paris au milieu de l'Eté ; & E 3 laiC- loi Histoire Politique îaifTant Tiirenne ^ comme Xerxes a- voit laifle Mardonius ^ pour achever la guerre • il jouit du Triomphe. Mais la pompe n'en etoit pas encore prête > que les Conquêtes etoient déjà aban- données. Le fruit de cette entrepri-^ fe ) dit encore rHJiorien j fut d'avoir une puerre fanglante a foutenir con^ tre rEmpire:> rEfpagne &la Hollan-- de reunis , d'être abandonne de l'An- gleterre •> de l'Evêque de Munfler & de l'Elefteur de Cologne •) & de lai& fèr dans bs pais ^ qu'il avoit^ envahis & quittes •) plus de haine que d'admi- ration pour hii. Les Prince d'Orange ofa , cette mê- me année •> rendre à Louis XIV la furprife qu'il avoit faite a la Repu-* blique. Il l'attaqua chez lui ^ & le reduifît a deffendre fes Places. Le Siège de Charleroi 5 quoique malheureux 5 donna de la réputation aux Armes de Hollande :, & fit paffer au Stathouder la gloire de Louis XIV. L'Eledleur de Brandebourg-) déclare trop tôt pour la Republique 5 & mal foutenu de fes autres Al i.'s -, perdit les Etats de Weft-* phalie ^ par l'aftivite de Turenne ^ & les recouvra en dupant le Minillere de DU Siècle. L Partie. 103 de France^ par un Traite de Neutra- lité 5 dont il ne lui flit demande ni ô- tage ni garant. Uannee fuivante^ il le rompit J & fa reprife d'armes fiit juftifiee 9 comme fon Traite ^ paa' les circonftances 5 qui Fy determinoient. i Uenlevement du Prince de Fur- ftemberg , a Cologne •) par les ordres de l'Empereur ^ le 14. Février 1674^ rompit les conférences qui fe tenoient en cette Ville pour la Paix. Depuis le Traite de Weftphalie 9 les Empe- reurs qui ont &it la guerre à la Fran- ce !) la lui ont faite aux dépens de leurs Allies ^ de ils ont eu intérêt de la prolonger. Quoi que Louis XIV pa- rût n'être feniîble qu'u l'infiilte qu'on avoit prétendu lui faire dans la per- fbnne du Prince fon Allie ^ & fon Ami ^ il perdit plus que ks Ennemis à la rupture des Conférences. L'E- vêque de Munfter & l'Elefteur de Cologne furent contraints de faire leur paix particulière t, & d'entrer dans les refolutions de l'Empire : Le Roi d'Angleterre^ que fon Parlement ^ & les Allies , voulurent forcer 9 tandis qu'il leur etoit fi facile de le gagner 9 fut obligé de fe détacher de la France. E 4 Lors 104 Histoire Politique Lors des Conquêtes , il avoit ete aiiffî peu traitable que fon Allie. Vingt de ^ TiOS Millions ^ & un Tribut annuel de deux cent mille francs ^ etoient les Préliminaires de la paix qu'il confen- toit de donner a la République. Il ne fut plus parle de ces conditions 9 dans le Traite^ de 1674. Quelques fa- tisfaélions relatives au Commerce ^ & siccordces plutôt a la Nation^ qu'au Roi-î lui payèrent la Neutralité ^ qu'il ne pouvoit refufer. Louis XIV fe fe« roit trouve feul contre toute l'Euro- pe , fi la belle Ducheffe de Porft- mouth avoit voulu s'accommoder an tems 9 comme ks autres Allies j ou lî le Prince d'Orange l'avoit jugée ua relTort digne de fa Politique. La guerre fut dès lors entre Puif» fances égales , quoi qu'en difent ie& Panegiriftes. Louis XIV 9 tantôt af^ fiegeant ^ tantôt sfilege 5 dans les Païs-^ bas 5 ne contint les Ennemis fiir cette frontière ? qu'au moïen de plufieurs grandes armées ^ qui confumoient fes trefors. Il fe livra deux grandes ba- tailles -) dont le fruit fe borna à la prife d'une Ville^ & a la porieffion du Champ (^u on avoit combatu. L'habiletë du Ma- DU Siècle. /. Tartîe. 105 Maréchal de Crequi ferma la Cham- pagne au Duc de Lorraine. Turenne liit conferver la Lorraine ^ & faire vuider TAlface à FElefteur de Bran- debourg. Mais le Miniftere fut per- pétuellement en crainte pour les Pro- vinces du Royaume ^ & ce ne fut que par leur epuifement ^ qu'il leur fit une barrière. Il ne lui reftoit plus que fa fierté ^ lorsque les défiances & la des- union des Allies lui offrirent Focca- fion de terminer la guerre. §. I I. Le Prince d'Orange venoit d'e]30u- fer une Princefle d'Angleterre. II avoit vu Charles II -, a Londres ; & il e» avoit obtenu qu'il fortiroit de (on in- sftion dans une guerre ^ où il pou- voit représenter avec autant de gloire que d'avantage. C'etoit un Allie qui alloit donner une entière fiiperiorite auxPuiifances conjurées contre la Fran- ce. Mais la Republique ^ qui le re-> gardoit plutôt comme l'Allie de ion Starhouder^ que comme le fien-) s'al- larm^a pour fa liberté :> dont ellcetoit devenue plus jaloufe que jamais, de- E 5 puis io6 Histoire PoLiTiauE puis qu'elle etoit hors du péril qui lui avoit arrache le retabliflement du Stathouderat. Contente d'avoir ete at- fes heureufe^ ou afles adroite^ pour rejetter la Guerre dans le païs de fes Allies 5 elle ne vouloit point entendre à un projet de Conquêtes ^ qui dé- voient ajouter h fon epuifement^ & accroître i'autorite du Stathouder.Tout ce que put obtenir le Chevalier Teni- ple ^ aide de la brigue du Prince ^ ce fut un Traite de Ligue entre les deux PuifTances Maritimes , pour obliger Louis XIV a donner la Paix ^ fuivant - le plan qu'elles en drefferent. Le Trai- te fut figne a la Haie le i6. de Jan- vier 1678. Selon le projet , la France devoit céder a l'Efpagne fix des Pla- ces , que le Traite d'Aix la Chapelle lui avoit donn^^'es^ & la Franche-Com- te 5 qu'elle avoit conquife pour la fé- conde fois 9 lui en devoit être la re- compenfe. C'etoit corriger la faute que la Cour de Madrid avoit faite à Aix. LaFrance devoit rendre ce qu'el- le avoit occupe pendant la guerre 5 & renoncer aux Droits touchant lefquels elle avoit été Juge & Partie^ fur la Princi- DU Siècle. /. Tartîe. 107 Principauté d'Orange 5 & les biens du Prince. Louis XIV fat outre que la Re- publique reprît avec lui Ton ancienne conduite. Pour fauver au moins les aparences de la (iiperiorite ^ qu'il avoit abfolument perdue ? il opofa au Pro- jet de la Haie ^ qui n'etoit pas encore public ^ un plan de Paix entièrement femblable à celui des deux PuifTan- ces ; & comme elles lui avoient don- ne jufqu'au 10. d'^Aoùt povir fe déter- miner ^ il efpera de faire illufion 5 en leur marquant un terme plus court ; c'etoit le dix de Mai. La Republi- qi^e peu jaloufe de ces faufles appa- rences 5 & prête a facrifier leur vain éclat aux biens folides de la Paix ^ s'en tint néanmoins au terme que le Traite de Ligue avoit fixe J & Louis XIV 5 oblige de s'y conformer ^ de- guifa tellement cette complaifance for- cée -, qu'elle parut au Vulgaire un trait de Grandeur & de generofîte. Il avoit écrit le dix d'ilvril -) aux Etats Géné- raux la Lettre la plus obligeante ^ où il les invitoit à la Paix ^ en leur de- mandant de lui envoyer quelqu'un pofir en traiter. Le dix de Mai ^ Jour après E 6 lequel ïoo H1STCIE.E Politique lequel il ne devoit plus entendre aux propofîtions , etoit pafle 5 Tans que les Etats lui euîTent encore fait de repon- le : & il n'en changea pas fes difpo- fitions à leur égard. Le Députe Be- verning -) qui ne lui fut envoyé que le 25» de Mai, en obtint fans peine une Trêve de fix fèmaines , a com- mencer le 10. de Juillet 5 ce qui etoit plus que fes Maîtres n'en demandoient. Mais le Roi fe faifoit honneur de la îitceffite où il etoit de parer au Traite de Ligue -j qui- devoit éclater le 10. d'Août , & il ne vouloit pas qu'on s'en prît à lui du renouvellement de la guerre. Avant ce dernier terme •> les arti- cles de la Paix furent acceptes par la Republique. Louis XIV crut qu'elle n'en voudroit pas revenir ; & la ju- geant dt tachée , fans retour , de fes Allies <5 il ft à ces derniers nombre de difficultés capables de les engager a continuer feuls la guerre. Les lîx Places-) qu'il devotf' céder aux Efpa- gnols , il ne les leur vouloit remet- tre qu'après que la Suéde fon Al- liée auroit recouvre ce que l'Elee-^ teur de Brandebourg lui avoit enlevé. Peut-^ BU Siècle, l Tank. 105 Peut-être n'etoit-ce la qu'un prétexte pour ne s'en point defaifir. Quoi qu'il en Toit :> les Etats Généraux firent va- loir hautement le projet que le Traite de Ligue avoit mis en avant 5 & ils exigèrent FeVacuation aâuelle -) avant que de defarmer. Ce fot alors que le manège du Miniftère de France perça ^ & qu'on put reconnoitre que ie Monarque -> qui vouloit paroitre faire la Loi à l'Europe -^ la reeevoit de la Hollande. Il lui etoit honteux de dé- férer aux inflances de la Republique 5 après avoir fignifie qu'il avoit pris Ton parti à cet égard. Mais s'il ne fe re-« lachoit point 5 elle etoit refolue à la Guerre. On vit les Miniflres François re-« courir aux petites finelfes, pour accor- der la gloire du Roi avec le bien de fe^ affaires. Ils firent produire par k Refident de Suéde à Londres des or- dres précis du Roi Ton Maître •? de prier Sa Majefte Très Chrétienne ^ pour le bien général de la Chr jtien^ té t> de donner la F'aix à l'Europe ? fans égard pour l'intérêt particulier de la Suéde. Louis XIV parut fe ren- dre avec peine aux inliances gcnereu- lïo Histoire Politique fes de fon Allie. Mais enfin il s'y ren- dit. L'eVacuatîon de fîx Places fe fit comme les Etats Généraux l'exigeoienti & les Plénipotentiaires François ^ bien plus attentifs au terme marque par le Traite de Ligue ^ qu'a celui que le Roi leur Maître avoit fixe plus tard^ prefenterent les articles a figner aux Plénipotentiaires Hollandois -, le lo. Août •) entre on7:e heures & minuit. Le Chevalie*" Temple , qui avoit m«e- nage le Traite de Ligue ^ & qui l'a- voit fait renouveller & confirmer par un fécond du 2,5. de Juillet ^ tgnoit des Couriers prêts pour partir à mi- nuit •) & aller annoncer 5 a Londres & à la Haie ^ le renouvellement de la Guerre. Son dépit lui fit refufer de paroitre Médiateur du Traite par- ticulier •) qui lui enlevoit le fruit de fon habileté. C'efl: ainfî que Louis XIV" parvint a cette fameufe Paix, dont fes Pane- giriftes difent qu'il fut le feul Arbi- tre -i & qu'il di6la les conditions en Conquérant & en Maître. Peut-être n'a i'*il jamais ete moins Grand que dans cette négociation. La paix de l'Efpagne ne fe fit point dans EU Siècle, l Partie, m dans le terme marque avec tant de hauteur aparente ; & malç^re les nou- veaux avantages des Armées Franco!- fes ^ le délai n'empira point fes con- ditions. Le Traite fut ligne le 17 de Septembre^ tel que la Ligue du i5. de janvier^ l'avoit digère. L'Empereur & PEmpire ne firent le leur que l'année foi vante le 5. de Février ; & fi leur opiniâtreté leur fit moins obtenir que la Ligue n'avoit flipule pour eux ^ on ne doit l'attri- buer qu'au reffentiment de la Répu- blique^ qui pour les punir de leur peu de déférence a fes bons offices ^ les abandonna a leurs propres négo- ciations. §. II L Le Traite de la Republique n'^a d'eA fentiel que le recouvrement de Ma- ftricht. Mais il a de remarquable que tefèrvant au Prince Stathouder de trai- ter en fon particulier avee le Roi pour fa Principauté d'*Orange -, & fes au- tres biens enclaves dans les Terres de France ^ elle prit la garantie de [on accommodement J & voulut que foiji reta- 11% Histoire Tolitique retabliflèment 5 fiipule dans un article fepare du grand Traite ^ fut de même coniîderation aux Pui flan ces que les articles du grand Traite lui - même» Ainlî elle fit de fon premier Officier Tegal de Louis XIV i & le Roi de France traita avec le Stathouder cona-- me avec un Souverain. 5. I V» UEfpagne céda la Franche-Comte? dont la double Conquête •> faite fans coup ferir >) lui demontroit la defenfe impolTible ^ à moins que d'y interef- fer le Corps Helvétique. Elle recou- vra en échange toutes -les Places de la Catalo£Tne & du PaVs-bas -, qui lui avoient ete prifes pendant la guerre J & Louis XIV lui rendit Charleroi^ Courtrai -> Oudenarde -, Ath ^ St. Gui- iain -) & Conde 5 avec leurs dépen- dances. C'etoient des acquifitions,que la paix d'Aix la Chapelle avoit aflii- rces à la France. La Cour de Madrid s'enr a;^ea de lui faire céder ^ par TE- vêque de Liège -, le Château de Bi- nant ^ & fur e refus de ce Frclat ^ dV jouter Charlemont aux Fais-bas Fran- çois- DU Siècle. L Partie. Ï12 çois. N'aiant pas reuffî pour le pre- mier -) elle remplit fon engagement pour le fécond en 1680. î. V. Délivre de la moitié de fcs Enne^ mis , Louis XIV auroit volontiers continue la guerre contre Pautre. Le Roi de Dannemarc & PEleâeur de Brandebourg!! qui avoient eu de grands avantages (iir les Suédois ^ entroient avec vivacité dans les vues de l'Em- pereur 5 pour qui la paix 9 qui devoit le rendre a robfcuritë des Guerres de Hongrie, n'avoit aucun attrait. Mais \m Etats de l'Empire -) defoles par \m Troupes Impériales & Françoifes 9 refuferent de fe prêter a Ton ambition. Ce flit en vain que les Miniftres Im- périaux 5 appuies de ceux de Danne- marc & de Brandebourg, s'efforcèrent d'irritef le Corps Germanique contre Louis XIV. Les Diètes diffnnulerent leur relîèntiment fur les difficultés, que la Cour de Verfailles faifoit par rapport aux titres , & a la qualité des, Miniilres des Princes , qu'elle refii- foit de reconnoitre pour Ambafla- deurs ; 114 Histoire Poditiqus deiirs j & il fallut déférer a leur ^oût pour la paix. Le Traite fut figne le 5. de Fé- vrier 1679. La paix de Weftphalie en fit la bafe. Le Roi céda a TËm- pereur le Droit de Proteftion ^ que le Traite de Munfter lui avoit donné fur Philipsbourg i & il reçut Fribourg pour recompenfe 9 avec le chemin de la communication de Brifach. Le Duc de Lorraine dut recouvrer fes Etats^ aux termes du Traité des Pyrénées 9 fous la referve de Nanci 5 ôc des qua- tre grands Chemins , dont la France demeureroit en polTeffion -> en donnant FEveché de Toui au Duc ^ pour Equi- valent. Charles V aima mieux relter dépouillé de fon Etat t> que d'y ren- trer fans y pouvoir être Maître. L'E- lefteur de Brandebourg refufa d'être compris dans le Traité. Mais il y fut contraint par Finvafion de fes États de Weflphalie 9 qu'une Armée Fran- çoife lui eut bientôt enlevés. Obligé de foufcrire à la reftitution de ks Con- quêtes liir la Suéde ^ il iigna le zp de Juin 5 & le Roi de Dannemarc en fit autant le z. de Septembre. Louis XIV perdit par cette paix fix I DU Siècle. 7. Par.^ie. 115 - fîx Places fortes en Flandres ^ avec leur Territoire ^ fans compter Aloft & fon Comte 5 dont la ceffion etoit inconteftable : puifque toutes les Pla^ ces & pais 5 qui lui dévoient demeurer fur cette frontière 0 étant fpecifies nom- Biement dans le Traite 5 il n^etoit point fait mention d' Aloft. La guerre lui coûta plus de quinze cens de nos Millions ? &: trois cent mille hommes. Il n'y gagna que Charlemont^ & la Franche - Comte. L'Alface & Dun- kerque 5 que fes Panegiriftes donnent pour le fruit de la guerre ^ terminée à Nimegue ^ il les poffedoit aupara- vant a tous les titres les plus relpe-» tables. C'etoit être bien redoutable ^ dit Villujlre Hijlorien du Siècle 5 de n'avoir point d'autre malheur que de ne pas conferver toutes fes Conquêtes. Mais il femble que c'etoit être bien mal- heureux de ne tirer d'autre fruit d*un Il formidable appareil , que de ne pas perdre ce dont la pofTeffîon n'etoit point difputee ? Pour conferver FAI- face & le Suntgau ^ Brifach >) Philips- boiu'g 5 & Dunkerque t avec la m.oitië du Pâïs - bas Efpagnol 5 Louis XIV " n'avoit II 6" Histoire Politique n'avoit befoin que de les garder çn paix. Les Traites de Munfter , des Pyrénées , & d'Aix la Chapelle 5 lui donnoientî & lui garantiffoient tou- tes ces acquifîtions. La Hollande 5 qu'il entreprit de de-^ traire 9 ou de foumettre t» etoit fon Al- liée 9 avant fon invafion ; il s'en fit une Ennemie implacable. L'Empire^ qui le tenoit pour fon deffenfeur !> qui faifoit fà liirete de la Grandeur de la- France -) fe défia dès lors plus de lui que de l'Empereur fon Ennemi na-* turel ? & regarda l'agrandiflement de la Maifon d'Autriche comme une di- gue qu'il devoit opofer a l'ambition de la France. L'Angleterre ^ honteu-* fe pour Charles Second 5 du rôle qu'il avoit fait en cette guerre 5 reprit fon ancienne antipathie ; & impofa a fes Rois la nexefliti^^ de fe joindre aux Ennemis de la France. Louis XIV 5 dit - on 5 fut après la paix de Nime- gue •) au comble de fa Grandeur y rien n'eft plus vrai. Le premier pas -> qu'il feroit au delà ^ devoit être le corn-- mencement de fa chute. C H A- BU Siècle. /. Fan. 117 CHAPITRE XV. Paix de Rifvvick ^ en 1 6çj\ LO u I s XIV avoit vu , dans la guerre précédente -^ la plupart de fes Aliies obliges de fe tourner con- tre lui 0 les autres , forces de Faban- donner ^ & le feul qui avoit ofe lui demeurer attache 5 réduit a une de- fenfîve très piaiheureufè. Il avoit vu que la fliperiorite que la France a ^ par Ton Gouvernement-, fur les Puii^ fànces lip-uees contr'elle -, n'alloit qu'à lui faire faire la guerre avec plus d'é- clat J & qu'il avoit eu befoin de tou- tes fes forces , & de toutes fes reC- fources , pour faire tête à une partie de l'Europe , qu'il avoit fiu'prife ^ & contre laquelle il s'aoit prépare. Pour faire entendre fes Enneniis à la paix ^ il lui avoit fallu les divifer : pour a{^ foupir leur jaloufie -, pour calmer leurs al larmes , il avoit été obii:^:e de fc deilailir de fes Conquêtes. Tout c^la lui ii8 Histoire Politiq.ub lui difoit qu'il etoit parvenu au plus haut point de Grandeur :> où il pût par- venir par- les armes j ou que ^ & ù, puiflance etoit encore flifceptible de quelque accroiffement par cette voie^ il le lui devoit ménager a l'aide d'u- ne adroite Politique ^ en gagnant la confiance des plus foibles ^ en don- nant aux plus Jaloux des affaires chez eux 5 en interelTant les plus PuilFans à Ces projets j en femarit par tout le trouble & la divifîon ^ fans autre perfonnage que celui de Médiateur^ & d'Arbitre. Le tems n' etoit plus de fe faire craindre o ou même admirer^ impunément. Le génie du Marquis de Louvois ne s'acommodoit point de cette mé- thode 5 qui demandoit plus de tête que de bras. Pour lui ^ la fin d'une guerre devoit être le germe d'une au- tre. Bientôt il eut réuni contre fon Maitre une foule d'Ennemis , fi tou- tes les Puiffances ^ qui avoient k fe plaindre de lui 5 ne s'etoient accor- dées a lui laiflèr patiemment groffir l'orage. Trompe par fon Miniftre 9 Louis XIV ^ jufques dans fes négo- ciations •) fit toutl ce qui lui etoit pof- fible DU Siècle. L Partie. 119 fible pour devenir 5 fans Allies & fans amis ^ l'objet de la haine & de la ven-* geance de toute l'Europe, Tandis qu'il faifoit citer devant fès Officiers -, & dépouiller de leurs E- tais 5 les Rois d'Efpagne & de Suéde ^ TEledeur Palatin 5 nombre de Prin- ces de l'Empire J & que s'erigeant en Juge des ^Souverains dans fà propre caufe^ il conqueroit des Païs par des Arrêts de fes Commiffaires ; Tandis qu'en pleine paix il affiegeoit ^ bom- fcardoit J & prenoit des Villes : Tan- dis qu'au mépris du Congrès , & des Diètes , à qui il avoit défère Fexa- men de fes prétentions 9 il mettoit des Armées en Campagne ^ donnoit des trêves, & les rompoit^fans produire d'autre raifon que fa volonté : Il fe rendoit odieux aux Italiens 5 aux EC- pagnols 5 & à la moitié de rAllenia- gne par fon intelligence avec le Turcs, qu'il ne daignoit pas cacher : & [qs Miniftres s'offroient au mépris des An- glois & des HoUandois , par une du- plicité que le fafte , dont ils croïoient l'annoblir , ravaloit encore d^avantage. Ceux là qui favoient que l'Ambaffa- dciu: de France a la Porte ^yoitpreifé 12.0 Histoire Politiq.ub le Grand Vifir de fe mettre en Cam- pagne -) auroient volontiers entendu prêcher ' une Croisade contre Louis XIV". Les Anglois , que la levée du Blocus de Luxembourg aux premit^rs avis des mouvemens du Turc ^ avoit frapcs d'admiration ^ fe vouloient de- dire avec éclat des Louanges que ce faux trait de generoiîte leur avoit dé- robées , lors qu'ils le virent au plus fort * dl^ Siège de Vienne porter la guerre jufqu'aux avenues de Bru- xelles. Il n'y avoit pas un Prince de l'Empire qui ne jurât d'aider un jour à l'accabler ^ en le voïant difpofer en maître de la Succeffion de l'Empe- reur i & faifant un leurre a l'Elefteur de Baviei^e de la Couronne du Roi des Romains ^ la lui promettre pour dot ^ Le Blocus de Liixenabourg fut levé le lo. d'Avril 1^83, avec la déclaration faftueufe y qu'on trouve dans tou:es les Hifloires du ré- gne de Louis XIV. Les Turcs arrivèrent de- vant Vienne le 12. de Juillet de Tannée fui- vante 5 & ils levèrent le Siècle le 13. de Sep- tembre. Le Maréchal d'Kumieres entra en ar- mes dans les Pais - bas Eipagnoî le 2. i\u mô- me mois. Il y a erreur dans le Chap. XI IL du Siècle de Louis XIV. Le Panegirifte abu- fe de Tes droits , lorfque pour l'honneur de fon Héros, il vr au-delà du filence furïles faits ijiUi ne lui mit pas glorieux. DU S I E G L 3. /. Farrle. ï Zl dot d'une de fes filles Hw^tiirelles ^ qu'il preTentoit au Trône Eleétoral. La furprife de Strasbourg ^ l'ac- quifition de Cafal ^ le Siège & le bom- bardement de Luxembourg ^ Finva- fîon de la Flandres & du Brabant^ les Arrêts des Chambres de Metz , de Brifàch & de Befançon 5 tous les attentats du Marquis de Louvois con- tre la bonne foi 5 la paix jurée ? les droits & l'honneur des Souverains ^ etoient encore moins choquans par eux mêmes pour les Puiflances qu'ils interelToient ^ que par la manière dont ils etoient foutenus & autorifes. Le Miniftere da France ^ après h furprife de Strasbourg ^ demandoit à l'Empereur ce que lui importoit qu'u- ne Ville libre , la Clef de l'Allema- gne 5 fe détachât du Corps de l'Em- pire 9 & fe donnât un nouveau Sou- verain : quel intérêt ^héritier prefomp- tif du Duc de Mantolie ^ & Chef de l'Empire 5 il avoit a l'aliénation de Cafal. Il repondoit au Duc de Savoie ^ qui fe plaignoit d'un grand chemin ^ & d'un Bureau des Portes ^ que la France vouloit qui fuffent indepen- dans de lui a travers fes Etats 5 & dans F fa 12,2. Histoire Politique fa Capitale même 5 en lui olFrant l'hu- miliant parallèle de fes forces avec celles de Louis XIV. Il le raffuroit fur le Voifînage ^ & diffipoit fes al- larmes fur Tambition de la France ^ en lui promettant la Prote£lion du Roi contre les Puiflances d'Italie. Il accordoit la levée du Siège de Luxem- bourg par pitié J il en'juftifioit le bom- bardement fur la fortie de la Garni- fon hors de ïks Portes. L'invafion de la Flandre j & du Brabant, la levée des Contributions jufqu'aux avenues de Bruxelles , furent précédées d'une déclaration du Maréchal d'Humieres^ qui 5 difoit-il ^ ne pretendoit rien faire contre la paix 5 pourvu qu'on ne le troublât point dans l'exécution de fes ordres. La Chambre de Metz^ qui confifquoit le Duché de Deux Ponts au Roi de Suéde -, lui difoit que ? s'il vouloit être Vaffal de Louis le Grande l'ancienne Alliance pouroit toujours fubfifter. Enfin l'infiilte etoit jointe à l'outrage ; & la haine que Louvois attira de toutes parts a fon Maitre ^ fot d'autant plus redoutable, qu'elle etoit jufte J d'autant plus implacable , qu'elle etoit rai'fonnée 5 ^ qu'il ^^ avoit DU Siècle. /. Part. 12,5 avoit point de fatisfaétions capablei^ d'en effacer l'impreffion. §. I. L'Empereur , en proie au chagrin du parallèle defavantageux 9 qu'on fai- foit de fon règne avec celui de Louis XIV ? & à la douleur d'avoir vu fou Ennemi traiter de fa Succeffion ^ ac- cepta neanmoius une trêve de vingt ans^ que l'Elpagne^ maigre fes re(^ fèntimens &: fa fierté ^ avoit fîgnee le 10. d'Août 1684. Louis XIV rete- noit le Duché de Luxembourg^ Stras- bourg & Cafal ; & les procédures des Chambres de Metz ^ de Brifachf & de Befançon ^ etoient confirmées. Ce toit la partialité du Roi d'An- gleterre qui retenoit tant de Souve- rains offenfes de faire éclater leur ref- fentiment. La Nation Angloife auroit fans doute apuïe leur vengeance. Mais chacun d'eux apreheadoit que les pre- miers coups de la France ne tombaf- fent fur lui i & le Prince d'Orange lui même ^ qui avoit déjà refolu d'hu- milier Louis XIV ^ fe défiant d'une partie encore mal liée ^ voulut atten- F z à^^ 124 Histoire Politique dre de nouvelles fautes du Marquis de Louvois , & de nouvelles hauteurs de fon Maître. §. I I Le Miniftere François eftimoit trop peu le Pape ^ pour le compter par- mi les Ennemis du Roi. Elevé au delliis des anciens fcrupules t> il fe fai- foit un jeu de braver les Bulles & les Excommunications t» qu'il croïoit les uniques armes du Souverain Pon- tife. Il lui avoit fait^ en 1683 ^ une guerre de plume ^ où il l'attaqua im- punément dans fes plus precieufès pre- . rogatives : il lui en fit une autre dans Rome même ^ en 1687 •> par l'Am- baflfàdeur de France^ qui lui dilputa jufqu'à la Souveraineté de fa Capitale. Innocent XI , qui fiegeoit alors ^ au- roit peut-être digère ces nouvelles infaltes 5 maigre fa fierté naturelle & fon inclination Autrichienne ; fi le Cardinal Cibo ^ fon Miniftre^ Génois^ que le bombardement de fa patrie ou- troit de haine & de reffentiment ^ ne l'eût excite à la vengeance. Le Pon- tife 5 livré aux Confeils de Cibo 5 ne garda DU Sus CL B, 1. l'artie. 12. 5 garda plus de mefures avec Louis XIV. Refolu à tout ce qui en pou- roit arriver 5 il fè donna pour Chef à l'Europe entière conjurée contre la France. La politique de la Cour de Rome a fur celle des autres Cours l'avan- tage de rapprocher du prefent Pa- 'venir le plus éloigne ^ & de projet- ter fur Jui avec autant de JuftefTe & de precîlîon ^ que s'il n'etoit pas un contingent incertain. L'Etat EcclefiaC* tique étant gouverne par des princi- pes 9 dont le caprice & les intérêts particuliers des Papes ne fauroient al- térer le fond i & un génie permanent % indépendant du leur 5 veillant a la con- fervation du iîftême : chaque Pontifi- cat eft lie avec ceux qui le précèdent > comme avec ceux qui le ftiivront^ de forte qu'il n'elî: point de péril pofTible» contre lequel les précautions n'aient ete priies de loin dans le plus pro- fond fecret^ point d'entreprifè neceflai-* re 9 dont les difpolîtions , continuées fans interruption ^ n'aient ménage la maturité pour le moment précis 5 ou elle doit être exécutée. La Cour de Rome , principalement F 3 atten- iz6 Histoire Politique attentive a Petabliffement 5 & a la con- fervation de {on indépendance ^ a fait cchouër toutes les prétentions des Em- pereurs par une chaine d'intrigues ^ qu'elle etoit feule capable de former» Tandis que FEfpagne lui avoit fait ombrage 9 elle lui avoit fufcite mille embarras 5 <}u'elle lui aidoit enfuite a^ démêler ^ & par cette manœuvre con- ftammenî foutenue elle s'etoi# confer- vee libre & puiflante 5 au milieu des Etats Elpagnols ^ dont les forces au- roient pu raffiijettir. Auffi-tôt qu'elle avoit vu Louis XIV primer avec hau- teur en Europe : elle s'etoit attendue que 9 faifant fèntir fa fliperiorite à l'I- talie ') il n'épargner oit pas plus le Pape^ que les autres Souverains. Ses mefii- res avoient été dès lors prifes en con- fequence de ces allarmes ; & l'afFoi- blilTement de la France fut un point refolu dans le Conlîftoire. Sans diffé- rer 5 elle mit la main au travail fourd 5 qui devoit d'autant plus forement mi- ner la puiflance du Monarque 5 qu'il attaqueroit les parties internes de la Monarchie. La Diftinftion entre l'E-" vêque & l'Eglife de Rome ^ cette di- ftinflion ^ contre laquelle ks déclama- tions DU Siècle. 7. Partie. 127 lions furent û vives , etoit de fon invention. Certaine de s'en faire don- ner le defaveu par le Cierge de Fran- ce 5 quand elle auroit mis le Roi hors d'état de l'appuïer ^ elle s'applaudit du zèle des Prélats François a la foute- tenir. Elle permit même à pluiîeurs de {es Moines d'écrire contre le Pa- pe 9 Tans lezer le Saint Siège J & elle profita de la bonne foi avec laquelle le Roi adoptoit cette fophiftiquerie > pour verfer dans fon efprit le poifon du génie convertififeur. Louis XIV -> toujours le même avec fes Minières accoutumes a man- quer leurs pafTions du bien de fon fervice ^ n'a voit point démêle que le Tellier & Louvois ne le poulToient a entreprendre la converfîon impôt* fible des Huguenots , que par ce que ces derniers, éloignez des charges ôc des emplois ^ etoient les principaux inftrumens du Commerce !> dont l'é- tat floriflànt foutenoit la faveur con- fiante de Colbert leur Emule.Leur haine pour le Huguenotifme ayant (iirvêcu à ce Miniftre , le Monarque ne re- connut point qu'elle etoit devenue une paffion d'habitude ; il fut feduit par le F 4 raifon- 12.8 Histoire Politique raifonnement captieux ^ que le Révé- rend Père CQnfeflèur appuïa ^ for h neceffite d'en impofer ^ par la ,mon- tre d'un grand zèle pour i'Eglife Ro- maine 5 aux Catholiques preVenus du refpeâ qu'on doit avoir pour l'Evêque de Rome. Ce fut donc une maxime de • fa politique de mettre en équivalent des infoltes faites à celui - ci ^ les fer- vices rendus a celle-là 5 & de per- fccuter les Huguenots , pour empê- cher les bons Catholiques de lui £iire un crime de fon peu d'égards pour le fouverain Pontife. Rome vit avec un plaiiîr malin le Miniftere François irriter toute l'Eu- rope contre le Roi^ & lui enlever en même tems les moyens de faire tête aux relTentimens de tant de Puif- fances. Elle redoubla fes plaintes t> afin d'augmenter le zèle convertiffeur. Elle ne prit part a la revocation de l'E- dit de Nantes «, qu'autant qu'ail le fal- loit pour confirmer Louis XIV dans fon erreur ^ & l'empêcher de voir le tort qu'il fe faifoit. Dans la crainte qu'il n'ouvrit les yenx ^ elle fournit de nouveaux alimens à fa pafTion. Elle poufla le j Marquis de Lavardin 5 afin DU SïECLE. /. Partie. îi9 que les plaintes de PAmbafladeiir ani- maflent le Maître a de nouvelles hau- teurs ^ qui fuflTent compenfees par de plus grandes rigueurs contre les Hu« guenots. Enfin quand les reflbrts de la Politique Romaine eurent joue leur Jeu : quand cette artificieufe Cour eut jette le trouble & la confofîon dans le Royaume ^ deferte ^ & apau- vri les Provinces , fait perdre au Roi l'affeélion & la confiance des (iijets^ que les Dragonnades n'avoient point expulfes : quand elle lui eut mine (es forces 5 & coupe fes reflburces ; elle fit éclater Forage ^ qu'elle tenoit fiif' pendu liir fa tête y après l'y avoir amafle. ig> L'inclination d'Innocent XI ^ & la haine de Cibo ^ fi^irent les inftramens de la Cour de Rome dans la négo- ciation d'Augsbourg. Sa politique a- voit retenu l'ardeur des Puiilances i> qu'elle s'etoit propofe d'unir ^ jufqu'a-» ce que fes difpofitions fuffent faites en France & en Angleterre. La concur- rence du Prince de Bavière & du Car- dinal de Furftemberg s'etant prefen- tëe ^ lors qu'elle n'attendoit plus que le moment de fe déclarer j elle fit vio- F 5 ience I30 Histoire Politique lence au vertueux Pontife ^ pour ne pas manquer une occafîon unique. Jamais Pinclination d'Innocent pour la Maifon d'Autriche ne Fauroit em- porte chez lui lur Pamour de l'or- dre ^ & le refpeél des Canons de l'E- glife. La politique du St. Siège Pe- tourdit liir tout ce qui n'etoit pas fon intérêt ; & il renonça 5 pour ainlî dire^ FEglife elle-même, §. I I L Si Jaques Second eut été Mahomé- tan ^ ou de la Lieligion de Confucuis ^ dit Pilluftre Voltaire ^ les Anglois n'euf- fent jamais trc^lé fon règne . . . Ce- la n'eft vrai ^ qu'en (iippofant ^ que ^ fi le génie Convertifleur avoît ete ce- lui des Imaûns & des Lettres 5 dont il auroit pris confeil ^ ils lui auroient difti , pour retabliffement de leur feéle, des mefures plus conformes à la prudence. L'intolerantifme n'eft pas. toujours, tyranique. Mais la Cour de Rome ne fe propofoit que de brouil-* 1er en Angleterre; 6c Jacques entiè- rement livre aux confeils de fes E- milTaires dût aécelïkiremeat fe faire le DU Siècle. LPartie. 131 îe fort qu'il a éprouve. Guide par des Bon2res & des Derviches fanatiques ^ il auroit efRiïe les mêmes difgraces. Puifque la Nation le connoiflbit pour Catholique ^ quand elle fadmit à fuc- céder a Charles. Ce n**a point ete fbn Catholicifme ^ mais bien le fana- tifme de la Propagande 5 qui a trou-- ble fon règne. Les Cardinaux difoient t en plaifan- îant ^ qu'il falloit V excommunier ^ com- me un homme , qui alhit perdre le peu de Catholicifme qui rejïoit en Angle-» terre . . . Mais fi la Cour de Rome avoit voulu le confèrver ce peu de Catholicifrue 5 elle n' auroit point en»- voie un Nonce à Londres , ou feien elle l'y auroit tenu dans '^incognito 9 qui pouvoit l'y faire tolérer par la Nation. Le Pape . dit encore l'illuflre Vol-^ tau'e 5 n'ejperoj rien des entreprifes de Jacques , ^ lui refufoit conjhmimeni un Chaptan de Cardinal , qu'il deman-- dm pour le Jejuite Peteys fon Cor- feffeur . . , Mais fî Rome avoit fou- haite que les entreprifes de Jacques fulTent utiles au Catholicifme 5 elle au« roit iàit clciiner au Jeiuite Peters 5 par F 6 le 13 z Histoire PolïTïq.ub îe R, P. General de la Société ^ des inftruâions 5 & un plan de conduite plus fages : Elle lui auroit promis j pour recompefife de ion exaftitude à les liiivre , le Chapeau qu'il ambi* tionnoit La Cour de Rome efperoit tout des entreprifes de Jacques 5 & de Pim- petuoiite du Jeluite fon Confefîeun Un million de Ducats d'or t» (*) qu'elle tira du Château St. Ange , & qu elle fit paffer^ par les mains de l'Empe- reur, dans celles du Prince d'Oran- ge !> gft un gajTant irrecufable qu'elle ne voulut point d'autres efiets du zèle furieux de l'un & de l'autre, que ceux qu'il produifît, La depolîtion , ou la fuite de Jacques , entroit dans le plan de la ligue d'Augsboiirg J & €e pian ëtoit forme dès l'an i686^ '(*) Ce fait n'a pour garant que Mr. le No- ble, Ecrivain fatirique. Mais il avoit ordre des Miniftres de ne rien avancer dans fes Dialogues Politiques , qu'il ne fut fâr de prou*- ver f & il publia en î69^ , que le Roi Jac- ques avoit entre les mains les papiers origi- naux , qui faifoient foi que le million de Dtt- cats envayc, par le Pape 4 l'Empereui: etoiit pour le Prince d'Orange» DU Siècle, l PartU, ly^ §. I V. Louis XIV eut contre lui^ dans cette guerre^ PEmpereur & FEfpagne^ qu'il avoit inlliltes : La Hollande 5 qu'il avoit tenue dans de continuelles aliarmes ^ & a qui fes interprétations du Traite de Nimegue ne iaiffoient voir de liirete j que dans Fabaiffement de la France y avec T Angleterre > qu'il auroitpu occuper chezeiie^en ne com- muniquant à Jacques Secx)nd que le goût de fon Defpotirme , & qu'il s'at- tina Hu' les bras, en entretenant ce Prince dévot dans le fanatifme des converfîons. Il obligea le Corps Ger- manique a fè déclarer contre la Fran- ce 5 en renouvellant , par la ruine des plus belles contrées de l'Empire, le chagrin de la perte de Strasbourg , & le relîentiment des inftiltes des Chambres de .reunion. La Diète de Ratisbonne ne prit fa refolution défi- nitive pour la guerre que le 25. de Février •> 1689 J & Philipsbourg avoit été affiege & pris , les Etats du Rhin a voient ete envahis , leurs Villes de- truites 3 les contributions pouflees juf- eues 134 Histoire Politique ques au - delà d'Augsbourg , dès Fan^ née précédente. Le Roi de Suéde j Tunique Allie , qui eut tenu pour la France ? jufqu'a la paix de Nimegue ^ avoit été forcé par honneur d'^entrer dans la Ligue ^ pour demander raifon de la confifcation de fon Duché de Deux Ponts , dont la Chambre de Metz avoit difpofé. Le Duc de Sa- voie n'avoit point de milieu entre la guerre & la dijetion. Plus fage que les Ducs de Lorraine ^ ou plus hardi qu'yeux ^ par l'exemple des fuites fu- nèfles de leur timidité , Viélor Ame- dée aima mieux défendre ià Capitale & fes FortereiTes^ que de fe réduire a la néceffité de faire la guerre ^ après les avoir cédées. Toutes les Puiflan- ces d'Italie tenoient pour la Ligue ^ a Pexception de Venife ^ qui fe bor- noit a la favorifer. Le Portugal doii- noit les apparences de la neutralité 5 comme le Dannemarc, celles de l'Al- liance. Telle avoit été la hauteur du Miniftere François ^ que Louis XIV n' avoit en Europe que le Ccmte Te- keii ') qui fit caufe commune avec lui. Cependant le Monarque eut de grands- iiiccès. Mais les nonibreuies victoires furent DU Siècle. I. Partie. 135 furent les derniers efforts d'un athlète plein de courage •) for le point d'être aterre. Les avantages de la guerre , qui produifît le Traité de Risvvick , dit le Teftament Pol. du Card. Alberoni, doivent être attribués plutôt à la bra- voure de la Nation , qu'aux forces de la Monarchie Françoife. Vépuifement de celle -ci ^à la paix , égaloit la fierté de celle - la. En effet Louis XIV 5 victorieux de tous cotes 9 redoutoit la continua- tion de la guerre ; & ies Ennemis n'apprehendoient rien tant que la Paix, Ses peuples 5 qui ne voïoient que le fang & les trefors 5 que leur avoient coûte tant de Villes prifes for les Al- lies 9 ne pouvoient confentir ^ qu'à re- gret 5 à leur reflitution. Mais le Roi qui fe fentoit hors d'état de fournir aux fraix de leur confervation 5 ft trouvoit heureux d'être reçu à les rendre;- Ainiî qu'à Nimegue 5 i^ lui fallut payer-)pour ainlî dire^à quelqu'un des Aniesia foperiorite 5 qu'il affeitoit avec les autres. Dès la quatrième année de la guerre^? les Miniflres de France avoient fait retentir dans toutes les Cours les pro- pofi- 1^6 Histoire Politique portions du Roi leur Maitre ; & on avoit refufe de les entendre ^ quoi- qu'ils pariaflènt de remettre les cho- ies a peu près ftir le pie du Traite de Nimegue. Pendant les trois années foivanîes 5 ils furent fans ceffe en em- bufca^e ^ pour faifir les occafions de lier des Conférences avec quelqu'une des PuifTances Alliées. Ils s'adrefTe- rent a chacune a la dérobée ^ en lui prelentant le Traité particulier le plus •avantageux. UEfpagne leur oppofa conftamment fes engagemens, L'Em- pereur 5 tout entier a fa haine & k fes efperances ^ reftifa de les facrifier à fon intérêt i & le Roi Guillaume ^ également accrédité en Hollande & en Angleterre , lors qu'il s'agifToit de Louis XIV ^ n'y fouffroit difcuter au- cun plan 5 qiû laiffat la France en état de fe faire encore redouter. Ce fot au Duc de Savoie que Louis XIV donna l'honneur de rompre une ligue 5 que fes armes n'avoient » pu en- tamer. L'Evacuation de fès Btlats , la refîitution de Pignerol ^ le mariage fans dot de la PrinceiTe fa fille avec le Duc de Bourgogne 5 & une groffe femme d'argent ? en forme de dédom- mage- DU Siècle. L Par^. 137 magement pour les maux de la guer- re 5 etoient les conditions auxquelles on lui demandoit fon accommode- ment particulier. Il les accepta 9 fans en donner avis qu'après coup a fes Allies y & fon Traite 5 figne à la fin de Juin 1696 -> fut rendu public 5 le 18 de Juillet 9 fous le titre de Neti- tralité d'Italie. C'etoit en effet par la Neutralité de l'Italie que la France çomptoit fe recompenfer des avanta- ges 5 qu'elle faifoit au Duc. Ce Prin- ce ouvroit le paffage aux troupes Françoifes , pour aller relancer les Impériaux dans la Lombardie ^ & forcer 5 jufques dans Milan , les Efpa- gnols à faire leur Traite. Devenu Ge- neraliffime de France pour cette dou- ble expédition , il ne parut pas plu- tôt à la tête de l'Armée de cette Cou- ronne 5 que l'Empereur & les Princes Allemands rappellerent leurs troupes. Les Princes ^ d'Italie leur donnèrent un million d'Fcus pour leurs quartiers d'hiver 5 qu'elles furent prendre en Allemagne i & la guerre fut termi- née en Italie , trois mois après le Trai- te particulier du Duc de Savoye. 138 Histoire Politiq.ui §• V. Tranquile pour celle de fes Fri^n- tieres , ou la guerre eft la plus em-^ barraffante 5 Louis XIV fe porta fur les autres avec de plus grandes for- ces 5 & {es nouveaux iiiccès rapro- cherentles Allies de fes propofîtions. Ses derniers préliminaires , preTen- tes le 10. de Février t) l<^979 don- noient une fàtisfaftion complète aux PuifTances liguées ^ en mettant a néant toutes les entreprifes dont le reffen- timent avoit forme la ligue. Ils of- froient de reftituer Luxembourg & Charlemont a l'Efpagne ^ de rendre Strasbourg a TEmpire 5 & la Lorraine âfon Souverain : ils cafToient^ & an- nuloient les arrêts des Chambres de Metz , de Brifach ^ & de Befançon : ils abandonnoient la caufe du Roi Jaques , & reconnoiifoient le Prince d'Orange pour Roi de la Grande Bre- tagne. Ces articles -, que Louis XIV ne fi- xoit pas tellement 5 qu'il ne parut di- fpofé à y ajouter ^ pour le bien de la paix 5 faifoient un étrange contrafb avec DU Siècle. L Partie. 139 avec la conduite ^i qu'il avcit tenue ^ pendant les fix premières années 5 qui avoient fiiivilapaix de Nimegue. En vain Pilluflre Hiftorien du Siècle nous donne- t'il pour un effort de politi- que cette facilité ^ ce relâchement de fes droits. Il faut avouer ^ dès qu'on raifonne^ que Louis XIV y perdoit le fruit de plus de vingt années de travaux & de depenfes i & qu'il lui ^'toit d'autant plus humiliant de faire cette perte ^ qu'ayant pu la prévoir 5 (k ne voulant pas même la croire pof- fible 5 il avoit défie toute l'Europe de la lui faire eiïiiïer. Dire^ comme à fait cet illuflre Ecrivain^ dans une troifieme^ ou- quatrième Edition 9 que la Cour de Verfailles fit la paix à Rifwick 0 parce qu'elle etoit lafle de faire la guerre : c'eft mettre le Mo- narque ? qu'il dit ailleurs le feul grand p'ejqu^en tout genre 5 au nombre de ces Princes , nés pour le malheur des Etats ^ qui fans vues pour le bien du Royaume ^ làns amour pour les peu- ples *) fans idées de la gloire 5 agiflent uniquement par caprice ^ & fe jouent du fang de tous les hommes. L'Il- îuflre Voltaire dégrade ici Louis XIV^ dont I40 Histoire Politique dont les fautes ne font point venues d'une four ce fi odieufe i & dans tou- tes les Editions de fon Panegirique du règne de ce Monarque 9 il a man- que le vrai fur cette époque fameufe. Il etoit trop tard pour Louis XIV de prétendre à la réputation de Prin- ce modère ; & fi cette réputation lui etoit neceflaire pour le liiccès de ïes deffeins fur la fucceffion d'Efpagne : fes intérêts n'ayant pas change depuis la paix de Nimegue ^ il dut lui-même compter pour autant de fautes tous les pas que Louvois lui avoit fait faire ^ toutes les entreprifes par lefquelles il s' etoit plu a fignaler fon ambition. Si fes prétentions a la Succeffion de Charles II avoient befoin d'être ap- puïees par des Alliances ^ d'être fou- tenues par des grandes forces , & par des finances groffies des épargnes de plufieurs années : Ses Miniftres agi- rent en très mauvais politiques 9 lors qu'ils indilpoferent contre lui tous les Souverains ; lors qu'ils le mirent ? de propos délibère :> dans la neceffite d'u- ne guerre -, dont ^ avec la faveur la plus confiante de la fortune ^ il ne pou- DU Siècle. /. Fartie, 141 pouvoit fortir 5 qu'en epiiifant fon Roi* aume d'hommes & d'argent. Louis XIV voulut la paix 5 quoio qu'elle dut lui coûter ^ parce qu'il ne pouvoit plus faire la guerre avec fuccès. Le peu de tems 5 que Char- les II promettoit encore de vivre ^ pouvoit jfiifEre tont au plus k remet- tre la France de fon epuifement J & ia Cour de Verfaiiles avoit à repa- rer des pertes ^ lors qu'on la flippo- fe occupée a des préparatifs. La mort de Charles II n'etoit point un évé- nement impreVu : Louis XIV agif- Ibit d'après fa iiippofîtion qiiarante ans auparavant ; mais il avoit auez pre« fiime de fes forces ^ pour efperer qu'il reduiroit toutes les PuiiTances a n'o- fer 5 ou à ne pouvoir faire obftacle à fes prétentions fur l'héritage. $. 'V L Le Roi de Suéde ^ qui n'etoit en- tre dans la ligue qu'en qualité de Duc de Deux Ponts ^ fut choifî pour Mé- diateur de la paix générale J & fes Plénipotentiaires commencèrent leurs bons offices par accorder les parties fur I4Z Histoire Politiq^ue fur le lieu des Conférences. Louis XIV n'avoit pas oublie Tinfulte^ qui kiiavoit ete faites a Cologne^ dans la perfonne du Cardinal de Furftemberg ^ en l5749 & il ne vouloit point que le Congrès fe tint dans une ville ^ ou l'Empereur eut afTez de crédit ^ pour reculer par quelque violence la con- clufîon du Traite. Comme il n'y en avoit point de neutres ^ qui fuflTent éga- lement commodes pour toutes le^ PuiiTances^ interellees a la négociation ; il offroit de donner le choix de trois Places de la Republique ^ qu'il nom- meroit ; ou de choifîr fur trois qui lui leroient nommées. L'Empereur ^ qui fouhaitoit prolonger la guerre , ou du moins tenir la ligue unie t> julqu'à-cc qu'on fçut a quoi s^en tenir fur le Roi d'Elpagne ^ alors malade ^ feignoit de craindre des repreiîailles ^ de la part de Louis XIV 9 dans une ville ^ qui ne feroit pas de l'Empire; & il ta- choit d'infpirer de la défiance aux Al- lies fiir une place des Provinces U- nies ^ en leur rapellant le Traite par- ticulier de la Republique à Nimegue. Les Plénipotentiaires Suédois mirent fin aux objedions de la Cour de Vienne 5 DU Siècle. /. Faréie. 145 Vienne ^ en lui faifant aprehender que PAngleterre & la Hollande-) qu^elIe fati.?iioit ^ ne traitaflent fans elle ; & en même tems ils lui marquèrent j pour le lieu de l'AiTemblee ^ le Châ- teau de Rifwick^ fitue a égale dif- tance de Delft & de la Haye. Elle Tagrea ^ en feignant de croire que Tex^ clufion 5 qu'elle avoit donnée aux deux Villes 5 ne portoit point fur leurs en- virons. L'ouverture des Conférences s'y fit, le 9. de May, 1697. §. VIL Les opérations cfes armées Fran- çoifes en Flandres, & en Catalogne, fervirent beaucoup a l'avancement de la négociation. La prife d'Ath , & celle de Barcelone , firent une telle impreffion for les HoUandois , & les Eipagnols , qu'ils n'écoutèrent plus les Plénipotentiaires Liiperiaux , à qui h mort inopinée du Roi Médiateur four- niflbit de nouvelles difficultés. Char- les XII fut reconnu dans la qualité du Roi fon Père ; & fes AmbalTa- deurs continuèrent , en fon nom , leurs ^ offices. Les Traites de la Republi- que, 144 Histoire Politiq^ub que î> de TEipagne ^ & de l'Angle- terre furent fignes , le 20. de Sep- tembre. Le premier etoit le même qu'à Ni- megtie 5 avec un article de plus 5 ou la paix particulière du Duc de Sa- voye etoit confirmée^ & garantie. L'Efpagne fe retrouva ? par le fieii') à peu près aux mêmes termes. Elle recouvroit toutes les places , &tou3 les païs , que la paix de Nimegue lui avoit laiffes. Le Duché de Luxem- bourg ^ dont la ceffion^ en 1684-) avoit éteint les prétentions de Louis XIV fur le Cogite d'Aloft^n lui fut rendu J & le Comte de Chiney -, dont le Marquis de Louvois avoit fait tant de bruit 7 lors qu'il mettoit dans fes dépendances la meilleure partie du Duché ^ dont il eft un des moindres fiefs 9 fut compris nommément dans cette reftitution. Les fentences des Chambres de reunion furent caflees^ & annuUees ^ fauf les droits independans de leurs procédures , & que l'irrégu- larité des moyens ne pouvoit étein- dre. Pour obvier a de nouvelles dif- cuflîons ^ l'arbitrage en fut défère aux Etats Généraux des Provinces Unies ; au BU Siècle. /. Pir/tie. 145 cas que les Commifiaires des deux Couronnes n^en pulTent pas décider a l'amiable. Le Traite de l'Angleterre eft un monimient bien frapant de l'extrémi- té ^ ou Louis XIV etoit réduit. Ce Monarque ? dont la fermeté faifoit le caraftere principal , & qui n'avoit point trouve de qualifications trop odieu- (es 9 pour l'entreprife du Prince d'O- range 5 promit une vraïe & iîncere amitié au Sereniffime & très puillant Prince Guillaume III ^ Roi de la Gran- de Bretagne. Il engagea fa parole Royale de faire tout ce qui pourroit contribuer au bien , a l'avantage •> & a l'honneur dudit Roi 5 de fes Succef- feurs & héritiers : il jura de ne les troubler eîi aucune manière dans la pofleflion de leurs Royaumes , de n'afïîfter ni direftement , niindirefte- ment ^ aucun de leurs ennemis ^ & de ne jamais favorifer en Angleterre 5 ou ailleurs 5 les confpiratîons ^ menées fc- crêtes , & rebellions contr'eux. pu refte 5 le Traite pôrtoit la reftitution des conquêtes refpeftives ; & le Roi d'Angleterre obtenoit pour le Prince d'Orange 5 & lui garantifloit 5 le re-* G couvre-^ ïqS Histoire roLiTiQUK convrement de fa Principauté^ avec la rentrée dans tous Tes autres biens ^ conformément a Farticle fepare de Nimegue. Ce ne fut point par opiniâtreté que FEmpereur différa fon Taite jufqu'au ^O. d'Oàlobre. Sa politique emploïa ce délai a fè ménager les fruits d'u- ne guerre ^ dont il avoit fait porter tous les frais à (es Allies. Le Corps ^ Germanique mettoit le recouvre-ment de Strasbourg en tête de fes articles j & Louis XI V^ avoit ete fî bien dans Popinion -, qu'a moins de cette impor- . tante reflitution , il demanderoit inu- tilement la paix, qu'il f avoit offerte dans fes Préliminaires. Leopoid , que Strasbourg intereilbit bien moins, que Fribourg & Brifach , qui ,' tenant les François au - delà du Rhin , dans un de . fes païs héréditaires y lui faifoient eflii'ier leurs premiers coups , négocia fecretement Techange avec Louis XIV i & ces deux Places, avec leurs dépendances -> furent le prix auquel il vendit une Ville Impériale , dont la forprife avoit été le principal grief de PEmpire contre la France. Les Princes & Etats s'opoferent en vain à .cet BU S î E C L E. LPart. 147 Il cet étrange accord. La Ligue etoit rompue ; & les affaires du haut Rhin ne touchoient pas d'aflèz près les FuiC- fances Maritimes pour leur faire re- prendre les armes» Les arrêts des Chambres de Bri- fach^d^Metz^ & de Befançon^ fu- rent /annules. Mais la reftitution des lieux ufurpes ^ & conquis , fut mife a une condition ^ qui eft encore li prefènt un fujet de difcorde dans l'Em- pire. Louis XIV î qui avoit pris avec grand éclat le titre de Propagateur de la foi Catholique ^ crut faire beau- coup pour fa gloire , de ftipuler ^ que la France rendant a l'Empire^ & a Ces membres quelconques , tous les lieux occupes ^ hors de l' Alface ^ foit par voie de fait -) foit par voie d'u- . nion & de i\union ; la Religion Ca- tholique ferok confervee en tous ces lieux reftitues ^ dans l'état ou elle s'y trouvoit 5 Icrs de la reftitution. C'etoit une infraftion manifefte du Traite d'Osnabruck 5 qu'on prenoit cependant pour ba?e de celui de Rif- 'V^ick. NeanmoiAg les Plenipotentiai- ^ res du Médiateur fè contentèrent d'u- ne fterile Proteftation , au nom du G Z Koi. 148 Histoire Politiq,ue Roi leur Maître 9 garant de la Paix de Weftphalie. Quant a l'Empereur : Comme il lui etoit avantageux de commettre de plus en plus les deux Religions Pune contre Taùtrej il vit avec piaifir fon ennemi leur donner matière jà de nouvelles djfputes. Ce quatrienle article de la Paix de Rif- wick etoit , pour ainfi dire -) le ger- me d'une guerre de Religion ^ & il promettoit aux Empereurs de leur faire naitre Toccafîon de reprendre le plan des deux derniers Ferdinands. Et en efïet 7 fi l'Empereur Jofeph eut vécu plus long-tems : vu le point ou il avoit porte l'autorité Impériale : il aùroit mis le Contraâant & le Mé- diateur de Rifwick aux prifes avec les garants de Munfter 6c d'Ofna-^ briick. Les circonrtances ont été af- fés heureufes jufqu'ici , pour tenir fous la cendre cette étincelle de trouble & de dilTenfion^ ou du moins pour ré- duire toute la conteftation a des dif- putes de Diète. Mais l'événement ne diminue point la faute ; & jufqu'a-ce que cet article du Traité de Rifwick foit révoqué 9 la France ne fauroit 9 fans manquer a Tes engagemens 5 pren- dre EU Siècle. /. Partie. 149 dre parti î en fait de Religion, pour^ ou contre les Etats Proteftans de l'Em- pire. Le Duc de Lorraine rentra dans fes Etats -, fans autre condition , que la démolition des Fortifications de Nanci. Les prétentions dé Madame fur la Succeflîon Palatine furent ren-- voïees a des Commiffaires 9 qui du- rent en décider fliivant les Loix de TEmpire. C'etoit ce que Louis XIV avoir compte empêcher par la guerre. Il fallut rafer les Fortifications de Stras- bourg & de Mont-Royal ^ le Château de Traërbach, le Fort-Louis -5 les For- tifications de Huningue fur la droite 5 & dans Pile du Rhin , ouvrages ou Vauban avoit epuife font art 5 & le Roi fes finances. Telle fut la conclufîon d'une guer-» re de neuf ans , ou la France avoit toujours ete viftorieufe. Louis XIV donna la paix, dit le Tejiam. PoL d'AI^ beroni y & fes ennemis en diâerent les conditions : le vainqueur eut le fort du vaincu. G 3 GHAPt 150 HisToiHE Politique CHAPITRE XVL Paix de ^ Carlovvitz -, avec le Turc^ en i6pp. ^Epiiis Fannee 16^^ 5 9 les Turcs av oient fait la guerre la plus mal- heureufe contre toutes les PuiiTances Chrétiennes t qui les avoifinent, la prefcmption des Grand- Vizirs 9 &leur jaioufie contre Tekeli j à qui ils crai- gaoient de laiflèr l'honneur des .lue- CCS 9 avoient ruine leurs affaires en en Hongrie. Le Duc de Lorraine Charles V-) TEledeur de Baviere-Ma- ximilien ^ les Princes Louis de Bade^ & Eugène de Savoie ? a la tête des ar- mées Imper aies 9 avoient gagne fur eux nombre de Batailles ^ & les avoient poufles jufques dans la Bulgarie. Le* Vénitiens avoient ruine leur Marine r & s'etoient empares de plufieurs pla-» ces dans la Dalmatie ^ après avoir re* duit toute la Moree. Les Mofcovitef avoient piisAzoph, La Pologne? fouf foii DU Siècle. I. Fartk. 151 ion nouveau Roi Augufte 11^ alloit unir rinfanterie Saxonne a la Cava- lerie Polonoife. Tout fèmbloit dilpo^ fe à rechaflèr le Turc en Afie. Ce« pendant tous les Allies fonhaiterent la paix ; & chacun avoit Tes raifons par^ t^culieres^ pour la demander. UEmpereur -^ dont toute la poiit> oue -i depuis le Traite de Nimegue ^ avoit porte fur la Succeflîon d'Efpa- gne^ vouloit fe délivrer d'une diver-* iîon 9 que le bonheur de fes armes n'empêchoit pas de lui être onereufe. Il craignoit d'ailleurs ^ en pouffant fes conquêtes de ce cote ^ d'allarmer FEm- pire de fa puiffance •> & de refroidir (es autres Alliez fur fes prétentions. Le Czar avoit déjà projette de s'a- grandir aux dejens de la Suéde J & Pardeur du Roi de Pologne 5 pour ren- dre fon règne brillant ^ ne permettoit pas a ie^ voifms de fe repofer fiir les; ouvertures d'alliance, qu'il leur faifoit. Augufte II ^ qui avoit déjà éprouva la difficulté de tenir enfemble les trou-^ pes Polonoifes & Saxonnes ^ etoit de-» gôùtc de les emploïer h des conquê- tes , qui dévoient être pour la Repu^ blique. La guerre de Livonie etoit plus G 4 parti-«^ I5Z Histoire Politique particulière k fa maifon ; & elle etoit de nature à devoir fe faire fans dif- traftion. Les Vénitiens craignoient que TEmpereiir? négligeant de poufler fes conquêtes à FEft ^ ne s'aprochat plus volontiers de la Dalmatie. Il leur eut ete de ce cote un voifin plus dange- reux que le Turc. L'Angleterre & la Hollande ayant offert leur Médiation au Sultan, qiii Fagrea : les Plénipotentiaires Imperit- aux -) Mofcovites ^Polonois , & Véni- tiens, fe rendirent le 13 de Novem- bre, 1698, a Carlowitz , Bourg de îa bafle Hongrie , entre Belgrade & Peter waradin. î. I. La négociation n'eut point ces chi- canes embarraflantes , dont la Politi- que d'Europe a fait une fcience par- ticulière. Les Médiateurs vqui 5 pour l'intérêt particulier de leur commer- ce du Levant , dévoient arrêter les dif- grâces du Tutc , modérèrent les de- mandes de (es ennemis ; & le Turc , qui fe foucioit peu de cacher le be- (bin e\'ident 5 qu'ii aToit, de la paix, expo- DU Siècle. /. Farûe. ï 5 ? expofa avec une noble lîmpliclte les conditions ^ auxquelles il la vouloit. Envain les Vénitiens difputerent? pour y changer quelque chofe a leur avan- tage. Les Plénipotentiaires Turcs tin- rent ferme flir leurs proportions j &. il fallut y conformer les Traites. Tous quatre furent fignes ') le 16 Janvier ^ 1699. Celui de FEmpereur etoit le premier ; & la ceffion que la Porte lui fit^ de la Tranlîlvanie en fut le prin- cipal article. Mais comme ce n' etoit ^ au lieu d\ine paix -) qu'aune trêve de vingt cinq ans J ce bel Etat lui fut plu- tôt hiffé comme un fequeftre que com- me une conquête. Le Traite le lui adjugeoit par provifîon : c' etoit à lui de fe tenir ^ lors de l'expiration ^ 00 de la rupture de la trêve r) en forces à n'en être point depoflede. La Cour de Vienne fit inftance ? pour que le fameux Tekeli lui fut livré. Il n'y a point d'apparence qu'elle comptât af • fés fur l'abatement des Turcs 5 pour elperer -> qu'ils ne verroient pas , qu'en lui livrant ce Chef des Hongrois me-* contens -) dont elle auroit fait un e:^.- emple j ils fe feroient fermé pour tou- jours la relTource des troubles de Hon« G 5 grie. 154 [HisToœB PoîîrTïQtyH' grie. Quoiqifil en Toit, la Politique Ottomane 5 plrs pénétrante que celle de France & d^Efpagne au Traite des Pyrénées , ne marchanda point la grâce de cet iiiuilre mécontent. Pour toute reponfe à la demande des Impériaux^ elle lui donna de nouveaux titres y avec un appanage capable de les lui faire foutenir avec dignite\ Elle lui affigna trois Villes en-Bulgarie -> avec leur territoire , pour Pentretien de la maifoai & la Porte le traita en Prince. La Pologne renonça a fes préten- tions chimériques fiir la Moldavie J & elle reçut en recompenfë la celïion plus reeie de la ForterefTe de Garni- nieck ^ avec la Podolie ^ qu^èlle avoit abandonnées ^ fous le règne de Michel- WiefnoV^ieski. Les Mofcovites demeurèrent en pof- (èffion d^ Azoph :> dont ils sVtoient em- pares , en 16^75. Les Tartares furent compris dans la Trêve ^ fous la garantie relpeâive du Gzar & du Sultan. Ve- nife garda la Moree j que les Plé- nipotentiaires Turcs lui avoient offer- te^ dès la première Séance ^ ainfî que plufieurs places de Dalmatie. Mais iî lui fallut dcmolir eiitiei^ement la For- tereifè DU SïEGLE. LTartk. Î55 tereffe de Lepanthe ^ & un côte du Château de Rcmeiie. Cavoit ete le iujet principal des conteftations. Ileft. a remarquer que le Grand Seigneur ne voulut point -} pour les quatre Traites y d** autre garantie que la iienne. CHAPITRE XVI I. Traitez départage. "Tefiamens de Charles lî :, en 16^^ ^ (2i7* 1700. LE Roi d'Efpaf ne n'en etoit point cru fur les e^>/rances «? qu'il don- noit 5 de yïyxq encore lonptems ^ & de ne pas mourir fans lailTer pofteri- te. ]V! aigre fes efforts peur cacher le mauvais trat de fa (ante -, on periifioitk croire que fa mort nV'toit pas éloigne ej & les Pretendans a fa fucceff on , fa- cri fiant -a la crainte de la perdre les^ erards qu'ils dévoient a fi perf.nne> pr'^iiv^i.^nt haiit^ment !ei-rs n:«eh:r' s t pv ^ r /loi^ner leurs con pct.tei r'^. Ui:nj^ c^r-rr l.?opoid", doiit:la poiitl-- 156 HiSTOIllE POLITIQ.tr:ff que etoit la moins bruïante ^ fe pro-* îîiettoit que la difpofition du Roi mou- rant regleroit le fuffrage de la Na- tion 5 & comptant que l'un & Tautre lui donneroit la fiiperiorite ^ a laquelle il n'ofoit afpirer par les armes : il fai- foitagir la Reine fa belle fœur auprès du Roi fon Mari^en même tems que Tes Miniflres mettoient en oeuvre tout le crédit ^ qu'ils avoient acquis dans le Confeil. Louis XIV^ accoutume à tout vouloir emporter de hauteur ^ ne- gligeoit la Cour de Madrid. Mais in- timidant la nation Elpagnole par la montre de fes meilleures troupes ^ ré- pandues (nr la Frontière ^ il faifoit de- mander fièrement an Roi 5 qu'il aban- donnât la Hicceffion a celui des Pre- tendaas , qui fauroit y faire valoir fes droits. Le Roi Guillamne ^ affermi for le Trône d^ Angleterre 5 & plus m_aî- tre encore en Hollande ^ que dans \ts trois Royaumes ^ n'avoit plus befoin pour fa grandeur particulière des trou- bles de l'Europe. Vieilli avant le temsi il ne pouvoit plus remplir que dans le Cabinet le rôle glorieux qu'il avoit pris j & pour qu'il continuât a être l'a-» me du partie opofe a Louis XIV ^ le Protec- DU Siècle. I. Part x^î Proteéleur de l'équilibre de rEurope^iï ftiiloit que FEurope flit en paix.Il voïoit Leopold & Louis XIV également refo-' lus de ne point relâcher de leurs préten- tions 5 & il etoit effentiel à la liberté pu- blique que la Couronne d'Efpagne ne fut pas , avec celle de France ^ ou PImperiale ^ for une même tête. Une guerre générale etoit inévitable -> à moins qu'un tiers parti ne fe format*) allez puiifant^ pour obliger les deux principaux pretendans a lui déférer Tarbitrage. Dans la dif]3ofîtion ^ou etoit le Roi -Guillaume ^ de jouir en paix de la gloire & de fa fortune f il conçut le plan d'un partage de la Succeifion > iuivant lequel -> fans ébranler l'équi- libre 0 les pretendans auroient quel- que fàti.sfaftion. Il avoit allez étudie Louis XIV 5 pour ne pas douter de lui faire agréer la part qu'il lui affi- gneroit:> pourvu qu'elle fut une ac- quiiition brillante. Il devoit peu s'in- ■quieter des plaintes , qui etoient les feules arme?^ dont la Cour de Vien- ne pouvoit combattre fbn plan. Cepen- dant 5 quoique les pre^tentions de l'Em- pereur ii'eufîent gueres d'autre fon- dement 15^ Histoire roLiTiQ.tJS dément que fon ambition : quoique le Corps Germanique fiit diipofe à fouffrir que la Maifon d'Autriche fut confinée en AUeaiagne i Guillaume eut égard aux clameurs des Princes Au- trichiens ^ & fi le Prétendant^ qu'il plaçoit entre les Princes François & les Archi-Ducs avoit vécu 5 il eft fort probable que le partage auroit eu ion exécution. §. ï Maintenant que la Mailbn de Bour- bon elt en paiiîbie polIefTion du Trône d'Elpagne^ les droits^ que fes Princes V avoientr) ne lont plus problémati- ques. Entre les Souverains ^ la poflfef- fion eft un titre -> qui preVaut fur tous les autres. On ne contefte plus que la renonciation de Louis XIV !> au nom de l'Infante qu'il epoufbit <) fut ua afte fans confequence ^ accord/ puir le bien de la paix; & qui ne devoit avoir de vaîidk j •) qu'autant ou'il au-- roit afTirnj un equi\^aient ca|:ab:e de tenir lieu aux fruits ce ce Mariare de leur Ma^rimoin? , i n'uoit pas au pouvovî' ô-. ieix aïeiJ ^^'^ ies" DO Siècle. /. Part. 15^ truftrer. Le Teflament de Philippe IV -> qui confirmoit la renonciation , etoit nul a cet erard •> de quelque côte qu^on confîdere le Teftateur^ & le bien dont il dilpofoit. Si une Couronne eft mife au mê- me rang que des Fropres •, & iî un Roi efè regarde comme un Citoïen 5 qui marque ^ fes enfans leur légiti- me : les Loix ne lui permettent Pex- Reredation^ qu^en lui fuppoiîànt quel- qu'un des motifs , qu^elles ont fixes.. Or Philippe n'en avoit aucun de cette efpece à produire contre la PrincelTe fa fille. Un Père peut avantager fes Puines aux dépens d'un aine% s'il a fait a ce dernier des ceffions en avance d'Hoirie i ou fi -? par préférence -> il l'a fait appelier a quelque Succeflîon col« latérale 1 qu'il auroit du partager avec fes Puines. Mais la première Infante^ que Louis XIV epoufa ^ ne porta à fon mari que la dot ordinaire des In- fantes , la même que l'Empereur re- çut de fà Sœur. Elle ne reçut ni e- quivalent ^ ni compenfation -) de ks droits d'aineife^ auxquels on vouloit qu'elle renonçât. Si on conildere une Couronne com- i'6o Histoire roLiTiQ.T]rH me un PrTfpre fubfUtué ^ & un Roi comme un Ufufruitier ^ qui n'a d'^au- tre droit fur ^ow Royame , que celui de jouidance : il n'apartient point au Monarque pofleflTeur de troubler For-* dre -> dans lequel la poflèflion lui a ete dévolue. C'efl: aux loix ^ qui Font appelle a la Succeffion -) de lui marquer fon héritier : ou fi les Loix doivent céder a [intérêt preTent de la Na- tion ; il n y a que la Nation elle m.ê- me -) qui puiffe en juger :> & leur don-^ ner atteinte. UEmpereur Leopold reclamoit la Succeffion d'Efpagne a plufieurs ti- tres ^ dont le moins mauvais n etoit aucunement recevable. Seul mâle def- cendant de Maximilien I ^ il auroit çu faire valoir la loi Salique^ c'eft- à-dire la préférence abfolue des mâ- les 9 fi cette loi avoit eu lieu en Es- pagne. Mais ce n' etoit point du Chef de cet Empereur que les Couronnes dEfpagne etoient tombées dans la Maiion d'Autriche; & en prétendant y faire valoir fon fèxe ^ Leopold in- firmoit le titre ^ auquel les Princes Autrichiens les avoient poffedees : leur poffeiTion etoit àks lors une véritable u&rca- DU S I B G L E. /. Vartk. 1 Si ufurpation. Jeanne ^ la Folle ^ fiUe de Ferdinand & d'Ifabelle ^ avoit apporte les Efpagnes en dot à TArchiduc Philippe fon mari 5 fils de, Maxinai- lien ; & Charles - Quint leur fils ai-* ne -) repreTentant fa mère ^ avoit eu la préférence fur les différentes Maifons des Princes du Sang de Caftille & d'Arragon 5 qui avoient pour eux la defcendance Mafculine. Les droits du Dauphin , fils de Louis XIV ->, etoient precifement les mêmes ? que ceux de Charies-Quint.Si Leopold fe produifoit svec les titres de fa Mère 5 fille de Phi- lippe m j il etoit encore moins fonde que Louis XIV !> fils de l'ainee : & d'ailleurs ? c'eut ete admettre fordre de Succeffion en ligne majeure ^ que les Juriftes appellent à Stiplte ; & 9 luivant cet ordre 5 Leopold & Louis XIV dévoient céder au Duc de Sa^ voie 5 qui repreTentoit fa bifaïeule Ca- therine , fille de Philippe II. Dès que la Succeffion n'eit point purement mafculine ^ la pofteritë de Charles-- Quint primoit toujours celle de Fer- dinand fon. puine. Leopold ne devoit point profiter de k renonciation de Louis XIV 5 qu'il s'efforçoit de faire valoir. ï6z Histoire Politique valoir. Les droits de Tlnfante Reirxe paflbient a fa Sœur Puinee 5 Impé- ratrice , dont la fille unique -> mariée à FEleéleur de Bavière Maximilien ^ etoit repreTentee par le Prince Elec- toral fon fiis. Le Roi Guillaume prit avantage du foible de chacun des Pretendans ^ pour jullifier un partage entr'eux. Aucun n'avoit a la lucceffion un droit clair & viélorieux. Il leur demanda de fe faire grâce i un a Fautre. Il opolà aux prétentions de l'Empereur les préten- tions du Prince de Baviere> & tan-* dis quil objeftoit a Louis XI V fa renonciation 9 il epouvantoit fe^i deux compétiteurs de fa nullité. Le pre- mier Traite de partage ^ qu'il preTen- ta le II d Oftobre ^ 1695 ^ fut drefle dans cet efprit. Le Prince de Bavière dût hériter de la Monarchie Eipa- gnoie 5 proprement di^te -> en lun & l'autre Continent ^ fans autre annexe que les Pays -bas. L Empereur Léo- poid dut avoir le Milanès ; & Louis XIV dut unir a fa Couronne Na-» pies & Sicile -, avec les Places de la côte de Toicane? le Mari^uifat de Final? DU Siècle, l Tartie. î g? Final ^ & la partie du Giiipufcoa^ il- tuée en deçà des Pyrénées, J. II Ce partage fut goûte de TElefteur de Bavière 9 qui fe trouvoit trop heu- reux que les prétentions de fon fils ne fliffent pas étoufFées par celles de fcs compétiteurs. Louis le hâta d'à- puïer le projet de fon (ùiTrage. Un a- perceyoit point le piège que lui ten- doit la profonde politique de Guillau- me. La Marine Françoife étoit déjà fort avancée dans là décadence J & le Roi de France s'aplaudilfoit de Tac- quifition de nouveaux Etats 9 dont la conlërvation eut exigé qu il doublât kfr forces de mer. Il fembloit avoir oublié que des poffefTions en Italie avoient fait le malheur des règnes de Louis XII ^ & de François I. Il a- voit éprouvé que la France n'^a de fuperiorité fur fes ennemis 7 que par-^ ce qu'elle leur oppofe la malTe en- tière de (es forces i & il ne voïoitpas que leur divifion leur prépareroit fa ruine •? comme la diviiîon de celles de riîipagae avoit produit la ruine de k Monar- ïf^4 Histoire Politique Monarchie Efpagncle. Enfin Louis XIV ne cofifidera que de nouveaux titres 9 & de nouveaux Etats. Les Puiffances Maritimes , & ftir tout r Angleterre 5 pouvoient efperer de s'emparer du commerce d'Efpa- gne 5 fous un Roi ^ pour qui ils fe- roient des Allies neceflaires. Les Ho 1- landois fe confèrvoient la barrière^ dont ils avoient pris le fîftême, & la foibleffe du nouveau Roi leur garan- tifïbit fon attention a me pas les in- difpofer 5 comme il eut fait ^ en tirant parti de fes ports de Flandres 5 & du Brabant. L'Empereur Leopold^ dont Tarn- bition raifbnnee mettoit a bien plus haut prix un morceau tel que le Mila- nhs 5 qui feroit corps avec fes Pais héréditaires ^ qu une multitude de Roi- aumes 5 qui dévoient faire un état fe-* pare, dont la branche ainee partage- roit la defenfe ^ ne fe plaignoit point que le Prince Eleftoral de Bavière fut appelle au Trône d^Efpagne. Ce- toit beaucoup pour un ennemi de Louis XIV 5 auffi jaloux de la puiffanee de la France , de voir la maifon de Bour- bon déchue de i'efperance de faire tom-< DU SIECLE. /. Tariie. 1 65 tomber tant de couronnes fur la tête d'un de fes Princes. Seulement *) il auroit voulu groffir fa portion -des autres Etats Efpagnois d Italie 9 & il fe refervoit de faire fes diligences à cet égard ? quand il auroit vu le fruit des follicitations de la Reine fa belle fœur , & de la brigue de fes Miniftres à Madrid. 5. III. La nouvelle du Traite de partage détermina Charles a faire un Tefta- ment. Quelle que fut fa difpofîtion 5 il etoit certain que la Nation la con- firmeroit^ pourvu quelle ne démem- brât point la Monarchie. Mais il igno- roit 5 & fon Confeil parut ne pas voir, que Louis XIV 9 & Leopoli 5 n'e- toient pas de ces Pretendans, quon réduit au filence ^ en leur préférant un troiiîeme. Tous deux furent trompes 5 il eft vrai 5 par le Teftateur. Mais ce dernier s'abufa fort ^ s'il efpera de la furprife 5 quil leur menageoit^) autre chofè -) que la fatisfaôlion de la leur avoir faite. Louis XIV , qui croïoit Leopold fon plus dangereux concur- rent i66 Histoire PoLXTia'viïB reat ^ aprit avec etonaement que Char- les ne prenoit point Ion héritier dans fa maiion ^ & la Cour de Vienne eut peine a croire que le Confeil d'Efpa- gne •) qu elle s nnaginoit jrouverner ; (k que la Reine -) qu elle etoit en pof- feffion de diriger ^ eulTent fait profé- rer le Prince Eieâoral de Bavière à (es Archiducs. Avec des forces capables de fou- tenir le reiTentiment des deux com- pétiteurs f qu elle rejettoit , la Nation Efpagnole n auroit eu qu à s aplaudir du Teftament de fon Roi. Mais la Reine & le Confeil ^ qui le diélerent, fe repofoi^^nt fiir la fortune du foin de le faire valoir ; & leur intérêt particulier Rit uniquement ce que lun & fautre confidera dans la teneur de Faâe- Le Confeil fbuffroit impatiem- ment fa dépendance de la Cour de Vienne j & la Reine etoit fenfîble au piaifir de donner a la Nation un Roi ^ qui lui fçiit gre de fes bons offices. Elle devoit attendre plus de recon- noilTance de la part de fEleâorai de Bavière^ que de la part de TArchi- duc. Celui ia ayant dw'ja ragr;:;'meat d'une partie de F Europe ^ lui auroit obligation DU S 1 E G L É. L Partie. 167 obiifation de Ta/oir mis ^ par 1 aveu du Roi 1 dans la paiiîble poilëffion du Troue ') û le Teitament avoir lieu : tandis- que 1 Archiduc ^ a /aiit a vain- cre mille obftacl^s 1 pou^^oit ne pas rcuffir -) mal rre la dîlpodiion du Roij ou 5 s il reuffilbit ^ s imaginaat devoir la Couronne à fes droits -j & h fa con- duite : il ne fauroit pTe k la Reine Douairière ^ que de 1 y avoir appelle. Charles II ^ qui îiiivoit i impreflton t que lui donnoient fa femme & iQ^ Miniftres ^ inilitua le Prince de Bavière fon héritier univerfei; & F Empereur ne s en montra pas auffi irrite -, qu on le devoit attendre de fa paiîîon pour la grandeur de fa maifbn. L Hiitoire lui a reproche^ & fans doute injuiLe- ment ^ d avoir compte que lEtoiie d'Autriche ^ toujours funelie a ceux qui faifoient obftacle à fon agrandi!- fëment^ delivreroit les Archiducs du compétiteur 5 qui leur avoit etë pré- fère. §^ IV. Le Traite de partage & Je Teiîa- ment étant anéantis par la mort au Prince Eieâorai ? le Roi Guiriiaiime n\^n î68 ïïisToï?v.s Fglitîque n'en perdit point fes vues d'accom- inodement. Il etoit perfuade que la répugnance des Efpagnols ^ pour le démembrement de leur Monarchie ^ devoit céder au bien gênerai de l Eu- rope ^ & y feroit inutilement obfta- cle. Il propofa un fécond partage ^ quil fit ligner a Londres aux Pléni- potentiaires de France ^ le 3 de Mars 1700 5 & que les Ambafladeurs d'An- gleterre -, de concert avec eux ^ firent ratifier & garantir aux Etats Généraux. U Archiduc Charles 9 fécond fils de Leopold-) y etoit fubftitue au Prince de Bavière. La France -, qui demandoit quelque nouvelle pièce qui la mit en proportion avec fon cohéritier 5 rece- voit 5 avec le païs que le premier par- tage lui adju- eoit , les Etats de Lor- raine 9 pour être unis a perpétuité au Royaume i & le Duc ^ qu on ne con- fiiitoit point fur le don de fon bien ^ etoit fi^ippofe y confentir ^ & agréer pour échange le Duché de Milan. Ce n^ëtoitpas la ce que 1 Empereur s' etoit promis de la mort du Prince de Bavière. Les Etats d Italie valoient à fes yeux toute la Monarchie Efpa- gnole p & fi jamais il conlentoit qu ils en DU Siècle. /. Vartie. î ^9 en fuilènt démembres 5 ce ne devoit être que. quand on en dilpoferoit t) de manière a lui laiiTer Pefperance de les unir aux Pais Héréditaires de la bran- che Impériale. Il remplit toutes les Cours de fes plaintes: il fit exagé- rer \\ Charles l'inliilte que les trois Puiflances lui faifoient 9 en déchirant fà Succeffion de fon vivant 5 ians fa participation. Com.me il ne conce- voit pas 5 ( & réellement ij nV av\)it pas alors d'apparence ) que l'Europe foufFrit jamais un Prince François fur le Trône d'Efpagne : il croïoit que Charles etoit neceflite dans fon Te- ftament ^ comme Guillaume dans fon Partage ^ d'apeller TArchiduc à la Couronne 5 & il lui parut fuperflu de prendre des melures a cet égard. Sourd aux infiances, qui lui etoiecnt faites par la Cour de Madrid , d'en- voïer le jeune Prince en Efpagne ^ avec un Corps de troupes Ailenian- des 5 il demandt)it qu''on le mit d'a^ vance en poflefTion des Etats d'Italie , qui dévoient un jour lui être plus dif- ficiles à retenir. Son intention etoit^ au cas que Charles fit cette refigna^ tion 5 de mettre , dans toutes les pla- H ces 5 i*jo Histoire Politique ces 9 des troupes Impériales^ que PAr-* chiduc ^ devenu Roi en vertu du Te- ftament ^ n'en auroit pas chaflees ? ôa dont fon frère aine fe feroit fervi pour retenir le pais ^ comme fa portion 5 en-tant quineritier naturel. Cependant les trois Puiffances agit- foient dans les principales Cours 5 pour faire ratifier & garantir le partage ; tandis que fEmpereur & le Rgi d'Et- pagne y faifoient contre lui les plain- tes les plus amères. Les uns & les p.utres eurent lieu de fe flater d'avoir des partifàns. La Cour de Rome re- fufa a la France Finveftiture provifi- onnelle qu elle lui demandoit du Roi- aume de Naples ^ pour un de fes Prin- ces; & elle s'excufa de la donner à TArchiduc ^ pour qui le Roi d'EfpcH gne la faifoit foUiciter. Le Duc de Sa- voye 9 qui avoit fujet d'efperer qu'il feroit (iibftitue au Prince de Bavière? atendoit les circonftances ? pour fe déclarer contre le partage J & il fai- foit propofèr en fecret une ligue aux Puiflàaces d'Italie. Le Duc de Lor- raine ) qui auroit peut être go&te la transplantation , fi on ne lui avoit pas %iitr»ffront de la décider fins Ten con- fwlter 0 DU Siècle. LVartîe. 171 iîiîter 5 repondoit 5 qu'en qualité de Prince de TEmpire ^ il ne pouvoit prendre fon parti , fans Tagrement de TEmpereur. Venifeapprouvoit le Trai- te de partage 5 Rome attendoit un fé- cond Teftament. Toutes deux confî- deroient leur intérêt particulier. Celle la trouvoit fon avantage a avoir pour voiiîn un puiflant Monarque ^ capable de r aider a rechaflfer le Turc dam; r Archipel. Celle-ci^ jaloufe de fou indépendance , jugeoit que pour 1 1- talie un Roi d Efpagne etoit un hôte moins dangereux ^ qu un Roi de Fran- ce. Des Puiffances du Nord 9 les unesj comme la Suéde & le Damiemarc j etoient trop éloignées ^ pour entrer direftement dans cette querelle : les autres , comme la Pologne & la Pruffe^ avpient leurs vii'^s particulières qui ne leur permettoient pas de prendre parti contre f Empereur. Le Corps Helvé- tique -) inacceffible a la paffion de s'a- grandir -) avoit habilement eiude la ga; rantie du Traite de partage. Eclaire par Texperience ^ il avoit meprife la gloire ruineufe d'être le Froteâeur & rAfbitre de Tltalie. H a 5. Y. ■% l'jz Histoire Politique §. • V, L'Empereur Leopold 5 attentif k rimprefi^i on ^ que le. Traite de parta- ge & fes plaintes faifoient dans les différentes Cours ^ connut que la for- tune du fécond Archiduc faifoit ob- ilacle aux -^ avantages 5 qu'il recher- choit pour Ion aine ; & par un trait admirable de la politique la plus har- die 5 & la plus profonde^) il entreprit de les fervii: tous deux 5 en faifant tout pour leur concurrent. Il lui fallut pré- venir la Reine^ future Douairière d'Ef- pagne -) for cette iînguliere manœu- vre. Cette Princefle^ nourrie dans la haine de la France 5 ne pouvoit être déterminée en faveur de cette Cou- ronne par les raifons ^ dont on efpe- roit faire iilufion au Confeil Efpagnol. L'Intérêt de F Efpagne ^ & les deflrs de la Nation^ nettoient pas des mo- tifs pour elle. L'Empereur lui per- fuada facilement que TAjchi - Duc Charles étant le feul Prince , que l'Eu- rope put donner pour Roi aux Efpa- gnols , il lui importoit peu de là diP porition 9 que le Roi moribond feroit de DtJ Siècle. L Partie. 173 de fes Etats. Enfùite il lui fit compren-* dre qu'il etoit effentiel pour la Mai- fon d'Autriche de tenter û la France^ éblouie par un Teftament ^ qui doi:*^ neroit toute la Monarchie à un de fes Princes^ne le prefereroit point au Trai^ te de partage. Il n'etoit peint dou- teux qu'en optant pour un pareil Te-» ilament^ Louis XIV fouleveroit contre lui toute l'Europe. Alors les troupes Impériales 5 combinées avec celles de la plus part des Princes d'Italie ^ & favorifees ^ par les Efcadres des PuiC- fances Maritimes r> pouroient s'em- parer des Deux Siciles -, de la Sardai- gne 5 & des Places de la Côte de Toi- cane 5 & partager la Lombardie avec le Duc de Savoye. Les Allies, que la France auroit irrites par cette nou- velle levée déboucher 5 n'entendroient à la paix -, qu'après s'être mis pour tou- jours hors d'inquiétude fur fon am- bition : ils croiroient lui faire grace^ de la laiflèr aux termes du Traite de Rif^ wick. L'Empereur fembleroit accor- der a leurs prières l'Archiduc Char- les , pour le Trône d'Elpagne ; & les E- tats d'Italie demeureroient à la branche H 3 Impe- 174 Histoire Politique Impériale ^ pour fon dedomagement «les frais de la guerre. Telles etoient les viies de Leopold, dirige par Fhabile Prince Eugène. On en trouve la demonflration dans dans fa conduite avant & après la mort de Charles II. Il n'etoit pas difficile de faire goûter au Confèil d'Efpagne^ dont les principaux etoient ^ moins encore partifans de la Maifon de Bour- bon -) qu'ennemis de celle d** Autriche ^ les raifons de préférence -> qui militoient en faveur d'un Prince François. Quel- ques vifibles que fiiflent l'epuifement de la France 5 & le coup que lui portoit le changement de fon Miniftere ^ ils ne Fetoient point affes 7 pour que des Efpagnols les apperçulTent. Accoutumes à voir leur propre décadence ^ fans la faifîr, ils jùgeoient de Louis XIV & de fes Miniftres (iir leur ancienne ré- putation. L'Angleterre -y la Hollande 7 & la France ^ s'etant unies , pour faire valoir le Traite de partage : le meil- leur moyen d'en prévenir l'exécution etoit d'interefler une de ces Puiflan- ces a le rompre; & s'il avoit ete pofTible qu'un Légataire univerfel fe fut maintenu en dépit des opofans 9 lia DU Siècle, I. Partie. 175 Mn Prince du Sang de France y de- voit trouver moins de difficulté qu'au- cun autre. Charles IL rendoit les derniers fou- pirs; & on avoit encore a peine le ïbupçon qu'il eut fait un fécond Te- flament. Auflî- tôt après fa mort ^ on en produifît un 9 date du 10 d'Ofto- bre 5 1700. ou le Duc d'Anjou 5 fe-» €ond fils de France 9 etoit inftitue fon unique héritier ^ fous condition de ne fouftrir aucun démembrement de la Monarchie. Uilluftre Hiftorien du Siècle de Louis XIV dit que le Mi-- niftre de FEmpereur fe flatoit que l'Archiduc etoit le Succefleur defigné 9 tandis que le Confeil faifoit fes de-» pêehes a fon heureiTX rival. Cet élé- gant Ecrivain n'a pas l'expérience des fourberies politiques ^ que Jie bien de l'Etat autorife. La Reine Douairiè- re ^ dont le eoeur & l'efprit ëtoient dévoues a la Maifon d'Autriche 9 & qui^ depuis la mort du Prince de Ba- vière 5 avoit reflerre fon intelligence avec la Cour de Vienne 5 figna la lettre ^ que la Junte de Régence ^'ecri- voit à Louis XIV. Elle fë joignit an Gtnfeil Espagnol ? pour notifier à la H 4 Cour 1^6 Histoire Politique Cour de Verfailles la difJDoiîtion du feu Roi •) pour annoncer au Duc d'An- jou Fimpatience . ou etoit la Nation 9 de voir fbn nouveau Souverain : Elie - confirma au jeune Légataire la refo- lution , que temoignoient la Cour & le Peuple 5 d^expofer pour lui fon fang & fes biens. Voila une contradidion^ qui fùffiroit feule pour démontrer que Leopold en impofa a toute l'Europe ^ Si que fon Miniftre à Madrid ^ par f ;n ignorance affeâee 5 dupoit le Con- feîFd'Efpagne r lors même que ce der- nier inferoit de fa fiirpriië qu'il en fai- fôit fa dupe. Le Duc d'Anjou n'etoit point pour la Reine Douairière ce que lui promettoit d'être le Prince de Ba- \nere. Elle n'avoit point h ménager 1 : Confeil de Régence J & ihs menées j ifques a l'arrivée du jeune Roi 5 qui fat oblige de lui ordonner la re- traite ^, avant que de l'avoir vlie 5 font preuve qu'elle n'attendoit rien^ ni de la Cour de Verfailles ^ ni de lui. Il femble démontre à- qui peTe ces faits conftamment vrais -> qu'elle n'auroit point figne une lettre fî capable de déterminer Louis XIv'' à préférer le Teilament au Traitai de pai'tage > fi la DU S ï E G L E. /. Partie. 177 îa Cour de Vienne ne le lui avoit de- mande r) comme un bon office. Qu'on failè attention à !a conduite de Leopold ^ avant ^ & après que Louis XIV fefut décide. Elle prouve la po- litique que nous lui attribuons , & en . eft le chef-d'œuvre. Il s^incrivit d'a- bord en faux contre le Teftament 5 & protefla de fa liippofîtion 5 comme û cVtit ete une pièce viftorieufe ^ dont il n'y avoit que le défaut d'autentici- te qui pût arrêter les effets. Ce n'e- toit point une objeftion dont il put faire ufage longtems ^ puifque rien nVtoit plus .facile que de le convain- cre de la bonté de Paéle. Auffi ^ dès que Louis XIV l'eut accepte^ il ne lui oppofa plus que la renonciation du Traite des Pyrénées. Comme un voïagenr ^ que l'inquiétude de fa mar-* '^ che ') dans une nuit obfcure ^ k rete- tenu de prendre haleine jufqu a l'a-» Ipeft de fon terme : on Iç vit trans- porte de joye 5 a la leélure de la de- pêche •) qui lui annonçoit la proclama- tion de Philippe a Verfailles ^ fe fé- liciter d'être enfin parvenu a fon but. Tout va bien maintenant^ dit-iU/i,2 France a mis les Fuijjances Maritimes H f de 17^ Histoire Politiq^ue de mon coté. Elle ne peut plus revenir au partage y ^ toute P Europe fe join- dra à moi 3 pour l'empêcher d avoir la Monarchie. . . . L'Evénement aùroit juftifie les Elperances de Leopoid ^ fi r Archiduc Charles n'etoit devenu ? par la mort de fon aine 5 Tunique hé- ritier de fa Maifon. Jo VI. Louis XIV ne s'attcndoit point à voir Charles II appeller un fils de France à lui fiiccederj & il n'avoit pris aucune des mefures neceflaires pour foutenir cette difpofition. Il Tac- cepta par un mouvement de tendrefle paternelle : Ôc fes Minières lui en donnèrent l'avis ^ les uns parce qu ils s^y lèroient oppofes inutilement 5 les autres parce qu'ails ëtoient gens à fe régler plutôt fiir Tinclination du Roi 5 que fiir l'intérêt du Royaume. Depuis la paix de Rifwick 5 à la- quelle il eft dit 5 dans les deux pre- mières Editions de l'Hiftoire du Siècle de Louis XIV 5 que le Monarque h en- lendit 9 qu'afin de fe donner le tems d'acquérir de nouveaux Allie's ; loia de ,, tra- à DU Siècle. L Farr4e. 179 tnivailler a ramener fes ennemis & fes jaloux? Louis XIV donna de nouveaux griefs aux Princes les moins t^oppo- fes à fon agrandiflement ; il aliéna ceux de ks voifins , dont Faffection lui de- voir être la plus precieufe. Dans un tems ou il auroit du éluder les diC- cuffions les plus neceffaires -, il en en- treprit une , qui? n'intereffant que fon Deipotifme ? ne pouvoit que le ren- dre odieux? foit que l'avantage lui en demeurât? ou non. Pendant la guerre ? il s'etoit empare du Montbel- liard ^ & fes troupes y avoient avec elles leurs Chapelains & leurs Aumô- niers ? qui firent leurs fondions : Sous prétexte que le fervice Catholique s'e- toit fait alors dans le Montbelliard , il y envoya ? le 16 de Janvier ? 1699 5 un Détachement de Grenadiers & de Dragons ? avec des Prêtres ? qui s'e- tant empares de vive force du Tem- ple Luthérien ? y dirent la MefTe. En vertu du quatrième article de la paix de Rifwick ? dont il fe donnoit pour fidèle exécuteur ? il fomma le Prince de rétablir l'exercice de la Religion Romaine; en le menaçant d'y procé- der fur fon refiis. Le Prince Eit oblige H 6 dVffi- iBo Histoire Politique ë'affigner une Chapelle atix fîx famil- les Catholiques de fon païs^» qui a- voienîiQi un fi puiffant interceiîeur : Mais la Chb pelle coûta a Louis XIV fa plus fure refîburce dans la pro- chaine guerre ; elle lui aliéna les Prin- ces & Etats Proteftans ^ qui etoient ■ les feuls Allies utiles ^ fur lefquels il pût compter contre la Maifon d'Au- triche. Ce Catholicifme peu mefiire lui fit perdre le fruit de !a (*) con- £-'deration contre le neuvième Elec- torat. Le Duc de Lorraine 9 que Louis XIV avoit fouhaite s'attacher ^ en lui faifant epoufer fà nièce !)n'etoit pas 5 il eâ vrai nun allie bienpuiffant contre toute 1 Europe conjurée. Mais ce pouvoit être un ennemi de plus 7 qui nVtoit pa- a meprifer. Comme fi riionneur d^etre neveu du Roi de France avoit du rendre te Duc Leo«- pold infenfible a la mortification d'ê- tre fbn ValTal ; la Cour de Verfail- les refufcita les anciens droits de lâ Cou- C^) Anflî-tofc qu'on parla dans l'Empire de la Création â\m noiircl Eleélor^t en faveur de la r/aifon de Hannovre ; les Princes des ■snciennts Maîfons, jufqifaux Oucs de Brunf- -wick , fc- ligutisat pour la UaVwrfe:;» DU Siècle. LParth. ïSî CcxLironne fur le Duché de Bai% Char- les IX 5 & Henri III ^ y avoient re- nonce en faveur des Ducs : Henri IV 5 & Louis XIIÏ j s'ctoient conten- tes de la proteftation de leur Procu- reur General J Louis XIV ii'aurcit rien perdu r» en s'en tenant a la pre- cautiflfn des Rois fon Pere^ &fon aieulj & les ■ circonltances vouioient :> que 5 s'^il n'avoit pas eu l'exemple de leur tolérance^ il fe fit un mérite de le donner. Non 5 il fit citer le. Duc à venir en perfonne lui rendre un hom- mage 9 contre lequel il ne pouvoit y avoir de prefcription J & dans le tems qu'il avoit à folliciter fon confentement a l'article du Traite de partage^ le plus avantageux à la France ^ il refufa de lui faire grâce d'une pure céré- monie. Le Duc fut oblige de venir à Paris ^ & d'aller à Verfailles -, pro- mettre avec folemnite la dépendance ^ dont la fituation de fes Etats etoit une bien meilleure caution que fo® ferment/ Le Tefiament de Charles II avoit également furpris le Roi G^^iillaume 8c les Etats Geuv/raux. Ni l'Angleterre ^ ni la Republique 3 u'etoient préparées a iSz Histoire PoLiTKiUB à la guerre ^ dont la decl^ation de- voit liiivre leur proteftation contre les droits du Légataire univerfel. Les Etats & le Roi s'accommodèrent au tems. Ceux la reconnurent hautement le Duc d'Anjou dans toutes les qua- lités qu'il prenoit j & le Roi Guillau- me ? qui avoit , pour différer Se fe déclarer -> le prétexte de l'aflemblee de Ton Parlement ^ jugea pourtant de- voir écrire au jeune Prince ^ comme a l'Héritier de Charles II. Ces de- marches etoient une avance^ dont Louis XIV pouvoit tirer de grands avantages^ û (es Minières y avoient repondu. Guillaume fouhaitoit la paix : il n'auroit point tenu contre les égards^ & la déférence r> qu'on lui auroit mar- ques. On fe le feroit rendu favora- ble 5 ou du moins on l'auroit retenu de prendre fi-tôt parti pour l'Empe- reur -) en feignant de lui remettre l'ar- bitrage des furètes , que l'Europe de- mandoit contre Punion des ceux Cou« Tonnes , & celui de la fatisfaftion 5 que l'Empereur pretendoit. Les Etats Généraux n'etoient point uniquement jaloux de la grandeur de la Maifon de Bourbon, Leur pafTion domi-* D U . s I E c L E. L Partie. 1S3 dominante etoit l'amour de la liberté : leur Commerce failbit leur plus gran- de inquiétude J & Pacceptation pure & fîmple du Teftament les allarmoit avec raifon pour Fun & l'autre. Le nouveau Roi d'Efpagne feroit devenu FAllie , P Ami de la Republique 5 fi 5 daignant entrer avec elle dans une explicadon fur les Païs-bas Efpagnols 5 il lui avoit donne des furetés pour la barrière : û -, lui faifant valoir Fim- portance des Iles Philippines pour fon Commerce des Grandes Indes 5 il Fa- voit leurrée de la pro.melTe de lui cé- der cet inutile fleuron de fa Couronne y lors qu'il feroit affermi fur le Trône. Les Etats Généraux auroient foigneu- fement garde le fecret de cet article J & la jaloufîe des Anglois auroit four- ni 5 au tems de fon exécution ^ mille moyens de fe dilpenfer de l'accom- plir. Au lieu de ces menagemeus ^ dont la circonfpeélion ne compromettoit ni les droits ^ ni la gloire des deux Roys^ le Miniflere François reprit fes an- ciens procèdes 5 dont la hauteur etoit capable de changer des Allies mêmes en ennemis. Sans donner aucune ex- plica- îS4 HisToiRH Politique plica^on a la République r> Louis XI¥ lui enleva les Places du Païs-bas x\u^ trichien , dont la garde lui avoit ete confiée^ pour 'la fureté de fa barriè- re ^ & pol^r la déterminer a la neu-- tralite -, h ne lui preTenta point d' au- tres motifs ^ que les dangers d'une guerre contre une Puiffance ^ auifi for- midable qifetoit la France. Il deman- doit aux Erats de fe tenir defarmes J & il ne leur oftroit que fa parole ^ pour les raflurer fur l'approche des Troupes Françoifes ^ & fur leur entrée dans les principales Villes de la Flan- ch'es & du Brabant. Les Etats euf- fent ils ete auflî certains de fuccom- ber dans cette guerre •> qu'ils dévoient f être d'eiubarraller leur puiflant voi- Gn : Ils ne pouvaient ^ fans tra- hir la République ^^ opter pour la paix. Tout leur difoitque Louis XIV gar- deroit les Païs-bas ^ dont il s'annon- f oit pour le depotitaire. Les frais im- menfes , aufquels Tengageoit l'affennif' fement de Philippe -> demandoient une recompenie y & tout fon règne avoit alfe'^ fa?i connoitre fon génie -> pour qu'on n'en ci'ut pas les promeiles? que D tj Siècle. L Pm-tie. 185 ^ue fes Miniftres faifoient ^ dé fon defintereflèment. Atiffî peu complaifant pour le Roi Guillaume ^ Louis XIV fembloit avoir oublie Tafcendant que ce Prince avoit fur lui dans le Cabinet. Il entreprit de corrompre le Parlement d'Angle- terre 5 fans prévoir que fa brigue ne pouvant être cachée a Guillaume 5 elle revèiiieroit toute fa haine •) & le de« fermineroit a faire ufage des plrero- gaiives de la Royauté 5 en faveur de l'Empereur. Quelles que fiiffent les difpoliiions des deux Chambres 5 il etoit le maitre de déclarer la guerre 5 & de faire des Alliances 5 félon fon bon plâifir. L'argent de France pou- voit former de petites intrigues :> ani- mer de longs débats. Mais Guillau- • me etoit affure de diffiper les unes ^ & de calmer le5 autres -, par le feul , nom de l'intérêt de la Nation 5 par^ eelui de l'équilibre de l'Europe. Louis XlVfe priva lui même du fruit qu'il fe promettoit de fes fix millions , répandus a propos dans les deux Chambres. L'Hifloire ne don- ne pas grande créance aux Anecdo- tes reveltes par des Miniilres a des Hifîo- i85 Histoire Politique Hiftoriens : & d^aitleiirs le reflbrt 5 qui détermina Louis XIV a recon- noitre pour Roi d'Angleterre le fils de Jacques fécond , eft une de ces petites particularités ^ qui importent peu. Que c'ait ete par complaifance pour les Dames , ou par égard pour^ fa gloire ^ que le Monarque fe foit refolu a ce coup d'éclat : c'eft ce que , dira quelque Courtifan inftniit de fa rie privée. Il fuffit ici de pouvoir mettre en fait cette faufle démarche. Le Traite de la Grande Alliance ve- noit? d'être fîgne par Guillaume 5 dont il etoit encore un engagement parti- culier. Au lieu de le rendre lufped 5 odieux même 5 aux peuples des trois Royaumes , qu'il menaçoit de nou- veaux impots : ou en fit l'affaire de toute la nation , en violant de pro- pos délibère l'article du Traite de Rifwick , dont l'obfervation lui etoit fe plus a cœur. Ce fut en vain que Louis XIV 9 qui n'eut pas plutôt fa- lue le fantaftique Jacques III, qu'il s'en repentit 5 fit donner à la Cour de Londres une interprétation^ de fà proclamation , qui la mettoit au nom- bre des cérémonies, fans cenféquence : la DU Siècle. LFartie. .187 la Nation Angloife s'obftina a y voir un trait de Tancien Defpotifme 5 qu'il a- voit afFefte en Europe? & elle avoua fon Roi des meflires qu'il concerteroit avec (es Allies contre un Prince ^ qui fenibioit prétendre lui defîgner les Souverains. La Politique Françoife ne fut pas plus heureufe par rapport a l'Empire, Les Cercles goutoient afles la djftin- Ôion entre l'Empereur & le Chef de la Maifon d'Autriche. Il n'auroit pas ete impoffible de les amener a ne prendre aucune part dans une que- relle? qui n'interefîbit que le dernier. Mais ils flirent indignes qu'on les ef- timat affez peu 5 pour efperer de les contenir par des menaces. La hau- teur? avec laquelle le Miniftre de France fîgnifia celles de fon Maitr© à la Dietine de Nuremberg ? fit ce que les Miniftres de Leopold auroient peut être tente inutilement. La dé- claration d'envoïer dans les Etats de l'Empire ? qui prendroient parti contre la France -, une armée Françoife ? qui mettroit tout a feu & a fang 5 rap- pella la defolation des Provinces dm haut Rhin en i638i & kin que le fôuve- ï8S Histoire Politiqub fouvenir de leur faccagement intimi-^ dat^ on fut excite à faire les plus grands- efforts pour le venger -, & le preVenir. La France ne pouvoit compter fur PAUiance qu'elle relTerroit avec le Duc de Savoye ^ par le mariage de fou amre fille avec le nouveau Roi d'Ei^ pagne : à moins que de lui faire des avantages^ qui le touchaflent de plus près 9 dans fa qualité de Souverain. Il avoit fur le Milanès d^ancierines .prétentions 5 auxquelles il ne renon- çoit qu'^avec chagrin : il etoit certai» de recevoir dq^s-Puiffances Maritimes les mêmes fiibfides^ peut être même de plus confiderables ^ que ceux que les deux Rois lui promettoient : En quittant le parti de fes Gendres ^ il n'enlevoit point à fes filles la qualité de leur epoufès. C'etoit donc une necefîîte de lui donner quelques mor- ceaux de la Lombardie -> pour prix de fon alliance ^ ou de le voir fe ran- ger un jour du cote de l'Empereur t qui les lui offriroit. Sa defeélion etoit fon véritable intérêt 5 dès que les deux Rois s'en tenoient à des ftibfides pé- cuniaires. Mais la dépendance ^ ou là Cour de Verfailles le vouloit tenir 5 le DU Siècle. 7. Far^. 1S9 le dut décider pour celle de Vienne: il lui falloit devenir l'ennemi de fes gendres ^ pour ne pas expofer les Suc^ ceflèurs à devenir leux:§ fujets. Le Grand Duc & le Pape fe refei- voient de s'accommoder aux eVene- mens de la guerre. Neutres par in- clination 5 autant vjue par intérêt 9 ils nVtoient redoutables qu'au parti qui âuroit du deflbus. Il n**en etoit pas de même des Vénitiens , aflez puiC- làns , pour opter de la guerre ^ ou de la paix. Leur neutralité etoit de la dernière importance pour les deux Couronnes , & quand elles l'eurent obtenue -) il n'y avoit rien qu'elles ne dulFent faire •> pour fe la conferver? Le Miniiiere de France fut encore fidèle aux principes de ce règne, Pour fe frivole intérêt du point d'honeur^ il fit a Louis XIV un ennemi de cette fage Republique -) & un enne- mi d'autant pus da*ngereux, qu'il eil: du génie de ce climat de fe vaiiger par des voyes fourdes , & de haïr fous le m.alque. On vit le Roi exiger de Venife qu'elle refpeélat l'habit de foldat François 5 dont deux Bandits , c^u'elle avoit condamnés au dernier fuplî'* ipo HisToiRB Politique ftiplïce 1 etoient couverts ; ôc préten- dre qu'elle fe lailTat braver impuné- ment fur fes terres par deux fcele- rats 5 deja profcrits. Le Sénat 5 dont les droits iiir ces deux hommes etoient antérieurs a ceux que le Capitaine François ^ qui les avoit enrôles , y a- voit acquis au Roi ^ n'*avoit pas eftin\e qu'un billet d'engagement annulât fâ fentence i & il avoit fait pendre les deux Bandits , devenus foldats de fa Majefte Très Chrétienne. La Cour de Verfâilles trouva dans leur fuplice un attentat contre la gloire du Roi. Les excufes ^ que la Republique en daigna faire ^ forent rejettees avec cor 1ère. Jamais François premier ne par- la avec plus d'yidignation ( * ) du maffacre de fes Envoïez. Louis XIV demanda qu'un AmbaiTadeur extraor- dinaire vint lui faire fatisfaftion i & le Cardinal d'Etrees menaça le Sénat , qui helîtoit , de renouveller Texem- ple ^ que fon Maitre avoit donne dans le voïage du Doge & des Sé- nateurs de Gènes a VeJrfaiiles , de la repa-^ C^) Riiîcoîî , & Fregofe , Envoyez de ce Roi à la Porte , traverfant Vltalie deguifés , furent aiïaffinez par Tordre fecret de TEmpereiif Charles Qiûnt. DU Siècle. /. Partie. lox îTC^ation qu'il favoit exiger des Rc- piibliques , qui lui manquoient de relpeél. La prudente Republique ^ qui avoit à (es portes une armée Françoife ^ dilTimula fon jufte dépit. Ayant titre Ambafladeur extraordinaire ^ pour un jour -) fon Miniftre en France -> elle lui fit flibir l'humiliante cérémonie que la Monarque irrite lui impofoit. Mais elle fe refèrva de faire payer cher aM nouveau Roi d'Efpagne la faftueufc imprudence des Miniftres de fon Al- lie. De la cette frauduleufe neutralité -> qui fit la plus grande reflburce des armées Impériales en Italie. La Guerre étant enfin refolue -j Louis XIV 5 avec de bien moindres reflburces , qu'en 1688 ^ eut un plus grand nombre d'ennemis ^ & de plus grands defavantages. Le Roi de Por- tugaU que le Miniftere François ne ralïiiroit que par des paroles vagues^ dont les Allies lui difoient de fe de- fier -> ne balançoit plus qiî^ fiir tes con- ditions de fon acceffion a la grande Alliance. Le Nord -> occupe de fes propres affaires ^ etoit fans affection pour la Fi:ance. Les Ele6leurs de Bavie-* ig% HisToïRS Politiques. Bavière & de Cologne etoient ^^n- îVQues Allies ^ & tous deux demaii- doient inutilement à ks ennemis qu'ils leur permlifent d'hêtre neutres. Ainft^ ail lieu d'ajouter à fes forces ^ en fe déclarant en fa faveur ^ ils donnoient a fes armées de nouveaux Etats a deTendre ^ & a FEmpereur de nou- veaux païs a abandonner à fes trou- pes. Il eft encore problématique fi Louis XIV dut préférer le Teftament au ^cond Traite de partage. Cependant la Lorraine ^ que le Roi Guillaume , par goût pour la paix ^ confentoit qu'il unit a la Couronng 5 etoit une acqui- fition fi avantageufe -> qu'on croit com- muiieinent ( '^^ ) que le partage etoit le choix du Roy de France 5 & le Teftament celui du Père du Duc d'Anjou. C H A- (*) Voïez les dcfavanta2:es de l'union des deux Couronnes d«ins le Teftament Pol. du C. Alberoni. Chap. V. DU Siècle. I. Partie. 195 CHAPITRE XVIIL Faix dVtrecht en ijVy ^ de Baden en 1714.. LE Traite de la Grande Alliance fut conclu à la Haïe, le 7. de Sep- tembre 1701. il étoit le fruit clu reiTentiment du Roi Guillaume, & Feffet de fou habileté à profiter du dé- pit, dont la proclamation de Jaques III, à St. Germain, animoit la Nation Angloife. L'invafion des Etats dltalic par les Troupes de France, la rupture de la barrière, & le comerce des Indes Occidentales , étoient les raifons .des trois Puiffances Contractantes qui s'a- iiiiroient pour fe procurer mutuelle- nient fur ces points une Citisfadion au gré de chacune. Leurs forces dévoient agir de concert , en Europe. Dans les deux Indes , chacune devoit agir pour foi, & garder ce qu'elle y pour- toit conquérir. Les autres PuiiTances étoient invitées à entrer dans PAl- iiaiice i & on s'engageoit à ne point I trai. Î94 Histoire Politique traiter de la paix fans un confentc- ment unanime. Après la mort du Roi Guillaume, Louis XIV. pou voit rompre cette Li-y gue, en faifant aux Provinces- Unies de plus grands avantages, que ceux qu'elles fe promettoient de leur union avec l'Empereur & l'Angleterre. Ses Miniftres négligèrent ce procède d'une politique comune.. Loin de raffurer les Etats Généraux fur leur barrière, par l'offre de fequeftrer les Pais bas Efpa- pagnols entre leurs mains , jufqu'a ce que PhMipeV. univerfellement reconu, fit avec eux un accommodement per- pétuel ; la Cour deVerfailles en promit la donnation à TEledeur de Bavière, au nom de celle de Madrid ,• & pour prévenir les plaintes des Efpagnols fur le démembrement de la Monarchie , que le Teftament de Charles IL défen- doit, Elle les flata du projet Chimé- rique de récompenfer la perte des Pais bas, par la conquête du Portugal. Quelque fccret que fût cet engage- ment avec l'Electeur de Bavière , les Alliez le pénétrèrent,- & ils s'en fervi- rent pour fermer toutes les voies aux Traités pa4:ticuliers , capables de rom- pre DU Siècle /. Partie i^f pre la grande Alliance, ou de la boi-- lier aux trois premiers Contraélans. Le Roi de Portugal perfuadé que la France avoit pris fon parti , pour ce qui le regardoit , refuni d'entendre à fes propolîtions , & les Etats Généraux ne virent plus que dans les fuccès de leurs armes les moyens d'obtenir une barrière. La Poftérité aura peine à croire que la Cour de Verfailles ait dé^ rogé gratuitement au Teftament , dont elle faifoit fon principal titre y & qu'elle y ait dérogé fi malheureufement , que, pour un Allié qui ne lui oiFroit pas le moindre retour de fa libéralité, elle ait mis dans la néceffité , de lui faire la plus rude guerre, un voifin puit fant , dont elle pouvoit fe faire au même prix un Allié plein de zèle & d'alFeétion. Rien n'obligeoit les deu^ Rois à faire un Ci bon parti à PEledeur de Bavière , puifque ce Prince n'étoit pas en état de tenir contr'eux les Places fortes du Païs^bas , où fa qualité de Gouverneur Général lui donnoit de l'autorité: puifque, fur des promet fes vagues de l'en récompenfer, il y avoit introduit leurs Troupes 5 puili f u'eiîiiii, menacé du Bau de l'Empire ï9^ Histoire Politique par rEmpercur , il n'ctoit plus enfitua- tion , à efpérer que les Grands Allies lui fiflent des conditions avantageufes, Loiiïs XIV. n'ayant pas réufli à fe ré- concilier laNation Angloife, qui n'avoit dans la Grande Alliance aucun autre intérêt aduel , que le maintien de l'or- âve de Succeflion , qu'elle avoît établi; la Reine Anne, livrée au Confcil, que Guillaume lui avoit laiiîe, & dont les principaux membres, nourris dans fa politique & fa jaloufîe contre Louïs XIV. fondoient la grandeur de l'An- gleterre fur la fupériorité de la Maifon d^Autriche, adopta le plan defonPré^ déceflTeur, & parut fe paffionner pour fon exécution. Par tout où LouïsXIVo porta fes armes , il fe trouva des Trou- pes Angloifes, qui en foutinrent, ^ cepouflerent Tcffort. Les Généraux François perdirent contre le Général Anglois leur ancienne fupériorité ; & les armées Fran(;oifes ne furent plus ^animées de cette confiance , qui avoit fixé la vidoire de leur côté , pendant un demi Siècle. L'Allemagne & les Païs*bas durent leur falut aux Anglois, Le Duc de Savoie , toujours battu, brfqu'il n'étoit aidé que dçs Impc^ mm D u s I E c L E. /. Partie. 19*7 rîaux & des Efpagnols, fe défendît heu- reufement, & en vint à l'offenfive, avec le fecours d s Anglois. La Reine lui envoïa des Officiers y qui apprirent aux fiens à vaincre un ennemi, que juC- ques-là ils ne fqavoient que haïr. Elle tint par fes flotes les Côtes de France en inquiétude : Elle .troubla , elle ruina, par fes Efcadres, le commerce des deux Couronnes: elle nourrit de fbn argent la rébellion au centre de la France : elle fit ion affaire particulière du détrônemcnt de Philippe V. Ce fu- rent fes Généraux, fes Troupes, & fon Argent^ qui firent la Guerre en Efpagne. Ainiî que TEmpereur l'a- voitefpéré, l'Angleterre compta pout un grand j Sacrifice , qu'il faifoit à l'Alliance , la réfignation qu'il donna , en faveur de l'Archi-Duc puiné, de fes prétenfîons fur la Monarchie EC pagnoles & elle prit fur foi de la faire valoir. §. L Qiiel que dut être le fuccès de la Guerre , cette ardeur & cette paffioii des Anglois en alfuroit les principaux fruits à la Maifon d'Autriche , qui en I 3 fai- 198 Histoire Politique faifoît les moindres frais. Il n'y avoît point à craindre qu'une Nation, auflî jaloufe de fa gloire , abandonnât P Ar- chiduc dans des prétenfions , qu'elle s'étoit déterminée àfoutenir av^cctant d'éclat s & le Corps Germanique dé- claré , aulîî hautement qu'elle , en fa- veur de ce Prince , ne pouvoit. man- quer de fe prendre d'émulation , & de fermer les yeux à tout autre intérêt. Cette confiance enhardit l'Empereur Jofeph à des entreprîfes, qui avoient eiîraïéLeopold fon Père, tandis que le Corps Germanique étoit occupé de la grandeur de fa maifon, il*ne craignit point d'attenter à fa liberté , & de lui annoncer, par un trait du Defpotifme le plus hardi , les chaînes qu'il fe forgeoît, en travaillant pour l'occroif- fement delà PuifTance Autrichienne. Les Electeurs de Bavière & de Co- logne, déclarés ouvertement pour la France, avoient tenu contre les Solli- citations de Leopold aux Diètes , pour les faire mettre au Ban de l'Empire. Le premier, chaifé de fes Etats,après avoir ravagé à la tète d'une Armée Françoife, les plus belles contrées de l'Allemagne, avoit encore trouvé les trois Collèges •affés DU Siècle. /. Partie. 199 sfles éclairés fur leuF reflentîment ^ pour ne pas facrifier à leur^ vengeance la plus précieufe prérogative des Elec- teurs & des Princes; & Leopold al- larme des diTcuffions inféparables d'une procédure 5 qu'on lui deman- doit dans les formes , avoit laiifé fon ennemi jouïr du droit, que la Paix de Weftphalie affura aux Souverains de l'Empire, de s'allier félon qu'ils fe le jugent avantageux. L'Eledeur, de concert avec l'Archevêque f^n frère , s'étoit fait bouclier de la diltinctiou entre le Chef de l'Empire & le Chef de la Maifon d'Autriche, La guerre, qu'ils faifoient à celui-ci, palfoit pour une guerre particulière, où celui-là ne devoit entrer que par des offices de pa- cificateur. Jofeph s'éleva au delTus des raifons de prudence & d'équité, qui en avoient impofé à l'Empereur fon Père; & il ne daigna pas même tenter de furmonter les difficultés, qui l'a- .voient arrêté. Quoi qu'il pût efpérer de fon crédit dans les Diettes la prot cription des deux Electeurs, avecles formalités capables de lui donner l'au- thenticité , il n'en voulût confulter que foi même. Plus abfolu dans une I 4 Repu- 2CO Histoire Politique République de Souverains , qu'aucua Roi de l'Europe dansfon Roïaume^, il fit digérer'par fon Confeil privé, il fît prononcer dansfon Palais, la Sentence de deux PrinceS;Souverains,&Vairaux de l'Empire , corne lui. Sans Citation, fans Procédures , fans la moindre deîS formalités , que les Tribunaux de juC. tice ordinaire n'oferoient négliger pouc un Citoïen obfcur, il déclara deux Eledeurs coupables de félonie j & il fulmina contr'eux au delà même des peines , portées parles loix contre les membres de L'Empire atteints & con- vaincus de ce crime. L'un, qui ne pouvoitètre puni que dans fa dignité, en fût déclaré abfolument déchu. L'au- tre vit enveloper fes enfans dans fa condamnation. Le prétendu crime du Père fût pourfuivi dans fa poftérité avec autant de rigueur, que le crime de lèze majefté au premier chef dans la Monarchie la plus abfolue ,• & au mépris des loix Germaniques , de cel- les mêmes de tout l'Univers policé, les* Fils d'un Souverain , à peine fortis de Fenfance , furent dégradés & flétris. On leur ôta leurs biens , leur liberté, jufqu'à leur nom & leur état. Le BU S'iEGLE* /. Partie. 201 Le Corps Germanique, murmura de cet excès. Plufîeurs membres fi-, rent leurs proteftations. Mais ce fut un vain bruit, que les aplaudiflfemens des Alliés étouffèrent, & qui ne fervit qu'à mieux faire conoitre à l'Empereur Jofeph qu'il pouvoit tout ofer. L'année fuivante, il fit le même fort au Duc de Mantoue , qu'aux deux Eledeurs. Il confifqua fes Etats, s'en appropria une partie, donna l'autre au Duc de Savoie ,• & le Corps Germanique ne témoigna que de l'étonnement fur la témérité de ces coups de Defpotifme, Après s'être mis au deffus des loix , que fes Prédécelfeurs n'avoient jamais élu- dés, qu'en tremblant furies fuites de l'entorfe qu'ils leur donnoîent , Jo- feph fecoua entièrement leurs préjugés fur les privilèges des Papes. Il fe jugea affez puiflant , pour n'avoir plus be- . foin de la faveur de Rome, que leur timide politique avoit apréciée au delà de fd valeur , & ménagée aux dépens de leurs droits. Il fit valoir les pré- tentions , prefqu'oubliées , d'un Em- pereur fur les Etats* d'Italie. Il méprift également les armes & les excommu- nications de Clément> & le Saint Siége^ I 5 obligé 202 Histoire Politique obligé de s'humilier, crût voir le temps arrivé de rendre compte aux Empe- reurs de fes ufurpations. L'Empereur Jofeph ne garda pas plus de mefure avec fes Alliés, qu'il vo'ioit engagés à ne pouvoir s'en dé- dire. Tandis qu'ils faifoient la guerre en Efpagne, pour l'Archiduc fon Frère, & dans les Païs-bas pour lui même ; il difpofoit {km leur aveu de leurs Con- quêtes en Italie; il projettoit iluis les confulter ^ il reclamoit contre les en- gagemens de l'Empereur Ton Pérc avec EUX. L'évacuation de la Lombardie , après la déroute de Turin , fût difcu- tée , & acceptée , dans fon Confeil privé. L'entreprife fur le P^oïaume de Naples fût réfolùe dans fon Confèil de guerre, & exécutée malgré les Alliés. Il refufa au Duc de Savoie L'invefti- jure des morceaux du Milanès, dont Leopold avoit fait un appas à ce Prince , pour l'attirer à fort parti. Il révoqua le don du Païs & des Fiefs des Langhes : L'ardeur des Puiifances Mari- times lui répondoit de leur complaî- lànce. En même temps qu'il éxigeoit d'elles plus que les articles du Traité de 2g Grande Alli»uc@ ne le^r en impo- foieat BU Siècle. L Patrie. 203 foîentjil ne craignoit point de leur dire, que les engagemens de Leopold n'é- toient point des obligations pour lui; & que ce qu'il avoit fallu leur accorder y pour les unir contre la France, devoit ètrecompté pour rien,après leurunion. Uefprit de parti aveugloit les Puiflan- ces Alliées fur le Traité de paix , qu'un pareil génie leur promettoit, Uépui- îement de la France , & rabaîfTement de la maifon de Bourbon, qui en devoit être la fuite , ne leur inlpiroient aucun retour fur ce que l'Europe au- roit à redouter de la grandeur de la maifon rivale. Il fallut la mort de l'Empereur Jofeph, pour dilEper le preftige. $. IL Ok eft étonné d'entendre les meil- leurs Hiftorienjs marquer les batailles gagnées au nom de Philippe , en EC- pagne, comme autant défaveurs de la fortune , auxquelles ce Prince fut redevable de la Couroime. Les jour- nées d'AImanza , & de Villa- Viciofa. ne firent que foutenir la Guerre de ce côtér Toutes les autres Adioias euflent I 0 ^Iks 204 Histoire Politique elles été auffi heurcufes , elles n'étoîent point capables de décider lequel des deux compétiteurs dcmeureroit fur le trône. La Guerre d'Efpagne n'étoit qu'une foible diverlion de la grande, dont le fort étoit fur les frontières de France. Marlborough & Eugène a- voient dans leur armée le fort de Phi- lippe y & l'Archiduc, chafiTé d'Efpagne, auroit fait valoir fes prétentions du milieu de la Flandres , corne du milieu des Caftilles : La Monarchie Efpagnole îi'avoit point les forces néceflaires , pour maintenir le Roi ehoiiî par la Nation. La France fembloît être fur le pan- cbant de fa ruine. Ses Ennemis ne s'en eroïoient plus eux-mêmes fur la ja- loufie, qu'ils s'elforqoient de nourrir contr'clle^ & la certitude qu'ils s'ima- ginoient avoir d'anéantir cette 'PuiC fance , auparavant fi formidable, leur faifoit rejetter fes oiFrcs pour la paix, avec autant de hauteur , qu'ils avoient montré autrefois d'empreifement à écouter fes propofitions. C'étoit bien encore le même Louis XIV. qui bra- vant toute l'Europe conjurée contre lui, n'avoit oppofé que des Armées aux DU Siècle. 7. hir^ie. 20f aux efforts de la ligue d'Augsbourg, Il foutenoit les plus terribles revers avec la même fierté , qu'on lut avoit vu dans les plus brillantes vidloîres. Son courage l'élevoit au deflus des difgraces de fes Généraux , & lui montroit une dernière reflburce dans un noble défefpoir. Mais fa Cour n'étoit plus ce qu'elle avoit cté^ & fon Roiaume avoit changé de face comme elle. La plupart des Miniftres, eeux qui avoient fon oreille , étoient fans réputation , & fans audace, peut- être fans capacité, haïs au dedans , peu eftimés au dehors , & toujours en faveur. Les Peuples appauvris étoient mécontents du Gouvernement i les Campagnes fans ralture , faute de Cultivateurs ,• les Magazins & les Ar- fenaux épuifés, les Ports dépourvus de Vailfeaux , les Négocians découra- gés par la décadence de la Marine, La plupart des Généraux, meilleurs Cour- tifms , que Militaires, n'avoient ni la confiance des Troupes, ni l'eftim® des Ennemis : Lès bons Officiers étoient retirés fur leiirs terres i peu de ceux qui fervoient étoient connus de l'Etranger j ou conlidérés au bureau de k 2o6 Histoire Politique la Guerre: Les Troupes elles mêmes étoient fans difcipline & fans affedion ; tout annonqoit à la France un avenir auffi funefte , que le paifé avoit été glorieux. Envain le Roi offrit en 1709. & 1710. d'acheter la Paix au prix de toutes les acquifitions, qu'il avoit faites pendant fon règne. U avoit inutilement propofé d'abandoner fon Petit-fils, de l'exhorter à remettre fa Couronne à fon rival, de donner pat fage par la France aux Troupes Alliées, qui riroient forcer à l'abdication : Il avoit même oiFcrt de les payer. Mais on ne vouloit point de paix avec lui , à moins que pour préliminai- res, dont on fixoit Péxécutîonà deux Mois , il n'eut arraché fon Petît-fils du Trône, & rendu tous les Païs, & toutes les Places , dont la France s'étoit accrue , depuis le règne de François L S* ni. Louis XI Vjf diû Plllujlre Éîjo: rien de fon Siècle ^ fit alors ce qu'il n^avoit jamais fait avee fes Sujets: Il fe DU Siècle. /• Partie. 207 fe jaftifia devant eux .... Mais les nouveaux efforts, que le refped qu'on avoit pour fa perfonne lui obtint de fes Peuples, ne produifirent que de nouvelles difgraces. Les intrigues de fes Miniftres en Angleterre n'alloient point jufqu'à la Nation. Le Duc de Marlborough , difgracié de la Reine , commaiidoit encore les armées : Le ."Parlement continuoit fes Subfides, & en marquoit l'emploi. Les deus; Cham- bres avoient avoué le Traité de 1709. conclu par Mllord Thownfend, par lequel on afluroit à la République, fous le nom de Barrière ^ la conquête des dix Proviiices. L'armée de France étoit le débris de celle, qui n'avoit pu tenir derrière les retranchemens de Malplaquet. Le déplacement du Mi- niftère Wigh ne dérangeoit point le plan de la Grande Alliance : les Toris ne pouvoient fe dérober à l'engage- ment pris de faire un établiflement à PArchiduc Charles ; & la Nation, dont l'intérêt, ou le préjugé, étoit encore le même qu'au comfBenccment de la guerre, n'auroit jamais confentî, qu'a- près tant de vidoîres on eût réduit les litiges & les qualités ^ dans lefquels elle avoit 208 Histoire Politique avoU reconnu ce Prince, en 1703. Ce- pendant la France étoit fî affoiblie y que la défunîon des Alliés Pauroin peu foulagée y à moins qu'elle ne corn- menqat par la retraite d^un des trois principaux^ & tout ce que la Reine Anne pouvoit, avec fon nouveau Mi- niftère, c'étoit de fe réduire à fui vre^ déformais Fimpulfion , qu^elle avait donnée, & à -ne faire que féconder les Alliés, que jufqu'alors elle avoit animés & conduits. La mort de TEmpereur Jofeph ou- Trit une nouvelle Scène, & entama le dénouement. Qi^el qu'eût été alors le Miniftère en Angleterre, lir Siftème auroit dû changer. Charles devenant Empereur , Marlborough lui même l'éloignoit du trône d'Efpagne. Mais ce grand homme avoit été maltraité de la Cour; & dans une crife heu- reufe, où les Miniftres, qui l'avoient déplacé, avoient le choix de mille moïens également bons, il étoit iné- vitable que le dépit de fes amis trou- veroit à fonder la critique du moiea> auquel laCour donneroit la préférence* On avoit fait la guerre , pour empê- cher qu'un Prinç« François ne fut affis fui D u s I E € L E. /• Partie. 209 fur le trône d'Efpagne. La Guerre avoit été fî heureufe , qu'on pouvoit faire accepter à la France toutes fortes de conditions y & on ne détrônoit pas fon Prince/ C'en étoit aflez pour au- thorifer les plaintes & les clameurs des Wighs, qui ne cherchoient qu'à venger leurs Chefs de ceux qui les avoient fupplantés. Il y avoit en eiFet des Princes , qu'on pouvoit fubftituer à l'Archi-Duc CJiarles; l'équilibre de l'Europe en auroit même paru plus folidement établi j & on évitoit l'em- barras des renonciations , fî le Duc de Savoie, Ci un Prince de Bavière 3^ ou quelqu'autre , avoit été préféré au Duc d'Anjou. 5. IV. Chez un Peuple libre , la Politique gagne au chagrin & aux clameurs des mécontents. Les Miniftres , compta- bles à la Nation , y veulent jouïr d'une réputation bien méritée i & ils déférent à la critique, qu'ils fe feroieufe un point d'honneur de braver dans un Etat plus abfolu. Les Cours de Verfailles, de Vienne, & de Madrid, réfo- âio Histoire Politique réfolues à la Paix , ou à la Guerre, ne confuîtem que leur volonté. Celle de Londres écoute les murmures & les avis des Anglois , & ne dédaigne pas d'y repondre. Elle ne prend fon parti, qu'après avoir démontré à la Nation qu'il eft le meilleur. La Guerre contre la Maifon de Bourbon n'avoit plus d'autre objet qu'une fatisFadlion pour chacun des Alliés,- &LouïsXlV. n'en refufoit aucune , qui fut raifonnabîe. L'embarras des Miniftres d'Angleterre étoit de choifîr, & de faire' goûter leur choix. Séduite par les Miniftres Imlpériaux, & par îbn ambition, la République ne vouloit point la paix. Mais les plus fages têtes de l'Etat ne paroiflbient y avoir tant d'éloigné- ment, qu'afin de lui ménager de meiU leures conditions, tandis que les Peu- ples des Sept Provinces auroient le temps de revenir de la haine & des efpérances, dont on avoit entretenu leur ardeur pendant la Guerre. La Cour de Londres, inftruite de ces dif- pofîtions^, s'attacha à prouver qu'elle devoit traiter avec la France , avant que de fignifier la réfolution , qu'elle ea avoit prife. Pour amener les elprits à D U s I E G L E. /. Fartîe. 2II à cette impartialité, qui doit devancer la peiruafion , elle commit les Alliés les uns avec les autres : Leurs com- munes indîfcretions dévoient les faire revenir de leurs préjugés 5 h en s'ou- vrant fur leurs vues particulières, il falloit qu'ils lailTalîcnt voir le flrax de ce zèle apparent pour la caufe générale, qui avoit foutenu l'union. Le Minit tère Anglois mit enfuite en queftioii rintèrèt de chacun à la Guerre , & la part qu'il avoit eue aux dépenfes'& aux opérations. Les Wighs eux mê- înes furent effraies des charges im- menfes que la Nation avoit portées , & du peu de retour qu'elle avoit eu lieu de s'en promettre. Les Hollandois reconnurent qu'ils avoient fait une Guerre indifpenfabk j tandis que l'An- gleterre n'avoit guères eu d'autre mo- tif que la gloire de conferver leur Ré- publique, & le plaifir de luter contre la France. Ils fentirent qu'ils étoient tropfoibles, pour foutenir, joint au fardeau qu'ils avoient porté, celui dont leur Alliée vouloit fe décharger 5 & ils furent diffuadés de la continuation de la Guerre , aulfi-tôt que l'Angleterre leur ' 212 Histoire Politique leur laifla voir qu'elle fe la reconnoiC foit plus onereufe, que profitable. Le Prluce Eugène, qui avoitfliit fervir jufqu'alors les Alliez aux vues de fil Cour , fut , fiuis s'en appercevoir, rinftrumcnt du Miniftère Angîoîs coii- tr'elle. Trompé par fon averftonpour la paix, il fe fixa fur l'avantage , que la Souveraineté des Païs-bas donne- roità rEmpereur,au cas qu'il lui fallut continuer feul la Guerre y & d'après les înfinuations d'un Miniftre Anglois \ plus délié politique que lui, il pro- pofa aux Etats-Généraux la proclama- tion de Charles VI. dans les dix Pro- vinces. En ayant été refufé , il la fît demander par les Notables du Païs, qu'il avoit gagnés 5 & il appuïa leurs plaintes contre le Gouvernement, que Leurs Hautes- PuiiTances y avoiend rendu tout à fait militaire. Ce procédé acheva d'ouvrir les yeux des Hollan- dois. Ils virent qu'on leur vouloit en- lever la part, qu'ils s'étoient promiia aux conquêtes 5 & ils furent entière- ment guéris de l'efprit de parti , qui les faifoits'épuifer pour un Allié, qui, avouant que la Guerre avoit été en- * treprife J Milord Boliiîibroke, D U s I E c L E. L Partie. 2T 3 treprife principalement pour luî , loitt de tirer de cet aveu un motif de re- connoiiTance, en faifoit une raifon de s'approprier tous les fruits de laGuerre. Les Etats-Généraux répondirent aux plaintes des Députes des dix Provin- ces , que leur Païs étoit une conquête, dont le Traité de paix feroît le fort^ & ils entrèrent dans les vues de la Cour-de Londres, pour le fuccès des ConférenceSo §. V. La Reine d'Angleterre avoît intimé le Congrès à Utrecht, pour le iz. de Janvier, 171 2. L'ouverture s'en fit le 29. Mais il n'y eut que l'apparence de la négociation. Cétoit à la Haïe, & dans le Cabinet des deux Cours, que les grandes difficultés itoient dit cutées, & applanies: Les Couriers de Verfailles & de Londres apportoient à Utrecht les délibérations du lende- main, avec leur réfultat. Dès le 10. de Juillet, tous les Traités étoient di- gérés par les Mîniftres de France & d'Angleterre. Le 19. Dunkerque fut K^mig à un Général Anglois, qui de- . voie 214 Histoire Politique T6it fur le champ en commencer la démolition* Les Alliez voulurent d'abord traiter en commun àUtrechtj & c'étoit l'a- vantage des Miniftres Impériaux. Leur Maitre fouhaitant la continuation de la Guerre , ils dévoient trouver mille occafions d'acrocher une négociation, auffi embaraflee que celle-là l'auroic été. Mais leur propre imprudence leur enleva cette reflburce. Le Comte de Sinzendorf , premier Plénipotentiaire de l'Empereur , croïant le temps favo- rable,pour faire fervir à l'accroiifement de l'autorité Impériale la faute que les Miniftres François avoient faite à Ni- mègue, & à Rifwick, de difputeraux Princes de l'Empire le droit d' Ambafla- deur, exigea que le Corps Germanique lui remit fes demandes , & qu'il reçût par fon canal les réponfes qui y fe- roient faites. Les Eleâeurs & les Prin- ces des anciennes Mailbns fe récrièrent contre la prétenfion,- & le Congrès, à l'arbitrage duquel elle fut remife, dé- cida en leur faveur. Mais la difficulté de répondre à tant de cahiers, qui dé- voient être rapprochés , & comparés^ par Çôuç les iûtèreffés, dilcutés fous DuSiECLE /. Partie. 2I f tous leurs rapports, & répondus à la fatisfaétîon de tous en général, & de chacun en particulier, parût efFraïer & rebuter les Plénipotentiaires François. Ils demandèrent, ou qu'on fe conten- tât de réponfes verbales , ou qu'on fit des Traités particuliers. L'Angleterre, qui avoît déjà ftipulé £es avantages à part, appuïa leur demande, & les aida a obtenir l'option pour le dernier procédé. Alors chaque Puiflance appréheiî* dant d'être prévenue , & enfuite aban- donnée par fes Alliés, toutes fe hâtè- rent de faire leurs conditions. La paix générale auroit été plutôt conclue, fî on avoit voulu reconnoitre dans les Préliminaires Philippe V. pour Roi d'Efpagne. Mais, par complaifance pour l'Empereur , l'Angiecerre avoit exigé que les Plénipotentiaires Efpa- gnols ne parulfent point à Utrecht ; & les cédions, qui durent être faites an nom de TEfpagne, fans mention de fon Roi, embafaiférent la négociation. Il eft peu de traits dans l'Hiftoire , auffi remarquables que la fupériorité, avec laquelle l'Angleterre traita les renonciations rcfpec'lives de Philippe T. QiS Histoire Politique V. à la Couronne de France , & des Princes François à la Courone d'EC pagne. Le Miniftre François failoit une grande affaire d'un ade, que les Loix fondamentales de la Monarchie fembloient réduire à une formalité abfolument nulle. Nom fomes prêts j lui répondit le Miniftre Anglois, k O'Oire que vous êtes perfuadés en France que Dieu feul peut altérer la loi de votre SucceJJion, Mais vous nom permettrés d'être perfuadés en Angleterre quhin Frince peut renoncer â fon droit , par une cejjîon volontaire ^ ^ que celui > en faveur duquel la renonciation ejl faite , peut être jujlement foutenu dans fes pré- tenfîons par les garants du Traité. Après une déclaration aufîî précife fur la valeur des renonciations , il n'y eut plus d'obftacles à la paix , que de la part de l'Empereur , qu'on abandonna à fa paflîon , & à fes efpérances. Les Traités furent fignés le ii. Avril 171 3. entre la France d'une part , & de l'autre l'Angleterre , la Hollande , le Portugal, la PruiTc; & la Savoie. S. VL D U s I E G L E. /• Partie. 217 §. VL La France céda à perpétuité à P An- gleterre k Baye & le détroit d'Hud- fon , avec fes dépendances , Tlsle de St. Chriftophe , PAcadie , & l'Isle de Terre-neuve , fe réfervant feulement le droit de drefler des Cabanes poui' fes Pêcheurs , fur le rivage de Terre- neuve , pendant la pêche de la morue. Elle promit la démolition totale de Dunkerque , du coté de la Mer , & le comblement de fon Port. Le terme de ce fâcheux travail étoit de cinq mois ; & il ne devoit commencer qu'a- près que les quatre Villes de la Flandre Franqoife , dont la reftitution étoit ap- pellée un dédomagement, auroîent été rendues au Royaume. Louis XIV. reconnut,^ pour légitime la Succeflîon Proteftante , telle qu'elle avoit été ré- glée par la Nation, en faveur de la maifon. de Hannovre. Il confirma les renonciations refpedives, qui dé- voient prévenir Tunion des deux Cou- ronnes fur une même têce ; & il avoua 4'avance le Traité que l'Anglecerre fe- tok avec l'Efpagne. K La 2\Z Histoire Politique La République fe faifoit confirmer les anciens Traités d'Alliance & de Commerce,- & elle recevoit en dépôt les dix Provinces Autrichiennes , dont elle devoit remettre la Souveraineté à TEmpereur , après qu'elle feroit con- venue avec lui des Places , qu'elle vou- loit pour fa barrière. On fit deux ex- ceptions à cet article : L'une en faveur du Roi de Prulfe, à qui le haut quar- tier de Gueldres devoit demeurer, avec fa Capitale ,• l'autre en faveur de l'Eledeur de Bavière , à qui on refer- voitla Souveraineté & les revenus du Duché de Luxembourg, & du Comté de Namur , jufqu'à fon rétabliifement dans fes Etats. On ftipula même, jufqu'à ce qu'il fut en pofTefîîon du Royaume de Sardaigne, qu'on lui at fignoit pour le dédomagement de fes pertes. Mais la paix de Baden annulla cette dernière condition. Il eft furpre- iiant que, parmi de fi grands intérêts, on fit attention à ceux de la fameufe Princelfe des Urfins. On lui refervoît dans le Duché de Luxembourg une terre de trente mille Ecus de revenu annuel, laquelle devoit être érigée eu Princi^ DU Siècle. I. Partk. 219 Principauté, pour paiTer, après elle, à fes héritiers naturels. Les principaux intérêts du Portugal en cette Guerre étoient relatifs à TEC. pagne. Comme pourtant il avoit dé- claré la guerre à la France, il luifallûC fon Traité avec cette Couronne. Afin qu'il ne fût pas un renouvellement pur & fimple des anciennes liaifons , on y vuida le différend , qui jufques.là n'a« voit guères intèreiTé que quelques Flî- buftiers , fur les limites du Brefil , & de la Guiane. La France qui n'avoit pas défriché vingt lieues de cette vafte région , qui en a plus de 200. de long, renonqa folemnellement à fes préten- tions fur Pun & l'autre bord de la^ri- viére des Amazones , qui eft a fon ex- trémité méridionale. Elle abandonna le commerce, qu'elle ne connoiifoit point, avec quelques centaines de Caraïbes vagabonds , qui les habitent ,• & elle promit en outre d'accéder au Traité que le Roi de Portugal feroit avec TEfpagne. Il lui en coûta cinq cens mille Ecus pour le Traité avec le Roi de Pruife , qui renonça à fes droits fur la princi. pauté d'Orange. Elle reconnut ce Mo- K Z nar« 220 Histoire Politique iiarque en toutes fes qualités , & fous les mêmes titres , qu'elle donne aux Rois du midi de l'Europe. Elle liai confirma , au nom du Roi d'Efpagne, îcs Ceifions ftipulées dans le Traité de îa Hollande , fans luifaire de difficul- tés fur le contingent , qu'il fe refer- voit de fournir , comme Eledeur de Brandebourg, dans la Guerre ^ que FEmpereur paroiflbit réfolu de conti- nuer feuL Enfin Louis XIV. accéda à la délibération des Etats, de Neùchâ- tel, qui avoient adjugé la Souverai- neté au Roi Eledeur ,• & il confirma aux Peuples des deux Principautés les Privilèges, dont ils avoient jouï en France, fous leurs autres Princes. Le Duc de Savoie obtint la celîîon à perpétuité des vallées d'Oux, de Se- îzanne, deBardonnage, & de Château Dauphin , avec les Forts d'Exilés , & de Feneftrelles. La France Un* garan- tît le Roiaume de Sicile, qu'elle lui cèdoit au nom de J'Efpagne; Elle avoûoit l'Empereur de toutes» les Cet fions qu'il avoit faites à la Maifon de Savoie, dans laLombardie j &ellere- ConnoifToit fes Princes pour héritiers pré. DU Siècle. L Partie. 22t préfomptifs de la branche de Bourbon règname en Efpagne, $. VIL La Guerre étolt toujours un fleaa pour la France, malgré la foIblelTe de TEmperqur , qui s'obftinoit à la conti- nuer. Les plus grandes prétentions de Charles VL étoient fur TEfpagne, à laquelle fes préjugés ne lui permet- toient pas de renoncer. Il ne daignoit pas répondre aux offres, que Louis XIV. lui faifoit, des conditions les plus capables de toucher le Chef de l'Empire. L'Angleterre & la Hollande, fatiguées de fon opiniâtreté, fe con- tentèrent de lui aflurer, indépendam- ment du fuccès de la Guerre , ou il y avoit apparence qu'il fuccomberoit^ la portion des Etats Efpagnols fépa- rés de la Monarchie , qu'elles jugeoient que l'équilibre de l'Europe exigeoifi qui lui demeuraffent. Elles firent, fans lui , leur Traité avec Philippe V, La Hollande ne ftipula que pour fou Commerce , & les renonciations. L'Angleterre ie fit céder Tlsle Minor- que^ & Gilbraltar, avec le privilège K 3 €X- 223 Histoire Politique exclufifdela traite des Nègres, pour la Mer du Sud : C'eft ce qu'on apelle Je contrat de VAJJiento. Elle garantît d'avance le Traité du Portugal , qui ne fut figné qu'en 171^. & dont le prin- cipal article règloit les poflieffions , & le commerce , de la Rivière de laPlata. §. VIIL L'âge de Louis XIV. & fes Infîrmî- xk y qui annonçoient une minorité prochaine , en France s & la mau- vaife fanté de la Reine Anne , qui promettoit la prompte élévation de l'Eledeur de Hannovre fur le trône de la Grande Bretagne, fiifoient les cfpérances de l'Empereur. Ce Prince fe flatoit que l'évacuation de la Cata- logne, la neutralité de l'Italie, & la paix des Pais-bas , lui permettant de réunir toutes fes forces pour la défenfe de l'unique frontière , qui lui reftoit cxpofée aux armes Francoifes , il pou- roit gagner du tems , & foutenir la Guerre, jufqu'à-ce que ces deuxEvé- iiemens lui donnaffent & un nouvel Ennemi moins redoutable , & un nou- vel Allié plus chaud. Il croioit ne r^'ea rit DU Siècle. LTartie. 223 rirqiicr, vil les difpofitions du Traité d'Utrecht. Les Pais , que fe > Alliez lui faifoient céder, étoient à couvert; & il ne pouvoit décheoir de leur poiref- fion. Prévenu qu'il alloit avoir en main l'occafion de leur joindre d'au- tres conquêtes , il ne vouloit entendre, au plus, qu'aune trêve de deux ou trois ans. Le Corps Germanique voïoit avec peine fonChef laifler échapper le mo- ment unique de réunir à l'Empire les morceaux que la France en avoit dé- tachés. Mais rintèrêt particulier Teni- portoit fur le bien général. Plufieurs Princes détenoient des Fiefs , dont ils n'avoient point rinveftiture. L'Empe- reur la leur faifoit efpérer,* & jufqu'a-ce qu'il la leur eut donnée , ils l'afFcrmiC- foient dans des difpofitions, qui le lîiettoicnt dans la nécefîîté de leur fe- cours. Les Cercles, qui ne pouvoient renoncer à l'efpérance d'être dédoma- gés des frais de la Guerre, attendoient de lui la récompenfe , qu'ils avoienc demandée inutilement aux Contrac- tans d'Utrecht. Enflés des vidoires paiTées, auxquelles ils fe donnoient la meilleure part, ils ne croioient pas que K 4 les 2Î24 Histoire Politique leâ Francjois puflent fe préfenter encore en bataille , & n'être point battus , & ils fe promettoient de nouveaux avan- tages. Une feule Campagne déconcerta la politique des uns, & ruina les efpé- rances des autres. L'armée de France au delà du Rhin, après la prife de Landau , mit à contribution la plupart des Etats deis cinq Cercles 5 & elle fit penfer tout le monde à la paix. L'Em- pereur lui- même> revenu de l'opinion, où il avoit été que le Corps Helvéti- que, qui avoit refufé d'être arbitre & garant, confentiroit d'être Auxiliaire^ ou partie, fe plaignit que la France fe réfufoit aux Conditions Kaifonna^ hles, qu'il offroit de lui faire. Ces plaintes étoient un pas vers la négo- ciation , que le point d'honneur l'em- pèchoit d'amener par les voies ordi- naires. Car fa Majefté Impériale étoit trop éclairée , pour penfer que Louis XIV. voulut traiter avec elfe, d'après les préliminaires, qu'elle difoit fi m- fonnables. Déjà Fribourg avoit eu le fort de Landau ,• & l'Empereur de- mandoit que la France reftituat à l'Empire tous les Pais qu'elle en avoit )a^ D U s I E CL E. /. Partie. 22f jamais détachés. Cétoit la fatisfadlion que le Chef de l'Empire vouloit pour le Corps Germanique. Le Chef de h Maifoii d'Autriche promettoit de fe réconcih'er fincèrement avec la Maifon de Bourbon , fi on le mettoit en pot fellîon de toute la Monarchie Efpa- gnole, avec fes anciennes annexes 2> tant en Europe, que dans les Indes, §. IX, Les murmures des Cercles & les re- montrances des Princes firent bien-tôt prendre à la Cour de Vienne un ton plus modéré. L'Empereur eut à peine reçu la déclaration du Corps Germa- nique fur le refus du Contingent , pour la troifiéme Campagne , qu'il donna fes pleins pouvoirs au Prince Eugène, pour traiter à Raftad en Souabe , avec le Maréchal de Villars , qui avoit ceux du RoîTon Maitre. Déjà fa Majefté Impériale avoit opté entre fes avan- tages particuliers, & ceux de l'Empire^ & les Diettes étoîent prévenues , qu'a moins qu'elles ne lui doublaflent leurs Sublides , il feroit forcé de recevoir la paix, telle que Louïs XIV, la dideroît. K 5 Lors 22^ Histoire Politique Lors que les deux Plénipotentiaires furent d'accord, TEmpereur fit an- jioncer le Traité aux Diettes des Cer- cles, comme l'ouvrage d'un inftant , achevé avant qu'on eut appris qu'il étoit commencé, avant même qu'on l'eut cru poflîbles & il s'en prenoit au peu de 2èle du Corps Germanique pour la caufe commune. Les Diettes feignirent de ne pas voir Tirrcgularité iïle ce procédé : L'Empire avoir befoin de la paix j & elles promirent de ra- tifier le Traité, fans même s'informer des articles. Les Plénipotentiaires fu-, rent nommes pour aller à Baden , en Suiife, donner le Sceau aux Prélimi- res de Raftad. Toutes les Puiifances intèreffées s'y trouvèrent par leurs tnvoïez , au Mois de Septembre ,• & en deux Conférences, on fit celfer toutes les objedions. Les articles de Raftad avoient été fignés le 6. de Mars: Ceux de Baden, qui les con- firmoient, & les expliquoient , palïé- rent le 7. de Septembre, 17 14. Au rétabliflement près des Eledeurs de Cologne & de Bavière, qui fut fti-, pulé fous la réferve de la démolition des fortifications de Bonn , il ne fut rien D u s I E c L E. /. Partie. 227 rîen innové au Traité de Rifwick, par rapport à l'Empire . Le quatrième article de ce dernier fut confirmé , fans aucun Commentaire. Louis XIV* avoit paru, à Utrecht, fi peu difpofé à regagner les Etats Proteflans par fa tolérance, que la Hollande avoit inféré " dans fon Traité, qu'il ne troubleroit point l'état de la Religion fixé par la paix de Weftphalie. La Celîîon des dix Provinces à l'Empereur fut confirmée, avec les referves marquées à Utrecht, L'Italie demeura dans l'état ou elle étoit, lors de fon évacuation parles Troupes Françoifes. L'Empereur y garda Naples , la Sardaigne , les Places de la Côte de Tofcane, & laLombar- die , à titre de Conquêtes. Ce fut en- vain que Philippe V. fit faire ofïice par toutes les PuiiFances, pour être compris dans le Traité. Charles VI. cfpéroit que les circonftances lui fe- roient bientôt favorables y & il vou- loit s'y trouver avec fes prétentions. Le Corps Germanique reqùt la paix : Ce fut tout ce que lui valut une Guerre de treize années. Il dut imputer à l'in* flexibilité de fon Chef, d'avoir été le feul des Contradans de la Grande K 6 AL 228 Histoire Politique Alliance, à qui Louis XIV. ne païà pas fes cinquante ans de profpérité. CHAPITRE XIX- Exécution de la Paix dU-^ trecht. Traité de Barrière entre l Empereur f^ la i^/- fuMique^ en 1715. ON ne s'aperqut point d'abord que la Mort de la Reine Anne, ar- rivée dans rintervale des con- férences de Raftad à celles de Baden^ eût altéré les difpofitions de PEmpe- reur à la Paix. Ce Prince s'étoit trop engagé à Raftad, pour en revenir j, & le Roi George , occupé à rompre le^ niefures du précédent Miniftère en fa- veur du Prétendant , n'auroit pu lui fournir affés promtement les Secours, dont il auroit eu befoin , pour foute- nir la rupture. Mais auflî tôt que la fuite , ou la retraite des Miniftres Toris eût ôté au parti Jacobite fon principal apuiî puSiECLE /. Partie. 229 apui ; la Cour de Vienne parut fe ménager pour les prétentions y que lui réfervoit fon refus de reconnoitre Philipe V. Louis XIV. s'afoibliiToit de plus en plus i & Tes infirmités laiflbient conjedurer qu'il ne lui reftoit plus que peu de tems à vivre. La Cour de Vienne compta gagner par fes lon- gueurs jufqu'au tems de la mort de ce Monarque , & fe conferver , pen- dant ce court efpace , dans l'indéci- fion ^ où le Traité de Baden l'avoit laiflee , par raport à la Succeffion d'Ef- pagne. L'Empereur follicité par les EtatsGénéraux d^e régler les affaires des Païs-bas, fe montra prêt à en recevoir le Gouvernement & la Souveraineté ^ mais fans mention des Engagemens , ftipulés dans le Traité d'Utrecht. Pour amufer le Congrès , indiqué à Anvers^ fes Miniftres firent des propofitions , qu'ils étoient certains de voir rejet- tées. Avec toutes les raifons , que la Cour de Vienne avoit , de compter fur le nouveau Roi d'Angleterre , elle étoit fondée à efperer de maitrifer la République ; & elle pouvoit fe flater d'anéantir le projet d'une Barrière, lors que les embarras d'une Minorité 330 Histoire Politique réduiroient la France à s'en tenir à la Négociation , fur les aiFaires générales de l'Europe. §. I. Après plufieurs Voïages , que fit d'une Cour à l'autre Milord Comte de ^ Cadogan , Plénipotentiaire du Roi d'Angleterre Médiateur, le Congrès dût délibérer fur les propofitions des Miniftres Impériaux. Comme elles ii'étoient point définitives , les Dépu- tés des Etats s'en tinrent aux remon- trances fiar ce qu'elles avoient de con- traires à l'intérêt de la République. Ils éludèrent le Droit d'Infpe&ion , que l'Empereur demandoit pour fes Coni- îniffaires , fur les quinze mille hom- mes , que la République devoit entre- tenir dans les Places de Barrière. Ils firent des objedions vagues fur les ar- rangcmens, ruineux pour le Com- merce, onéreux pour les Troupes, dangereux pour la Liberté , que les Miniftres Impériaux fembloient fupo- fer déjà convenus. Enfin ils aidèrent eux mêmes l'Empereur à atteindre le but , qu'il s'étoit propofé. Auffi- BU Si CLE. /. Partie. 231 Auflî-tôt après la mort de Louïs XIV. lesMiniftres Impériaux prirent un autre ton dans le Congrès. Comme Il leur Cour eût été fatiguée des lon- gueurs de la Négociation , ils (îgnifié- rent aux Etats , que , fi , dans le termes de fîx femaines , le Traité n'é^ ^oit pas figné , le Prince Eugène iroit, avec une fuite convenable, prendre pofTeffion des Dix Provinces , au Nom de TEmpereur. L'Aifemblée de la Haie n'atribua point ce changement de lan- gage à fes véritables caufes. Pour met^, tre le julte prix à cette menace y-il ne' falôitqueconfulter les difpofitions de$ Cours deVerfailles & de Londres: les Etats auroient trouvé que le Roi d'An- gleterre favoit expliquer les engage- ment de TEledeur de Hanovre ^ & que le Duc d'Orléans ne tenoit du Traité d'Utrecht que les renonciations des Princes Efpagnols à la Couronne de France. Mais on fut éfraîé de la Déclaration Impériale, La menace d'envoier le Prince Eugène rapella la propofition que ce Général avoit faite, & fes menées auprès des Notables deS; Dix Provinces > pendant les Confé- rences d'Utrecht, On foupqonna un. projet; 232 Histoire Politique projet de foiilèvement en faveur de l'Empereur ,• & on fe hâta de conclure un Traité, qui, quelque défavanta^ geux qu'il fut, devoit fauver une par- ties du tout , qu'on fe croioit en dan- ger de perdre. Les Articles, au nombre de vingt neuf, furent mis au net le 14. & fignéesle î6. de Novembre 171 Ç. §. IL La République dût remettre à l'Em- pereur toutes les Provinces & les Pla- ces des Pais-bas , poiFèdées par le Roi d'Efpagne Charles IL après la Paix de Rifwick, & ce que Louis XIV. en a voit cédé à Utrecht , pour être dé- formais, les unes & les autres, un^ Etat héréditaire , inféparable de ceux d'Allemagne polTèdés par l'Ainé de la Maifon d'^Autriche, fans qu'aucun démembrement , aucune Ceflîon ou Tente, aucun Echange , autres que ce que le Traité d'Utrecht en avouoit, puflent jamais avoir lieu. Les deux PuilTances contracïantes s'engagèrent à entretenir (l'Empereur trois cinquièmes pour fa part ) Vingt dnq à trente mille Homme en tems de D u s I E C L E. l Partie. 233 de Paix & quarante mille, en tems de Guerre : chacune fe réfervant la ré- partition de fes Troupes dans fes Places & Païs. Les Etats Généraux durent avoir- Garnifon perpétuelle dans Naniur^ Tournai, Menin, Furnes, "Warne- ton , Yprès & la Knoque , avec toif- tes les facilités convenables pour l'en- tretenir & la renouveller. En cas de Guerre , il fût accordé à la République de pouvoir jetter des troupes en avant dans les Places les plus expofées, & de leur faire ocuper toutes les Villes fur le Déemer , depuis TEfcaut jut qu'à la Meufe, d'y faire des retranche- mens , & des innondations : le tout néanmoins de concert avec le Gou- verneur général Autrichien , dont le confentement devoit être abfolu- ment nécelTaire aux Etats , pour les au- torifer à des Fortifications , & à des Eclufes nouvelles. Les Gouverneurs & Commandans des Places de Barrière furent aftreints au Serment de fidélité à la Maifon d'Autriche, & à la défé- rence de Primauté envers fon Gouver- nement général. Les Garnifons àiu rent être conipofées de Troupes agréa- bles 234 Histoire Politique blés à la Cour de Vienne j & l'exer- cice de toute autl*e Religion que la Ca- tholique dut être clandeftin. L'Em- pereur fe réferva le Bureaux des Portes, & la Nomination du Gouverneur de Dendermonde , qui à la tête de fa Gar- nifon mi-partie, devoit prêter Serment aux Etats Généraux , de ne rien faire a leur préjudice , tant qu'ils ne feroien* rien au préjudice des Princes Autri- chiens. Jufqu'ici le Traité eft tout à l'avan- tage de l'Empereur, auquel il aflbcie un riche Voifîn pour la defFenfe d'un Domaine , dont il garde pour foi l'ho- norable & l'utile. Mais il étoit à crain- dre que la continuité d'un fecours auf- jG difpendieux, s'il étoit gratuit, ne dé- fabufat tôt ou tard les Etats du Siftème de la Barrière,- & ne leur fit chercher leur fureté à meilleure compoiîtion , dans un Traité de Paix perpétuelle avec la France. La Cour deVienne fit fans doute cette réflexion ; & ce fii4; pour fe donner à leur faire valoir l'intérêt de leur propre confèrvation , dans les querelles de l'Empereur avec la France, qu'elle leur aifura , comme une compenfation de D IJ s I E C L E. /. Partie. 23 ^ de leurs fraîx de Barrière, la propriété de la Ville de Venlo, & des Forêts de St. Michel & de Stewens-waerd , avec le Bailliage de Montfort, dans le haut quartier de Gueldres. Elle leur marqua pour limites, du côté de la Flandre; la Mer Blankenberg , & elle leur y céda cinq Villages , avec la Garde du Fort la Perle , & des Eclufes , en tems de guerre. Outre cela, elle leur hipo- thèqua les Domaines des Dix Provin- ces , pour une Contribution annuelle de Cinq cent mille Ecus. Elle con- firma tous leurs Ades durant l'Inter- règne. Elle s'engagea d'aquiter les Dettes du Roi Charles IL & les autres contradlées pour la defFenfe des Dix Provinces, pendant la dernière Guerre. Enfin elle permit la démolition de Huy & du Château de Liège. §. IIL A peine le Traité de Barrière étoît ratifié, que la Cour de Vienne en ren- dit publique la plus importante in- fradtion. Contre le fécond Article, qui deiFendoit expreflement toute a- liénation , que le Traité d'Utrecht n'au- 2^6 Histoire Politique ii'auroît pas ftipulée, le Comte de Kônigfeck notifia aux Etats le Don , que Sa Majefté Impériale faifoit, du Duché de Dmbourg à l'Eledeur Pa- latin. Les Etats fe récrièrent en vain contre la violation manifefte duTraité. La Cour de Vienne à qui la partialité du Roi d'Angleterre, & l^indiférence du Duc Régent de France , lailToient efpércr que l'Empereur feroit Juge & Partie dans cette affaire , prétendit que l'Article IL du Traité de Barrière étoit annulé par la dérogation anti- cipée , qu'y avoient faite les démem- bremens en faveur du Roi de Prufle* & de la Princefle des Urfins. On ra- pella inutilement les Miniftres Impé- riaux à l'exception, que cet Article faifoit expréflement, des difpofîtions duTraité d'Utrecht. Si l'Eledeur Pa- latin , que l'Empereur vouloit recom- penfer perfonnellement , n'étoit-pas mort l'Année Suivante: il y a toute aparence que la Volonté de fa Majefté Impériale l'auroit emporté fur la let- tre & l'efprit du Traité , & que l'Alifé- nation aurait eu lieu, f. IV. J3U Siècle. L Partie. 237 §. IV- Le Raî de Priifle protefta contre la^ Ceflion , que l'Empereur faifoit à la République dans la Gueldres. Il s'a- giffoit d'une Dixme dans un Village, dequelques Droits d'entrée & de for- tie, le long delaMeufe, & de quel- ques Arpens de terre, que Sa ^Majefté Prufficnne prétendoit lui apartenir, tandis qu'on les deftinoit pour em- placemeat aux nouvelles Fortifications de Venlo. Ce Monarque étoit trop bien armé, pour ir'uvoir pas raifon fur de fi petites prétentions , qu'on ne pouvoit lui difputer , fans rifquer de s^attirer de fa part une déclaration ée Guerre. Sur divers Mémoires de fes Miniftres , Sa Majefté Pruffienne obtint gain de Caufe par provifion 5 & les Etats feigr^irent de compter beau- coup fur leplm arapk informé^ auquel Ils en apeloieuc. cha: 238 Histoire Politique CHAPITRE XX. Idée du Corps Helvétique. Traité des Cantons Ca^ tholiques avec la France t eniji^. L'Etat Politique de la Suifle eft moins connu que fon Etat Mi- litaire. Fidèles à leurs principes d'union & de liberté, les Républi- ques , qui compofent le Corps Helvé- tique , ont veillé conftamment à pou- voir fe pafler dans leurs affaires do- meftiques de l'intervention des Puif- fances Etrangères i & leurs relations avec les autres Etats, jufqu'au com- mencement du Siècle, ont moins porté fur les fecours qu'elles en deman- doient, que fur ceux qu'elles étoient en état de leur fournir. Si la nat!ure du Païs déterminoit le génie & le ca* radère des Peuples, laplusnombreufe portion des Suifles devroit être un Peu^ DU Siècle /. Pariie 239 Peuple fauvage & féroce. Mais foie que cette qualité phifique, foit fans influences politiques & morales,- foit que rheureux choix duGouvernemenfc y ait fait digue ,• il n'y a aucune reC. femblance entre les SuiiTes & les Mi- quelets , entre les Grifons & les Mon* tagnards du Caucaze. L'amour de la liberté eft retenu chez les Peuples HeL vétiques , dans les bornes que l'or- dre lui prefcrit j la cupidité , compa-. gne naturelle de l'indigence , eft fu* bordonnée au goût de la Société. Les Suilfes forment une Nation libre , mais fociable, guerrière mais jufte, La tempérance leur rend moins fen- fible la pauvreté, dont quelques autres Peuples , habituez dans un Païs aullî ingrat, fe foulagent parla rapine & le brigandage. De fages loix ont for- mé leurs mœurs , réglé leurs defirs p & plié leur génie à l'amour de l'ordre & de la paix. Le Corps Helvétique eft lecompofé politique, que les Anciens Grecs ébau- chèrent, porté au plus haut point de perfedlion poflîble. Ainfi que la Grè- ce, c'eft une République de Souve- rains , abfolunient ifolés les uns des 240 Histoire Politique autres, quanta radminiftration întc- rîeure ,• étroitement unis pour les Af- faires générales , & étrangères. Il manqua aux Grecs d'avoir pourvu à FaccroiiTement inévitable du Peuple de chaque Etat , pendant la paix y qu'ils fe dévoient promettre de leur Confédération i & ce fut la caufe des horribles guerres civiles , qui les con- duifirent , par leur affoibliflement réciproque , à la fugétion & à l'efcla- vage. Ainfi que plufleurs réfervoirs, perpétuellement accrus de leurs fon- taines , ne fauroient éviter le conflid & le mélange de leurs eaux , fi cha- cun d'eux n'a pas fon écoulement par- ticulier^ tant d'Etats , fi différemment gouvernés , dévoient iiéceflairement s'entrechoquer, dès que la carrière n'étoit pas ouverte au loin à l'émula- tion , & aux talens militaires ,• dès que le Pais, Recouvrant de jour en |our d'un Peuple plus nombreux , n'avoit pas , fi j'ofe me fervir de la métaphore , un canal de décharge. Tant que les Rois de Perfe tinrent la Grèce en inquiétude fur la liberté générale, on ne s'y aperçut point du yice interne, qui djevoît miner à la longue DU Siècle, LFartk. 241 ^ longue la Conftitutioii. Après la g!o- rieufc paix de Ciraon , la Grèce libre & paifible, regorgea d'hommes nour- ris dans les armes , & fans autre pro- feffion que celle de la guerre. Ce n'é- toit que par les Conquêtes & les Colo- nies qu'elle pouvoit fe procurer l'éva- cuation j & l'ignorance , ou les préju- gés , lui interdifoient l'une & l'antre de ces deux relTources. Les Grecs ne connoiiroient guères alors que le vafte Empire des Perfes , où ils ptifTent por- ter la guerre; & la barbarie, qu'ils attribuoient à toute autre région que leur patrie , kur faifoit regarder com- me un exil , qui ne devoit être que pour les criminels, un établiflement en Italie & en Afrique. Avec plus de peuple qu'elles n'en pouvoient nourrir, pendant la pai^' , Athènes & Sparte excitèrent & entretinrent des guerres, qui dévoient fournira la Subfiftance de leurs hommes, ou diminuer leur iionvbre. Un rayon de lumière, que l'argent du Jeune Cyrus devoit rendre plus frapant, vint luire aux yeux des Grecs. Mais ce fut un éclair , qui ne laifla que de légères traces. Les hom- mes d'Etat n'y virent rien qui interrefla L la i242 Histoire Politique la République y & ils abandonnèrent au goût des particuliers le Service étranger, qui ouvroit unefîbelle reC» fource au gouvernement- Pointilleux avec leurs^voifins , les chefs des Répu- bliques fe livrèrent à de petits reflen- tiniens. Ils mandiérent l'argent du Roi de Perfe, pour faire la guerre à leurs 'Alliez naturels -, & ils demandèrent pour Protedeur contre leurs compa- triotes un Monarque , qui les auroit beaucoup mieux paies, s'ils s'étoient réunis pour être fes Auxiliaires. Philippe de Macédoine, dont les an- cètres, réputés étrangers dans la Grè- ce, avoient été fous la protection d'u- ne des moindres Républiques , fe propofa de faire fervir à fa grandeur particulière les forces , donc tant d'E- tats étoient embarrafles. L'efprit de conquête n'eft point celui d'un peuple |aloux de fa liberté. Inutilement Philippe fe feroit efforcé de l'infpirer aux Grecs, pendant qu'également acharnés les uns contre les autres, les principaux Etats de la Grèce difpu- toient de la primauté. Il commença par les accorder fur cette grande què^ f^ll^ , eu s'y. offrant en tiers. D'abord DU Siècle. L Partie. 24? Auxiliaire du parti le plus foible, en- fuite Médiateur entre les deux , lorf- qu'il les vit dans un égal épuifement ; puis Ennemi , & enfin Vainqueur de Tun & de l'autre, il perfuada aifément une guerre étrangère à des peuples , pour qui la paix étoit un mal , & qu'il© pouvoit accabler, s'ils faifoient une guerre , qu'il n'approuvât pas. Corn* me le Lion de la fable , il fe donna, pour la chafTe , des compagnons hors d'état de le forcer au partage de la proie : Sous le nom de Generaliflîme, il fut Roy de la Grèce j & les Grecs , plus forts que leur opprefleur , mais rendus , par leurs animofités , inca- pables de s'unir contre lui, firent joug à leur ancien client , & devinrent les fujets des Rois de Macédoine, §. L Il eft peu de parallèles de PHiftoîrc ancienne avec la moderne aufîî juftes, que celui du Corps Helvétique avec l'ancienne Grèce. Les Suifles ont eu leurs Roys de Perfe ennemis , dans les Princes Autrichiens. La France eft pour €ux la Perfe protedrice , fubfidiaire & arbitre. Les Princes, de Savoie leur L 2 ' P^^- 244 Histoire Politique peuvent être des Roîs de Macédoine | & peut être qu'ils auroieiit trouvé leur Philippe dans Charles Emmanuel, fur-i ^ommé le Sage y fi chaque Caiiton, perpétuellement acru de nouveaux ha^ fcitans , avoit été livré , fans diftrac^ «tion de fes forces , à l'ambition & à la jaloufie , qu'on diroit fort jufte être ïa maladie naturelle d'un grouppe de petites Républiques, Lorfque la plupart des Cantons ^toient fous le gouvernement Autri- idiien , les levées qui fe faifoient en Suifle, pour les Princes d^ cette mai- son, y tenoient le peuple en propor- tion avec ce que le pais en peut nour* arir. Tant que dura la crife qui les a dé* livrés d'un gouvernement ti^anique^ ies efforts , qu'il leur fallut faire con- tre l'opprefTeur , demandèrent toutes leurs forces ,• & la çrife îie dura pas afles long-temps , pour que le païs fe fentit de l'accroiiTement du nombre de les habitans. Les guerres du Duc Charles de Bourgogne, & de Louis XI, Dauphin , firent à propos des Sai- gnées fur lefquelles on n'a voit pas compté,* & le Capitulât pour leMila- ^QZ avoit pourvu à leur défaut. §. II. 0 u s I E € L E. L Partie. a4< % IL A peine le Corps Helvétique fe fâf Ibrmé , que les Chefs de Canton re-- connurent rimpoflîbilité de couferver ΀ Gouvernement Souverain, & in- dépendant de chacuiT, s'ils fe tenoient' ifolés du refte de l^Europe, ainfi que la* :iiature de leur pays fembloit les y cottt damner. Leur§ montagnes , d'ailleurs^ peu favorables au commerce , ne leur donnoient point de quoi former aveC' leurs- voifins une correfpondance de- Fefpèce ordinaire. L'ignorance de§^ arts , le manque de matières pour le:^^ fabriques, le défaut d'argent, pour le procurer les denrées étrangères V^ qui font partie du nécelFaire de ]m vie , les réduifoient à renoncer pour" jamais à l'aifance , où à fe faire dea^ inftruniens de commerce , qui leur fu&^ fent particuliers , & que ceux avec quC ils dévoient commercer puflent goûter.- Le Duc de Milan, Souverain d'uo'^ pais riche , & conféquemment enviéy^ ouvert , & dès là d'une defenfe for& difficile, accepta l'échange que le- Corps Helvétique lui propofa. Ce L 3^ Prin^ 24^ Histoire Politqjje Prince confentit à partager les fruits de la paix avec ceux , dont le fecours les lui devoit aflurer. Il voulut que fes f u- jets païaffent de leurs fueurs le fang qu'un Allié promettoit de verfer pour leur défenfe 5 & il s'établit entre les SuifFes & les peuples du Milanés un commerce, ou la force étoit reçue pour l'équivalent de la richeffe. C'eft le Traité , nommé Capitulât. Après que François 1. fut devenu Duc de Milan , le Corps Helvétique 3, quitte de fes engagemens envers les anciens poiTefleurs, les renouvella avec le Roi de France. Le peuple des Cantons s'étoit acru; le commerce devoit augmenter en proportion. On reçut avec joïe la demande , que fit le Monaroue , d'étendre le contrad à fes autres Etats , fur le même pié qu'il avoit été paffé pour le Milanezj & le Corps Helvétique fut Allié du Roi de France, comme des Ducs de Milan. Les Rois , SuccelTeurs de François L ont entretenu cette convention. Hen- ri IV , & Louis XIV , en ont fait le renouvellement le plus folemnel. D'autres Puiffances ayant demandé dans la fuitte d'entrer dans une fem- DU Siècle /. Partie. 247 blable alliance avec un , ou pluficurs Cantons , chacun d'eux s'eft décidé par le principe qui avoit déterminé raflenrblée générale. De forte que les Cantons, qui l'ont eftinié avantageux à leur bien-être , ont traité en leur par- ticulier, avec les Rois d'Efpagne & de Sardaigne , avec la République do Hollande, avec les Ducs de Parme & de Modène , avec le Pape & l'Empe- reur , comme ils avoient traité eu commun avec les Rois de France & les Ducs de MilaM, L'Etat , qui a droit de retenir Tes hommes dans le païs, leur permet d'en fortir pour aller au Service de la Puiflance Alliée, pour laquelle leur in- clination les décide , exercer au loin leur goût & leurs tatens pour la guerre. L'Officier & le Soldat Suifles , qui paflent fous les drapeaux de ces Puif- fances , font des enfans majeurs d'u- ne famille trop nombreufe, qui pren- nent d'eux mêmes leur parti, & vont loin delamaifon paternelle, avec Ta- grément de leurs pères, faire fervir à leur fortune l'éducation, qui fait leur légitime. La PuiiTance , qui fait des levées enSuilTe, eft un Ami des Sou- L 4 ve- 248 Histoire Politique veraîns, qui lui permettent d'emploïef tous les moyens de douceur polfibles^ pour faire réalifer, par les individus^ TaiFeâion qu'il a fçu mériter de la République. Ccft ainfi que les Républiques' Hel- vétiques tiennent le nombre de leurs^ bouches en proportion avec retendue & le rapport de leurs terres , fans contraindre le goût du Républiquaiii pour le féjour du païs natal , ^ns por« ter atteinte à fa liberté , fans niire vio- lence à fon génie y à fon caradère^ à forrincHnation. G'eft ainfiqu'elles fe: font préfervées de la nécefficé de con^ querrir, qui auroit été funefte à la plus part d'entr'clles , & à leurs voî^ iîns d'au delà des Monts, & de Pam^ bitioii de reculer l%urs frontières, qui eut caufé la ruine de leur liberté , comi- me elle fut la caufe de la ruine de 1^ liberté des Républiques GrecquesL*^ §• IIL L'Harmonie cojnftante du Corpr Helvétique auroit vrailcmblablement: démenti l'axiome, qui veut que l'e£- prit de fadiou & la dilTealionfoient un DU Siècle; /, Far fie. 249,^ ferment néceflairé à la confervationi dès Etats, fi les différends de religion^ n'étoient venus partager les Cantons,- Ge puiflant relFort de la haine, qui ne- futconu des Grecs * que dans leur d6> cadence, & après que Pambition & lai jaloufie eurent ufé les leurs , fut mîsi en jeu chez les Suifles, avant même3 que la conftitution desRépubliques eut- acquis toute fa folidité. Il s'établir^ alors une balance , dont réquilîbre dé«^ pendit àQ la modération des deux par-- tîes , qui la chargèrent. Jufqu'au mîi- îieudu dixfeptiéme Siècle les défiances» ne fe produifirentquepar des précau-- tîons,dont l'aigreur déplufieurs délibe-- fictions dèDiette préfageoit la néceffite.'- L'Ambition de l'Empereur Ferdii' îland II s'étant couverte du mafqué- de la religion > & la reftitution des* biens Eccléiîaftiques , qu'il éxgeoil- dés Proteftans, ayant allumé une^ guerre générale dans l'Empire, lesTCaii^ tbns Réformés aprehèndéfent que Ikm Catholiques, felaiiSmt féduire parlai pieté apparente du motif de TEmpe^ r^ur, ne fulfent amenés à l'adopter> * ta guerre Sacrée , dans laquelle- P&il* %eprit parti pour Thebes S^^lmXîîu 2SO Histoire Politique avec fes moïens -, & à tout événe-* ment ils firent fortifier leurs Capita- les. Ainfi que Lacédemone , fiére de la bonté de fes trouppes pour une guerre de campagne , croioit avoir Tempire de la Grèce , tant que les vil- les Grecques ne feroient pas fermées 5 les Cantons Catholiques , pleins de confiance en leur nombre , s'étoient familiarifés avec l'opinion de leur fupé- îiorité , pendant que les Cantons Ré- formés , ayant leurs Capitales ouver* tes , & plutôt villages que villes, n'é- gligeoient de donner à leurs Etats une tête , qui annonçât que leur petit nom* bre étoit compenfé par leur force & leur opulence. Comme Sparte fe crût menacée de perdre l'empire de la Grè- ce, lorfque Athènes fe fut donné des murailles & des fortifications, les Cantons Catholiques fe jugèrent rap- pelles à l'égalité, aufîî-tot qu'ils vi- rent tes Cantons Réformés en état , au cas d'une levée déboucher, d'aiTem- bler leurs trouppes fous leurs murs ^ & d'attendre l'agreiTeur derrière leurs ramparts. Le mécontentement couva jufqu'eti I^S^i qu'à l'ocafiou de quelques fa- milles DU Siècle. L Partie. 2fî milles du Canton deSchweitz, paC fées à Zurich , pour y embrafler la re- ligion Réformée , les. cinq Cantons Catholiques prirent les armes. La guerre fut de peu de durée. Par Tin- tervention & les offices des Cantons neutres , après une bataille donnée a Vilniergue, le 24. de février, la paix fut rétablie le 2(5. Ce fut un Sacrifice que Zurich & Berne firent à la liberté commune. Le Duc de Savoie s'oiïroit pour Auxiliaire aux Catholiques , qui ne vouloient voir dans ce Prince qu'un Ami plein d'afFedion & de zèle. Les deux Cantons , qui reconnoifloient dans fa politique celle de Philippe de Macédoine , fe hâtèrent d'étouffer un feu , qu'il ne feignoit de vouloir étein- dre, qu'afin de le mieux allumer. Ils confentirent de remettre les frais de la guerre à l'arbitrage des Cantons neu- tres , & de rétablir toutes chofes com- me avant la rupture. L'Intolerantifme des Eccléfiaftiques Romains ralluma plus d'une fois pen- dant le refte du Siècle un feu mal éteint. L'Abbé de St. Gai , combi- nant les principes de fon Eglife avec fapaffion, faififlbir avidement les occa- h C lions. 2^2 Histoire PoLTiQpr lloiiSjd'appélantir fur lesToggembou^i geoisRéformésj fesfiijets,rautorité, à^ laquelle les déroboit la paix religieufe de la Suiflfe. Le Canton de Schweitz: Protedleur du Toggembourg, favori-. Ibic 5 pour Tordinaire, les prétenfionS' de PAbbévCn qui ilnevouloit pasdiC tinguer le Prélat du Souverain^ & pleiui de confiance en fon alliance particuliéi- re avec Lucerne, Uri, Uaderwald & Zug, il recevoit les repréfentations ^ de Claris fon comprotedeur, & les> inftances des Gantons Réformés , avec Dne hauteur , qui fembloit dire que- les Vainqueurs de Vilmergue fçau- roienc bien foutenir l'Abbé , dont ils avouoient la conduite. Sur la fin du Siècle ^ Claris voïant le Toggembourg menacé de PoppreC fion, apella Zurich & Berne au Goni« protedorat. Pendant douze ans,. TAbbé fe roidît contre les offices des- nouveaux protedeurs , deforte que- ces derniers furent dans la néceffité- d'opter entre làiiTer entamer le pade de Religion, qui eft la baze delà li- berté Helvétique , ou fouftraire par ' lès armes les Toggembourgeois à- BopEreifîgn.. î^ ■ ïxu Siècle- L Pm-He. 3f3 Les temps étoîent alors favorables à ïine difcufîion domeftique de ce gen- re. Les PuiiFances ocupées jépuifées^, parla guerre de la Succeffion d'Efpa* gne , n'étoient point en état de pren-r dre part aux afïàires d'une nation, avec laquelle H n'y a rien à gagner qu'à la^ fiiite d'une rude guerre. Le Corps Helvétique pouvoit, fans crainte d'au^ €un tiers redoutable à la liberté , don- ner à fa conttitution la fecoufle , qui la devoir afFer m ir. Zurich & Berne furent plus heureux dans cette féconde prife d'armes. Us gagnèrent une ba- taille au même lieu de Vilmergue y le 2f. Juillet, 17125 & la paix-, trai- tée à Arrau, dès le 18 , fous la mé- diation des Cantons neutres ^ fut ratk fiée le 10. d' Aouft. Les deux Cantons s'étant contentés d'un dédomagement plus honorable qu'avantag,eux , qui d'ailleurs ne don- Boit atteinte ni à la conlHtution du gouvernement des Cantons, ni à leurs limites réels, on efperoit que les cinq confédérés , fixés de plus en plus au: Bien gênerai du Corps Helvétique,, perdroient entièrement la mémoire de te querelle, qui avoit troublé l'union*^ Mais an Histoire Politique Mais il arriva au contraire que le ret fentiment s'acrut par la réflexion. Louis XIV. Tentant fa mort pra. chaine, voulut alTurerau Roi mineury fon héritier, le .Corps Helvétique, dont , après la mort du Duc de Bour- gogne Dauphin, l'Alliance expiroit avec fon règne ,• & il ordonna au Comte Du Luc, fon /imbalfadeur en Suilfe, d'en négocier le renouvelle- ment. Le Comte joignoit une grande habileté a beaucoup d'expérience. Mais les infirmités du Roi fon maicre lui fiufoient appréhender les longueurs in- réparables de la circonfpedion & des ménagemens , dont dépendoit la réuf- fite complète de fa négociation. 11 dé- fefpera de terminer avant la mort du Roi ,• & plus Courtifan , en cette oc- cafion, queMiniflre, il voulut avoir le mérite d'un fuccès , dont il ny avoit que je temps qui put faire connoitre rillufion. Il renouvella l'alliance avec les Cantons Catholiques feuîs ,* ou plu- tôt , il fit avec eux un nouveau Traité, Si on en croît un Hiftorien*, qui marque un peu trop de partialité fur les * Hiftoîre des Helvétien? Tome K. pages f 1 6. & 7 1 8. on y trouve leTraité tout m long. DU Siècle. /. Partie. 2^f les afEiires générales, mais que celui qui lui prère fon nom aurait pu bien informer des affaires particulières, la Cour de France mit à fon jufte prix le travail du Comte DuLuc. Elle dépêcha à ce Miniftre un exprès , qui lui por- toit l'ordre de retarder la concluGon de ce Traité particulier, & de faire de nouveaux efforts pour en négocier uiî gênerai avec tout le Corps Helvétique^ & la Solemnifation n'eut lieu que parceque Texprès arriva trop tard ^ pour Tempècher. (Quoiqu'il en foit de cette Anecdote, leTraité d'Alliance particulière fut con- clu & figné le 9. de Mai 171^. il a 3^. articles , dont le pénultième rappro- ché du V. & du XIX. embarralTera la négociation de TAlliance générale, à moins que les contraclans , dont l'u- nion du Corps Helvétique, & ia con- fiance refpeitivede fes membres, font également le véritable intérêt , ne con- courent à Fanéantir, CHA- 3f ff Histoire Poeii^iqpe' CHAPITRE XXX & dernier delà IrcPartie. Mort de Louis XlW. Fortrait Mifloriqm d^ ce Monarqm. CE fut le 1er. de Septembre que Louis XIV mourut. Ce Mo*^ narque termina avec gloire îâ j^lns longue , & la plus brillante car*, riére, que jamais Prince ait fourniç' fur le trône. Après une Vie de foixante & dix fept ans, & un Règne de foi. xante & treize ; Après avoir tenu atta^ chés fur lui les yeux de toute rEurope> dont la fortune étoit , pour ainfi dire, dépendante de la fienne, il put ^nvi- fager la mort du même œil , dont la doit voir un Home, auquel une obC cure médiocrité n^a laiifé connoitre que le plaifir animal de la vie. Ses' dernières heures Faprochérent plus de- rHéroifme y que les plus glorieufes an^« aé€S^ BU Siècle. /. Partie. 2f7 nées de fon Règne : On peut aflurer qu'elles lui méritèrent le Surnom de Grand , que jufqu'alors on avoit p& regarder comme un homage, bazardé par les Adulateurs. Sa courte inftruc- tîon à fon Succeifeur * eft un aveii également noble & judicieux de fes fautes, qui, fixant fur fon Règne le jugement de la poftéritéy done de fotl cœur & de fon cfpjit une plus haute idée que les nombreux Panégiriquesr clés Académies. On ne le confidére point dans ce retour fur foi-mème, lans îe fentir forcé de le refpeder & dé l'admirer. C'eft à regrtt qu'on voit fa mémoire expofée à la critique; & les défauts que FHiftoire lui trouve , on cft tenté de les rejetter fur l'înfirmita de la nature humaine y qui ne con;i« porte point une perfedion abfolue,. * Elle eft écrite au clievet du Lit du Roi...- Tâchez ? dit le Monarque mourant à fon Suc4^ ©effeur , tâchés de confervcr la paix avec vos Voifins. pal trop aimé la Guerre : ne m'i* îtiités pas en cela, non plus q^ue cians les trop grandes dépenfes , que j'ai faîtes. Pi-e-^ nés confeil en toutes chofes.... Soulagés vos Peuples le plutôt que vous le pourez ; & fkites ce que j'ai eu le malheur da ne povi-^ Toir faire nioi même. 2f8 Histoire Politique ' Jamais Roi ne fut autant loué , au- tant blâmé , que Louis XIV. Ses en- nemis, Si fes adulateur^, en ont fait un problème hiftoriquei & les unéj, comme les autres, aveuglés par leur paiîîon , lu"! ont facrifié leur difcerue- ment & la vérité. L'Hiftoire Politique du Siècle feroit încomplette, Ci elle ne niarquoit pas fon véritable rang à un Prince, dont, fondant plus de cin^ quante ans , les irmuences ont réglé le^ délibérations de tous les Cabinets de PEurope. Sans préjugés fur la per-. fonne de ce Monarque, fans intérêt aux événemens de fon Régne , on peut efpérer de tirer du milieu de la Satire^ & du Panégirique, le vrai, que l'uo & l'autre ont manqué. Il faut diftinguer , dans Louis XIV^ ie Conquérant & le Roi. La plupart des fautes, que THiftoire politique lui note, regardent le Conquérant ,• & elles font moins au Prince, qu'à fes Minillres, qui, au lieu de plier fon génie aux véritables principes du Sou* verain ambideux, accomodérent l'am- bition, qu'ils lui infpiroient, à fon caradère, & préférèrent aux moiens de réuiiîr , les moiens d'accroitre leur fa. DU Siècle. LVartie. 2f9 faveur , & de fe rendre néceflaires. Les fautes, que PHilioirc marque au Roi, furent des effets de l'éducation. On admire la force de la nature, qui put percer, malgré ce que l'art avoît fait pour l'étouffer,- & on eft étonné, que des difpofitions aulii combattues aient pris un fi grand effort , que des défauts auffi effentiels, & auffi pro- fondément enracinés , n'aient pas eu de plus funeftes influences. Sembla- bles aux ombres d'un beau tableau , les fautes du Roi relèvent l'éclat des grandes chofes, qui fe firent, fous ce Règne , dans l'adminiftration inté- rieure. On n'obfer va point dans LouïsXIV, enfant , de ces penchans & de ces goûts décidés , fur lefquels on tire l'Horofcope de fes pareils. Son efprit & foncœur, également neufs , étoient ouverts à toutes les imprelîîons, que l'Education leur voudroit donner j il promettoit d'être ce que le voudroient rendre fes Gouverneurs. Ce fut un malheur que le Cardinal Mazarin fe chargeât de la principale partie de l'é- ducation. La quah'té de Sur- Intendant, qui fuclaiffée à ce Miniftre, lui fu- bor- z6o Histoire Politique bordonna ceux qxn dévoient cultiver Fefprit du jeune Roi ; & fon ambition lui Faifant fouhaiter qu'îl fut toûjc^urs dans le befoin de fes Services, il em:- pécha les Précepteurs de donner à leuf Elève des connoiflances , dont il ne fo feroit point fenti poireifeur , fans es- Vouloir faire ufage. L'Efpagnol & l'Iv talicn partagèrent avec les exercices iu corps le tems du jeune Monarque,, Dans fon adolefcence, on y joignit ïes Jeux & les Speclacles: Louis XIV ïègna par lui même , en France, avant que d'avoir étudié, avant quedecoii* îioitre le génie & le caradère de$ François. De là cette métamorpHof® încroiable de toute la Nation , dont le génie & le caradlère, obligés de fs former fur le caradère & le génie de fon Roi , n'eut bientôt plus aucun© refFemblance avec h génie & le carac*. tère des générations précédentes^ Louïs XIV n-eut jamais de con- noiffances relatives à fon état, qui fiiiTent au deflus des notions commu- Bes, que ce que lui en donnèrent l'ex- périence & la réflexions & il s'y éleva par la force & la jufteffe naturelle de fon efprit. De ià cette défiaivce , ou ôtJ SiBCLE t Partie. 26l î! fe tînt de fes propres lumières, juf- ^ii'à ce que l'expérience li>i eut beau^ >coup enfeigné. De là encore Pafcen- ^ant , ^^u'il laiiTa prendre fur lui à ceux -dont la recommandation de Mazarin, ou leur réputation , lui fit préfupofer la capacité, ou chez qui il crût voir lui même quelque fupériorité. Toute fa vie , il eut de Péloignement pour ces derniers i & ils ne parvinrent à approcher de fa perfonne*, que par une combinaifon fortuite de circonfi tances , aufquelles il n'eut point de part. Mais il ne les eut pas long-temps pratiqués fans fe livrer à eux i & foit par honneur, foit par raifon , ou pai: un effet de lafermetc , qui entroit dans Ion caradère , il tint conftamment contre les dégoûts de leur commerce. Ceux qu'il eftima jouirent de fon efti- me jufqu'à leur morti & aucun de ceux qu'il honora de fon amitié , n'en déchut que par des fautes , qui au- roient aliéné l'ami le plus indulgent. La Reine Régente profita des em* barras de la Minorité, pour s'emparer d^ *^ Cela eft éxadement vrri , pour h plus -part des beaux efprits. Mud. de Mainteiion lut très long-tems vue de mauvais œil t6z Histoire Politique de toute la -confiance du Roi Ton fils. En lui montrant des Ennemis dans les Princes de ion fiuig , elle réunit fur elle & fur le Cardinal premier Miniftre toute fon affeélion s & en éloignant de îa perfonne du jeune Monarque tous ceux qu'elle croïoit capables de lui donner d'autres impreiîîons que les fiennes , elle prit fur foi , fans le vou- loir , le foin de lui former le cœur. Cette PrinceflTe avoit beaucoup des ver- tus & des foibleffes de fon fèxc , avec le génie de fa Maifon ; Elle étoit pieu- fe jufqu'au bigotifme , aifce à préve- nir , opiniâtre dans fa prévention s facile à irriter, implacable dans fon reflfentiment , & auflî confiante dans fon afFedion que dans fa haine. Natu- reiiement peu compatilfante , elle étoit genereufe par religion , libérale & magnifique par fierté. Elle étoit intré- pide, parcequ'elle ne concevoit pas que le péril put venir jufqu'à elle: fon courage étoit produit par fon or- gueil, nourri par fon opiniâtreté, ani- mé par la honte de céder. Elevée dans le palais du Roi fon Père , à * PAu- tricbienne^ ♦ On fervoît toujours les Princes Efpa* gnols Autrichiens à*genoux. BU s I E C L E. 7. Partie. 26^ f Autrichienne j elle avoit été accoutu- mée, depuis l'enfance, à ces refpeds, afles femblables au culte religieux, qu'on ne rend point aux Princes dans l'intérieur de la vie privée , fans les expoferà fc croire d'une nature fupé- deureà celle des autres hommes ^ & cileavoît eiFedivement pris cette idée 4e tout ce qui touche le trône. Il efl; étonnant que le Roi fon fils , qui la re- £;ut d'elle , & qui y fut entretenu par les Poètes & lesOrateurs de fon Règne, n'ait pas donné dans tous les travers , qu6 furent chez les Rois de Perfe & les Empereurs Romains, des conféquen- ces , de cette illufion. L'homme de fon temps , qui s'exprimoit avec le plus de force & de netteté, le Cardi- nal de Retz, ne put faire comprendre à cette Princeffe qu'il éxiftoit quelque chofe , qu'on appelle le bien de l'Etat. Elle ne concevoit que la gloire du B^i , que \ehon plaijir & la volonté du Roii & elle étoit perfuadée que tout devoit céder, ou fe plier, à ce qu'ils éxigeoient* Le Jeune Roi fut imbu de ce dange- reux principe. La Régente & fon Mi- nifl-re mettoient fans celfe en opofitioîi iom fes yeux les attentats de la Fronde & i(?4 Histoire Politkîijë . & des Princes , avec les droits de la Roiauté, En exagérant les uns & les autres , îlsj,j:ii firent adopter leurs reC fentimens, qu'il joignoit aux fiens propres : ils ranimèrent à la vengean- ce5 & en lui recommandant de la laifler couver jufqu'a ce que les temps lui de- viniTentplus favorables, ils enracinè- rent ces funeftes impreffions , qui, fortifiées par l'impatience, formèrent de l'idée du Defpotifme un préjugé in- (Curable. Jufqu'aux dernières heures de fa vie , Louis XIV fut dans l'er- reur fur les relations que la Monaroèiie comporte entre le Roi & les Sujets* Parfaitement inftruit du devoir des Peuples envers leur Souverain , il fçuC rappeller les François au leur avec tout l'art imaginable : il fqut les y conte- nir avec une égale fermeté. Moins inf- truit du retour , que le Souverain doit à fes Sujets , il préfera fouvent l'inté- rêt de fa réputation à leur bien être , & fa propre fatisfadion à leur félicité. Il ne falloit pas moins que l'aveu qu'il €n a fait , pour le lui faire pardonner. La Reine Régente anta , pour ainfî dire , fes vertus & fes foiblelTes fur les qualités que le Roi fon fils tenoit de la DU Siècle I. Partie. 1S<; nature : elle lui fit un caradère & un génie mi-parti du fien. Cette facilité à fe laifTer prévenir, & cette opiniâtreté dans fa prév^ention, égales Fune & Tau» tre dans TafFedion & dans la haine , qui avoient rendu nébuleux le temps de la Régence , ralentirent , & arrêtè- rent le cours des profpérités de la moi- tié du Règne de Louis XIV j & eurent grand part aux difgraces de Tautre. L'inadion, à laquelle furent condam- nés le Grand Coudé & fes Partifans , priva les armées de plufieurs Généraux de fînguliére capacité. La faveur conf- tante des Pérès la Chaife , & le TeU lier, mit le trouble dans l'intérieur du Roïaume,- & celle de Chamillard ruina les afFaires du dehors. La Pieté , que la Reine infpira à Ton fils , fut cultivée avecafiez peu dedifcernement jufqu'à l'âge , ou l'ardeur du tempérament; prit 1c deiFus. Mais le germe avoit jette de fi profondes racines , que le feu des paflîons venant à s'amortir, cette pieté fe trouva la plus forte. Elle fut une vertu outrée , devenue un vice do- minant , elle fût un foib!? , dont prirent avantagé tous ceux qui vou- lurent faire fervir l'autorité Roïale à M leur ^66 Histoire Politique îeur paflîon. Louvoîs , les Confef- feurs , & Mme. de Maintenon , fe firent reflburce de la pieté du Monar- que, pour accroître leur faveur, & perdre ceux qu'ils haiflbient. Lafatire a donné pour un Tiran , un Prince dont le Règne n'a d'ades de rigueur, que ceux qu'il crut que la religion lui €rdonoit. Jufqu'à Louis XIV, on avoit re- marqué pour une foiblefle , héréditaire chez les Bourbons, une œconomie trop attentive, qui approchoit de l'a- varice , & fe nommoit Mefquinerie. Apeine ce Monarque commença de ré- gner par lui même , que s'élevant au deffus des inftrudions & de l'exemple de Mazarin , il porta la libéralité juf- qu'à la magnificence. Il eft vrai qu'il dut à la Reine fa mère le goût de ces vertus Roïales , & à Colbert l'heureux choix d^s objets fur lefquels il les Ci' gnala. Mais ce fut avec le fentiment de fon rang l'élévation de fon efprit, qui les lui fit exercer avec cette noblefle & cette aifance, qui caraclèrifent uu grand Roj. C'eft envain que les Satiriques ont | ejBTaïé de rendre douteux le courage de J y/ 4, Louis DU Siècle. 1. Partie. 267 Louis XIV: la fermeté, qui lui fut particulière, ne va point fans l'intré- pidité. L'ardeur avec laquelle il fou- haira un jour * que les Rois puflTent suider leurs querelles avec leur épée, eft une faillie digne de François Pre- mier, & de Henri Quatre. Le géné- reux défefpoir, dont ** on fqait qu'il fut animé , lors du fiége de Landrecies, il on le rapproche des difFérens traits de bravoure, qu'il fit admirer dans fa JeuneiTe, prouve que, toute fa vie, il fut fupérieur à la crainte, & qusfon courage fut autant dans le cœur que dans Tefprit. L'Amour de la gloire devint une ^affion chez Louis XIV, par l'émula- tion de Colbert , & de Louvois à lui fournir des alimcns. Il en fut tiranifé au point d'être jaloux de tous ceux qui pouvoient acquérir de l'honneur , fans le partager avec lui. Philippe Monlîeur gagna la bataille de Caifel , & il ne commanda plus d'armée. Ce Prince ayant eu la Lieutenance Générale dans les Provinces , pendant un voiage de M 2 la > * Dans le voïage de Lion , en 16c 9. J\lémoires de Melle de Montpenfier. *^ Yoïez le Polibe du Chevalier de Follard, 2^8 Histoire PoLixiauE la Cour en Flandres , le Roî quitta brufquement l'armée , & revint à Verfailles , afin de faire cefler une Conimiffion , qui pouvoit partager î'affeâion des peuples. Louïs XIIL avoit cette même paffion : Il étoit ja- loux de fon frère , & de fa mère , & des Princes de fon Sang. Mais fa jalou- fie ne porta ni fur fes Généraux , ni fur fes Miniftres ; elle ne fit point éclip- ser fon difcernement dans leur choix, Louis XIV n'aima les uns & les au- tres , & ne fe fervit d'eux avec plaifir, qu'autant qu'il les trouva complaifans. Il eut peine à fe repofer fur Turenne delà confervation de l'illface, dont tout l'honneur devoit demeurer à ce grand homme. Il refufa au Maréchal de Crequi la permiflîon de faire fervir, pour l'ofFenfive la plus glorieufe , une armée , qu'il ne lui avoit donnée que pour la defFenfive ^ & il fallut que cet habile Général fe refufât à fes lu- mières & à l'occafion , pour ne pas faire de grandes chofes, auxquelles le Roi fon Maitrs n'auroit pas eu part. Les vieux Miniftres furent négligés , de peur qu'on n'attribuât à leurs confeil« les heureux fuccès.' Le Marcjuis de Lou^ 0 DU Siècle L Partie. 2S9 Louvois lui même devint odieux y lorfque fa longue expérience fembla lui faire rapporter l'honneur des pro- jets & de leur conduite. L'Amour de h gloire diéta au Monarque le choix des Succeffeurs de Louvois & de Colbert, Il le fit s'applaudir de leur inexpérien- ce, & fouhaicer que toute TEurope connût qu'il cherchoit moins en eux des Aides, que des Inftrumens. Lorfque trente années du règne lo plus brillant l'eurent rendu la meilleur re tète de fon Confeil , il voulut que, jufqu'aux évenemens de la guerre , tout lui fut rapporté fans partage: déjà il étoit perfuadé que l'exécution ne de- mandoit que de l'obéiflance. De là cette fubite décadence du Militaire François, après la mort *du derniei: des Généraux formés par Turenne & Condé. La Cour ne chercha plus que les qualités du Courtifan dans ceux: qu'elle mit à la tète des armées- Qiiel- ques uns , qui leur joignoient les qua- lités du Général , furent obligés de re- noncer à les produire, ou les virent rendues inutiles , par les ordres jour- naliers du Cabinet, qui les captivoient. M 3<î Les , * Le Maréchal de Luxe nbourg,, z^o Hlstoire Politique LesMarchins furent préférés aux Feu- quieres , les Catinats furent réduits à n'être que des machines, auxquelles les Couriers donnoient le mouvement. L'émulation s'éteignoit chez lesGrands Officiers , dès qu'ils ne furent plus reC- ponfables des fuccès. Chacun d'eux voiant fa fortune uniquement dépen- dante de la Cour , fe foucia peu d'en chercher l'ancienne route dans les ar- mées. On vit des Maréchaux de Fran^ ce , irrités contre ^ un Gouverneur^ qui foutenoit trop long-cemps \xm Siège. On les entendit fe plaindre de fa bravoure & de fa capacité, qui, re- tenant l'ennemi dans fes lignes jufqu'à Farriére Saifon,les forçait de pafler dans uilCampletems qu'ils avoient deftinéà la Cour : Ils foUicitérent des ordres pré- cis au brave Gouverneur de capituler; & , ce qu'on aura peine à croire , ils les obtinrent , & les firent obéir. Il en fut de même des Miniftres, de- puis la paix de Rifvick. La plufpart ^^ n'é- ' * Le Marquis de Guebrîailt affiégé dans Aîrê ^ par le Prince Eugène. ^ ** Mr deChamillard apellé par leRoi auMî- îiiftère, pro^efta^fon peu de capacité, & il froteftoit vrai. Lra.oi lui répondit qu'il en ac- querroitj&qu'en atendant il feroit fon fécond. DU Siècle. /. Partie. 271 h'étoîent recommandables que par le choix du Roi ; & ils ne pouvoient 1® devenir d'avantage que par les progrès qu'ils feroient fous lui. AiTurés que le Monarque ne rechercheroit pas dans leur incapacité les caufes des difo;races^ après avoir pris fur foi de les former & de les inftruire , ils reçurent du même vifage les bons & les n>auvais fuccès. En faifant honneur des uns à leur niaitre , en regettant les autres fur la fortune , il bravèrent avec fécu- rite les plaintes de la nation & le mé- pris des Etrangers : Leur unique affai- re fut de conferver l'oreille du Roi , & les bonnes grâces de la favorite. Sem- blables aux fubalternes d'un vaifleauy gouverné par un Pilote jaloux, ils exécutèrent la manœuvre , qui leuc ctoit indiquée.Mais avec trop peu d'ex- périence , & de hardieife , pour ofec agir de tête , ils s'en tinrent à la rou^ tine, lorfquela violence de la tour- mente , ne permettant plus à leur maî- tre de voir tout de fes yeux, Tempê- cha de faire entendre f#s ordres partout.' Il ne fut paré ni aux chofes , ni au^ fepufles: L'Etat, ainll -que le vaiifeau^^ me fe fauva que par le retour du calme. M 4 L'HiJP^ 872 Histoire PoLtiQUE L'Hiftoire Politique de Louis XIV^' fixe à la mort du Cardinal Mazarin le commencement de fon règne ; & elle donne pour caufes principales de la profpérité des trente premières années^, & le génie de ce Monarque , & le gé- nie de ceux qui gouvernoient les diiFé- rens Etats de l'Europe, lorfqu'il prît en main les rênes du gouvernement de fon Roiaume. L'Empire avoit pour Chef"^ un jeune Prince inapliquc , & bigot , qui , nourri par les Jéfuites dans le defîr de chercher plutôt à fe faire aimer des Moines , qu-e des No- bles de fes Etats j fembloit préférer le Chapelet au Sceptre , & les proceC- (ions dévotes aux revues militaires. Sa puiiTance étoit encore ébranlée des fe- coufles que l'autorité de fon père avoit efTuïées. Son génie paroiflbit alforti à l'état de fes affaires : les plus habiles ne dévinoient point alors cette am- bition (î bien raifonnée , & fî bien fou- tenïie, qui fit digue à celle de Louïs XIV. L'Angleterre avoit fur fon trône un Prince "^^ livré à l'amour du repos & des plaifîrs : Elle étoit gouvernée par des * Leopold Fils de Ferdinand lll» ** Charles IL BU Siècle. L Partie. 273 des Femmes , & fon Parlement , qui n'étoit remué que par de petites intri- gues, ne déliberoit que fur de petits intérêts , prefque toujours pécuniai- res. L'Efpagne, fon "^ Souverain en^ core enfant, obéiiToit à une Reine ^ dirrigée fucceiîîvement par un ** Con- fefleur, & par un Amant d'égale inca- pacité. Le Portugal a voit pour Roî un imbécile,f que de fréquens accès de frénefie la plus odieufe rendoient Fhor-* reur & le mépris de Tes peuples, La Suède étoit gouvernée par un Prince ^ plus attentiïà Pétabliflement de foiî Defpotifme au dedans , qu'à la réputa- tion de fes armes au dehors, La Ré« publique de Hollande étoit déchirée par deux fadions , donc ff la domi- nante ne pouvoit accorder fon intérêt avec les préjugés du peuple , & rifquoil de fe perdre , en fuivanc ce que lui die-. M f toil * Charles IL ** Le PéreWtbarcî, & le Marquis de Valenzucla. t Alphonfe. Sa manie étott de cacher fon impuilTance fous l'apparence d'une dé=* bauche outrée , & de faire preuve de fon courage , en courant pendant la nuit les rues de Lisbonne, où il afTaffinoît les Paffans* +t Lie parti des Frères de With ^ oppo0 à çdui de la mciifon d'Orange. 274 Histoire Politique toit rintèrêt aduel de la République* Telles étoit les premières têtes de l'Eu- rope, lorfque Louis XIV, élevé dans les armes , animé d'émulation , & pouffé vers la gloire par des Miniftres doués des plus grands talens, com- mença de régner. Chacun de fes voi- fins étoit trop foible, pour faire digu® à fon ambition , aucun n'avoit ni h hardieffe, ni le defir, de luter avec lui. Sûr de ne fe pas commettre défa- vantageufement avec eux, il fut atten- tif à faire naitre l'occafion de s'y con** mettre. Dans ces commencemens , ou le Vieux Duc de Villeroi, le Comte d'Et trades. Lionne, & le Tellier Politi- ques de l'Ecole de Richelieu & de Ma- 2arin , prinioient dans le Confeil, la manœuvre du Cabinet fut admirable» L'Europe en prit le préjugé , qui fubfiC. ta pendant le refte du Siècle , & fur le- quel fe fonda la réputation de la fupé- riorité du Cabinet de France, Elle fui dans rétonnement des fauffes démar- ches de TAngleterre, de l'Efpagne, & delà Hollande, elle admira les em- barras ou fe trouva l'Empereur ^ & ne dierc haut point laraifon fuffifanîe des » uns © u s I E c L E. /. fartîe. 27 Ç uns &Mes autres dans le génie de ceux qui étoient à la tête des aiFaires , elle en fit tout l'honneur aux intrigues de la France, qui en eifet y eureiH grand part. Lorfque les vieux Miniftres eureoÊ fait retraite ; Louis XIV , que le ïtw^ timent de fa propre capacité dégageoie avec Colbert & Louvois de la déféren- ce qu'il avoit eu pour les premiers ^ fe livra d'avantage à fon génie & à fou caradère : Son ambition devint plus hardie 3 & comme fon courage & fa fierté lui donnoient de l'éloignement pour cette politique raifonnée, dont les finefles & les rufes femblent la reP. fource d'une Puiifance foible & timi- de : Il ne vit point la fupériorité de fes forces , fur laquelle Mr. de Lou- vois eut foin de le fixer, fans prendre la réfolution de ne devoir qu'à elles la célébrité de fon nom , & l'accroilfe- ment de fon Roïaume. Tant que du- rèrent la foiblelTe, la défunion , & la fécurité des autres Puiflances, les plus brillans fuccès femblérent avouer cette politique altiére. Chaque FuifTance^^ refufant de voir autre chofe , que Im difproportiQU de fes forces avec cell« M Ç tly 2^6 Histoire Politique du Monarque , fut attentive à ne pomt Pirriter , & fe fit une étude des égards capables de fe le concilier. Ainfî que les C^ipagnons d'Uiifle dans l'antre du Cyclope, les Princes mefurérent leur péril fur la diftance où ils étoient du formidable voifin & ceux qui comp-. terent d'être attaqués les derniers > eC. péi érent que la fortune fraperoit quel« que coup , avant que leur tour vint^ Mais quand le ftimeuxPrince d'Orange eut, pour ainfîdire , fonné rallarme dans toutes les Cours: Quand PEm- pereur & le Pape , animés de leurs rc& îentiments particuliers, fe furent jointe à lui , pour faire fentir aux Princes b force de leur enfemble, & leur per« fuader une ligue j la face des aifaires fut totalement changée. La Cour de Verfailles refufa de croire qu'il lui fal« lut changera vcc les circontiances, & a-^ gir déformais fur un autre plan.Elle s'a* fermit dansfes premiers principes y & cette conftance , à laquelle unMinif- tère interefle fit croire au Roi que fa gloire étoit attachée, fût la Source de toutes les fautes , que l'Hiftoîre politi- que no* e dans ce Règne, depuis la paix à^ Nimegue. Lq Conqueraiit ^ hors DU Siècle. L Partie. 277 Hors de fcs véritables maximes , fit nombre de faufles démarches , que le Roi fut obligé de foutenir ; TadminiG tration intérieure fe fentit de l'état vio^ lent ou étoîent lestffiires Etrangères: les efforts y qu'il fallut faire contre l'ennemi , apéfantirent le joug fur les fujets: la difficulté de paieries fubfî- des rendit odieufe l'autorité abfolue, qui leséxigeoit: la Nation ne voulut plus voir que l'onéreux du DefpotiC. me; & elle #ublia que l'Etat lui étoit redevable de l'accroiirement de fes forces & de fon opulence , que leRoiau- me lui devoit l'éloignemenr de fes frontières, & la fureté de fes Provinces. Dans une Monarchie mixte, où les Loix admettent la Nation à luter avec fon Roi , & partagent entr'elle & lui la Puiflluice législative, les plus gran- des qualités , & le règne le pjus brillant ne fqauroient faire pardoner au Prince rétablillèment du Pouvoir Arbitraire. La liberté des Peuples y eft comme un patrimoine de Mineurs, qui ne peut être entamé, fins l'injuftice la plus criante, envahi, fans la plus odieufe ufurpation. Si les Anglois ont con- Viiincu Jaques IL d'avoir médité cet atteiir 278 Histoire Politique attentat j o'ell avec raifon qu'ils lui ont fait vuîder le trône. Dans une Monarchie pure , ou le Souverain , dépofitaire de l'une & l'au- tre puifTance, eft un père de famille j» qui ne doit recevoir que de fon Cœur & de fa raifon la règle de fa conduite^ & qui n'eft comptable qu'à Dieu du Gouvernement defamaifon, îe Prince ne peut, fans foiblelîè, entendre à aucun partage de fon autorité ; Il doit ^ tenir pour des ufurpatiofts, qu'il elt de fon devoir de réclamer^ tous les dé- Hiembremens qui en ont été faits j & la poflefîîon , qu'on lui allègue, ne doit être à fes yeux qu'un abus, qu'il lui appartient de corriger. Le Cardinal Mazarin n'a voit pas pro- fité, autant qu'il le pou voit, pour le lafermiiTement de l'autorité Roialcy du bonheur des armes du Roi depuis la retraite du Prince de Condé chez les Efpagnols. Sa timide politique avoit même appréhendé de trop tent-'^ ,en préparant les voies au jeune Monar- que i & dans fer derniers avis , il lui recommanda autant de circonfpedioii fur le péril, que d'avidité pour la gloire de la réforme. Lorsque ce Miniftre moa«» DU Siècle, l Partie. 27f mourut , la Cour s'atlarmoit encore du mécontentement des Princes & des Grands, des plaintes du Parlement, & des murmures du Peuple de Parrs. Elle n'ofoit rien refufer aux premiers $ & elle craignoit également de heurter le Second, & de choquer le dernier. Louis XIV régna par lui même envi- ron un an , avant que de s'être mis au deflus des fraïeurs du Cadinal Mazarin. Mais après que le Glence refpedueux de tous les ordres du Roïaume fur la difgrace de Mr. Fouquet lui eut fait honte de fes précautions & de fes craintes, il réfolut de fecouer jufqu'à l'ombre de la dépendance. Perfuadé qu'il devoit pouvoir toi^ce qu'il voudrait^ î mit aux plus grandes épreuves Fo- béiirance des Princes & des Grands , k docilité du Parlement, & la fou- miiïîon du Peuple de Paris. Le fiiccès répondit à fes vœux : L'autorité Roïale recouvra toute fa fupériorité , la vo- lonté du .Roi fut la loi fuprème du Roiaume. Ce n'eft que fur l'ufage de fon DeC potifme que FHiftoire eft défavorable à Louis XIV. La fuite & i'expuKloii de tant de Sujets laborieux , qu'il ré- dwifît 28o Histoire Politique duidt à la néceffité d'aller porter che^ PEtranger les Arts & l'indultrie, qui faifoient la richelïe de l'Etat : Ces Ion-' gués guerres , qui tinrent toutes les forces du Roiaume perpétuellement tendues , l'entretien continuel de ces nombreufes armées , qui enlèvent aux A-^illcs leurs Artifansj leuis Cultiva- teurs aux Campagnes : L'animolîté de ces deux fadions odieufes , qui ont verfé jufques dans les efprits du petit peuple , le poifon des haines écclé- fiaftiquesice font là des effets du Pou- voir Arbitraire , qui forcent à gémir fur fon établifleraent. Mais loin que rétabliflement lui même foit un grief contre Louis Xl^: l'amélioration du Roiaume, & la gloire du Règne ^ étoient attachées au fuccès de ce grand projet. Dequoî la Nation Françoife étoîl elle capable au dedans & au dehors ^ tant que les Princes & les Grands ^ accrédités dans ^es Provinces , pouroî- entfeflater de faire entrer les peuples dans leurs mécantcptemens r tant que^ fe faifant un jeu de leurs liaifons avec l'Ennemi de rEtat , ils oferoient efpé- rer de réduire leur Souverain à capî- mkï DU Siècle. /. P^r//>. 28î tuler avec eux? Dequoi la Natiou étoit-elle capable , tant que le Parle- ment de Paris , Subfiftut de la Créatioti des Rois pour Tadminidration de la Juftice diftributive , voudroit entrer en part de l'admiflration des affaires étrangères, & intérieures de l'Etat ^ fixer les Subfides & les impots , cou- noitre de leur levée, & de leur emploi, & marquer aux peuples le terme de leur obéiflance r' Tant que le Peuple de la Capitale , fier d'avoir fon Roi dans Tes murs , verroit un otage dans faperfonne, & oferoit efpérer de le forcer à révoquer fes ordres , en faifant naître le péril auquel leur exécution rexpoferoit ? Tel étoit rétrange boule verfement^ qu'une Régence foible avoir renou- velle, que le Roi avoit la plus petite portion de l'autorité Roiale déchirée* Sur le refus de quelque faveur de la Cour, un Grand fe retiroit dans fou Gouvernement, ou il levoic du mon- de fous le nom du Roi , pour faire la guerre au Roi. 11 fe donnoit à la Nobleffe pour celui de leur corps fur lequel la Cour elfaioit fon deifein d'a- baiiTer l'ordre entier. Les Gentils-. 282 Histoire Politique hommes, flatés de Tentendre recotî^ noitre "^ qu'il n'y avoit qu'un ordre de noblelïe dansleRoïaume, faifoient leur querelle de la fienne,- & la Cour, pour étouffer la rébellion , étoit obli- gée de récompenfer le rebelle. Le Parlement de Paris, qui n'eut jamais de droit permanent *^ que la pri- * Les Ducs Pairs & non Pairs produtfirent tm Mémoire aux Etats de la Ligue. Ils de- mandoient que la NoblefTe de France formât déformais deux ordres, celui de la haute, & celui de la bafle NoblefTe. Ils furent fifHés de la Nation , comme les Gens de Robbe ^ qui demandèrent à faire un Ordre particulier entre celui de la Nobleffe , & le Tiers Etat. *** Le Parlement eft de la création de Philippe le Bel , qui créa celui de Touloufe ttn an après. 11 n'obferva point d'autres for- malités que Charles VU dans la création de celui de Grenoble , & de Bourdeaux , que touts XIILdans la création de ceux de Metz^ & de Pau , que Louïs XIV. dans la création de ceux de Befanqon & de Douai. L^autorité de tous ces Parlemens eft la même ? dans ua diftrîdl plus ou moins vafte. Le Chancelier de l'Hôpital montra que les Parlements de France étoient égaux. 11 détermina le Con- feil de Charles IX. a préférer le Parlement 4e Royen à ^eki de i^aris pour Taft^ de lu Roïawi* DU Siècle./. Partie. 285 primauté d'âge , entre les autres Par- iemcns de France, & qui ne tient celle de rang que du féjour ordinaire des Rois dans le territoire de Ton reflbrt, s'étoit confervé , "^ jufqu'au règne de Henri II, dans la Sphère, que fon inftî- tution lui marquoit. Pendant les de- fordres des Règnes de François II, Charles IX, & Henri III, il avoit profité de Tambition des Guifes, pouî: ufurper de la fupériorité. Ainfi qu'une Cour pointilleufe charge fon ancienne • étî^ Roïcuté le plus éclatant. Ce fut à Roiien que ce Prince tint fon lit de Juftice , pour la déclaration de la Majorité. La prétention de la prééminence du Parlement de Paris n'eft pas autrement fondée que l'eut été celle des Romains qui avoient leurs Maifons voifines du Champ de Mars^ fur ceux qui demeuroienfe fur le Mont Palatin , ou près du Capitolc. * Lors que Louis XT , félon rengagement, qu^il en avoit pris avec les chefs de la ligue d\i bien public j voulut fe former un Confei!, il en prit les membres dans TUniverfité , & la Bourgeoifie de Paris , il n'y appeila point de gens du Parlement. La raifon en étoit que les Ligués avoient voulu qu'il fe choifit des Confeillers du milieu de la Nation , & que les Gens du Parlement , ayant Gommiffion de lui , étoient cenfés de fa Cour* 284 Histoire Politique étiquette d'une politeffe extraordinai- re j qu'on lui aura faite par égard pour les circonftances : Il s'étolt fait un titra de la déférence, que Catherine, & après elle Marie de Medicis, lui avoient marquée,* & il avoit ofé, pendant la minorité de Louis XIII , prendre la qualité de Tuteur des E^gis. Humilié fous le Miniftère du Cardinal de Ri- chelieu, qui mourut avant que de l'a- voir dompté, il rentra, fous la Régenca d'Anne d'Autriche, dans les anciennes ufurpaDions , qu'ij donna pour des droits. Remué par les intrigues du Coadjuteur, animé par un intérêt par- ticulier , & enhardi par la foihlelfe d'un Miniftre univerfcllenient hai , \î forma de nouvelles prétenfions. Cha- que Préfident , chaque Confeiller ^ appelle à fa charge , pourvu de fa charge, confervé dans fa charge, par le choix , par la fiveur , par le boo plaifirduRoî, s'eftima un Tribun^ ©u tout au moins un Député du Peu^ pie j & tous enfemble , avec autant de railon qu'un Curé qui s'égaleroit aa Pape, parce que le nom de Prêtre lui eft commun avec lui , ils fe plurent i croire qu'un des dis Parlemens de Fra& DIT SïEC 2. I Partie. 28? France avoit les nu mes droits, & les mêmes prérogatives que le Parlement d'Angleterre ; Les Commiflaires fub- délégués du Roi auprès du Peuple fe donnèrent pour les Réprérentans delà. Nation. La nouvelle de la mort Tra- gique de Charles L les dégoûta du pa- rallèle; ils s'en tinrent oifenfés, * & s'en plaignirent 5 Mais il étoit fondé fur leur conduite ; & c'étoiifleur faire grâce ** d'établir la parité. Le« * Le Cardinal Mazarîn ayant comparé le Parlement de Paris à celui de Ciomwel, les chambres aflemblées firent des plaintes de cette injure , & demandèrent réparation , que k Cairdinal eCq^uiva , en biaîfant fur le fens de fon expreffion. ** Peu de perfones à Paris admettront la parité entre la conduite du long Parlement » qui précipita le malheureux Charles I. an trône , & celle du Parlement de Paris , qui féduifit Louis XIV, mineur, à affiéger fa Capitale. Pour établir ce parallèle , il n'eft ÎDefoin que d'oppofer les ades les plus frapans des deux Compagnies. De concert avec la Chambre des Pairs , la Chambre des Communes demanda en 16^0. k Charles I , qu'rt déclarât que les deux Chambres ne pouroient être caflees, que^de leur consentement ; & elles l'obtinrent. La 2%6 Histoire Politiqtje Les deux Chamliresa Weftminfter étoient l«s Etats généraux de la Mo- narchie : c'étoit là Nation entière, dans les Le Parlemont de Paris , après avoir donné îe fameux arrêt d' U'mo;^ , demanda, & ob- tint pareillement de la Régente , la perniif- fion de continuer fes affemblées générales , auin long-temps , qu'il le juge^roit à propos. Une différence bien remarquable? c'eft que le Parlement 6c je parta- ge , pour ainfi dire avec cha- cun d'eux , l'honneur de leur choix. L' G p I N I o N que cela doit me donner de mon difcernp-^ ment , ( V ) ment , ne va pourtant point encore jufqu'a me croire au deC- fus de la critique. Je fouhaite iîncerement de trouver un Cenfeur dans le connoifleur que je confulte j & ii je de'- fends ce qu'il a note' , c'eft moins pour l'obliger à être de mon fentiment , que pour lui prouver que ne l'aïant pas embraffé à la le'gere , je mente qu'il entreprenne de me le faire abandonner par cozividtion. Ce feroit dans ces fenti- mens , M o n s i e u r , que je ré- pondrois à la plus rigoureufe critique de mon Ouvrage, fi vous aviez mieux aime' me donner un nouveau te'moi- gnage de votre eftime , qu'u- ne marque de votre indulgen- ce. En attendant que vous t I met- a VI ) îlaettiez ma lîncerité a cette épreuve , je vais vous donner fetisfadHon , autant qu'il eft en moi , fur vos notes. Je ne puis m'aftreindie , comme vous fouhaiteriez ^^ Monsieur, que je le fifTe , à produire mes autorités h & je me crois fonde' a exiger que le Public m'en exempte. Il ne m'auroit pas été' poffi- ble de puifer uniquement dans les Livres pour une Hiftoire auffi moderne & d'un goût auffi nouveau que celle-ci. De nombreux entretiens avec plufieurs des plus habiles Po- litiques de l'Europe , m'ont fourni une multitude de dé- tails î la plusparts anecdotes , dont je m'aide a ourdir les faits généraux & particuliers. Je ( VII ) Je forme des affertians Hil- toriques de toutes ces rela- tions raproche'es des relations des meilleurs compilateurs. Je fais la combinaifon des unes & des autres ", & le produit eft une vérité', lî je n'ai pas le jugement faux. Je crois que Thucidides & Taci- T E , que C 0 M I N E s ôc de T H o u , . avec les mêmes fe- cours , ont eu la même mé- thode. Ils ont demande' qu'on les en crût fur leur parole , tant qu'on n'apercevoit rien qui les de'mentit j & on leur a accorde' ce qu'ils deman- doient. C^uELaus diftance qu'il y ait entre ces modèles d'Hif- toriens Politiques & moi , j'ai les mêmes pre'rogatives qu'eux. t 4 Le ( VIII ) Le vrai-femblable que je don- ne fur une manœuvre igno- rée jufqu'à moi , fur un ca- radlère qu'à peine les Hifto- riens ont elDauelie' , doit être tenu pour vrai , fi rien ne le contredit , û prefque tout l'a- puïe , fi enfin il ne s'offre à l'efJ3rit rien de plus vraifeni- blable. Je confens qu'on exi- ge mes preuves fur les faits. Auffi les ai -je toujours don- nées , non pas en citant des Auteurs , dont le meilleur a pu être plus mal inftruit que moi; mais en démontrant la fin par le choix des moïens, & en cherchant la raifon de celui - ci , dans le génie , les viies , les intérêts , la pofition des Aéleurs. Qiioi que l'auto- rité d'une pareille combinai- fon ne violente point l'affen- t timent (IX) timent , je la crois plus puif- fante qu'un amas de pièces Juftificatives. Pourquoi re- comibifTons-nous Tibère dans ie portrait qu'en fait Tacite ? Où ce grand Hiftorien a-t-il puife' ce que projettoit , ce que reflêchiffoit , ce que pen- {oit le Tiran? L'Iiluïtre Gor- don , le Tacite Anglois , a-t-il copie' d'après les Peintres de l'ancienne Rome le Jules Ce- far , & rOcStave Augufte , qu'il a peints avec tant de génie <ôc d'expreffion ? Quant k mes garants :iî en eft autrement que de mes preuves. Si quelqu'im me con» vainc de faux au Tribunal du Public , je conviendrai fans chicane que j'aurai e'té dans l'erreur ? 6c fi je ne puis fau- t i Vêt ( X ) ver ma boiinç foi , qu'en pro- duifaiit ceux qui m'auront mal informe' , je les produirai a- vec certitude de n'en être j^int défavoûé. Je fuis bien aife de vous entendre , Monsieur , bla- 'mer , ceux qui exigent que je prouve autrement que je ne l'ai fait; la Politique que j'atribuè à la Cour de Rome par raport à Louis XIV , pen- dans la pénultième décade du dernier Siècle. Rien de plus jufte que vo- tre reflexion iur l'impunité ovi k Pape laifTa les Momes Fran- çois , qui fe iignalerent fur les quatre propoiîtions de l'afTem- blée du Clergé de France , 6c fur la fameufe diftiiKflion entre (XI) . entre l'Evêque & le Souve- rain de Rome. Il eft d'axio- me politique que , quiconque néglige de fimir [ lors qu'il en a le droit & le pouvoir ] un offenfeur , que le châtiment ré- duirait , & que l'immunité en- hardit à de nouvelles offenfes , ou bien ne fe tient -pas ojfenfé , - ou bien a intérêt à ittre. D'un mot au Général des Domini- cains , le Pape e'toit sûr de faire taire les Moines de cet Ordre , qui prétendoient à des penfions de la Cour ou du Clergé. En difant ce mot le Souverain Pontife mortifioit la Cour de France , qu'il cher- choit a mortifier. Il refulte de fon refus de le dire , qu'il e'- toit bien aife que les Moines gagnalTent leur peniîon. t 6 LoE^^ (xi I ) LoRSCLUE je parle du mii- iion de Ducats d'or , donné par îe Pape Innocent XI à l'Empereur , pour aider le Prin- ce d'Orange à prévenir l'e'ta- bliffement du Defpotifme de jaques en AngieteiTe : je fuis moins hardi , que je n'avois droit de l'être , en me conten- tant de donner le fait pour vraifemblable. Il fuffit d'apré- cier le te'moi gnage de le Noble , mon garant, pour le recevoir fans objection. Le Noble e'cri- voit à Paris. Ses Dialogues politiques rempliiïbient l'Eu- rope ? & il avoit ordre pré- cis des Miniftres de ne rien avancer qu'il ne fut en état de prouver. Certain d'aller fi- nir fes jours à la Baftille ou a Bicêtre s'il contrevenoit a l'or- dre , il publie que le Roi Ja- ques (xiii; ques a adluellemei^t entre le» mains , les papier^ originaux qui font foi de rextradition ^ du million de Ducats Apofto- liques au Prince d'Orange. Ni le Miniftre de France , ni la Cour de St. Germain , ne s'infcrit en faux contre Le Noble. Ni la Cour de Vien- ne , ni la Cour de Rome ne fait le de'fi au Roi Jaques de produire ces papiers qu'il e- toit cenfe' reconnoître entre fes mains dès qu'il ne demen- toit pas l'Ecrivain qui en ap- pelloit à eux. Après ce iilen- ce , s'il ne demeure pas con- fiant que le million de Du- cats pafla de la Chambre A- poftolique , ou du Château St. Ange , par la voie de l'Em- pereur , dans les Coffres dw Priiîce d'Orange i je ne fai plus (XIV) plus rien que l'Hiftoire puiffe donner pour certain. Le Pape •e'toit bien autrement flétri aux yeux des bons Catholiques , par l'accufation de le Noble , qu'un Membre des Etats de la Province de Hollande par celle d'un Provicaire Apofto- îique a Leyde en 1703. L'ac- cufation de le Noble imprime'e à Paris fous les yeux des Cen- feursRoïaux, ëtoit bien d'un autre poids que celle du té- méraire Ecclefiaftique Hollan- dois , dans un Lettre furtive. Le Souverain Pontife fe tait , & les Etats dénoncent au pu- blic l'accufateur , & ils met- tent fa perfonne à prix. Ils déclarent que fon procès lui fera fait s'il ne prouve fon af- fertion. Enfin , ils donnent le démenti , ils font le défi au Ga- ionini- îomniateur. Quelle dife'rence dans l'un & l'autre Grief ! ici , il s'agit d'un particulier accufé de s'être laiffe' perfuader par quelques preTens , d'interdire les îbndlions d'une Charge obfcure a un homme abfolu- nient ignore'. Là , c' eft le Chef d'une Eglife jaloufe de fon intolerantifme , qu'on donne pour convaincu d'avoir em- ploie' des deniers Sacre's à fer- vir fon reffentiment ; d'avoir (ecouru un He're'tique contre un Catholique zèle' , avec l'ar- gent deftine' à faire la Guerre aux He're'tiquas & aux Infidè- les. L'Affemble'e des Etats de îa Province de Hollande , qui ne recevoit pas la moindre ■ at- teinte , quand même un tiers de fes Membres auroit été convaincu de s'être fait païer l'expul- ( x\ri ) l'expuMion de tous les Prêtrei hors des terres de la Re'publi- que , prend fait & caufe pour le Seigneur de Duywenvoor- de , & pouffe fon accufateur avec la dernière adlivite'. La Cour de Rome fi peu traita- ble fur la peccabiiité de fon Maitre , le voit en iilence dé- fère' à tout l'univets Catholi- que , pour un diffipateur ex- communie' par fes Pre'decef- feurs , pour un fauteur d'He'- rêtiques , pour un Ennemi de la Propagande. Ou prendre ailleurs que dans la force de la ve'rite' , la raifon fufifante de cette prodigieufe indiffé- rence ? La Politique de TEmpe- reur Leopold , par raport au dernier Teftanient duRoi d'Ef- ( XVII ) pagne Charles II , vous pâ- roit. Monsieur , une idée nouvelle j âç vous en juge's jufte. Mais elle n'en eft pas moins, vraie. La hardieffe & le rafinement qui vous ren- dent fa re'alite' iufyeùe , ont irappé comme vous , un des plus Grands Hommes d'Etat de l'Europe. Mai&je me tiens sûr qu'ils ne fbutiendront pas mieux votre examen que ce- lui de cet habile Miniftre , fi vous voule's bien entrer dans la difculïion des dife'rens par- tis qui s'ofFroient au Confeil de Vienne , après la mort du Prince Electoral de Bavière. Le choix des Miniftres Autri- chiens , vous paroitra toujours hardi, & vous trouverez pro- fonde la combinaifon dont ii ftit le produit. Mais après a- voir ( XVIII ) voir faiiî ce qui iTe pût leur échaper : le parti pour lequel je les fais opter , vous fem- blera fi naturel, qua peine voUs les loùerés de leur prom- ptitude à fe décider pour lui. Non 5 l'Empereur Leopold n'a point pu 5 n'a point du agir autrement , que je le pofe en fait 5 & fon Confeil , qui pour- tant avoit [* ] quelques bon- nes [ '^ ] Je ne fai comment il m'eft é- chapé de mettre de ce nombre le Prince Eugène qui n'étoît encore a- lors qu'un Militaire & un Courtî- fan. Le Public me fera grâce d'at- tribuer cette bévue à une diftradlion. Le Confeil de Leopold avoit pour principaux Membres , les Comtes de Harrach & de Àtansfeld , hommes de favoir & d'expérience , le Cardinal Collonitz > êfprit timide , mais gou- verne abfolument par la Compagnie de Jefus , les Pères Almegati & Muîler Jefui. (XIX ) nés têtes , auroit été un prodi- ge d'ignorance , ou d'aveugle opiniâtreté , fi après la mort du Prince Eledloral de Ba- vière 5 il navoit pas intrigué, pour faire inftituer un petit Fils de France Légataire uni- verfel. Par amour pour la briè- veté 5 j'ai étranglé , pour ainiî dire , ce curieux morceau de THiftoire Politique du Siècle. C'eft une faute que je vais ré- parer , en faifant de THiftoire de ce fameux Teftament , le premier Chapitre de cette fe- con- Jefuites , Confefleurs , le premier de rEmpereur , le deuxième de Tlmpe- ratrice , tous deux fins jufqu'à la four- be & lasduplicité , & d'un crédit fans bornes auprès de leurs Majeftés Im- périales. ( XX ) eonde Partie. Je remets a traiter à part l'Etat de l'Eu- rope , depuis la dernière Paix d'Aix , jufqu'à la pre'fente aii- ne'e 17^5'. C'eft un fujet plus délicat , qui me femble de- mander une autre me'thode. J'ai l'honneur d'être avec relpeâ: MONSIEUR; Votre tris humlle ^ iris obétjfatit fervitetir De B. M. TABLE n * *' * * * * * \ ^i * * * **** ^t *^ ^ H-4- H-4- -H4- -Ht-H H--4--f- H-4- 4t •4-4—4- -H- -i-t-t-++-f- -+-H-+- TABLE DES CHAPITRES DE LA SECONDE PARTIE. C H A p. I. T T l/?ozVe ^é-^ deiM J[ X 'Teftamens du Roi d'Efpagne Charles IL Chap. II. £*af (5?e P Europe a- près la Paix dUtrecht & de Baden. Chap. III. "friple & Quadru" pie Alliance, enijiy & 1718. Chap. IV. Négociations & Po-- litiqiie du Nord , de- puis 1700. jufqiCen 1724- Chap. TABLE. C H A p. V. Changement dans la Balance du Nord.Ge- nie politiq. du Czar. Chap. VI. Congrès de Cam- hrai. Ternîtes de Rip-' perda. T'riple Allian- ce de Hannovre en Ï72.5'- Chap. VII. Congrès de Soif- fins. Traité de aSV- ville en i/Zp. Chap. VIII. Aâes & "traités relatifs à la Pragma- tique de FEmpereur Charles Vl.jufqu'en 1732. Chap. IX. Paix de Vienne en '738- Chap. X. Traités Pajfarovvitz en 1718. & de Bel- grade en 173p. Chap. XI. Paix d'Abo en 1745- Chap. TABLE. Chap. XII. Capitulation de rEmpereur François I. en 1745'. Ses ra- ports hifioriques aux régnes des Empereurs Autrichiens. Chap. XII I- Et dernier. Pai$^ d^Aix la Chapelle en 1748. ERRA- ERRATA De la Première Partie. ¥age 20. lîgne i8. qui ? voïage lifés qui voïage. 41. - . 16. lem lifés de leur 162. - - 19- i^9f- • - 1^98- 23 f. . • 2. forêts . . Fortî. 271. - • 27. chofes • - chocs. HISTOI^ 5iî * Hî * * * * * * ^* * * * * * * 5ir" * * * îi: * :iî :ic * *• ******* :^ "1 r-] hH +-4 h H l-f--f h-f- 4- H-H — I l-f- H-HtH-H — I V-\ — H **** ************5^ * ******* *******î^ Î^C HISTOIRE POLITIQUE D U S I E CL E. SECONDE PARflE. CHAPITRE PREMIER. Hi/ioire des deux T^ejlamens dit Roi d'EJ^agne Charles IL Epuis la Paix d'Aîx la.Cha-' pelle en I(î68. » 'a Politique des Cours de Verfailles & de Vienne, avoitfaitfon principal ob^ jet de la Succeffiou du Roi d'Efpagne Charles II; de qui la foible confticu- tion ne laiflbit point efperer de pof-. térité. Louis XIV plein de Popi- nion de fes forces , avoit crû s'afTu- rer ce riche héritage , en fe rendant tellement redoutable , qu'aucune PuiC- fance n'ofat entrer dans une nouvelle A Ligue ^ Histoire Politique Ligue contre lui lors delacrife. Il eft affés vraî-femblable que, fi la révocation de TEdit de Nantes , n'avoit pas fait pafler chez fes ennemis une multitude immenfe de bons Officiers , de Nego- cîans riches & habiles , d'Artifans in- duftrieux , dont la fuite diminua les 1 eflburces de l'Etat , en augmentant celles des Souverains , auxquels ils fe donnèrent , fa fupériorité dans la guerre que le Traité de Rifwick ter- mina , auroit dégoûté de plus luter contre lui les Puiflances les plus in- terelfées à Téquilibre de l'Europe. Quel que fut l'épuifement du Roiaume à cet- te Paix; le préjugé fe maintint que, relativement à la liberté générale , les forces de la France , venues à leur période , ne pouvoient recevoir d'ac- croiifement qu'en proportion avec la iVlaifon d'Autriche ; & fes droits fur toute la Monarchie Efpagnole eulfent- îls été inconteftables ; L'intérêt de la Balance lui donnoit autant d'opofans qu'il y avoit d'Etats attentifs à l'E- quilibre. Lexî) p o LD avoit rencontré dans la fituation de fes Etats, & dans les circonftances de fon avènement au Trône Impérial , une multitude d'a- vanta. DU SiEGLE, IL Fart. 3 vantages fur Louis XIV , pourfe fraïer le chemin à la fucceflîon. La Pair de "W^eftphalie , en entamant la PuiC- fance Autrichienne, pour augmenter celle de la France & du Corps Ger- manique , avoit diffipé les tincienney allarmes fur l'ambition de la Maifon Impériale. On fut auffi zofé pour fa vconfervatîon qu'on Tavoit été pour Ton abaiifement , dès que Louis XIV fe fut montré tel que fes Miniftres Favoient rendu. Les préjugés de Re« ligion étoufoient les idées Politiques fur le Turc dans raccroiffement de la Puiifance Autrichienne , aux dé- pens de rinfidèle , on ne vôïoic que rafoiblilfement d'un ennemi commun. Leopold pouvoît conquérir des Pro- vinces entières fur lui , & entendre faire des vœux par toute l'Europe pour, la profpérité de fes Armes : tandis que Louis XIV ne pouvoit prendre une Place fur quelqu'un de fes Voifins , fans donner une allarme générale. L'Empereur Leopold avoit fous l'extérieur d'un Dévot , l'efprit & le cœur d'un Prince ambitieux. Ce maf. que rafluroic fur fes vues les Minif. très François j & c'étoit ce qui leur en A Z devoit 4 Histoire Politique dévoie infpirer plus de défiance. En îi-entrant dans la Guerre de i6y2 , que pour foutenîr la République de Hol* lande , fur le penchant de fa ruine , il fe donna^ la réputation d'un Princd généreux, ' Le Corps Germanique , rAngleterre & la Hollande, voiant qu'il fjc dçmandoit aucun avantage parti- culier a la Paix de Nimégue , le tin- rent pour un Allie fans ambition , jBnnemi par raifon de Louis XIV , & uniquement attentif à la liberté gé- nérale. Il eut grand foin de ne point .altérer ces premières impreflîons, par des prétentions capables de trahir fes yçritables vu^s. S'il fit grand bruit de la guerre contre le Turc : ce fut en la faifant regarder comme guerre religieufe contre l'ennemi du Nom Chrétien. Il y iqterelT^ toutes les Puif- fances de fon Eglife^ il reçût les con- tributions du Pape & du Clergé , les recours des Princes Catholiques. Il leur fit prendre part à fes fuccès , dont pourtant il ne fe propofoit point d'autre fruit, que raifujetiffement de la Hongrie & des Hongrois. Ses Au- xiliaires ne penfoient qu'à l'honneur ^ç vaincre l'Infidèle 3 & il ne vouloit que DU Siècle. IL Partie, f que l'avantage de mettre un puiflant Roïaume au nombre des Pais héré- ditaires de fa Maifon , & fa nombreufe NobleflTe , fur le pie de fes autres fu- jets. 11 parut recevoir en bon Chré- tien les difgraces qui auroient dû dé- concerter l'ambitieux. Inébranlable dans fon deflein , il le pouffa avec cette conftance qui eft le partage d'un Politique à vues fûres 5 & l'Europe s'en lailïlmt impofer par les apparen- ces , prit pour une opiniâtreté de Bi- got, une perféverance, qui étoit un eifort de génie. La Hongrie étoit domp-* tée, la Servie & la Tranfîlvanie étoient à peu près conquifes : Leopold étoic plus puiffant qu^au€un de fes-Préde- ceffeùrs depuis Charles- quint. Cepen- dant on le connoiffôit encore affés '^eu 5 pour rie le pas confîderer com*. me le principal contradlant de la Li« gue d'Augsbourg. Guillaume lui - mê- me y fut trompé. Cet habile Prince ne crut pas que la Succeilîon entière du Roi d'Efpagne , mit une trop gran« de puiffance dans îa Maifon d'Autri- che ; & il la lui fît promettre fans ref« tridion p^r l'Angleterre & les Etats Généraux, dans l'article fecret du Trai- té particulier de 16S9, A 3 Ce. 6 Histoire Polit IQ_UE Ce ne fut gueres qu'au manège des Miniftres Impériaux dans la Négocia- tion de Rifwick, que le Roi Guil- laume connut Leopold. Raprochant a- lors de ce que cet Empereur mena- geoit pour aquerir vers le Rhin aux dépens de TEmpire , ce qu'il avoit fait depuis quinze ans pour s'accroître du coté du Turc : il comprit que le Chef de la Maifon d'Autriche , s'il avoit au- tant d'habileté pour régir que pour augmertter fes Etats , feroit bientôt en état de difputer avec fes feules for- cer 5 au Chef de la Maifon de Bour- bon , l'honneur de primer dans l'Eu- rope , & peut être de l'aflervir. Si le Roi Guillaume avoit pu fe donner à lui - même cette fuperiorité qu'il empêcha toute fa vie Louis XIV de s'afTurer ; fans doute qu'il eut com^ pté pour rien la liberté générale , dont îl fe declaroit le Protedeur. Mais in- timement convaincu , que les plus heu- reux fuccès de fa Politique ne lui vau- droient jamais rien de plus que la gloire de tenir la Balance , il s'interef. foit fincerement au maintien de fon Equilibre. Sa maxime à cet égard , étoit d'être prêt à devenir bon Fran- çois , DU Siècle. 1 1. Part. 7 çoîs , quand FEiaipereurferoit plus re- doutable que le Roi de Franee : com- me il étoit devenu bon Autrichien , lors que le Roi de France lui avoit paru plus puiflant que le Chef df h Maifon d'Autriche. Il parut , peii sa- vant la fignature des premiers Traités de Rifwick , qu'il fe jugeoit arrivé , Cu non encore au tems de cette entière converfion , du moins à celui d'une parfaite neutralité entre les deux Mai- Tons rivales. L'Ambafladeur Irnperial , le preflant de faire décider l'aiteire de la SuGceffion d'Efpagne dans rAflem- blée de Rifwick , qu'on pouvoit ap- peller les Etats de l'Europe : l'habile Monarque lui répondit froidement ^ qu'il n'étoît pas d'avis d'entamer cette queftion avant la cônclufîoB de la Paix. La Faix fut conclue i & loin de propofer un Archiduc pour Héritier du Roi d'Efpagne , Guillaume préfen- ta un partage de cette opulente Suc« cefïîon , dans lequel la Maifon d'Au- triche avoit la moindre part. Pendant que Naples & Sicile , les Places de la côte deTofcane, le Marquifat de Fi- lial , & le Guipufcoa , étoient donnés à Louis XIV. L'Empereur & fes deux A 4 Fils 8 Histoire Polit iclue Fils deVoierit fe contenter du Mir ïanès. • - §. L Le crédit que Madlle. d'OFkans> première femme de Charles Ils avoit eu fur Tefprit de fon Mari y avoit don- né à l'Empereur , Tefperance de gou- verner ce foible Prince par la Prin- cefle; d-e Neubourg fa belle- Sœur , qu'il lui avoit fait époufer en fécon- des noces ; & il n'en avoit poilit été trompe. Cette Princefle difpofa û ab. folument de l'efprit du Roi , qu'elle fembloit régner fous fon nom. Fidèle à l'engagement qu'elle en avoit pris avec l'Impératrice fa fœur , elle avoit formé un parti puifTant à TArchiduc , parmi les Grands , après avoir tiré pa- role du Roi que ce jeunê Prince feroit fon Légataire. Les menaces de Louis XIV 5 dont elle expliquoit le fens à fon gré , ne faifoient que confirmer Charles dans l'opinion que ce choix ctoit le plus avantageux à fa Maifon , & à toute l'Europe. Si Guillaume s'é- toit déclaré alors conformément au Traité de 1689, '^ Reine auroit aifé^ ment mis fin aux irréfolutions qu'elle entre- DU S I E c L E. 1 1. Fart. 5^ entretenoit : Charles fe feroit donné i3n Prince de fa Maifon , pour Heri-^ tier Univerfel ; & la NatioiA voyant le choix de fonRoi , apuiépar fësPuif- fan'ces Maritimes , auroit rifqiié con- tre Louis XIV , une Guerre dont Té- vcnement n'étoit pointldouteux.-^ Tout le monde convient que ce pkn fut l^ngtems celui de Leopold. Mais TEmpereur dût changer avec le Roi Guillaume ; & lorfque la re- buffade de fon Envoie , lui eut fait preflentir que les Puiffances Mariti- mes ne tiendroient point le Traité de 1^89 , il lui fallut ou fe faire lui mê- me fa part de la Succeffîon d^Efpa«^ gne y ou fe réfigner à celle que lut feroient Guillaume & fes Alliés. Le Etoi de Portugal & le Duc de Savoie ^ étoient également intereffés à ne pas lâiffer tomber fur une feule Tête tou- tes les Couronnes de la Monarchie Efpagnole. On pouvoit bien efperer que l'un ou l'autre improuveroit tel mi tel partage. Mais il étoic abfurde d'en attendre qu'ils fe declaraflem cen- tre tout partage 5 quel qu'il fur. Leo^ pold obftiné à réclamer la Succeffiom entière^ pour ua des Princes fes fils >: 10 Histoire Politi civ^. ctoh feul de fon parti. Quel n'^uc pas;, été raveuglement de fon Confeil de s'y opiniatrer ? L A Reine d'Efpagne répondoît de rinclinatîon du Roi fon Mari pour FArchiduc ; & le Comte Ferdinand deHarrach, alors Ambaffadeur de l'Em- pereur en Efpagne , croyoit le parti des Compétiteurs de fon Prince , hors d'état de luter contre la fadion Au- trichienne. Le Confeil Impérial fe dé- termina en conféquence des afTuran- ces de la Reine , & du raport du Com- te. Il y fut décidé que l'Empereur, affedant de fe montrer fans inquiétu- de , fur l'égard qu'on auroit en Efpa- gne aux Droits qu'il tranfmettoit à fon Fils 5 fe repoferoit fur les offices fecrets de la Reine auprès du Roi , & feroit interrompre les fiens auprès des Miniftres & des Grands, à fon Ambaffadeur 5 pour la nomination d'un Héritier : mais que fixant toute fon attention fur les Etats d'Italie , Sa Ma- jefté Impériale emploiroit le tems que Charles avoit encore, à vivre , à ra- peller avec éclat aux Italiens leur an- cienne dépendance de l'Empire^ afin qu'à h more du Roi , les deux Sici- ies , DU Siècle. IIFaH.^ ii les , les Places de la côte de Tofcane , le Marquifac de Final , & le Milanès rendus à leur nature de Fiefs de l'Em- pire à la collation de TEmpereur au défaut d'hoirs mâles t ne fuflent plus regardés comme faiTant portion de la: Succefîîon Efpagnole. Aussitôt après cette cfelibera- tien, l'Ambafrade de Madrid , qui ne demandoit plus dans fon Minirtreque le talent de la repréfemation , fut donnée au jeune Comte de Harrach ; & le Père , qui étoit regardé comme ^a meilleure Tête du Confeil Impérial, fut rapellé à Vienne. La Reine cefla de briguer en faveur de l'Archiduc: les partifans même du Prince prirent pour de là froideur ce rallentiflement ; le Marquis de Harcourt AmbalTadeur de France , ofa efperer de gagner cette Princefle à fon Maître ^ & il fe flats^ d'y avoir réûflî. Le Prince de Lichten- ftein fut rapellé de Rome ; & on don- na cette Ambaflade au Comte de Mar- tinitz , Bohême d'une hauteur & d'u- ne fermeté qui alloient jufqu'à la ru- defle. L' E M p E R E u R 5 hors de la déli- bération fecretc de fon Confeil , avoic A 6 mille 12 Histoire Politiq^ue anille raifons de ménager le Pape , & n*en avoit pas une de Pindifpofer. La delicatefle de confcience du Roi Char- les ,.& la dév^otion de la Nation Es- pagnole 5 au Souverain Pontife , lui etoient connues. L'inimitié de la Cour de Rome , étoit ce qu'il y eut de plus redoutable pour lui , s'il avoit fait fon principal objet de la fortune de TAr- chiduc. Le befoin où il étoit de fes Subfides pour la guerre contre le Turc, & de fa faveur pour le nouveau Roi de Pologne Augufte Second, céda au defir de s'afTurerles Etats Efpagnolsd'I- talie, indépendamment du fort du relie de la Succefï]on5& il ne pouvoit ce« der qu'à lui. Les habiles Romains vi- rent dans les brnfques entreprifes du Comte de Martinitz, un deflein for- mé d'intereifer l'honneur du Corps Germanique au recouvrement des an- ciens droits de l'Empire , & de pro- curer à l'Empereur un prétexte , pour couvrir l'Italie de troupes Allemandes. Toute l'Europe put voir dans le re- fus que fit la Cour de Vienne d'en- voyer l'Archiduc en Efpagne , avec dix mille AUemans , la jufte crainte d'allarmer toutes les PuilTances fur fon ambiti- DU Siècle. I L Fart. 13 ambition , & de mettre en péril les Etats d'Italie , en confondant fes droits fur eux avec fes prétentions à la Mo- narchie entière. Le Comte de Martinitz débuta par heurter de front le Cardinal fa-- vori : il exigea d'une Cour qui faïc du cérémoniel le point de fa politi- que le plus important , des diftindlions dont il n'y avoit point d'exemple fur l'é- tiquette. A peine étoit il forti avec avan- tage d'une chicane , qu'il en entamoit une autre. Des tracafleries il palfa aux attentats. Il ofa difputer au Sueceffeur de Pierre , fépée de Paul , & deman- der aux Romains qu'ils diftinguafient, ce qui eft dû à Céfar d'avec ce qui efi: dû au Vicaire de Chrift. Il cita les Barons Romains à comparoitre devante les Commiffaires de l'Empereur : >! les fomma de lui rendre hommage com^ me à leur Souverain : le Placard qu'il fie afficher aux portes de fon Palais , traitoit de rebelles, & menaçoit de con« fifcation ceux qui n'obéiroient pas à la fommation. Le Prince Chîgi fut a- journé dans toutes les formes à ve- nir recevoir l'inveftiture des Fiefs dont it ctûit poiTefi^ur. Enfin le Comte prê- te n- î4 Histoire Polit I Q.XÎE tendoit haute Juftice dans Rome fur des Romains : il ne vouloit point re^ connoitre d'autre Souverain de cette Capitale , que TEmpereur fon Maître : il ne vouloit voir dans le Pape qu'un Ecclefiaftique Ufurpateur i & il lui an- nonça que le tems étoic venu de qui- ter le Sceptre , pour reprendre le Bâ- ton Paftoral de fes premiers Préde* eefleurs. C^cls motifs afifigMer à ce fubît Aca- tholicifme ? Leopold le Prince le plus flegmatique, le Politique le plus pa- tient, fe feroit il laiiTé emporter au ref- fentiment, au dépit ? Mais loin de Fo- fenfer , ou de le braver , le Pape le coni- bloit de fes déférences , le prévenoit de fes faveurs. Des fubfides extraor- dinaires avoient été tirés des Coffres Apoftoliques pour la Guerre contre le Turc : les Brefs les plus précis avoient été expédiés pour la Pologne : Le Nonce à Vienne, ne fe plaignoit que du Comte de Martinitz ^ & le Souve- rain Pontife , daignoit entrer en ac- commodement avec l'AmbafTadeur , il lui demandoit à capituler fur fes ex- horbitantes prétenfions. Le Subiide extraordinaire , & h confir- i^u s IB CLi. IL Part i<: confirmation de TEledion d'Augufte 11 ne valurent qu'une trêve aux feuda-. taires d'kalie : le Comte de Marti- nitz y malgré les murmures des Efpa- gnols , malgré l'offre que Louis XIV faifoit au Pape de fon fecours , alloît fraper de nouveaux coups pour le ré- tabliflement de la Jurifdidion Impé- riale y fi la mort du Prince Eledoral de Bavière, n'avoit pas obligé le Con- feil de Vienne à fe former un nou- veau plan. §. I r. U E u R 0 P E avoit vu avec le der- nier étonnement le foible Charles II, fixer tout à coup Tes irréfolutions , & prendre comme de lui même le parti auquel fes Miniftres les plus accrédi- tés n'avoient pu le déterminer ,- il a- voit fait fon Teftament. Plus accef- fible aux avis des Théologiens qu'à ceux des Politiques , il avoit inftitué le Prince Eledoral de Bavière , petit fils de la Sœur puinée de la Reine Mère du Dauphin, fon Héritier uni- verfe). Leopold dût être peu allar- mé de cette difpofition , qui n'étoit avouée i6 Histoire PoLiTiauE avouée que d'une partie du Confelt d'Efpagne, Sa jaloufie fur la Maifoii de Bourbon , le faifbit y voir avec plaifir les Princes François déboutés^ de leurs prétenfions par le Teftateur ; & fes efperances par raport aux E- tats d'Italie , le confoloient de la pré- férence que le Prince Electoral avoi^ eue fur rArchiduc. Qiielques Hiftoriens ont eu la té- mérité de donner pour la caufe de fon aparente indiferencc, un preifenti^ ment de la mort prochaine du Prince Bavarois; les Princes ne peuvent ils donc mourir de mort naturelle ? Il eft vrai que TEledeur acufa de fon malheur , l'Etoile de la Maifon d'Au- triche, toujours funeftc à ceux qui faifoient obftacle à la Grandeur Au- trichienne. Mais c'étoit un Père afligé, qui , dans les premiers mouvemens de fa douleur , fe feroit volontiers pm de fa perte à tous les Pères plus heu- roiix que lui. Leopold ne pou voit preC- fentir la mort du jeune Prince , fans envifager un petit Fils de France pouc unique compétiteur de PArchiduc ; & cette perfpedive ne comportoit point: fes prétendons en Italie, Ses inftruc^ tions^ TiV Site LE. IKl'iirf., ' 17 tiens auComtede Martinitz, TofFroient alors au Roi Guillaume fous des traits capables' de rallarmeir , plus fur fam- bition de la Maifon^ d'Autriche, vque fur celle de la Maifon de Bourbon : elles auroieht été! le comble de Tim- prudence. * '^''^ ' On attribua lafubîte refolutîon du Roi Charles, au. dépit, que lui caufa^ le Traité de pâtege , fur lequel il n'a- voit point été canfulté v & ce fut-là effedivement le reflbrt qu'on fit agir pour' la luit infpirer.. Mais il ne fut qu'un relTort entre les mains de la Reine, qu'un hitcrèt particulier, & les dégoûts que lui donnoit l'Ambaf- ftdeur Autrichien , avoient détachée du parti de l'Archiduc. Cette Prin- €eife.étoit auflî abfolument gouvernée par la Comtefle de Berlips , que la Rei- ne Marie de Medicis l'avoit été en France par la Maréchale d'Ancre. Les Grands d'Efpagne, auflî ridiculement fuperftitieux 5 que l'avoit été le Parle- ment de Paris , attribuoient à la Ma- gie, l'afcendant que cette habile Al- lemande s'étoit aquis fur fa Maitreffe i & ils opinoient à la traduire au re- doutable Tribunal de l'Inquifition , pour 1 8 H I s T O I ïl E F O L I T IQV E pour lui faire rendre compte des for- tiléges 5 auxquels ils la croyoient re- devable de fon crédit.. Cétoit par fes égards pour cette Dame , que le vieux Comte de Harrach s'.étoit fait voie aux bonnes grâces & à là. confiance de la Reine. Il Tavoit mife dans les intérêts de FArchiduc , en lui faifant obtenir de TEmpereur , le brevet des Comtes d'Empire, pour elle & fa pofterité. Il étoitfî bien perfuadé, que fon Maître ne pouvoit compter fur les offices de la Reine , qu'autant qu'il feroit afluré de ceux de la Dame de Berlips, qu'au rifque de déplaire à fa Nation , il n'ofa defaprôuver la conduite infenfée de la Favorite , & de fes créatures , que leur avidité infatiable , & leur arrogance fai- foient detefter de la Cour & du peu- ple. Le fruit de fa complaifance fut d'en porter à Vienne , de la part de leurs Majeftés Catholiques , les affu* rances les plus pofîtives , que le Tefta- ment feroit en faveur de l'Archiduc, Mais en donnant fon perfonnage à Madrid , au Comte fon Fils , il lui en laiiTa ignorer le fecret ; & ce jeune Mi- niftre fe conduisît fuivant les aparences, dont on ne lui avoit point dit de fe dé- fier* COMMS DU Siècle. Il fart. 19 C o M M E il vit la Reine aifeder une grande indiférence fur la nomina- tion du Légataire , il fe la figura chan- gée à l'égard de rArchiduc. Dans l'o- pinion que les Créatures de cette Prin- cefle, étoient contraires aux fuccès de fa négociation , il crut bien faire de travailler à recouvrer à leurs dépens, l'eftime & l'amour de la Nation , que leur avidité avoit indifpofée contre un SuccelTeur Allemand^ & il fut des plus hardis à blâmer la Comtefle favorite , & ceux dont elle fervoit les paflîons de fon crédit. Le Marquis de Harcourt, fut attentif à profiter du reflentlment de cette Dame. Après Tavoir fait inf- truire de tous les mauvais offices que le Comte de Harraeh lui rendoit , il lui fit ojffrir de la part du Roi fon Maî- tre 5 la fortune la plus brillante , pour recompenfe de fon zélé , û elle voulott cmbraifer les intérêts d'un petit Fils de France. Une Principauté dans les Pays bas étoit capable de féduire cette femme ambitieufe. Elle s'y rendit , & entama auflî-tot la converfîon de la Reine. Elle ne tarda pas à dégoûter cette Princeffe de fervir la Cour de Vienne , en lui repréfentant les Minif» très 20 Histoire PoLiTiQLUE très Impériaux comme des Cenfeurs fâcheux , qu'elle éprouveroît fans au- cuns égards , dès qu'elle auroit mis rArchiduc dans la dépendance de fes offices. Le paffage auroit été trop ra- pide , d'un Archiduc à un petit fils de France : l'adroite Comtefle crut le de- voir ménager, en fe fervant du nom du Prince de Bavière , comme d'un degré. Déjà elle avoit amené la Rei- ne à croire qu'il lui étoit avantageux de fervir ce jeune Prince 5 lorfque la nouvelle du Traité de partage vint faire éclore fon intrigue avant fa maturité. L A Reine , décidée de bonne foi pour le Prince Eledoral de Bavière 5 avec lequel on croit que la Comteffe lui faifoit efperer un fécond MariagCj après la mort de Charles , n'eut pas plutôt la communication du Traité de partage , qu'elle conçut le deffein de mettre à profit le reffentiment qu'il ne pouvoit manquer d'infpirer au Roi^ Le ConfefTeur & les principaux Ecléfia- ftiques qui aprochoient de faMajefté,. furent confukés. Le Cardinal Porta- Carrero , que fon rang & fes richef. /es mettoient au defFus des moiens or- dinaires de feduâion, aprouvât tout Tefta- DU Siècle. //. VarL 21 Teftament qui fauveroit la Monarchie de fou démembrement , fans expofer la Nation à la Guerre ; & le Prince de Bavière lui paroifToit l'Héritier que l'Eu- rope verroit apeller avec moins de ré- pugnance. Les Jurifconfultes & les Théologiens , prévenus par fon Emi* iience , firent ce que la Reine leur laif- foit à foire. Ils diiïîpérent les fcrupu- les du Monarque, pendant qu'elle corn- battoit fon aiFedion pour un Prince de fa Maifon. Le Teftament fut pré- fenté à l'Aflemblée de Las - Cortes , jointe au Confeil d'Etat extïaordinai- rement convoqué ; & il fut figné a- vaut qu'aucun Ambaffadeur , avant qu'aucun Grand , & peut être la Com- telTe Berlips elle même , fiiifent quel étoit le Légataire que le Roi s'y don- j: noit. L A Cour de Vienne laiiTa la Cour de Verfailles , faire les premières pre- teftations contre le choix de l'Héritier. Avant que de prendre une refolution fur cet événement imprévu, il lui faU loit regagner la Reine, & aprendre com- ment il étoit requ des autres Puiifan- ces. Le jeune Prince mourut dans Fin- tervale. §. IIL S2 Histoire Politiqlue §• 1 1 L La Reine n'avoit pu fe conduire avec tant de fecret, que les tems du parti Autrichien ne foupçonnaffent fa défedion. Comme ils s'en prenoient à la ComtefTe favorite , qui ne fe foucioit pas de cacher fes liaifons avec l'Ambaf- fadeur de France , ils rompirent abfo- lument toute intelligence avec elle. Ce fut une faute que les principaux d'en- tr'eux paiérent. La ComtefTe perfuadée qu'elle avoit perdu fans retour la bien- veillance de Sa Majefté Impériale, for- tifia la Reine de fon éloignement pour la Cour de Vienne i & loin de la por- ter à décider le Roi pour un feconi choix 5 ainfî qu'il lui eut été facile , en le lui faifant envifager comme l'unique moien de prévenir un nouveau Traité de partage , elle s'atacha à faire tom- ber Paverfion que cette Princeifc avoit pour le jeune Comte de Harrach , fur les Seigneurs qui écoient avec lui à la tète du parti de l'Archiduc. L' Ami- rauté de Caftille & le Comte d'Oro- pefa , ne tardèrent pas à éprouver l'ef- fet de fon crédit. Le premier aïant pouf- fé "^ [ ® u s I E c L E. Il Fart. 23 fe jufqu'à la réprimande, les renion- trauces qu'il fe hazarda de faire à la Reine f, il entendît fa Majefté lui re- procher fon ingratitude envers elle & la ComtefTe ; & pour rentrer en grâ- ce, il lui fallut recourir à la Favorite «lie même , qui voul\it bien fe donner le triomphe d'intercéder en fa faveur. Le Comte d'Oropefa étonné de fe voir l'objet de la haine du peuple de Ma* drid , & de ne pas trouver dans la Reine, une Protedric^ auffi ardente qu'il avoit droit de l'attendre , prévint par fa retraite de la Cour, la honte de fa difgracc. Il fe reduifit à être fim- pie fpeddteur de la ruine d'un parti , qui fans Chef, & fans plan fixe , étoit dans la dépendance de deux femmes , dont on ne connoiiToit bien ni les paf- fions , ni les intérêts. L E parti de France étoit bien au- trement compofé. Les Comtes de Mon- tcrey & de San Scévan , qui étoient le Confeil du Marquis de Harcourt , ne propofoient rien d'avantageux qui ne fut accepté avec reconnoiifance , exécuté avec empreflement. Tandis que par des Emiflaires parmi le peu- ple 5 on àugmentoit fa haine pour la Dame 24 Histoire P o l i t i clu e Dame de Berlips & les Allemans: d^ i a Cour ; on efFraïoit la Nation de U Guerre qu'elle auroit à fouténir con- tre le Roi Très Chrétien , fî le nou^ veau Teftamenc ii'étoit pas en.faveui^ dVn petit; filsçle France;.;. Les fi:on^ tiéres étoient couvertes de troupes FranqoifeSj, les sports étpient pleins de Vaifleaux François. On faifoit valoir auprès des Jurilconfùltes & des Théo-* logiens , gens ennemis des rétracta- tions, la parité, entre la renonciation de rinfante Reine de Fraj.ice , & cellp de l'Infante Impératrice , , entre les droits des Fils du Dauphin ,& ceux du Prince Eledoral de Bavière. Le Cardinal PortOv-Carrero , definterefle , mais timide , reconnoiflbit le danger de choifîr l'Archiduc pour Héritiers & il croioit ne pouvoir plus accorder à fes engagemens avec l'Emperçur , que d'entretenir le Roi dans l'indeci- lion. Jaloux de primer par fa faveur , comme par fon rang, il cherchoit à éloigner ceux qui le lui difputoient dans Tefprit du Monarque , fans égard au parti qu'ils tenoient s & l'Amiran- te, demeure par la retraite du Comte d'Oropefa , le Chef du parti de l'Archi- duc , DU Siècle. I LPart. 2Ç duc n'étolt pour lui qu'un rival. Aidé du parti de France , dans le defleiii de fe délivrer de la concurrence de ce Seigneur, il intrigua dans le Con- feil, pour imputer à Tabus qu'il avoit fait de la faveur de la Reine, la hai- ne des peuples contre cette Princefle , & leurs murmures contre le Gouver- nement. Les circonftances étoient fa- vorables à raccufatioUo Le peuple de Madrid , prefle de la difette , s'étoit foulevé ,• & la Cour abfolument fans expérience fur pareilles Crifes avoit ap- paifé les mutins , qu'il lui auroit con-» venu de châtier. Cette populace en- hardie par la douceur des Miniftres» avoit ofé défigner ceux dont elle croioit avoir lieu de fe plaindre , & fe met- tre en état de s'en faire elle même juftice. Ce n^avoit pas été fans peinte qu'on avoit dérobé le Comte d'Oro- pefa à fa fureur. Le Roi , qui n'avoifc pas affés d'expérience pour aprécier au jufte, une mutinerie , s'étoic félicité de la retraite volontaire du Comte , dont il n'auroit pas eu la hardielfe de re- fufer le facrifice aux mutins ,• & pour éteindre toute fon affedion pour FAmî- rante , il fufifoit de Je lui faire repré- B fenter 26 Histoire Politique fenter partageant avec le Comte feu Ami la haine du peuple. Ce fut le moien que le Cardinal emploia- Le Succefleur du Comte d'O- ropefa, dans la préfîdencedeCaftille, étoit un jGmple Gentilhomme que le Roi avoit élevé à cette importante Charge , fur la recommandation de fon Eminence. Il fervit fon protedeur avec empreffement. Dès le premier jour de l'exercice de fon Emploi , il propofa au Confeil & y fit décider qu'on priât le Roi d'éloigner de la Cour , tous ceux qui avoient rendu le Gouvernement odieux. Dans l'A* drefle préfentée à fa Majefté, l'Ami- rante & la ComteflTe de Berlips étoient défignées nommément. La Reine n'é- toit déjà plus dans les mêmes difpofi- tions , à l'égard de ce Sdgneur , quoi que la Dame de Berlipsf ajant voulu feulement fignaler fon crédit, ne fe fut propofée d'avoir déformais avec lui que les aparences de leur ancienne in- telligence î elle avoit été obligée de donner tant d® chaleur à fes inftan- ces poHr vaincre le refTentiment de fa Majefté , que cette Princeife ne démê- lant pas que fa favorite ne la follicî- toit DU S I E c t E. Il Vctrt. 27 toit que par ollentation , avoit rendu ilnœrement fes bonnes grâces à l'A- mirante. Celui-ci avoit profité des pre- miers entretiens dont la Reine Tavoit honnoré , pour difïîper les reftes de fon refroidiflement ,• & il y avoit fî bien réùffi , que dans la conférence qu'il eut avec elle lors de la mutine- rie, il étoît parvenu à lui faire regret- ter d'avoir abandonné les intérêts de l'Archiduc. Cette nouvelle converfion , ne fe fit point fans altérer la confiance de cette Princefle en fa favorite. L'A- mirante fe voïoit fur le point d'obte- nir l'éloignement de cette Dame , & de faire tomber fur elle , au nioïen de fa difgrace , la haine du peuple que fa faveur lui faifoit partager : lorfque l'Adrelfe , ou Remontrance du Con- feil , fut préfentée au Roi, L A Reine n'étoit point encore af- fés affermie dans les fentimens que lui avoit înfpirés l'Amirante , pour faire le facrifîce de fa favorite ,• & d'ail- leurs , les mauvais offices qu'elle avoit rendus à ce Seigneur auprès du Rai > étoient trop recens , pour qu'elle pue efperer de les détruire par des offices contraires. De pareilles variations é- B Z tant iî8 Histoire Politiciue tant capables d'affoiblir la confiance du Monarque 5 elle n'ofa mettre fon crédit à cette épreuve. Loin de com- batre la refolution oùétoitle Roi de déférer aux remontrances de fonCon- feil , éllQ convint de leur juftefle , & du bon effet que la condefcendance de fd Majefté , ne manqueroit pas de pro- duire. Seulement, aiant adroitement réveillé l'afFedion que ce bon Prince avoit longtems portée^ à T Amirauté , elle l'engagea à lui adoucir fa difgra- ce par les témoignages les plus fla- teurs de bienveillance. L'ordre de quitter Madrid dans l'efpace de deux fois vingt quatre heures , ne fut point pourfuivi en rigueur. L' Amirauté em- ploïa plufîeurs jours à voir fes amis & fes partifans : le Roi eut avec lui , dans fon Cabinet un très long entre- tien. Il lui fallut pourtant s'éloigner > mais il parut le faire , moins parce que fes jaloux l'y obligeoient , que parce qu'il ne vouloit pas exiger de & MajeRé , qu'elle revecât foii or- dre. §.IV- DU Siècle. IL Partie. 29 $. IV. Pendant que les trois partis Te clifputoient à Madrid , une fuperio- rite, qu'aucun n'ofoit encore efpérer de fe donner , la Cour de Vienne s'en tenoit à examiner les dirpofîtions des Puiflances, par raport à rArchiduc& au Prince François , fur lefquels il leur falloit fe décider. La retraite du Com- te d'Oropefa , & la difgrace de TA- mirante , la haine que la conduite de la Reine & des Allemans de fa fuite, avoit infpiré au peuple pour un Suc- ceur Allemand ,• Popinion peu avan^ tageufeque donnoient dePArchiduc & du Confeil de Vienne^ les lettres de l'Evêque de Lerida, Ambafladeur d'Ef- pagne auptès de l'Empereur : le def- fein que le Cardinal avoit infpiré au Roi 5 de confulter le Pape fur le choix de fon Héritier : la diminution apa- rente du crédit de la Reine fur Pet prit du foible Monarque : tout cela étoit bien capable de faire croire aux Miniftres Impériaux , qu'ils intrigue- roient inutilement en Efpagne en fa- veur de PArchiduc. L'Amirante lui- B 3 niêmâ 30 Histoire Fol I Ti Q.U E même étoit perfuadé que TErapereiir n'efperant rîeii de ce côté , ne peu-. Toit qu'à s'afTurer les Etats d'Italie. Le jeune Comte de Harrach , étoit fans inftrudioiis particulières : le Com- te d'Aquilar , chef du parti depuis la retraite de TAmirante , étoit aban- donné à fon zélé & à fes lumières. On eut dit que le Confeil de TEm- pereur , ne voïoîc plus dans le Tefta- ment qu'un titre dangereux. Les Mi- îiiftres Impériaux dans les Cours d'Al» lemagne & du Nord , le fupofoient déjà minuté en faveur d'un petit filg de France j & ils repréfentoient leur Maître plus ocupé des moiens de com. batre , que de ceux de fe rendre fa. vorablcs les dernières volontés du Te^ ftateur. O N ne parloit encore ni du fécond traité de partage , ni d'un nouveau Teftament,' & le Comte d'Averfperg negocioit à Londres , comme fî déjà le Duc d'Anjou avoit été déclaré Lé- gataire : comme iî l'Europe l'avoit voulu apeller au Trône d'Efpagne. Le Comte de Wallenftein agilToit en Por- tugal fur les mêmes inftrudions. L'Em- pereur faifoit demander au Roi de Sué- de, DU Siècle. 7 7. Part. 31 de , une Alliance ofFenfîve & défend* ve : il reflerroît avec les Roi^ de Po- logne, & de Dannemarck celle où ils étoient entrés avec lui. Le Comte de Berka alloit négocier expreffemenc à Venife , un Traité de même nature, .pour la reverfion du Milanès à rEm- pire après la mort de Charles IT. Le Miniftre Lnperial ceflbit de preu fer révacuation de Brifach , afin d'a- voir un motif à faire valoir en Diète pour une nouvelle guerre contre la France. Il demandoit à la Cour de Madrid le Comte de Léganès pour Ambaffadeur auprès de PEmpereur , par ce que ce Seigneur avoit été Gou- verneur du Milanès , qu'il connoiflbit les forces , & qu'il étoit chéri de U Nobleffe & du peuple de cet Etat. Toutes ces difpofîtions chez Tétran- ger , furent fuivies d'efforts inconnus jufqu^à lors , pour concilier l'affedioii des Efpagnôls à l'Archiduc; tandis qu'on affedoit dé négliger , d'indifpo- fer même le Roi. Le jeune Comte de Harrach devenu libéral & affable , s'a- tachoit à paroître populaire ; & la Reine facrifiant fon goût pour la Com- telTe de Berlips fit de la difgrace de B 4 cette 32 Histoire PoLiTiQ^uE cette Favorite , une efpece de fatls- fadioii au peuple de la Capitale. Maïs l'Ambafladeur du Roi à Vienne , ef- fiùoît toutes fortes de mortifications. Sa Majefté Catholique preffbit envain FEmpereur de Taider à aflurer fa Suc- caffion à T Archiduc : les Miniftres Im- périaux pouflbient l'indiference jufqu'à lui lailfer ignorer , fî fa difpofition fe- roit acceptée , fî fon aiFedion étoit agréable. Le jeune Comte de Har- r^xh 5 certain d'avoir amené ce Prince à la refolution de faire fon Teftament en faveur de TArchiduc , récrivit à Vienne , & demanda des inftrudions plus particulières. Le Comte fon Père, premier Miniftre de l'Empereur le laiifa fans reponfe , & n'opofa que le filence aux plaintes du Roi , qu'il lui faifoit parvenir* Le Roi rendu" à toute fon affec- tion pour fa Maifon , s'efforça de s'ex- cufer à foi même la conduite du Mi- niftere Impérial. Imputant le peu de correfpondance qu'il trouvoit dans l'Empereur , à l'Evèque de Lerida Am- haifadeur peu agréable à fa Majefté Impériale , il donna pour fucceflcur au Prélat a le Seigneur Efpagnol qu'il efti- Dtr Siècle. II. Part. 33 cftimoit le plus. Dans rinftrudion fecrete qu'il lui remit Signée & au- thentiquée de fa main , le 28. Avril 1700. il fe reduifit à demander que le jeune Archiduc paflat mcognho en Efpagne fur les Galères de Naples , qu'il pramettoit d^envoier le prendre à Gènes ; & il offrit à l'Empereur pour prix de fa complaifance un plein pou- voir dans tous fes Etats d'Italie. Le Duc dePareti' Moles expofa fa Corn- miflSon à l'Empereur , qui le renvoi» à fon Confeil. Les Miniftres s'alfem- blérent : il fe tint de fréquentes con- férences. Mais on fe borna à deman- der à l'Ambaffadeur des explications fur le paifé > à lui faire des objections fur le préfent , à lui marquer des al- larmes pour l'avenir. On exigeoit qu'il dit pourquoi Charles n'avoit pas vou- lu permettre avant le premier Traité de partage , que les troupes Impéria- les occupaffent le Milanès, On fe ré- crioit fur le petit nombre des troupes répandues dans le Roïaume pour fa défenfe , en feignant d'oublier qii'on avoit refufé au Roi quinze mille Al- lemand qu'il y croïoit necelïaires. On oppofoit au Voïage de l'Archiduc , tan- B 5 tôt 34 Histoire Politiclue tôt la delicatefle de fon tempérament , tantôt riudecence de Tincognito. On s'excufoit de faire pafler ce Prince en Efpagne. Mais on confentoit de l'en- voier dans le Milanèz , pourvu que îe Roi lui voulut donner les pouvoirs & la qualité de fon Capitaine Gou- verneur général en Italie. On refu- foit de lui fournir des troupes s & on en donnoit pour raifon , la crainte de s'at- tirer fur les bras les PuiflFances garan- tes du Traité de Partage. Enfin auffi- tot que le Traité de partage fut no- tifié, l'Empereur intrigua contre lui dans toutes les Cours, excepté dans celle d'Efpagne. Les partifans de TAr- chiduc y furent toujours abandon- nés à eux mêmes : le Comte de Har- rach fut rappelle fans qu'on lui don- nât de fuccefleur : la decifion du Pape en faveur du Duc d'Anjou fut pu- blique , & il n'en parut aucune réfuta- tion. Quelle autre conduite la Cour de Vienne pouvoit - elle tenir , fi elle avoit voulu rompre les mefures des jjartifans de l'Archiduc , & dégoûter le Roi de fe donner ce Prince pour Héritier ? Comment l'Empereur au- roic il dû agir pour convaincre la Na- tion où Siècle. îl fart 3Ç tlon Efpagnole , que fi elle pouvoit parer le démembrement de la Monar- chie , ce ne feroît qu'en recevant un Prince François pour Légataire uni- verfel. Sa Majefté Impériale avoit elle d'autres moïens & un autre Plan , pour amener les Puiflances intereflees dans l'Equilibre de la balance , à lui demander l'Archiduc pour Roi d'EC pagne, &'à prendre fiir foi de l'af- fermir fur ce Trône ? Le Traité de Partage donnoit à la France de nou- veaux pais 5 & mettoit la Maifon d'Au- triche au deffous de fon ancien pié , en privant fa féconde branche, qu'il concinuoit , des Etats dont la poflef. fion la faifoit figurer en Europe. Il ne pouvoit rien lui arriver de pis > que d'être obligée d'y accéder 3 & elle ne pouvoit manquer d'être toujours reçue à le faire. Le Teftament qui au- roit inftitué l'Archiduc Héritier uni- verfel , devoit être foutenu contre les garans du Traité de partage , contre le Roi de Portugal & les PuiiTances d'Italie. Qiiand même le Corps Ger- manique fe feroitjointà fon Chef en faveur du Légataire, il étoit abfurde d'cfperer de le maintenir. L'unique B 6 reflbur- §5 Histoire Politique reflburce de TEmpereur étoit dans rambition de Louis XIV, dans l'a- mour du Monarque pour fon petit Fils. Son Confeil eut été ai eugle de ne le pas voir , & fa conduite prouve qu'il le vit. §. V. C EST d'après cette fupofîtîon qu'il faut fuivrc la conduite de la Reine, femme de Charles. On doit mettre au nombre des fables Hiftoriques , les propofîtions de fon fécond Maria- ge avec le Dauphin , ou avec le Duc d'Anjou , qu'on prétend l'avoir en- gagée à difpofer le Roi fon Mari en faveur de ce dernier. Avant même que le fécond Traité de partage fûî; public , Louis XIV. avoit fait entre-^ voir au Duc de Savoie, le mariage de fon autre fille avec ce jeune Prin- ce , s'il vouloit apuier les prétentions que le Dauphin lui tranfmettoit, La Reine d'Efpagne ne l'ignoroit pas i & elle avoit une ambition trop éclairée , pour facrifier les intérêts de fon Ne- veu , à l'honneur d'époufer un Dau- phin , déjà Père de trois Fils. Son DU Siècle. //. ParL î7 Son racommodement avec P Ami- rauté fut le moment de fon retour au parti de T Archiduc. Le Confeil Impérial n'ayant point encore digéré fon nouveau plan , elle crut devoir agir fur Fancien , dans lequel étant eftimée à la tête du parti , il étoit de la dernière importance qu'elle parût lui donner une entière fupériorité. Comme on lui imputoît la mutinerie dont la retraite du Comte d'Oropefa,. & réloignement de PAmirante furent les fuites ; ou ne vie point ces deux: Seigneurs difgraciés , fans croire fon crédit auprès du Roi confîderablement diminué. Le Cardinal Porto - Carrero qui avoit obtenu la Prcfidence de Ca- ftille, pour un de fes amis, aimoità faire entendre , que la retraite du Comte & de PAmirante, étoit fon ou- vrage. On le regardoit déjà comme le rival de la Reine dans la faveur du Roi. Pour défabufer le peuple Cour- tifan , & ranimer ceux du parti qui s'en lailloient impofer par les appa- rences : la Reine frappa confécutive- ment deux coups du plus grand éclat. Après avoir obtenu la Charge de Grand Inquiiiteur ^ & PArchevêché de Va^ 3S Histoire Politiclue Valence pour deux de fes Créatures : elle fit intimer de la part du Roi ror* dre de fortir de Madrid dans refpace de deux fois vingt - quatre heures , & de s'en éloigner de trente lieues , au Comte de Monterey , Pâme de la Fadlion Franqoife , & Tami particulier du Cardinal. Si la Cour de Vienne a- voit fouhaité le Teftament en faveur de l'Archiduc , elle étoit alors au mo- ment de Pobtenir. Avant que rintelli- gence eut été parfaitement renouée entre TEmpereur & la Reine, cette Princefle êtoit déjà parvenue à déter- miner le Roi. ^Ne pénétrant point que la Cour de Vienne dut changer , elle comptoit fe faire un mérite de pré- venir fes inftances. Le Miniftere Im- périal n'en ufa pas envers elle comme avec le Comte de Harrach. Tandis qu'il laiflbit l'AmbafTadeur fans inC trudions : il communiqua à fa Majefté la réfolution que l'Empereur avoic prife de regagner à l'Archiduc feftime & l'amour de la Nation, & de s'en tenir pour le refte à ne pas laiiTer s'anéantir entièrement fon parti. Il la pria de faire à ce nouvel intérêt , le facrifice de fon inclination pour la Dame DU Siècle. IL Part. 35 Dame de Berlips , de folliciter le rap- pel de TEvêq-ue de Lerida , trop bon Efpagnol pour devoir être laifle plus longtems à portée d'examiner une Cour qui vouloit jouer la Nation s & de lui faire donner pour Succefleur le Comte de Leganès dont on attendoit plus de complaifance. Ce furent - là tous les offices que le Confeil de Vienne de- manda à la Reine -, & cette Princefle ybornafon affedion. Malgré les rai- fons qu'elle avoit de faire obftacle au Cardinal Porto Carrero , elle vit tran- quilement ce Prélat, livré à fes crain- tes , & aux confeils des partifans de la France , donner au Roi , la Cour de Rome pour arbitre , & faire va- loir la decilîon d'un Pape ennemi de la Maifon Impériale. Elle le laiflli ob- féder le Roi pendant fa maladie, com- battre fans obftacle raifedlîon du Mo- narque pour un Prince Autrichien , & lui dider enfin un Teftament où elle devoit prévoir qu'elle feroitpeu £ivorifée. Le Roi meurt. La Junte de Ré- gence doit écrire à Louis XIV. & lui annoncer le Teftament. Le Duc de Montalte , un des Seigneurs Regens , refufc 40 Histoire Politiqiu^e refufe de figner la lettre : il s'en cx- cufe fur ce que le Confeil Suprême d' Ar- ragon , dont il étoit Préfident n'avoit pas encore aprouvé la difpoiîtion du Teftateur : & Ton excufe e(t reçue. La Reine fîgne fans dificulté. Le Cardi- nal Porto- Carrero craint de fe corn- niettre , en autorifant de fon nom une féconde lettre y & pour s'en difpen- fer il feint une indifpoficion, La Rei- ne n'a point de ces fcrupules. Elle fe met en tête de ceux qui invitent le jeune Légataire à croire , que la Cour & le peuple font à lui : Elle rinvite à prelfer fon départ pour l'Ef- pagne. Ses inftances font fi bien di- ftinguées de celles des Seigneurs Re- gens, que Louis XIV croit lui en de- voir un remerciment particulier. Le Confeil de France balance fur Taccep- tation du Teftament: fon filencc fait: douter qu'il n'en voie le péril & qu'il n'en foit eifrayé. La Reine s'unit aux partifai^s de l'Archiduc, & elle opine avec eux dans la Junte à faire de nou- velles inftances dans un^froifieme let- tre qu'elle fîgne comme les deux au- tres. Cependant c'eft dans ce même tems DU Siècle. 7 7. Part. 41 tems qu'elle ranime la fadlioii Autri- chienne 5, & que le Cardinal écrit à la Cour de France quelle trame un fou^ levement. Louis XIV trouve Taccu» fation fondée : il ne croit point le Légataire en fureté fî la Douairière refte en Efpagne ; & pour fon pre- mier ade en fa qualité de Légataire, il le fait manquer de refped pour la volonté , d'égards pour la Veuve du . Teftateur. S'il ne fe trouve aucun fujet de mécontentement pour fon- der le changement de cette Princefle, à l'égard du Duc d'Anjou , doutera- t-on de fa duplicité? Peut -on s'em- pêcher de lui attribuer un perfonna- ge concerté avec la Cour Impériale ? C H A- 42 Histoire PoLiTia^E CHAPITRE IL Etat de l'Europe après la Paix d Utrecht ^ de Baden. LA mort de l'Empereur J 0 s £ P H avoit mis l'Europe dans la po- fiiion que le Roi Guillaume voulut prévenir par les Traités de Partage. La Maifon d'Autriche n'ayant plus qu'un Prince , ne pouvoit être écou- tée fur fes prctenfions à la Monar- chie d'Efpagne entière , fans que la balance fut renverfée ^ & quoi que la Maifon de Bourbon fut affés nom- breufe pour ne point laiiTer aprehen- der l'union des deux Couronnes fur une feule Tête : Elle devenoit trop puiifante par l'intelligence de fes Prin- ces fur les deux Trônes , pour qu'on plaçât fur celui qui étoit en litige;, un des Fils du Dauphin , à moins que d'en détacher de quoi charger le contrepoids. Ainfi le Teftament qui donnoit toute la Succeffion à un Prince François ; & le Traité de la Grande Alliau. DU SîECLE. //. Farû. 43 Aliiaiice qui la promettoic entière à un Prince Autrichien , étoient égale- ment contraires à la liberté générale. Mais la prévention & Tanimofité a- voient fait de ce grand procès une affaire de parti. La hauteur avec la- quelle Louis XIV. s'étoit déclaré pour le Légataire , avoit irrité les Souve- rains : les dépenfes & les fuccès de la guerre avoient animé les peuples. Chez les uns comme chez les autres , le defîr d'acabler la France , s'étoic fortifié par Tefperance d'y réufîîr y c'étoit une paflion au deflus de la- quelle rinterêt commun ne pouvoit plus fe faire entendre. Louis XIV abandonnoît le def- fein de maintenir le Prince fon pe- tit Fils fur le Trône d'Efpagne : il faifoit enfin céder au bien de fes peuples l'intérêt de fa Famille , & ce que fes flateurs appelloient/a gloire: il confentoit de recevoir la Paix à des conditions qui lui enlevoient le fruit de trente années de guerres & de Vidoires : & on daignoit à pei- ne répondre à fes offres. Le Roi Guil- laume ne s'étoit propofé dans le Traité de la grande Alliance que de faire 44 Histoire Politiq^ue régner l'Archiduc en Efpagne ; il au- roit crû triompher pleinement de Louis XIV. en le reduifant à deman- der l'exécution du dernier Traité de Partage 5 & les Alliés qui voyoient le Monarque , non feulement renoncer à accroître fes Etats de quelque dé- membrement de la Succeflîon , mais encore facrifier à la Paix la frontière qu'il leur avoit faite avec tant de peine & de dépenfes , n'étoient pas îatisfaits. Ils vouloient anéantir le Royaume de France , & en éteindre jufqu'au Nom par un partage, dont la feule idée auroit du liguer en fa- veur des François toutes les Puifl&n- CCS intereflees à l'Equilibre général. Cet efprit de parti , qui avoit gagné la pluspart des hommes d'Etat, au- roit prévalu , fi la mort de l'Empe- reur Jofeph n'étoit venue donner à une Fadion particulière, des prétex- textes & des raifons pour fe dérober au plan de fon antagonifte. L'A NGLETERRE avoit à fa dit pofition le fort de la France , & ce- lui de l'Europe entière. Jamais le Roi Guillaume n'auroit pu rendre cette Puiifance plus abfolument maitrefle de la DU Siècle. IL Tart. 45^ îa balance , que Tavoit fait le Mi- niftere Wigh , qui avoit gouverné de- puis la mort de ce Prince fous le nom de la Reine. Comme la Nation por- toit le plus grand poids de la Guerre , elle en dirigeoit les opérations , elle en pouvoic marquer la fin. Cétoient fes Généraux , fes troupes & fes Fi- nances qui difputoient TEfpagne au Duc d'Anjou, qui avoîent fauve T Al- lemagne, recouvré les Pais -bas, & conquis Pltalie. Elle payoife plus de Soldats que tous les Alliés enfemble. La France , fur le point d'être ac- cablée, n'avoit befoin , pour fe retrou- ver en état de faire la loi à fes en- nemis , que de voir l'Angleterre fe détacher, de la Ligue. N'y eût-il que de l'émulation en- tre deux partis qui fe difputent le ma- niment des affaires 3 c'en eft affés pour qu'ils fe contrarient en tout. Les To- ris étant venus à bout de luplanter les Wighs dans le Miniftère : ce fu- rent d'autres vues & une autre con- duite. La Cour de Verfailies efpera de ce déplacement une révolution eu fa faveur ; & les Agens à Londres, la lui ménagèrent avec autant d'habi- leté 40 H I s T 0 I R E P O L 1 T I CLU E îeté que de luccès. Bientôt la Reine qui voyoit un Frère dans le Préten- dant , le crut redevable à Louis XIV , de la protedion qu'il donnoit à ee Prince malheureux. On allarma fa con- fcience fur la durée d'une guerre , qui ne fe foutenoit plus que par o- piniatreté , & dont rinterêt général de l'Europe demandoit la fin. Son goût pour la Paix fut réveillé par Ta- pas des avantages qu'elle pouvoit af- furer à fes peuples, fi elle fe rendoit iTiaitrefle de la Négociation. Déjà elle étoit déterminée à rompre la Gran- de Alliance , lorfque l'Empereur Jo- feph mourut. Mais quel que fut le refpecft de la Nation pour fa perfonne, la haine étoit fi forte contre la Fran- ce , & les engagemens pris avec TAr- chiduc étoient fi précis , que les Mi- niftres auroiem peut être compromis defavantageufement fcs droits & fon autorité , fi cette mort qui changeoit l'état du Prince Autrichien , ne leur a voit fourni de meilleurs motifs à préfenter aux indiférens , dont le nom-^ bre eft toujours grand dans une Na- tion libre. !Le danger de donner à l'Europe un fécond Charles-quint>étoic. réel : DU Siècle. IL fart. 47 réel : les Wighs eux mêmes en fu- rent frappés , & le Mîniftère Tori , en entrant en négociation, ne fut plus attaqué que fur fes motifs & fon but fecrets, fur le choix de fes moiens, fur la modicité de fes prétendons , qu'on^raportoit à fa complaifance pour le protecteur du Prétendant. O N n'étoit pas auflî traitable fur le préjugé chez les auttes contradans de la Grande Alliance. A Vienne , à Turin , à Lisbonne , les peuples étoieni tellemeat livrés au reifentiment & aux efperances de leurs Maîtres , qu'après dix ans de la guerre la plus fanglante & la plus difpendieufe s la Paix leur fembloit un malheur. Les HoUan- dois fortîs de leur caradere & de leurs principes , tenoient pour le ri- val du Duc d'Anjou avec une opiniâ- treté , dont on ne trouve la raifon que dans leurs vues de conquête fur les dix Provinces. L' Allemagne elle même , qui n'a de furetés pour la liberté que dans la médiocrité de la puiflance de fes Empereurs , s'obftinoit à reclamer tou- te la Monarchie Efpagnole pour le Suc- ceiTeur de Jofeph, C'étoit un cri una- nime 48 Histoire Politique nime des Alliés , contre les difpofîtions pacifiques du Miniftère Anglois. Cer- tain de les forcer tôt ou tard à fout crire à fa négociation , ce dernier s'a- pliqna uniquement à la faire goûter à la Nation j & il traita hautement de la Paix , dès qu'il vie à Londres les clameurs & les plaintes fe réduire à des difputes fur les conditions* Les Alliés cédèrent à la néceflîté. Mais ils firent mal ce qu'ils faifoient avec répugnance. Aplaudiflant fen fecret à l'opiniâtreté de l'Empereur & de l'Empire , qu'ils n'ofoient imiter , ils parurent moins faire la Paix qu'in^ terrompre une guerre qu'ils n'auroient pu foutenir ; & ils négligèrent dans leurs Traités , cette précifion qui en fait la folidité. Plufieurs articles fu- rent ftipulés fans l'aveu des princi- paux intereffés : d'autres ne donnèrent que des efperances fur des conditions qui étoient demandées comme effen- tiélles : la pluspart , au lieu de ter- miner le différent ouvroient carrriere à de nouvelles difcuffions. Le Traité de l'Angleterre étoit le feul qui énon- çât une Paix fïire & [durable. Les conférences de Raftad & de Baden le- vèrent DU Siècle. IL Fart 4> verent quelques difficultés par Pac- ceilîon de TEmpereur à la pacification d'Utrecht ; & elles en formèrent d'au- tres , par fon refiis d'y î"econncicre Philippe V. pour Roi d'Efpagne. §. I. L'Angleterre garantiflbit dans le Traité d'Utrecht, la Sicile au Duc de Savoie , & le droit de reverfion fur ce Roiaume à Philipe V. L'Em- pereur refiafoit conftamment fon aveu à la ceffion , & ne vouloit point re- connoitre les droits de retour que Phi- lipe V. s'y refervoit. Philipe cédoit les Pais - bas , fous condition que la Princeffe des Urfins y auroit une Prin- cipauté, L'Angleterre garantiflbit l'exé* cution de cet article : la Hollande ne promettoit que de la tolérer , & l'Em- pereur ne vouloir pas qu'il en fut par- lé. On avoit garanti à Utrecht au Duc de Savoie les Ceflîons dont l'Em- pereur Leopold avoit acheté l'acceC lion de ce Prince à la Grande Alli- ance ; & Charles foutenoit les excep.- tions que Jofeph avoit faites à la do^ nation de Leopold. Les ContraAans C d'U- fO HISTOIRE POLITIQ_UE d'Utrecht avoient ftipulé le rétablifTe- menc de TEledeur de Bavière pure- ment & fîmplement , & celui de TE- lecleur de Cologne \ fous condition que trois mois après fon rétabliflement, les fortifications de Bonn feroient dé- molies. A Raftad & à Baden on laifla voir le projet d'un échange des Etats de Bavière avec les Pais- bas, contre les termes formels de la celîîon des dix Provinces à l'Empereur ; & TE- leéleur de Cologne, loin d'y être me- nacé de la démolition de Bonn , re- eut promelfe de faire évacuer cette Ville par les troupes Hollandoifes , pour lui en laifler la garde en tems de paix. Le Traité d'Utrecht inter- difoit le commerce des Indes Efpa- gnôles aux trois Puiffances conimer- qantes i & chacune y favorifant la con^ trebande de fes fujets demandoit aux deux autres de tenir l'interdidion. Le Portugal obtenant dans fon Traité par- ticulier avec l'Efpagne , que la Riviè- re de la Flata feparat les établiffemens Portugais , des établiffemens Efpagnols, s'engagea à n'admettre aucun Etran- ger à commercer fur fes côtes , & les Anglois faifoieut prefque tout le com- merce DU Siècle- 72. Tart. fi merce du Brelîl. Enfin on obligea Phi- lipe V. dans dans le Taité d'Utrecht de renoncer abfolument aux Etats Ef- pagnols d'Italie ,• & on ne prononça ni à Raftad , ni à Bade , fur les droits que fon fécond marige lui donnoit aux Etats de Parme & de Tofcane, §. IL Toutes ces contradictions for- mèrent l'incertitude & les variations de la Politique des principales Cours jufqu'au Traité de Seville qui fembla fixer les droits des Princes Efpagnols fur l'Italie , & les intérêts des Puif- fances , relativement aux deux Mai- fons. Pendant ce long intervale le fif- tême parut brouillé , la balance ébran- lée. L'inadlion à laquelle les embaras d^une minorité reduifoit la France » entretint l'indolence des différentes Cours 5 en leur infpirant de la fecu* rite. Après avoir plâtré ées accomo- demens fur les points litigieux de la pacification d'Utrecht , les Miniflres né- gocièrent , pour ne pas être oifîfs ; & ils le firent avec d'autant plus d'apa- jcil & de fafte , que l'objet de leurs C a né^Qs*^ $2 Histoire Poli TiCLUE négociations étoit à peine réel. Le goùc pour la Paix étoit général ; & les Cours les moins redoutables a£- fedoient de fe montrer inflexibles , par ce que le pis qui- leur pouvoic arriver étoit de fe relâcher fur leurs précenfions , & de mettre fin à leurs chicanes. Etonnée de la fecoufle que fa balance avoit reçue , l'Europe ii'ofoit aprofondir l'état de fon Equi- libre. La Maifon de Bourbon dou- toit que la poiTeffion de PEfpagne ac- crût fes forces ,• & fes antagoniftes craignoient de lui trouver de la fupé- riorité. Semblables à deux Généraux d'égale réputation, qui évitent de fe commettre enfemble par une adlion décifîve : les deux partis fouhaitoient également d'éloigner une crifs où il leur fallût déploier toutes leurs for- ces ; & ils fembloient d'intelligence pour s'en épargner l'épreuve. Le principal changement que la Paix dX^trecht faifoit en Europe , étoit ce- lui dont les hommes d'Etats paroif- foient moins frappés. On ne s'aper- Çût point qu'ils préviifent l'influence qu'auroit déformais fur les affaires gé- aéraUs, h création de deux Rois, & DU Siècle. 77. Part ^ g . & d'un Eledleur , dont Tambition de- volt être irritée par la néceflité d'à- quérir pour foutenir leur nouveau rang, des forces & des richefles que 1 e Traité qui leur aflura le titre & les honneurs n'avoit pu leur donner* Le Roi de Prufle, le Roi de Sicile & FEledeur de Hannovre, ctoient un voifinage bien dangereux pour les an- ciens Voifins de rEledeur de Bran-, debourg , des Ducs de Brunfwick & de Savoie. Celui-ci maître des Valées , libre de fortifier fes frontières à fa volonté , & -avec des prétenfîons fur Milan, Monaco ^ Final & Savone : les deux autres déjà ligués pour en- lever à la Suéde fes Provinces dans l'Empire, tous trois fécondés par la fituation de leurs Etats , & par leurs relations avec les grandes Puiflances ^ menaçoîent de caufer un plus grand, déplacement dans la balance , que les acquifitions de PEmpereKir , de l'An- gleterre & de la Maifon d'Autriche* C 3 CHA^ f4 Histoire Pôlitkiue CHAPITRE IIL fTnf/e (2Îr Quadruple Alliance en 1717. & 1718. CE n'avoît point été par le choix de la Reine que les Wighs a-' voient gouverné fî longtems. Cette Princefle naturellement douce , les aiant trouvés à la tête des affaires , lors de fon avènement * au Trône , les y avoîc laifles pour ne pas faire des niécontens ; & trop foible pour fe dérober à Tafcendant que la Du- chefle de Marlborough avoit fur fon efprit , elle n'avoît ofé fe déclarer pour le parti qu'elle affedionnoit. Depuis la mort du Duc de Gloceftre fon fils , cette Princefle avoît trouvé du plai- lîr à fe croire un Frère , & autant par tendreffe pour le Roi fon Père, que par dépit contre Guillaume , elle avoit faifî roccafion de la mort du jeune Prince pour lier correfpondan- ce avec la Cour de St. Germain. Il étoit dans fon caradère d'être plus touchée DU Siècle. / /. Part. ff touchée des fentimens de la nature que de ceux de l'ambition. Elle s'étoit déjà accoutumée à aimer le Préten- dant en Sœur, lorfqu'elle fut apellée au Trône par la mort du Roi Guil- laume 5 & Ton a lieu de croire qu'elle y auroit volontiers renoncé en fa fa- veur , fi elle avoit vu jour à l'y pla- cer. Elle confentit à jouir du bénéfice de la loi, afin de fe mettre en état de l'abroger : Elle monta fur le Trô- ne avec le deffein & l'efperance d'en, écarter le Succefleur que la Nation lui défignoit. La Ducheffe put bien, contraindre cette inclination. Mais elle travailla inutilement à l'étouffer* Le portrait & les lettres du Préten- dant la nôiu^rifloient ,• & la Reine obli- gée de le profcrîre nàutcn:?!^^ ^^ Ylt: re infortuné , compenfoit dans le par- ticulier , par des ejffufîons de tendreffe fraternelle , la rigoureufe politique qu'elle fuivoit à regret. Les intrigues du Chevalier Harley & de Mile. Masham , n'eurent point d'autre^ apui que ce penchant fecret. Celle-ci parvenue à en avoir la con- fidence , fe rendit néceffaire à la Rci- ne , qui n'étoit en liberté qu'avec elle ; C 4 & ^6 Histoire Politique & en s'aidant du Chevalier pour ra- nimer Tes efperances , & pour diflî- per fes craintes , elle Teut refolue à rompre avec les Wighs , aufîîtôt qu'el- le lui eut fait: croire qu'elle le pouvoit fans danger. Déjà la Duchefle encre- voioit la fuperiorité des Toris avant que d'avoir éprouvé le refroidiflement de la Reine à fon égard. La fameu- f e ( t ) paire de gands , à laquelle des Hiftoriens amateurs du merveilleux , attribuent la révolution , n'auroit pro- duît tout au plus qu'un moment de dépit , fi la Duchefle avoit eu plus de fomplaifance fur un plus grand objet. Sa confiance à fronder le panchant de la Reine, fut la caufe de fa difgrace ; & la paire de gands n'en fut qu'une occafion , au défaut de laquelle toute autre auroit été également faifie. Des que la Reine fiat délivrée d'u- ne Amie qu'elle regardoit comme un Tiran ,* elle fe livra fans referve à fon inclination s & il fallut que les Toris la ( t ) V 0 L T A I R B dans fon Siècle de Louis XIV , dit que la Reine fut piquée de ce que la Duchefle avoit acheté une paire de gands, que fa Majeftc avoit mar. ehandée. DuSïECLi. 77. Tavt. ^7 la flataflent pour conferver la faveur dont ils lui étoient redevables : bien- tôt i!s furent Jacobites. Cène fut da- bord que par complaifance. Mais la paflîon fe forma de Témulation & du dépit. Ils aimèrent un projet , contre lequel leurs Antagoniftes fe déchaî- noient : Ils le crurent poflîble à force de fe Tentendre imputera & ils vou- lurent réellement ce qu'ils avoient com- pté paroître feulement vouloir. Dès- lors la néceflité & les convenances de la paix , ne furent plus que des pré- textes pour détacher la Nation de fes Alliés y & en fe refufant au deflem d'acabler Louis XIV , les Miniftres fe propoférent moins de conferver l'E- quilibre de la balance , que de lailTer recouvrer fes forces à l'unique PuiC- fance en état & en volonté de trou- bler la Succeffion Proteftante. L A Paix s'étant faite malgré les mur- mures des Wighs , & les clameurs des Grands Alliés ; & la Nation pa- roiiTant fatisfaite de la démolition de Dunkerque , de l'acquifition de Terre Neuve , de Minorque & de Gibral- tar; la Reine efpera qu'elle fe feroit pardonner fou projet après fon exé- Ç f cutooa i f8 HjisToiRE Politique cucîoti, & elle la prépara avec autant de fecret que de chaleur. Le nombre de fes partifans s'accrut des Anglicans zélés , qui ne voyoient dans un Luthé- rien qu'un Catholique mitigé : les Près- biteriens rigides , également en défian- ce de TEglife de Rome & de celle d'Augsbourg , ne trouvoient leur fu- reté que dans les fermens du Succef- feur y & ils étoient ébranlés par ceux qu'on leur faifoit au Nom du Pré- tendant. Les bons Anglois craignoient de foumettre la Nation à un Gouver- nement étranger , en lui donnant pour RoiPElecleur de Hannovre. Les Mi- îiiftres ne doutoient point que le Fils du Roi Jaques ne fut préféré par la plus nombreufe partie de la Nation, s'il abjuroit le Catholicifme ,* & Tob- Itacîe que lui faifoit fa dévotion au Pape , ne leur fembloit point infur- montable : Ils intriguoient pour lui , jnoins encore par efprit de parti , que par perfuafîon. De concert avec FAmbafladeur de France , ils le firent venir en Angleterre. La Reine le vit à Sommerfet -houfe. Le parti fè jugea de fî grandes teffources dans Tinte- rieur de l'Ile > qu'il cefla de négocier D U s I E C L E. IL l'art. f 9 des fecours étrangers , & négligea de s'aflurer ceux qui lui étoient promis. L' Empereur étoit bien éloi- gner de foupçonner les Jacobites auffi puiflluis. Se repofant du maintien de la Succeffion Proteftante fur les pré- jugés & rinterèt de la Nation , il en- vifageoit Taffedion de la Reine pour le Prétendant comme une foiblefle particulière , dont on devoit d'autant moins craindre la contagion qu'elle trouvoit plus d'indulgence ; & perfua- dé que les Miniftres la flatoienc à re- gret , il comptoit qu'ils défavoueroient leur complaifance aulîîtôt que le Suc- cefleur fe préfentevoit pour |eur en de- mander raifon. Ceft dans cette opi- nion qu'il refufa de prendre part à la Paix d'Utrecht , qu'il différa la fî- gnature du Traité de Barrière , & qu'il fe referva à Raftad , & à Baden , fes prétentions fur la Monarchie Efpa- gnole. ?> §. ï. L A Reine Anne mourut avant que fon projet fut parvenu à fa maturité ; & le Prétendant manquoit du génie Q 6 & €o Histoire PoLiTiavE & des qualités néceflaires pour per* fedioniier fes difpofidom. Cependant le parti Jacobîte donna de l'embar- ras , & plus encore d'inquiétude au Succefleur, à qui l'Empereur n'ofa de- iiiander de foutenir les efperances qu'il avoit fondées fur la mort de Louis XIV. Jufqu'au milieu de la féconde, année de fon régne , il le laifla fixer uniquement la Nation fur le Préten- dant &Tur fes fauteurs. Ce ne fut que quand la retraite de celui-là , & la diiîipatîon de ceux-ci, l'eurent af- fermi fur fon Trône , qu'il le fit pref- fer par fon Ambaffadeur d'entrer dans les cngagemens de l'Eledeur de Han- aiovre. L E o p o L D avoit vendu aux Ducs de BrunsA^ick-Lunebourg, la dignité Eledtorale 5 qu'il fembloit leur confé^ ler par conCderation pour l'ingleter- re. Il avoit exigé du Duc Georges, par un Traité particulier , comme u- ne condition effentielle à fon état d'E- iedeur , qu'il s'engageât pour lui & fes Succefleurs , à n'avoir jamais d'au- tre intérêt que celui des Empereurs Autrichiens , & à leur fournir à per- pétuité un Contingent dans la guerre contre DU s I E CLE. 77. Parf. 6i contre le Turc. C'étoit faire païer par le nouvel Electeur au Chef de la Mal- fon d'Autriche la faveur du Chef de TEmpire. La Cour de Vienne n'étoic pas fans crainte que TEledeur deve- nu Roi , ne fecouat cette efpece de Vaflelage ^ & peut être que cette crain- te étoit le principal motif de fon im- patience fur le Traité , qui dévoie donner le Sceau du Roi au CoKtraâ: de TEledeur. Quoi qu'il en foit , le Comte de Volkra , AmbaiTadeur de l'Empereur à Londres , fit goûter au Monarque , FAlliance dont fon Maître faifoit fa dernière reflburce contre Phi- Jipe V. Le Traité avoit huit articles. Il fut figné le 5 de Juin à Wetlminfter, & nommé de Défenfîve , pour ne pas allarmer les peuples. Mais il étoit de î'offenfive la plus étendue. Les deux Puiflances s'y engageoient à fe main- tenir réciproquement l'une l'autre , dans les Etats , & dans les- droits dont elles étoient alors en pofTeflîon : El- les fe garantilfoient refpedivement leurs acquifitions. Charles VL qui n'avoit point renoncé aux droits que les Grands Alliés lui avoient reconnus en 62 Histoire Politiqlue en 1703 fur toute la Succeiîîon de Charles II crut faire du Roi George en ce Traité , Tinitrumentî de fon ambition. Mais l'intérêt particulier de l'Eledeur avoir décidé le Roi , la ga- rantie refpedive des droits & des a« quifitions étoit d'un avantage préfent pour lui , tandis que celui que l'Em- pereur s'en promettoit , dependoit d'un avenir non feulement fort éloigné , mais encore împofîible à d'autres yeux que les fiens. Georges , en qualité d'Eledeur de Hannovre étoit entré dans la guerre du Nord. Il avoit conquis fur la Suéde le Duché de Bremen & la Principauté de Verden. C'étoient des acquittions précieufes , qu'il ne pouvoit conferver & unir à fon Eledorat fans une faveur extra-, ordinaire de l'Empereur , que le Traité de Weftphalie garant des cédions fai- tes à la Suéde , retenoic à cet égard. Georges les pofledoic alors. Mais il ne comptoit pas que le Roi de Sué- de les lui laiflat pofleder tranquile- ments & comme fuivant les termes de l'Alliance Charles XII. reclamauc fon bien , feroit tenu pour agreffeur : l'EIec- ÎDU Siècle. Il Part. 63 PEledeur de Hannovre avoît droit d'exiger le fecours de toutes les for- cés Impériales. I L étoit ftipulé dans l'article V I , qu'aucune Puiflànce ne feroit ni ad- mife ni invitée à l'acceiTion fans le confentement des deux Alliés. Cette referve qui démentoit le bue qu'on affignoit au Trraité , de pourvoir uni- quement à la Paix & la tranquilité de l'Europe , étoit de l'invention de la Cour de Vienne. Certaine qu'aucu- ne des Pu^ffiuices intereiTées au main- tien de la Paix d'Utrccht, ne pren- droit le change fur les vues de l'Em- pereur 5 elle ne doutoit pas que cel- les' qui demanderoient d'être admifes dans rAllîance , ne le fiifent avec le deflein formé de la troubler (î elles ne la pouvoient rompre ; & elle vou- lut fe garder le droit de leur faire leurs conditions. Le feptieme Article fit exception formelle des HoUan^ dois qu'on efperoit tenir toujours dans la dépendance au moien de la Bar- rière. Il fut dit que les deux Con- tradans s'avouoient réciproquement de leurs inftances , & de leurs démar- ches 5 auprès de la République. Les 64- Histoire Folitiq^ue Les Etats étoienc bien éloignés des difpofitions que le Roi d'Angle- terre & l'Empereur , leur /upofoient. Ils comprenoient qu'en accédant pu* rement & Amplement à l'Alliance , ils s'engageroient à faire leurs propres querelles de celles de l'Empereur & de l'Eledeur de Hannovre , & que s'ils y accedoient avec reftridion : la re- ftridion elle même leur feroit un en- gagement formel de fervir ces deux Princes, dans tous les cas qu'elle n'au- roit pas exceptés. Les droits de l'Em- pereur fur! l'Efpagne , fes prétenfions dans l'Empire & dans l'Italie, fon voifinage de la plupart des PuilTan- ces , pouvoient le mettre en guerre, de mille manières , qu'on ne pouvoit ni prévoir ni éfquiver ; & la Républi- que qui en étoit à fe remettre des lecoufTes de la dernière guerre , n'a- voit garde de s'expofer à ajouter en- core à fon épuifement , pour des in- térêts étrangers. Les aquifîtions de l'Eledeur de Hannovre n'étoient pas moins dan- gereufes pour les Provinces Unies , que les prétenfions de l'Empereur. L'Eledçur étant Roi d'Angleterre , 8c oblige DU Siècle,//. Fart. 6 s obligé par toutes fortes de raifons de flivorifer les Angîois : le Commerce de l'Elbe dont Bremen , Verden , & Stade le rendoient maître , deviea- droit exclufif ou privilgié* pour les Négocians de la Grande Bretagne. Dé- jà les HoUandois y étoient chicanés. On retenoit , on vifitoît leurs Navi- res ; & rAllemagne fe rempliflbit de Marchandifes Ang'oifes. Ces inconve- niens , que les Ennemis de la Puif- fance Autrichienne , eurent foin de publier , étouiférent les clameurs du peuple des Sept Provinces , & leur prévention fur l'importance d'une plus étroite liaifon avec le Roi d'Angle- terre 5 les Etats éludèrent les inftan- ces de Miniftres Impériaux & Anglois ; & ils obtinrent du tems pour déli- bérer fur leur acceffion à l'Alliance du f , de Juin, J. 1 1. L A préférence qui avoît été adjugée à la Maifon de Savoie , fur celle d'Or- léans pour la Succefïîon à la Couronne d'Efpagne , au défaut d'hoirs de la bran- che de Bourbon régnante , n'étoit plus odiéufe <Ç & une défenfîve générale , furent des articles communs à tous les Contra- dans, La France s'obligea de faire la guerre à l'Efpagne , & l'Empereur au Roi Vidor ^ au ca§ qu'ils refufaffent les conditions qui leur étoient ini- pofées. L E Roi Vidor fe fit preffer pour i^acceffion jufqu'au mois de Novembre. Les Etat$ Généraux furent retenus D % de 75 Histoire Poli Ti Q.UE 'de donner Pade de la leur jufqu'à Tannée fuîvante , par l'envie de coîi- ferver le Commerce d'Efpagne j & Phi- lipe^ V tint bon jufqu'en 1720. Après cette unanimité forcée , la Paix d'U- trecht fut jointe à celles de Weft- phalie , de Nimégue & de Rifwick , & elle forma avec elles la bafe de la çonftitution politique de l'Europe. CHAPI TRE IV. Négociations , & Politique du Nord y deptds 1 700. jus- qu'en 17Z4. AP R e' s le Traité de la Quadru- ple Alliance 5 les Puiflances du Midi de l'Europe , d'acord fur leurs prétenfions refpedives , portèrent leur attention fur les affaires du Nord. Louis XIV. dans les deux dernières années , auroit pu donner à la Suéde Ton ancienne Alliée , un fccôurs plus réel & plus efficace que celui de fa snédiatîon* Mais foit qu'il apréhen- dat DU Siècle. II. Part. ^^ dat de fe commettre , foit qu'il vou« lut fe reflentir du refus que Charles XII avoit fait en 1707. d'être arbi- tre eutre Philipe V & fon rival : il s'en tint à des offices amiables , qui encouragèrent les ennemis de la Sué- de à fuivre le projet de l'accabler , en leur garantiflant la tranquile indi- férence de l'unique Puiffance qui eut intérêt de leur faire obftacle. Ceux que la crainte du retour de Charles retenoit , fe déclarèrent à la première occafîon. Tous les voifins de la Suéde s'emprefTérent d'avoir part à fes dé-^ pouilles : une guerre commencée foUs les plus heureux aufpices , poufTée a- vec les plus brillans fuccès , & quî fembloit lui promettre l'Empire du Nord , la menaçoit de fon entière ruine. La Jeuneffe de Charles XII, & le peu de goût qu'on lui vit pour les affaires firent concevoir aux trois autres grandes Puiffances du Nord , l'efpérance de reprendre fur la Suéde les Pais que la bonne fortune de Guftave Adolphe lui avoit aquis. Fré- déric Augufte, Eledeur de Saxe, é- toit monté fur le Trône de Pologne,' D 3 pac ^8 Histoire PoLixiauE par une éledion , dont fa libéralité, foutenuë de fes troupes , avoit forcé les Polonois de reconnoître la vali- dité. La fadlion qui avoit proclamé le Prince de Conti , s'étoit réiinie en sïparence à l'autre , après avoir abjuré fon Candidat. Mais , en abandonnant le Prince François , elle s'étoit permis de fe venger du Roi qui avoit fçii Vy réduire y le Prince Rad2ieuski , fon Chef 5 avoit parole des principaux du parti , de rendre nébuleux un règne îbus lequel ils ne pouvoient efperer de confideration & de faveur , qu'au^ tant qu'ils fe feroient redouter. Par les foins des amis du Primat , on vit fe produire l'antipatie entre les trou- pes Polonoifes & Saxonnes. A peine aperçurent ils le Roi en voie de mé* riter par fon zélé contre les ennemis du Roiaume Teftime de la Nation , qu'ils le lui rendirent fufped. Les Saxons qu'il joignoît aux troupes na- tîonnales , pour le recouvrement de Caminiek, auquel fes Fci&a^Conventa Pengageoient : on les prétendit defti« nés à oprimer la liberté publique , & bien tôt le Roi , hors d'état de tenir contre les murmures & les plain- tes , DU Siècle. //. Tort. 79 tes 5 fut contraint de fe retirer de de- vant le Turc , fans avoir fait autre chofe que marcher à lui. La Paix de Carlo'W'itz vint heureufement couvrir cette letraite forcée. Le Traité à cet égard étoit un coup de la bonne for- tune d'Augufte. Mais d'un autre côté elle dérangeoit fes vues , en lui otant tout prétexte de retenir fes Saxons dans le Royaume. A moins d'une nou- velle guerre , il alioit demeurer de- farmé au milieu d'une Nation dont fes ennemis faifoient la plus nom- breufe partie, La Diète plus tumul- tueufe encore que d'ordinaire , in- fultoit , pour ainfî dire, à la gêné- roGté dont il avoit ufé envers les par- tifans de fon Compétiteur. On y par- loit d'exiger de lui le redreflement des griefs , fondés fur l'irrégularité de fou Eledion & de fon Couronnement , de lui demander une fatisfaélion écla- tante de la violence qu'il avoit faite aux loix & aux ufages. Il lui falloit où efTuïer les caprices des mécontens , ou les réduire au filence par la for- ce. Le dernier étoit împoffible ; & l'autre n'avoit pas moins de péril que de lionte. Les Grands attachés à la D 4 fortune §0 Histoire Politiclue fortune d' Augufte , avoient intérêt qu'il n'optât pas pour la voie pacifique ,^ qui les auroit fait tomber avec lui dans le mépris : ils fentirent la nécélîîté de ne pas renvoyer les troupes Sa- xonnes en Saxej & avouant le Mo- narque des mefures qu'il prendroic pour les retenir dans le Roïau^me , ils mafquérent , ainfî que leurs anta- goniftesj du beau nom d^ Amour pour in Patrie , le facrifice qu'ils étoieut |)rêts de faire de la patrie elle même à leurs intérêts perfonnels. La République Roiale de Polo- gne , que fa mauvaife couftitution ex- pofe à être entamée dans toutes fes guerres avec fes voifins , s'eft faîte une loi fondamentale de la confola- tion ordinaire des Vaincus. Jamais elle ne renonce aux païs qu'elle eft contrainte de céder pour le bien de la Paix. Après avoir perdu la Livo- iiie, la Séverîe , Kiovie 5 Czernike\v& Smolensko , elle n'en a pas moins les Palatinats de ce nom au nombre des Dignités qui donnent rang dans fon Sénat: elle en conferve les titres dans Tordre qu'ils tenoient avec fes pof- i^ffiorvs réelles y & «lie oblige les Rois dans DU Siècle. IL Fart Sr dans leur Ta&a Conventa d'en pro- mettre le recouvrement. Auguste, prenant à la lettre fes *engagemens, s'en fit un prétexte, pour ne pas licentier lès troupes Sa- xonnes, Il annonça- à la Nation le deflein de reconquérir la plus belle Province détachée du Roiaume ; & il invita à le féconder dans une fi glo- rieufe entreprife. Les Seigneurs de fon parti entrèrent fans doute de bonne foi dans fes vues. Mais les autres qui virent Toccafion de lui ménager de nouveaux embarras femblérent l'y encourager par leur filence : tandis qu'en fecret ils difpofoient tout pour le faire échouer. Les fuccès les plul rapide» lui étoient aflurés , s'il avoit faifî ce tems précieux , ou fes enne- mis compaflant des mefures pour l'a- venir étoient hors d'état de le traver- fer dans une promte exécution, La conquête de la Livonie , abfolument dépourvue de troupes , & fatiguée du joug que Charles XI lui avoit ape- fanti , eut été le fruit d'une Campa, gne , & la République de Pologne flattée d'une iî belle aquifition , dont Iç Roi mXQÏi fait tous les frais , fe fe- S2 Histoire Polîtîcli^e roit chargée i, en dépit des mécontens 3 de pourvoir à fa confervation* L A politique d'Augufte fe refufa à des avantages qui n'auroient été que pour le Roïaume, & dont il n'efpcroit pas Paccroiflement? de fon autorité* Une longue guerre , dont les difficul- tés rendroient: le fecours Saxon nécef- faire à la République lui parut pré- férable y & il crut tout gagner s'il s^eii tenoit à Tengagen Le Comte de Flem^ ming fon principal Miniftre , & fon favori > homme d'un génie plus valte & plus hardi , mais du même tour à peu près que le Marquis de Louvois , le confirma dans cette opinion. On ne délibéra plus dans le Confeil fe- cr^t 5 que fur les moïens d'allumer dans k Nord un incendie général 5 où la Republique de Pologne , entrai- née fans s'en apercevoir, fut réduite a n'efperer fon falut que des fervi- ces de fon Roî. ' Auguste trouva !e Roi de Dan- memarc & le Czar , difpofés à fe li- guer avec lui contre la Suéde. Le pre- mier qui avoit figné à regret le Traité d'Altena en i589- par lequel l'ancien partage des Duchés de Holftein & de Schlef- DU Siècle. II. Tart. 83 Schlefwich , étoit confirmé , foufFroit plus impatiemment le Voifinage du Duc , depuis que fon Alliance avec Charles XII dont il étoit devenu le beaufrére , le rendoit un voifin moins complaifant, & plus redoutable. La Suéde prenoit hautement fa protec- tion 5 & pour parvenir a l'accabler ;l falloit mettre fon Protedeur dans l'im- puiflance de le foutenir. Le Czar , dont les grandes idées pour la re- formation de fes Etats demandoient un Port fur la Baltique , afpiroit a- près l'occafion de reclamer Plngrie que Guftaphe Adolphe avoit détachée de l'Empire Mofcovite. L'un & l'au- tre reçurent avec avidité les propo- rtions d'Augufte 5 & ils adoptèrent le plan d'offenfive qu'il leur fit pré- fenter. C ft  R L E s n'opofa que les armes à la politique de^ fes trois Ennemis 5 & il Peut bientôt déconcertée. Avec cette célérité qui caraderife les Con- quérahs ,vjl courut au Roi de Dan- nemarci!^ qu'il attaqua & qu'il bat« tit, ava^ que fes Alliés euflent ap- pris qu'il àvoit les Suédois dans fes Etats. Fxèt de perdre fa Capitale, & D 6 fans S4 Histoire P o l i t i qjj e îans efpok d'être fecourù du Roi Guil- laume 5 qu'il s'étoit aliéné par une j raillerie , Frédéric fe trouva heureux d'être admis à faire fa Paix particu- liere. Il la demanda à quelque prix que le Vainqueur la voulut mettre. Mais Charles fe piquoit d'être jufte; & il n'exigea point d'autres condi- tions de fon Ennemi humilié , & ren- du , que rindemnifation du Duc de Holftein , avec parole de renoncer entièrement au defTein de l'oprimer. Ce furent là les principaux Articles Au Traité de Trawendal , conclu le 5, Août 1700. §. I Suivant fon plan , le Roi Augufte n'avoit fait pafler en Livonie qu'au- tant de troupes Saxonnes qu'il en falloit pour engager la guerre. Le pré- tendu Siège de Riga , dont l'Hifto- rien de Charles XII dit , qu'on le prejfoit fous les yeux du Roi , avec toute fa&ivité & r opiniâtreté imaginables , n'ctoit qu'un blocus , fans autre bruit que celui de quelques bombes qui fyjçiit jçttées cjans la Ville, afin de lavori- BU Si te LE. II. Part. 8f favorifer les intelligences dont Patkul faifoit efperer la capitulation des Bour- geois, malgré la Garnifon Suedoife. Le Roi de Suéde avoit battu les Mof- covites à Narva ^ & Augufte s'aplau- diiToit de le voir fe difpofer à venir demander raifon à la Republique , de rinvafîon de la Livonie. Il invita le Czar à une entrevue à'Birfen ^ petite Ville de Lithuanie. Là , i^kns toute la fecurité que lui devoit donner la réuffite de fon projet , il fembla nV prchender que le rallentiflement de l'ardeur de fon Allié , & n'avoir à cœur que de le raflurer fur le génie & le caradère de Charles, qu'il com- niençoit à connoître. Il l'anima à ne pas augurer de la fuite de la guerre fur l'échec de Narva. Il rabaifla la iupériorité du foldat Suédois fur tous ceux du Nord j & comme s'il n'a- voit eu befoin pour foi même que d'une partie de fes relTources , il of- frit de fournir Cinquante mille Alle-- mans , pour être incorporés dans les Armées Ruffiennes , afin d'apprendre l'art de la guerre aux Mofcovites ; & il demanda un pareil nombre de 85 Histoire? oTi t i a.u e ces derniers, pour les difcipliner & les aguerrir fous Tes Drapeaux. Charles informé de ce Traité de ligue , fe hâta de mettre Augufte hors d'état d'en remplir les articles. Après avoir battu & dilîîpé les dou- ze mille Saxons qui avoient bloqué Riga ; après avoir forcé le paflage de la Dwine qu'ils defendoient. Après s'être eiiiparé de la Courlande j il vint en Lithuanie , -où le parti des Princes Sapicha, qui l'y apelloit , l'eut bientôt délivré des ennemis qu'il s'at- tendoit de trouver à y combattre. Ce fut alors qu'Augufte fe crut ar- rive au comble de fcs vœux. Dans la Dicte de Varfovic au mois de Dé- cembre 170T. il fit préfenter des plans de défenfive contre la Suéde , en fei- gnant de ne pas douter , que la Ré- publique ne lui eut donné fon aveu pour fes premières hoftilités , & qu'elle ne fut en guerre ouverte avec Char- les XII. Le Cardinal Primat & ceux de fa fadion l'attendoient à cette im- portante délibération. I L fut effraie de les entendre re- nouveller l'ancienne diftindion entre le Roi & la République , dont on s'étoit t3u Siècle. 7 7. Tavt, 87 s^écoit fervi autrefois pour éluder les înftances de Sigifmond III fur la guerre de Suéde. Ni les efforts de fes partifans , ni le^manège de fou Miiiiftre , ne purent parer ce coup terrible. Le Primat fe donna pour f in- terceffeur de fon Roi auprès de Char* les ,• & il offrit la médiation de la Republique entre les deux Rois. La réponfe de Charles fut telle que le Cardinal Primat la fouhaitoit. La plus nombreufe partie de la Nation goûta> la neutralité , dont le Primat avoic donné l'idée. Elle entendit avec plai- iîr le Roi de Suéde déclarer qu'il fai- foit la guerre à Augufte & aux Sa-- xons , & qu'il étoit l'ami des Polo- nois. Elle demanda à fon Roi de pren- dre ailleurs que dans le Royaame fon champ de bataille contre fon ennemi perfonnel s & elle le menaça de fa de- pofîtion , au cas que confondant l'E- ledeur de Saxe avec le Roi de Po- logne , il ne refufat de faire fortir des> terres de la République , les troupes Saxonnes & Mofcovites , dont elle de- favouoit le fecours. Tel fut le reful- tat de la Diète » qui fe fepara en con- fufîon le 17. de Fevrieriyoz. A u G ÎJ- S8 H I s T Ô I R E P 0 L I T I CLU E Auguste comprit qu'il alloit ë- tre précipite du Trône ^ iî fon enne- mi devenant fon Proteéleur -, ne fe li- guoit avec lui ftntre fes Sujets pour l'y maintenir. La démarche etoit hu- miliante y & l'incertitude du fuccès la rendoit encore plus douloureufe. Mais elle etoit neceffaire ; & ce Pririce qui làvoit prendre fon parti ^ n'heiîta pas à la faire. Elle fut infruétueufe. Déjà Charles avoit refolu -> de donner un ^itre Roi h la Pologne. La Politique de ce Monarque in- flexible 9 ne fournit rien a l'Hiftoire, Elle confîftoit a tout obtenir par la force des armes : ou plutôt 5 jufqu'k Ion retour de Turquie ^ il n'en eut aucune. On peut lui marquer autant de fautes dans ce genre ^ qu'il fit de , pas. L'Hiftorien de Charles XII a ébauche l'idée de la politique du Car- dinal Primat : il faudroit un volume en-, lier pour liiivre ce Prélat artificieux 5 dans le détail de toutes ks menées. Le Jeune Palatin de Pofeanie <) ( con- nu depuis fous le nom du Roi Stanis- las) etoit digne fans doute de porter une Couronne. Mais il n'etoit pas poflible çiu'il foutint celle de Pologne ? telle que Char- DU S 1 1 c L E. / 7. ParL S9 Charles la lui' pouvoit donner ? fi la fortune ceflbit un inftant d'être unique- ment pour les armes Suedoifes. Il ne pouvoit être Roi que du choix du Roi de Suéde i <3c la Pologne n'en fàu- roit foufFrir que du choix de la Na- tion. Stanislas etoit du parti du Pri- mat. Mais le Primat ne vouloit pa^ qu'il en devint le Chef j & le jeune Palatin n'avoit pas afTez de crédit pour s'élever au delTus des opofîtions du Prélat. Il etoit ineVitable 5 que le nou- veau Roi feroit un tiers parti ^ que la jaloufîe retiendroit d'y entrer les prin- cipaux Seigneurs a qui la déposition d'Augufle laiffoit former des efperan- ces for fon Trône >'& quen préfé- rant Stanislas zixk ïMhomirski ^ aux 5a- pkha y on fo'rçoit \ dès qu'il voulut ih faire o- belr en Pologne. Elle fe diffîpa auffi- tôt que les Plénipotentiaires Suédois lui eurent marque le Succefleur ^ que leur Roi defîgnoit a celui 9 qu'elle a- voit depofe. Augufte fut déclare dé- chu du Trône le 14. Février 1704. par une fadion afles nombreufe pour foutenir la fentence : Stanislas procla-» me Roi le 12. Juillet ^ avoit à peine afles de partifans pour remplir les Charges du Trône ^ & les offices do-- meftiques de fa Maifon. §. I L Le Roi de Suéde ne prît qu'une V 'partie des moïens capables d'afermir |T ■ ■ . ; fe^ Couronne fur la tête de Stanislas. La "' ceffîon d'Augufte pouvoito fans doute ^ beaucoup y contribuer j & pour l'ob- tenir î il n'y avoit pas de voie plus fûre que de conduire les Suédois en Saxe. C'etoit couper au Roi malheureux fa dernière DU Siècle. //. Fart. 91 dernière reffource. Mais la defolation de fon Eledorat ^ & ce qu'il accorde- roit pour le fauver de fon entière riiïne ^ ne concilioient a Stanislas ^ ni les Polonois déclares contre lui ^ ni les Mofcovites qui les apiiïoient. Il convenoit que le Traite inouï d'Alt- Ranflad fut immédiatement fuivi du retour de Charles en Pologne. La fi- délité d'Augufte aux conditions qu'il lui impofoit :) dependoit de fa prom- litude à y faire foufcrire les Polonois ^ & à les faire ratifier par le C^ar. Tan- dis qu'il employoit un tems précieux a jouir du plaifîr barbare ^ de faire re- connoitre le Roi qu'il mettoit fur le Trône ^ par celui qu'il detrônoit : tan- dis qu'il s'arrêtoit à mortifier fEm- pereur ^ à braver l'Empire , a vuider le procès des Miniftres Luthériens avec les Cures Catholiques de Silefie ; les troupes Rulfiennes s'acoutumoient a tenir tête aux Suédois ; & fe formoient dans l'art de la guerre par des frequens combats p les adverfaires de Stanislas groffiflant leur nombre 9 & revenant de leur abatement , ravageoient tout ce qui tenoit pour lui ^ & par la de- folation des terres de fes partifans lui augmen- 9i Histoire PoLiTi (LUE aigmentoient la dificulte de fe maiiî- tenir pour le tems ou fon Protefteur ^ ocupe a pourfuivre le Czar dans fe.^ vaftes Etats 5 Tabandonneroit a fes pro- pres forces. Le Traite d' Alt-Ranftad eft un mo- nument de la profperite de Charles XII qu'on ne confîdere point fans aplaudir a la fortune ^ pour les diP- graces qu elle lui fit efliner dans la fuite. Augufte n'avoit point a heiîter fur un promt acommodement ^ qu el- les qu en duflent être les conditions. Déjà le Comte Piper (*) avoit fait infînuer au Duc _ de Saxe-Gotha ^ que Tocafion fe prefentoit de faire relever la pofterite de Jean Frédéric du ban , auquel Charles-quint avoit mis cet E- lefteur.' Ni l'Empereur 5 ni PEmpire n'ëtoient en état de rejetter les inftan- ces que Charles XII en auroit faites ; & ce dei'nier n'avoit befoin que de menacer pour réduire le Roi Elefteur au Marquifat de Mifnie. Finften, Plé- nipotentiaire d'Augufte^ jugea le dan- ger ( * ) UAnecdote fe fait du Miniftre Fin- ften lui même , qui en produifit les preu- ves à celui auquel il la donna. DU Siècle. IL Part 93 ger trop preflant pour eontefter fur les articles qu il plut au Vainqueur de difter. Uetendue de fes pouvoirs j qui etoient fans bornes ^ prouve que ion maître n'en mettoit point a fa dé- férence aux volontés de fon Ennemi. Il figna pour lui fa renonciation fans rétour a la Couronne de Pologne ^ pour être valable 9 même après la mort de Stanislas , qu'il reconnoiflbit pour Roi légitime. Il defavoûa 5 & abjura tous les Traites relatifs a cette guer- re 5 & fur tout ceux qu il avoit faits avec le Czar. Il promit de renvoïer avec honneur au Camp d'Alt-Ranftad les Princes Sobieski^ qui avoient été enlevés ei^ Silefîe avec plus dehardieffe que de ji^^ce^ lors qu'on parloit de mettre l'aine fur le Trône. Enfin il s'engagea de livrer tous les Sujets de la Suéde 9 pafles au fervice de S^e ^ & nommément Jean Palkul ? alors Gé- néral dans les Armées du Czar ^ & AmbalTàdeur de ceTrinçe auprès d^Au^ gufte. Toutes les PuilTances de l'Europe ^ à l'exception du Pape & du Czar t> garantirent ce Traité monftrueux. La terreur des Armes Suedoifes^ étoit fi , gran- 54 Histoire Politique grande chez celles qui faifoient alors la guerre" pour la Succeffion d'Erpa- gne^ que du fond de la Saxe ^ Char- les marquoit les opérations de leurs armées. Il menaça d'entrer dans les Pais héréditaires de l'Empereur ^ fî Toulon etoit enlevé a la France ; &; il n'en fallut pas davantage pour ré- duire le Siège projette de cette impor- tante Place a un Blocus infruftueux. Charles fut jufqu'au 8. de Juillet de l'an 1709. l'Arbitre 9 le Maître de l'Europe. La malheureufe Journée de . Pultova ^ qui le mit au nombre des fameux téméraires lui enleva le fruits de neuf années de profpérités. §. III, A peine la nouvelle de la défaite des Suédois dans l'Ukraine fiit elle publique 9 que les Princes a portée de profiter de leurs dépouilles^ s'unirent a leurs anciens ennemis pour les ac- cabler. Le Roi de Pruffe & l'Elec- teur de Hannovre 7 retenus encore par la crainte du promt retour de Charles ^ voulurent laiffer fraper les premiers coups aux trois Princes qui avoient à le DU Siècle. IL Part. 95 fe relever de ceux qu'il leur avoit por- tes j & ils fe contentèrent de fepre- fènter armes à titre de Voifîns que la fûrete de leur pais obligeoit a des pré- paratifs de guerre. Le Roi Augufte,^ fortifie des dilpenfès du Pape pour tous les Sermens prêtes a^ Roi Stanislas ^ rentra en Pologne à la tête d'un Corps de troupes Saxonnes. Catholique peu perliiade de la validité des abfolutions de Rome 5 il crut devoir à fon hon- neur ^ le defaveu des Plénipotentiaires d'Alt - Ranftad. Finften a qui il devoit de n'avoir pas perdu fon Éleftorat en même tems que fon Roïaume -^ fiit traite en aparence comme un Traître ^ & confiné liir nn Rocher où il a fini fes jours. Le Roi de Dannemarc po- litique moins fcrupuleux , parut regar- der les Traités comme des formalités auxquelles les circonftances mettent leur prix. Dédaignant de recourir à l'apologie for l'infraâion de celui de Trawendal , il retiouvella hautement •fes prétenfîons fur les Duchés de Hol- ftein & de Schles wich ; & fon armée y entra pour en faire la conquête. Le Gzar ufant de fa Viftoire avec toute Fintelligence d'un Prince 5 gui projetoit depuis ^6 Histoire Politique^ depuis dix ans liir fa fiipofîtion ^ s'aC- fura de la Livonie ^ prit Wibourg & la Carclie^ & remplit la Finlande de troupes Mofcovites. Dans leur entre- vue k Drefde^ fur la fin de 1709. ces trois Princes refferrerent leur Al- liance 5 & ftipulerent de nouveaux ar^ ticles 5 dont le principal fut la ceflîon abfoluë de la Livonie au Czar ^ qui fe chargea de faire reflituer Wifmar au Duc de Mecklenbourg fon neveu ^ a qui la paix de Weftphalie avoit en- levé cette place maritime 5 pour la donner a la Suéde. Cette triple Alliance de Souverains que le génie conquérant animoit 5 jetta Fallarme parmi les Puiflances liguées contre la France. Elles craignirent que les Provinces qui apartenoient à la Suéde dans l'Allemagne devenant le Théâtre de la guerre , Louis XIV ne profitât de cette divifion ; & pour pré- venir ce danger 5 elles conclurent à la Haïe un Traite auffi fingulier ^ mais non pas auffi ineficace que le prétend. PHiftorien de Charles XU. La Suéde ne pouvoit gueres atta- quer le Dannemarc & la Pologne avec avantage 9 que par la Pomeranie 7 où elle V DU Si EC LE. IL Part. 97 elle avoit des places fortes-) desMa- gazins & des Arfenaux. C'etoit par cette Province que les Suédois en- troient dans l'Empire ; & ç' avoit tou- jours ete la maxime des Rois de Sué- de 5 d'éloigner la guerre du centre de leurs Etats ^ en fe portant dans leurs païs d'outre mer avec des for- ces capables de réduire leurs ennemis à la defenfîve. L'Empereur & le Corps Germanique ^ la Reine d'Angleterre & les Etats Généraux ^ propoferent la neutralité pour les Etats de la Suéde en Allemagne ^ & on convint de le- ver une armée ^ qui reveilleroit à fbn obfervation. Charles XII qui (è flatoit d'être reconduit en Pologne par une armée Turque ^ ne voulut point pren- dre des engagemens , dont il croïoit tout l'avantage du côte de fes en- nemis y & lés trois Allies fe firent de fon refus ^ un prétexte pour exiger quel' Armée de la neutralité fe joignit si leurs troupes^ afin de chaflèr les Suédois de la Pomeranie 9 où on ne lespouvoit laifler fans être perpétuellement expofe k leur irruption dans les Etats voifîns. On tira la reponfe en longueur jufqu'en 171 3 que l'Empereur voulant reunir toutes les forces de i'Empire contre ia France^ E avec $% Histoire Politiq.ue avec qui il etoit refte feul en guerre 5 fit aiïèmblera BriinfwicklesMiniftres des PuifTances intervenues dans le Traité de Neutralité, Le Congrès confirma les anciens articles & en fit de nouveaux ^ que la nouvelle face de affaires de-?- îTiandoit Pendant cet intervale de deux années, les troupes Mofçovites & Danoifes a^ voient eu de grands avantages fur les armées Suedoifes J & le Czar en avoit conçu de nouvelles efperances. Inftruit que c'étoit par fes poffeffions en AUe^ magne que la Suéde s'étoit donné une grande influence fur les affaires généra-^ les de FEurope 9 il formoit le deffein d'acquerirl le Mecklenbourg 5 qui, a caufe de Wifmar, étoit l'Etat de TEm- 5pire le plus a fa bienfeance. L' Affem- blée de Brunswick fit fîgnifier a ce Prince ambitieux , qu'il feroit déclaré ennemi de l'empire , s'il ne retirait fes troupes du Mecklenbourg & de la Po- meranie. Elle ordonna le fequeftre des Places conquifes fur la Suéde , entre les mains de l'Empereur J & pour ôter a fon décret ce qu'il avoit d'injufte , elle rcferva aux Conquerans la jouïflance du domaine utile jufqu'à la Paix. te M dQPïulTe ôc rEle6leur de Han^ novre DU Siècle. IL Part, f^ novres'ëtoientjufqu^alofs tenus fîmples fpeélatciirs. En laifTant les Danois & les Mofcovites foutenir les derniers efforts de Suéde ^ & Te fatiguer contre ce qui lui reftoit encore de troupes ^ il s'é-- toient referves de paroitre à tems y pour fè faire admettre au partage de fès dépouilles. Le fequeftre que TAjOTem'^ blée de Brunfwick avoit décrète entre les mains de l'Empereur -> leur prefenta Toccafion qu ils cherchoient ^ d'entrer dans les affaires de Charles XII fans fe déclarer abfolument contre lui. Ils de- mandèrent la préférence pour te fèque-^ ftre ; & le Roi de Pruffe t pour en rendre la levée plus dificile -, païa à titre de prêt fait à la Suéde , une fomme confîderable> que les Allies demandoient pour leurs; frais du Siège de Stetin. Cet accord fit évacuer la Pomeranie aux Danois & aux Mofcovites. Le Roi de Dannemarc pro-« mit a PEleéteur de Hannovre :> de lui re-^ mettre Bremen ^ Verden ôc Stade y & le Roi de PrulTe ^ devenu parle depôt,mai-« tre d'ouvrir &; fermer PEmpire aux Suédois , fut certain de s'agrandir^ ou a leurs dépens 5 ou de concert avec eux* La conduite de Charles XII k fon rc-^ tour dut le décider pour l'option. 100 Histoire Politique §. I V. Les difgraces n'avoient point amoli cette inflexibilité qui etoit la caufe des malheurs du Monarque Suédois. Tou- jours également ferme lur la juftice de fà caufe ^ ôc perfuadé de la ftiperiorite de fes armes 5 il traita les affaires avec la hauteur qu'on ne pardonne pas même à rarbitre de Trawendal & d' Alt-Ranftâd. Sans armée & fans argent ^ environne d'^ennemis irrites & heureux ^ contre lef* quels il n'avoit d'autres refTources que daas fbn defelpoir : il menaça le Roi de Pruflè qui daignoit s'excufer auprès de lui fur l'acceptation du fequeftre. Il voulut qu'avant d'entamer aucune iiaifon 5 il lui rendit Stetin , & les au- tres Places de la Pomeranie ^ fans par- ler du rembourfement des fommes païees pour les faire abandonner aux Mofcovites & aux Danois. Son im- patience ne lui permit même pas d'aten- dre la reponfe du Confeil Pruffien. Tan- dis que fon Miniftre à Berlin paroiflbit travailler à un accommodement ^ il tom- ba a l'improvifte fur les troupes de PruC* îè qui gardoient file d'Ufedom ^ & le Fort de Pennamunde ; il poufla a bout U DU Siècle. IL Part. ioî la patience du Prince du monde le moins endurant ^ lors qu'il y alloit d'u- ne perte de deniers : enfin il fe fit un ennemi de la feule Puiflance capable de rétablir fes affaires defefperees. Les Miniftres Pruffiens n'etoient pas d'acord for le parti le plus avantageux à leur Maître dans cette crife du Nord. Les uns pretendoient que le règne de Charles XII etoit le feul tems qu'on pût jamais efperer favorable pour s'a- grandir du cote de la Pologne. Sa haine pour le Roi Augufte ^ & fon reffenti- ment contre les Polonois Tauroient fait acced-^^r à un Traite d'Alliance pour la conquête de la Pruffe Polonoife ^ & des autres pais du Roïaume de Pologne i au milieu defquels la Pruflè Ducale eft enclavée. En coafervant la Pomeranie k la vSuede^Frederic Guillaume fe donnoit un fécond 5 avec qui il auroittenu la ba- lance dans le Nord. Unis d'intérêt 5 & leurs Etats fîtues de façon a ne fe com- mettre de longtems enfemble 9 ils au- roient fait la loi aux Mofcovites & aux Danois , enlevé aux Polonois leurs côtes , & force l'Elefteur de Hannovre a renoncer aux deux Duchés. Par leur intelligence avec la France 7 ils auroient E 3 embr»(^ 102 HîStOIRE POLÎTIQ^UE embrafle les deux extrémités de rEm** pire -) & rendu aux Proteftaiis Tentie- re égalité qu'ils ont perdue par le re- tour de pluiieurs Princes a FEglife Ro- maine. Tel etoit l'avis d'une partie du Confeil Pruffien. • Le procède violent de Charles fit pancher le Roi vers Fautre opinion^dont Iqs avantages plus prefens avoient rat- trait de la vengeance. Afliire de iè faire raifon du mépris du Roi deSuede^ il fut le plus ardent folliciteur d'une confédération générale contre lui^ & d^un traite de partage des conquêtes communes fur la Suéde. Les ardcles en furent fignes au mois de Janvier 171 5. Le Czar dut garder la Livo- nie & l'Ingrie. Les Duchés de Cour- lande & de Semigalle furent deftines à l'Eleéleur de Saxe ^ & a fes defcen- dans , fous condition de Vaffellage de la Pologne , efïèntiel pour donner aux Princes Saxons une influence perma- nente fur les Diètes d'Eledîon. Bre- men 5 Verden & Stade fiirent affignes , à certaines conditions ^ pour la part de TEleéleur de Hannovre» Stetin'-) Volgaft 5 Anclam , & tout ce qui af- lire la navigation de la ^enne 9 fu- ren- t)u Siècle. ÎI. Partie. 103 rent donnes au Roi de Prufle. On s'en-^ gagea de eosquerir pour le Roi de iDannemarc le relie de la Pomeranie Suedoife. On lui promit le Holftein & le Schlefwich ; & il devoit don- ner pour échange au Duc les Comtes d'Oldembourg & de Delmenhorâ* Enfin on refolut le Siège de Wifinac avec les troupes combinées ^ & cette Ville avee fon port dut apartenir^ a- près la démolition de fes fortifications ^ au Duc de Mecklenbourg. Ce partage ne fut point celui de la fable. Conformément à un Traite par-- ticulier du II. de Juillet ^ les troupes; de Dannemarc aïant évacue les Duchési la Régence de Hannovre en pritpof- feflîon j & le Roi Elefteur déclara auffi-tôt la guerre a la Suéde ^ ainiî qu'il s'y etoit engage. Son Manifefie eft une pièce unique dans l'Hiftoire. Ses Grieft contre Charles XII fe re- duifènt à l'acculer de ne fe pas laifTer tranquilement dépouiller. La France fecourut fon ancien Allie des oflSces; de fes Ambaflfadeurs. L^mpereurquî projetoit la guerre contre les Turcs ^ ne demandoit que la fin des troubles du Nord 5 qui ocupoient les troupe.9 E 4 ^ des 104 Histoire Politique des Princes dont il efperoit le fe- cours ; & dans l'opinion qu il etoit plus aife d'acabler que de relever le Roi de Suéde 9 il invita par fon fîlence les Confédérés à hâter leurs opérations. Ce fut en vain que Charles reclama les Loix de PEmpire que fes prëde- •cefleurs avoient protégées ^ & le fe- €Ouxs du Corps Germanique 9 qui de- :v^oit fa liberté à la Suéde. Les Con- fédérés éludèrent toutes fes repreTen- tations dans les Diètes ; & tandis qu'il cnlevoit au Roi de Dannemarc les forets & les deferts de la Norvège^ ils faifoient fur lui des conquêtes bien plus a leur bienfeance. V; La mort de Charles XII arrivée ,1e II. de Décembre 1718, preTerva la Suéde de fa ruine entière que le génie de ce Prince lui rendoit ineVi- table. La PrincelTc Ulriq^^e 9 fa fœur & fon héritière 9 qui n'avoit point d'autre ambition que celle de don- ner une Couronne au Prince de Hefle fon Epoux î & la Paix k fes peuples ^ profita habilement de U mefîntelli- gence DU Siècle. Il ParL i®f gence furvenlie entre le Roi d'An- gleterre & le Czar ^ pour faire fou accommodement particulier avec l'E- lefteur de Hannovre. Le Cardinal Al- beroni avoit trouve dans le Comte de Gôrtz ^ nouveau Miniftre & fa- vori de Charles, un génie aufTi re- muant & aufTi hardi que le fîen. II. avoit ofe efperer de Tafcendant du Comte fur l'efprit du Roi fon Maî- tre 5 . qu'il rameneroit ce Prince a fai- re fa paix particulière avec le Czar ; & lur cette fupofîtion ^ dont feVene- ment démontra la jufteflè , il avoit fonde le projet d'attirer , comme a- voit fait autrefois le Cardinal de Ri- chelieu f les forces du Nord- au Mi- di de l'Europe. Le Cardinal qui le promettoit d'ocuper chez eux les prin- cipaux Allies de l'Empereur ^ qu'il vouloit attaquer dans fes Etats d'Ita- lie 9 deftinoit les Mofcovites & les Suédois a porter le Prétendant au Trô- ne d'Angleterre , avec leurs forces de Mer , tandis que leurs armées de ter- re auroient fait invafion dans l'Empi-- re. Le complot avoit ete découvert en 1717. & quoique le Czar eut nié Jhautemçut d'y avoir part ^ il avoit E 5 laiffé tôS Histoire Politique laifle dans Tefprit du Roi Ele£l:e ur avec beaucoup de reffentiment une grande défiance de l'attachement de fa Majefte Czarienne a la Confédération. Georges dans ces difpofitions prêta volontiers Foreille aux propofitions que la nou- velle Reine de Suéde lui fit faire. Le Traite conclu le 2,2» de Juillet 1719. fut figrjé le 2»0. de Novembre à Stockolm» La Suéde y céda a per-- petuite au Roi Eleâeur ^ Bremen ^ Verden &c Stade avec leurs dépendan- ces, moïennant un million de Rixrk" 1er s y & les deux parties contrarian- tes fe referverent de demander & d'accepter tels garants que bon leur fembleroit. L'exemple de PElefteur de Hannovre décida les Rois de Pruflfe & de Danne*- marc.Le premier qui ne voulut rien re- lâcher de la portion de la Pomeranie que le partage lui avoit aifignee ^ en ob- tint la ceffion abfolue le 2,7. de Fé- vrier Ï7Z0. Le fécond aprehendant de demeurer feul 9 fe contenta de (es «anciens Etats ^ auxquels on lui laiflbit nnir le Duché de Schlefwich 5 fous la garantie de la France & de l'Angle- teite. Les affaires du Holft^in furent rcmi- DU Siècle. 1 1 Tart Î07 remîfes a la deciiîon du Corps Ger- manique & de fon Chef. Ce dernier Traite fut figne le 3. de Juin. C'eft le premier où le Landgrave de HeiTe Epoux de la Reine Ulrique-) Sœur de Charles XII paroiffe en qualité de Roi elù t> & reconnu par ks Etats de Suéde, Le Czar afles puiflànt pour ne pas s'allarmer de l'abandon de fes Al- lies , ne fit ia paix que Pannee fuivan- te. Les articles en furent drefles a Neuftâd en Finlande; le 30. Août 17ZI. Il y en avoit 24. qui fe reduifent a la recoinpenfe que la Ruffie devoit xlonner a la Suéde pour les -païs dont <€lle obtenoit ceflîon abfolife. Celle-ci renonçoit en faveur des Czar a la Livonie ^ a l'Eftonie ^ à Flngermanie 5 à une portion de la Carelie -> dans la- quelle etoit compris Wibourg avec fon Diftrift ^ aux Iles qui font depuis Wibourg jufqu'k la Coui'lande ; & les Czars s'engageoient ii ne jamais fe mêler des affaires domeftiques de la Suéde ; a ne point troubler la forme de Régence établie par les Etats; à rpermettre à perpétuité l'achat des grains jen Livonie , pour la fomme de cin- quante mille Houbles chaque année. 168 Histoire Polïtiq^ue Pierre promettoit en outre d'évacuer la Finlande 9 & de païer deux mil- lions de Rixdalers, La Pologne & fon Roi n'eurent point de Traite particulier. La Repu- blique n'avoit point etë en guerre for- melle avec la Suéde ^ & Augufte 5 en ià qualité de Roi , n'etoit point par- tie Belligérante 9 dès qu'aucune Diète ' ne l'avoit autorife dans fa prife d'ar- mes. Cependant la Suéde comprit la Pologne dans fon Traite avec le Czar. Mais ce fut moins quant aux Griefs 5 qui etoient mis à néant que quant aux hoftilites qui dévoient cefler. Comme ce Traite n'etoit 9 à bien dire 5 qu'un Armiftie ^ les Cours de Stockolm 6c de* St: Petersbourg en paflèrent un autre le zz. de Février 17Z4 9 qui affermiflant la paix entr'cUes ^ les u- nifloit par une defenfive relpedive. Ce dernier eut un article fepare ^ dont l'Empereur eflàïa de faire dans la fiii- te un reffort de fa politique. C'etoit rengagement que prenoient les deux Puiffances , de procurer par leurs of- fices quelconques , la reftitution du Duché de Schlefwich -y avec ks an- MKQSj au Duc de Holftein. C'eft DU SiscLiP*. IL Tari. 109 C'eft ainfî que fe terminai une guer- re de vingt ans , la plus digne d'ê- tre étudiée qui fe foit faite depuis bien des Siècles. Le Czar 9 le Roi de PruflTe , & fElefteur de Han- novre ^ lui durent la confîderation & Pinfluence 5 qu'ils ont maintenant dans ■ les affaires générales de l'Europe 5 & la Suéde y perdit ce que Guftave A- dolphe lui en avoit procure un fîecle auparavant. La face du Nord flit to- talement changée. CHA- ïio Histoire Polit ii Q_UE Baltique , leur montrèrent un Supé- rieur dans l'Allié , qu'ils avoient à peine regardé comme leur égal ; & ils durent craindre d'avoir bientôt à fe défendre de le recevoir pour maître. Après cette terrible bataille , dont la perte reduifoit la Suéde à la défen- five 5 il n'y avoir qu'une prompte paix , capable de conferver l'ancien équilibre du Nord. Les deux Rois de^ voient aflfés connoître leurs forces , pour fentir que les fruits de la guer- re , qu'ils continueroient contre Char- les XII, ne feroient pas pour eux. Le démembrement du Royaume de Sué- de les devoit mettre néceflairement aux mains avec le Czar ; & les Pro- vinces Suedoifes d'outre- mer étoient des Conquêtes trop à la bienféance de leurs puiflans voïfins, pour qu'ils les viflent pafler tranquilement à d'autres poflefleurs. Mais le defîr de la vengean- ce 5 l'ambition > le point d^honneur , l'emportèrent chez les deux Rois AHiés fur leur véritable intérêt s & l'inflexibi- lité de Charles irritant leur paflîon , en même tems qu'elle leur donnoit un motif : ils fe livrèrent à leurs ref- featimcns , & à leurs efperances. Les DU Si E€ LE. IL Part. 113 Les grandes Puiflaiices du Midi de PEurope , en guerre pour la Succef- fion de Charles IL étoient fi fort atta- chées à ce grand objet , qu'elles refu- foient de voir tout ce qui ne lui étoic point relatif. Indiferentes fur le ren- verfement de la balance du Nord , que la bonne fortune du Roi de Suéde ren- doit prefque indubitable , elles ne s^in* tereiTcrent ni à la neutralité forcée du Roi de Dannemarc , ni aux malheurs du Roi Eledeur , ni aux périls du Czar. Elles confidererent uniquement , les unes ce qu'elles avoient à redouter , les autres ce qu'elles pouvoient fe promettre des armes Suedoifes , (î Charles XII vidorieux s'oiFroit à el- les pour Médiateur , & pour arbitre. Quand l'habileté du Duc de Marlbo- rouhg , & la fouplefle de la Cour de Vienne eurent délivré l'Empire de cet hôte incommode : la France , & les ennemis de Philippe V le per- dirent également de vue. L'une lui fçavoit mauvais gré de la froideur qu'il avoir marquée fur fes intérêts ; les autres ne lui pardonnoient point les allarmes qu'il leur avoit caufées. Le dépit rendoit les deux partis in- fenfî- ÎI4 Histoire Politique fenfibles aux fuites de la défaite de Pultova. Chacun fut mis ^ par la paix d'Utrecht , en liberté de donner fes foins à la pacification du Nord s & chacun fe fit de fon épuifement une raifon de fon indiferenee. Comme les objets perdent de leur grandeur à proportion de leur éloignement : les Puiffances qui venoient de termi- ner une guerre , dont une Monar- chie entière étoit le prix , femble- rent en dédaigner une , qui avoit le Duché de Holftein pour première caufe. On eut dit qu'elles ignoroient l'influence qu'auroient fur les affai- res générales de l'Europe l'affoiblif- fement de la Suéde , & l'accroifle- ment du Czar. §. i. La Suéde étoit dans l'état le plus déplorable, fans reffources au dedans, fans forces , & fans crédit au de- hors. L'opiniâtreté de fon Roi à con- tinuer une abfence, auffi avantageufe à fes ennemis, que peu honorable pour fa perfonne ; & l'excefîîve foumiflîon de fes Etats au refus, que faifoit le Monar- DU lECLE. IL Fart. lïf Monarque , de leur communiquer Tau- torité qu'il n'étoit pas à portée de gé- rer par lui même , mettoient le Roi- aume en Anarchie. On ne pouvoit ni remédier anx maux , ni pourvoir au néceflaire , ni même faire ufage des for- ces 5 qui reftoient pour la défenfe du pais. On n'ofok promettre à des Alliés ehaneelans ce qui les auroit affermis dans l'Alliance , ni accorder aux en- nemis ce qui auroit rallenti leur hai- ne. Du fond de la Turquie , ou il é- toit prifonnier , Charles donnoit des ordres , dont il auroit eu peine à fou- tenir Fexécution dans fa plus grande profperité,- & fes fujets , accoutumés à fon Defpotifme , étoîent obligés de fuivre , malgré leur épuifemcnt , des plans 5 dont la difficulté s'étoit fait fen- tir lors même que les affaires étoienë dans la pofition la plus heureufe. Tou- tes les acquifitions de Guftave Adol» phe étoient paffées à d'autres maîtres : l'ennemi étoit au cœur de la plus belle Province du Roiaume : les côtes étoient defertées, par la crainte des defcentes , qu'on ne pouvoit ni repouffer , ni pré- venir. La Marine Suedoife ne confiftoic plus que dans un petit nombre d'Arma- leurs 5 1x6 Histoire Politiq^ue teurs , qui s'entretenoient en pillant amis & ennemis. La Nation fe defen- doit moins pour empêcher , que pour vendre chèrement fa ruine. Le Czar n'avoit pas perdu un fcul înftant pour s'aflurer ce qui étoit â' fa bienféance dans la dépouille de Ten- nemi, qu'il vouloit accabler. Ce Prince, dont l'ambition étoit autant d'un Con- quérant que d'un Législateur , réunit foit toutes fes vues fur le commerce. Il avoit connu dans fes voïages qu'il étoit la fource de l'opulence du Sou- verain 5 en même tems que du bien- être des Sujets. Se livrant à l'avenir avec une confiance , qui ne fe trouve que dans les grands génies , il n'avoit pas héfité à épuifer fes coiFres , pour faire fe? préparatifs. Après l'exécu- tion du projet , qui devoit joindre, pour ainfî dire, Aftracan à St. Peters- bourg , & la mer Cafpienne à la mer Baltique ; il avoit aveuglé à force d'ar- gent, les deux grandes Puilfances Mari- times fur leurs intérêts , au point de les engager à lui vendre une nombreufe Efcadre , toute équipée. Il avoit formé des Chantiers , des Magazins , des Ar- fenaux , dans les ports conquis fur la Suéde s DU Siècle. IL Part. 117 Suéde ; & ce qui étoit plus difficile & plus important, il s'étoit procuré pour fes Sujets des Ecoles parmi les étran^ gers , a6n de faire pafler tout à coup dans fes Etats leur indciftrie & leurs connoiflances. Avec une fagacité admi- rable, ilavoitfaifi l'accord d'un Defpo- tifme , auquel il ne vouioic pas renon- cer, avec des établiiîemens , dont la li- berté eft la baze chez les auires Na- tions. Dans les états , ou la propriété eft Pâme des loix , la puiflance du S'ouverain eft en proportion avec l'opulence des particuliers j & le Prince cefTe d'être ri- che , dès qu'il veut l'être plus que fon peuple. Les Mofcovites, nés dans l'ef- clavage , devenoient heureux pour peu que leur fort s'améliorât ; & l'habile Mo- narque fçut borner fes vues , pour leur bien être , à leur laifler entrevoir l'aifan- ce.Seul Négociant dans fon Empire, chef des fabriques , fur-intendant de tous les arts 5 il fe fit de fes Sujets autant d'ou- vriers, dont l'efpoir de la recompenfe & des applaudiifemens. du maitre ex- cita l'émulation. Il appretioit leur tra- vail , & fe refervant de le vendre à l'E- tranger , il ramenoit dans les Coffres de l'Epargne les profits immenfes de i'induf- ii8 Histoire Politique Finduftrie de toutfon peuple. Bien dit ferent des autres Souverains , qui font obligés de renvoïer circuler dans leurs Provinces la meilleure partie de l'ar- gent , qui en eft venu dans leurs Cof- fres ; il rendoit une feeonde année plus abondante , en ne laiiTant rien retour- ner du produit de la première. Maitre de donner aux efpeces la valeur qu'il vouloit dans l'étendue de fon Empire 5 & refolu de ne les recevoir que pour leur valeur intrinfeque des Etrangers , avec qui il ne vouloit le Commerce d'échange , qu'à des conditions qui leur étoient ruineufes , il réalifoît pour fes Sujets des richeflès imaginaires, en mê-. me tems qu'il groffiiToit des richeffes réelles , dont il n'étoit comptable qu'à fon ambition, §. I I, Tant de foins & de dépenfe pour dcgroflîr fes Peuples : des vues aulîi conttamment fuivies fur l'introdudion du Commerce & des Arts dans fon Em- pire , ne laiiToient point douter que le C«ar n'eut formé l'efperance de domi-* lier dans la Baltique y & le deîTein d'en foire DU Siècle. IL Vart. 119 faire faire un jour tout le Commerce par fes Sujets j qu'il ne fe propofat de tenir la balance du Nord , & de faire feul contrepoids à toutes fesPuiflances, la France, l'Angleterre , & la Hollande perdoient également , quoique d'une manière différente , à l'exécution de ce plan ; & elles manquèrent avec une égale négligence , les moiens d'y faire obftacle. L'Hiftoîre du Siècle n'a point d'époque moins honnorable à leur po- litique, Le principal intérêt de la France , quant au Nord , eft d'y avoir un Al- lié, qui tienne en échec ceux de fes Voifins , dont l'Empereur fe fairoit des auxiliaires ; & le Miniftere François , incertain s'il trouveroit à former avec quelqu'autre Puiflance les mêmes liai- fons qu'avec la Suéde , qui leur avoit rendu cet office depuis un (îecle > aban- donna Charles XII à fon opiniâtreté , «& les Suédois à leur malheur , fur le panchant de leur ruine. Les deux grandes Puiffances Mari- times qui ont tourné vers le Nord la principale branche de leur Commerce ,* qui ne l'y foutiennent que par l'Equili- bre entre les Princes capables de mai- trifer 120 Histoire Politique trifer la Baltique ; qui ne la pouvoîent étendre qu'en dégoûtant les Peuples Septentrionaux de négocier par eux mêmes : loin de fecourir , d'étaïer une Puiflance accoutumée à traiter avec leurs Marchands , fe joignirent à fes ennemis pour l'accabler , fournirent des armes , des munitions , des vaiP. féaux , des Officiers , formèrent enfin une Marine à un Prince , qui ne pou- voit fe donner le commerce que fur la ruine du leur , & qui étoit refolu de fe le donner. L'Angleterre étoit alors gouvernée par une Reine , qu'un objet particu- culîer occupoit uniquement. La Na- tion 5 accrue de force & de Puiifance par les acquifitions d'Utrecht , fe ju- geoit fuperieure aux évenemens de la guerre du Nord , & en état d'y faire toujours à fon Commerce les condi- tions qu'elle voudroit. Le Prince Suc- cefleur , qui projettoit l'agrandiffement de fon Eledorat fur des démembre- mens, auxquels la Suéde n'entendroit point , jufqu'à ce qu'elle fût réduite à recevoir avec reconnoiffance le Traité qu'il plairoit à fes ennemis de lui dider, a voit un parti puiflànt» qui entretenoit les An- Ï5U Siècle. IL Pari 12 1 ies Anglois dans leur indiference pat rapport a Charles XII. c'eft a quoi il faut attribuer une conduite fi peu conforme à l'intérêt de la Nation. Les Hollandois agirent en Mar- chands, qu'un gain preTent manque ra- rement de feduire. C'a été leur defti- née de mettre les autres fur les voies de leur fecret , & d'enfeigner a ceux qui ont voulu devenir leurs émules Fart de sVnrichir a leurs dépens. Ain- fi qu'ils a voient fait pour Louis Xi V, ils accordèrent au Czar de lui former des Conftrudleurs dans leurs chantiers^ des Officiers^ & des Matelots fur leurs flottes -) des Fadeurs & des Commif- fionnaires dans leurs Comptoirs. Com- me s^ils avoient eu intérêt à rendre promptement refpedable ce nouveau pavillon , ils vendirent au Czar plus de vingt vaiîTeaux de guerre avec leurs agrès & leur équipage : ils firent pafler de leurs gens de mer dans las ports de Ruffie : ils menacèrent d'u- ne guerre ouverte les malheureux Sue« dois 9 qui emploïoient le refte de leurs forces a leur fermer ce monftrueux commerce L' Angleterre &la Hollande P koïmt ï22 Histoire Politiq^ue étoient les principaux garants des trai- tés d'Altena, & de Trawendalh, qui aifuroient a la maifon de Gottorp ie Duché de Holilein, avec la moitié du Duché de Schlefwick : la France avoit pris la garantie du Traité d'Of- nabruk , qui unilToit à la Couronne de Suéde la Pomeranie ? Bremen , & Verden. Les Alliés du Nord étant entrés en Pomeranie j ôc dans les Du- chés 9 la Cour de France s'en tint aux follicitations de fes Ambadadeurs. Le Roi de Dannemark s'^etant emparé du Hoiftein 5 l'Angleterre & la Hollande difputerent fi le Duc étoit dans le cas de la garantie ; & elles attendirent tranquilement que les autres. garans de Trawendalh en donnaffent leur avis. L'armée du Comte de Steinbock étoit la dernière reflburce de la Suéde. Lors qu'elle étoit fur le point d'être acca- blée par Tarmée des trois AUiési une intrigue habilement ménagée lui fit ouvrir les portes de Tonningue^ où elle ne pouvoit être forcée que par la difette; & ce n'étoitgueres que de la Hollande qu'elle pouvoit recevoir des vi%^res. Les Etats- Généraux furent fur le poiat de défendre la fortie des grains de ï) U s I E G t. E. ïl FatL Vï% î de leuis ports ; & ils n'accordèrent \ que la tolérance a ceux de leurs né- i gocians ^ que le profit engagea a la traite. Le congrès de Brunfwick ayant décidé la neutralité des provin- ces Suedoifes en Allemagne ^ les Mi- niftres de Suéde reprefenterent dans toutes les Cours rinjuftice & les incon- veniens de cette neutralité, quii met- tant les ennemis de Charles XÏI. hors d'inquiétude pour leurs Etats, reduifoit fes peuples a la necefllté de recevoir la guerre dans le cœur du Roïaume j & les trois PuiflTances femblerent ap- prouver par leur filence, que l'Empi- re fe liguât , pour obliger Charles k foufcrire a cette neutralité. Le Cz^t avoit déjà dans la Baltique plus de trente vai fléaux de guerre : Son armée de terre eioit maitrefle de toute la Fin- lande j & il raenaçoit de la conduire a Stockolm. Les Etats généraux lui firent demander s^il avoit fermement refolu d'anéantir le Roïaume de Sué- de y s'il étoit dans l'intention de faire tort au Commerce des fujets de la Re- publique ; de fes explications les rea- âir^nt a leur première indifereace. F 2 j. im 124 Histoire Politiq.ue §. III. ?^ Le G^iar Pierre n'étoit point ua Prince 5 dont on put croire qu'agif- fant de boutade^ & par impetuofité de tempérament, fon inconftance étoit d'autant moins éloignée , quM fe por- toit avec plus d'ardeur à l'exécution. Ses projets étoient le fruit d'une pro- fonde méditation; il les avoit confide- rés fous leurs differens points de vue; & on lui auroit fait injuftice de penfer que fes mefures euflent quelques fui- tes poffibles 9 qu'il n''eût pas pénétrées. Les ennemis de la Suéde ^ qui avoient intérêt a tenir fes anciens Alliés dans i'inadion , fe bornoient a reprefenter à ctux qui s'al larmoient de l'agran- difTement du Gzar , le peu de vrai- femblance de Tambition qu'on repro- choit a ce Prince 9 & l'obftacle que lui feroit toujours l'éloignement de fes Etais ,• & il n'en fallut pas davan- tage pour raffurer les plus defians. On »e commença a craindre l'influence de l'Empire des Ruffies fur le$ affaires gé- nérales de l'Europei) que quand il fe la fut ^iTuréç, Le Gzar avoit uni k fet DU Siècle. IL Part. 12 ç ks Etats la Livonie^ dont on ne lui avoit lailTé faire la conquête , que fur la promeflTe de la rendre au Royaux me de Pologne. Il ayoit tranfporié d'Archangel a St. Petersbourg le com- merce de fes Etats , malgré les inftan- ces des Hoîlandois. Contre les efpe- rances qu'il en avoit données^ il vou- loit que le négoce fe fit autrement que fur l'ancien pié ; & les Etats - Géné- raux le follicîtoient en vain de con- clure le Traité de Commerce , qu^il leur promettoit depuis qu'il étoit en liaifon particulière avec eux. ]} fe croïoit allez fort dans la Baltiquevpour éluder impunément une fatisfadion qu'ils lui dcmandoient fur cinq de leurs vaifleaux, que fon Amiral avoit trai- tés en ennemis. Déjà fes Sujets cor- duifoient eux- mêmes leurs navires ^ & negocioient fans guide dans la Mé- diterranée. Enfin il propofa à l'Em- pereur & a la République une Alliance pour le maintien de l'équilibre gênerai de l'Europe: il s'y donna pour la Puif- fance qui devoit remplacer l'Angleter- re ^ & on refufoit encore de croire fon agrandiffement & fon ambition redou^ tables. Le Cardinal Alberoni fut le F 5 pre- 120 HisTO-iRE Politique premier Homme d'état 5 auquel le Gzar parut ce qu'il ^toit& ce qu'il pou- Toit être. L'indifcretion du Baron de €6rtz ^ & la mert de Charles X 1 1. fermèrent la nouvelle carrière où le Monarque Rufle vouîoit entrer. La difgrace d'Alberoni lui coupa fes cor-^ refpoudances avec le midi de TEuro- pe. Mais a la manière dont il fçut ioutenir dans le Nord fa fuperiorité) on put connoitre qu'il en avoit abfo-» lument renverfé la balance. Abandonné de fes AlHés, devenus fes jaloux^ & menacé de les avoir pour arbitres , il continua feul une guerre qu'il avoit a peine ofé commencer en tiers. Il marqua fes conditions com- me il auroit intimé des ordres: & iî fe tenoit fi affuré d'obliger tout le Nord à y foufcrire ^ qu il n'en voulut poiiU #au£re g^gjW; que lui-meiufc CHA- i>u Siècle. IL Pari iif CHAPITRE VL Congres de Cambrai. Traités de Riperda. Triple Alliance de Hannovre en 1725'. LE S prétentions de Philippe V*. & les menées du Cardinal Albé- roni avoient bouleverfé le Sifleme po- litique de l'Europe. Contre fon in- térêt gênerai > la France avoit fait eau- fe commune avec TEmpereur & les Puiflances Maritimes; tandis que l'Ef- pagne ^^ fans autres Alliés que quelques PuiflTances du Nord, avoit rempli un des baffins de la balance. Cette po- fîtion ne pou voit pas être de durée. Mais pour que l'équilibre fe rétablit; il falloit qu'il eflTuiat quelque nouvel- le fecouiTe 5 & que de nouvelles cir- confiances 9 ramenant les différentes Puiflances à leur véritable parti, leur donnaflent & le prétexte, & l'occaCon de fortir des engagemens , qu'un in- térêt paflager leur avoit fait prendre. F -J; Le tiB Histoire Toli^kivè Le temps n'etoit point convenable pour cette nouvelle crife. Les Puiffances, qui la defiroient le plus fortement , ne pouvoiem rien par elles-mêmes,- & quoique les autres fentifTent que leurs liaifons aduelles contraftoient avec leurs intérêts^ comme chacune trou- voit dans la paix un avantage prefent^ elles fe refufoient a une révolution, dont la neceflîté portoit fur un avenir éloigné. L^ANGLETETflRE n'a voit point eu d'au- tre raifon de fon alliance avec la Fran- ce que la crainte du Prétendant; & le Duc Régent de France ne s'e'toit lié avec le Roi Georges, que pour em- pêcher les Princes Efpagnols de ren- trer dans leur qualiié naturelle d'héri- tiers préfomptifs de la Couronne. L'un & l'autre dévoient être déformais fans inqa.çtude à ces deux égards. Le Che- valier de St. Georges éîolt confiné a Rome i & l'affermilfement de la fanté de Louis XV. impofoit fîlence aux pfctendans a fa fucceffion. Le. Roi d'Angleterre devoit fouhaiter de quit- ter un Allié, avec qui il n'avoit que le fécond rôle ; & la Nation Angloife, gênée par Tintelligence des Cours de Ver- D^ Siècle, IlfParu 129 Verfailles & de Londres, devoit en fouhaiter la fin. Il n'y avoit que Té- Ululation qui put juftifier fon commer- ce de contrebande dans les Colonies Françoifes de l'Amérique 9 & Tauto- rifer dans les chicanes , qui, augmen- tant les difficultés du commerce des Indes - Orientales pour les François^ en fâifoient paffer les principaux pro- fits a (qs Negocians. Mais le Traité d'Utrecht ayant porté la Grande - Bre- tagne a un degré de puifTance ^ qui ne pouvoir de long-tems être paflé , le Roi & la Nation vouloient jouir tran- quilement de leur gloire ; & la paix , dont la France & la Hollande avoient befoin 9 pour fe remettre des pertes de la guerre précédente, ils foubai- toient de la conferver, parce qu'ils ne voïoient pas qu'il leur fût utile de la rompre. Certain d'être foutenu par ces deux Puiflfances , le Roi Georges eflaïa de faire de TEurope entière une Republique paifible, donc chaque mem- bre n'auroit de vues, que pour la tran- quilité générale. De concert avec le Duc Régent & les Etats- Généraux^ il extorqua de Philippe V. fon acceffion à la Quadruple-Alliancei & pour mieux F 5 ,€(-. Î50 HisTeiRE Politique cimenter la pacification > il voulut que ce Prince s'unit a fon ancien rival par un Traité de defenlîve réciproque. A voir l'attention de toutes les Cours a éteindre les vieilles animofités^ & leur emprefTement à régler les Subfides ref- pedlifs 9 on auroit dit que TEuropa saieditoit une Croifade univerfelle, ou qu'elle attend oit un agrefleur de quel- gu'autre partie du monde. Cependant TEmpereur & le Roi d'Efpagne proteftoient intérieurement contre cette harmonie générale , qui leur otoit le fruit de leurs Alliances. !Le premier^ que Facquilîtion des Païs^ Bas 9 & des États d'Italie rendoit plus puiffant qu aucun de fes prédecefleurs depuis Charles - Quint , étoh animé par cet accroiffement a fe donner tout . celui dont il étoit fufceptible; & par des prétentions onereufes à fes Alliés naturels il sVfforçoit de les amener a fe joindre a lui pour faire valoir les siutres. Il fe flateit qu'ils y enten- aroient •) ne fut-ce que pour fe déli- vrer de fes importunités. S'il feignoit de ne pouvoir accorder îa Souverai- neté des dix Provinces , que le Trai- 4^ du Barrière lui doûfîoit^ avec Pin- DU Siècle. Il Part. 151 terdidion du commerce , que les Puif- fances Maritimes prétendoient avoir été jettée fur les ports de Flandres & de Brabant : c'étoit dans refperance que 9 pour faire diverfîon a fes vues de ce côté -> l'Angleterre & la Hollan- de lui accorderoient que les préten- tions d'un Prince Efpagnol fur les Duchés de Parme , de Plaifance^ & de Tofcane contraftoient avec la fureté des Etats d'Italie ^ que le Traité d'U- trecht lui avoit adjugés. Philippe V. perdoit le fruit de fa réconciliation avec la Gour de Verfailles, tant qu'el- le ayoit pour alliées, au même rang que lui 9 ' les Puiflances aux dépens dèfquelles il vouloit établir fes fils , ôc arrondir fon Royaume. II deman- doit a l'Empereur les Etats de Tof« cane & de Parme», Il reclamoit fur Ijgs Anglois Gibraltar & Minorque» Quelle que fut alors fon union avec la France, il étoit déterminé de lui pre~ ferer quiconque lui voudroit être plus utile. Les Alliés qu'il prifa étoient ceuK^ qui le feconderoient dans fes vïieSp - Les Cours de Verfailles & de Londres^ avec les Etats- Généraux mettoient bJ kur jufte prix les prétentions & ks^ 1^2 Histoire PoLtTïQ.irË menaces des Cours de Vienne & de Madrid. Si elles ne s'étoient propo- fé que d'empêcher une guerre ouver- te , elles en venoient a bout 9 en gar- dant le filence. Mais elles vouloient que la paix fin TeiFet de Tunion entre les PuifiTances ; & l'aigreur devoit augmenter entr'elles ju(qu'a-ce que leurs difFerens fuflent abfolument ter- îYiinés. On efpera de les accommoder dans une aiTemblée générale 5 où cha- que partie rapprochant toutes les ob- sédions •) & faififTant toutes les diffi- cultés qu'il lui faudroit furmonter^ pour avoir fatisfadicn fur tous fes griefs, pût fe convaincre de l'inutili- té de fes pourfuites. Le Congrès y indiqué a Cambrai ^ le lO. de Juil- let 1720. & négligé pendant les deux années fui vantes , fut enfin una- nimement accepté; & l'ouverture s'en fit le 26. de Janvier 1724. De^ ta première Conférence^ il fat aifé de prévoir que > fembiable aux afTemblées nationales , où on dé- libère beaucoup? pour ae rien conclu- ire ;, ^ ^Du Siècle. //. P^rt. 13 1 re » le Congrès agiteroit grand nom- bre de difficuUés y & n'en refoudroit aucune. L'Empereur & le Roi d'Ef- pagne , qui craigKoient également de perdre leur caufe 5 s'ils en reiTjettoient la décifion a des arbitres ^ donnèrent à leurs Miniftres des inftrudions fort amples , & des pouvoirs très bornés; ils ne leur permirent que de propo- ferv& d'écouter. Pour leurs repon- fesî ils dévoient attendre les Couriers^ dont les dépêches apportoient toujours quelque nouvel incident ? qui chan- geoitî ou prolongeoit la difcuffion. Um- veftiture des Etats de Tofcane & de Parme étoit accrochée , tantôt par le Pape 5 qui reclamoit les droits du St. Siège fur un de fes fiefs ; tantôt par les Princes Efpagnols^ qui deman- doient la Souveraineté abfcluë ; tan- tôt par le Grand Duc^ qui 5 protef- tant de fon indépendance f vouloit qu'on le laiflat difpofer de fa fuccef- fion -) & U choifir un héritier. Les Médiateurs étoient arrêtés au milieu de leurs inrtances , tantôt par l'Empereur, qui infiftait fur le commerce d'Often- de ; tantôt par le Roi d'Efpagne , qui exigeoit la reitittuion de Gibraltar & d§ î^4 îîïs'toiRE Politique de Minorque; tantôt par le Pape, qui follicitoit celle de Comachio, Ce fut un labirinthe, dont on ne fornt que par un de ces accidens imprévus, c^ui^ pour Fordinaire-, amènent le dénoûment des grands embarras politiques. Depuis la fignature unanime du Traité de la Quadruple- Alliance, l'Em- pereur avoit fait rechercher fourde- ment la Cour de Madrid pour un nou- vel arrangement indépendant de celui que la ceffion de Minorque & Finvef- îiture des trois Duchés leur rendoient également onéreux. Sur le planque le Confeil Impérial prefentoit, onpeut^ fans être téméraire •> le foupçonner de peu de {încerité , & croire qu'il ne fe propofoit que de ralentir les pourfui» ies de la Reine pour Fétabliffement de Flnfant. UEmpereur avoit peine à fe donner en Italie un pareil voifmi ôcfes Miniftres efpererent qu une Princefle^ dont Tamour maternel irritoit Tambi- îion^ prendroir aifément le change îorfqu'on lui ofFriroit une ombre plus Brillante que la réalité. Le Nonce A- poftolique fut chargé de la preflentir fur le mariage de l'Infant avec PArchi- dticheffe, qu'on regardait déjà comme DU S ï E c L E. IL fart. î i f Fîiéritiere de fa maifon. On efl: cré- dule fur ce qu on fouliaite. La Rei- ue d'Efpagne s'imagina voir le Prince fon fils fur le trône Impérial ; & elle fut ébiouïe de la perfpedive. Le Ba- ron de Riperda^ homme d'une ima- gination vigoureufe ^ & confequem- ment prompt a fe livrer aux plus va- gues efperances > lui parut un Agent capable de conduire cette importante négociation. Philippe V. rappelle au trône par la mort de Dom-Louïs^ fon fils aine ^ en faveur duquel il avoit ab- diqué ) adopta le projet de la Reine,' & le choix qu'Elle avoit fait du Mi- niftre. Le Baron partit fecretement de Madrid vers le milieu de Septembre 1724. & fe rendit à Vienne le 3. d'Oc- tobre dans le plus profond incognito^' Le Confeil de Vienne^ qui n'avoiî îîoué cette intelligence clandeftine ^ que pour arrêter Tadivité du Congrès^ gagna le Négociateur en lui marquant autant d'empreflement^ qtfil en avoit lui - même ^ pour la conclufion. lî parut pénétré de reconnoiiiance en« vers le Pape, dont les bons offices avoient préparé cet heureux moment; & il iit valpir a la Cour de Madrid î^^ HisToiHE Politique coiinme une recoinpenfe de rÈmpe- reur au St. Père , la reditution de Co- niacliio ^ jufqn'alors fi opiniâtrement difputée , & dont ie Traité fut paffé le II. de Décembre. A mefure que la longueur des conférences de Cam- brai augmenta ^ les Minirtres Im.pe- riaux mirent de Tambiguité dans leurs promelTes au Baron. Bientôt ils fei- gnirent de rfavoir jamais envifagé le mariage projeté 9 que dans un grand lointain : il ne tarda pas a conn^oitre qu'ils retiroient le leurre ^ après qu'il avoit fait fon effet. Sa difgrace étant certaine ? s'*il annonçoit à !a Reine la découverte de la fupercherie , il de- manda aux Miniftres Impériaux de re- prendre avec lui les premières appa- rences , & de lui payer 5 au moins païf kur connivence '> la trabifon qu'il al- loit faire k fes maitres , en les entre- tenant dans leur erreur. La partie fut liée, pour ccntinuer la négociation fur le plan de Leurs Majeftés Catho- liques , qui mettoit pour premier ar- ticle le mariage de Tlnfant avec TAr- cbiduchefle. Le Confeil Impérial 9 exercé dans les difcuffions & les fub- tilités politiques 1 fe fit fort de traîner €11 DU Siècle. IL Pan, 157 en longueur les éclairciflTemens 9 & de retirer les principaux avantages du Traité 9 avant que d'en venir a Pex- plication^ qui devoir découvrir la trom- perie; & le Baron prefuma afTez de (on bonheur , ou de fon liabileté , pour efperer de ramener la Reine d'Efpagne à de moins vaftes efperances. P&NDAxNT que cette fcêne fe jouoit a Vienne > la Cour de Verfailles fe brouilla de nouveau avec celle de Ma» drid. Par une intrigue 9 & pour des petits reflentimens, dont cette Hiftoi- re ne fe charge pas ^ Plnfante deftinée pour époufe a Louïs XV. fut renvoïée en Efpagne, Philippe V. outré de Taf- front étoit prêt a tout pour en tirer vengeance : Mais les forces de fon état ne pouvoient foutenir fes menaces; & les PuifTances Maritimes n'avoient au- cune dirpofition a fervir fon reiTenti- ment. La négociation de Vienne pa- rut alors une reflTource unique : on fe félicita de Tavoir entamée : Riperda eut ordre de la preffer avec chaleur; & on lui envoïa les pleins -pouvoirs les plus étendus. Le Confeil Impérial pen- fa bien y comme la Cour de Verfaillesj que la querelle des deux Couis fe re- duiroi^ 358 Histoire Politiques duiroit à une froideur^ de plus oumoint' longue durée ^ félon qu'il proîonge- roit les efperances de la Reine d'Ef- pagne fiir rétabliirement de l'Infant. Mais outre qu'il nerifquoit rien à pren- dre parti hautement pour roffenfé, il lui étoit de la plus grande importance de donner de la jaloufie aux Puiflances Maritimes^ qui ne le traverfoient avec fi peu de ménagement dans T^tablifle- ment de la Compagnie , que parce que croïant l'Empereur irréconciliable avec fon ancien rival , ils fe fîguroient être pour luî des Alliés neceffatres. Cer- tain que quelque engagement qu il prit à leur préjudice, elles fe trouveroient heureufes qu'après en avoir tiré le fruits il voulut bien le rompre, lorf^ que rendues au véritable fiftême^ el- les feroient obligées de renouer avec lui leurs anciennes liaifons? il fe prê- ta a l'impatience du Négociateur Ef- pagnol ; & ils pafTerent tout a la fois quatre Traités, qui s'ils euffent été fou* tenus, devoiem boulererfer toute l'Eu- ffope. §. II. ■ u Siècle, II. Fm. 135 $. IL !Les deux premiers ;> qui furent rendus publics auflfi-tôt après leur fi- gnature ^ n'attirèrent que des félicita- tions aux deux Cours de la part des PuifTances médiatrices du Congrès, qui ny voïoient que la reconciliation de deux Princes jufques Ik rivaux & en- nemis. Le premier étoit une confir- mation en dix -neuf articles de Tac- cord ftipulé par la Quadruple- Allian- ce de 171 8. entre FEmpereur & le* Roi d'Efpagne. Il n'avoit de nouveau ^ que la garantie de la Pragmatique Sanc^ tion y dont il fera parlé ailleurs. Le fécond Traité portoit en articles gé- néraux le rétabliflement du commer«> ce entre les Sujets des deux Empires^ avec la même liberté qu'auparavant la guerre de 1701. Les deux autres étoient d'une bien plus grande impor- tance. L'un ftipuloit les engagemens refpedifs pour la défenfive la plus étendue 9 tant fur terre 5 que fur mer. Les deux Princes fe promet- toient de faire caufe commune contre quelque Agrefleur que ce fut , & de fe 140 Histoire Politique fe procurer Tan a Fantre tous les avan- tages poffibîes. UEmpereur s'enga- geoit k emploïer fes bons offices ;, & même fa niediation> pour obliger i'An- gîeterj-e à la reflitution de Minorqne^ & de Gibraltar; & Philippe ouvroit aux Sujets de Sa Majefté Impériale un commerce fans bornes dans fes Etats de l'un 5c l'autre Continent. Ce dernier article étoit Tobjet de tous ceux du quatrième 'Traité , où la Compagnie d'Oftende, reconnue^ con- formément aux lettres d'odroi qu'el- fe avoit de l'Empereur pour trente ans^ étoit privilégiée par préférence a celles d'Angleterre? de Hollande & de Fran- ce. Tous les ports de la domination d'Efpagne ^ en Europe & aux Indes^ étoient ouverts a les vaifTeaux ^ tant pour s'avitailler ^ que pour mettre leurs prifes & leurs marchandifes en fureté? fans impôt de l'Amirauté, fans amende pour contrebande fa'de , fans autre foumifTion que rexhibition des lettres de chargement -> enfin fans au- tres droits â payer que le dix pour cent? & feulement une fois^ a la pre- mière entrée des marchandifes dans les ports & pais d'Efp.^gne. Il étoit per- mis DU s lE CL H, //. fart. 141 mis auK fujets de l'Empereur queb- conqiies de s'établir dans le R: ïaume. Le droit d^Auheine étoit aboii pour euxi comme celui de Gravure fur ceux de leurs vai fléaux qui feraient naufra- ge fur les côtes Efpagnoles des deux contitiens. Tous les avantages 7 que PAngleterre s'^étoit fcit donner pour fon commerce par le Traité d'Utrecht» l'Empereur les obtint pour le com- merce de (es (xxjQts ; & il lui fut pro- mis qu'en cas de rupture entre les deux PuiflTances 9 ils auroient Cix mois , de- puis fa déclaration ^ pour difpofer de leurs marchandifes en liberté. Les qua- tre Traités furent fignés le jo. d'Avril, & le I. de May 172Ç. avec un article fecret y qui régloit un Subfîde annuel, & fixoit le don gratuit 9 que la Cour de Madrid promettoit a celle de Vie% 5. I I L Ll Baron de Ripperda crut avoir fait un ouvrage de durée i & il ceiïa de foutenir par fa contenance le fecret de fa négociation. Dans l'opinioa que les Cours de Londres & de Ver- f^iillfs ne lui pouroieat oppoftr que 14^^ IHisTor^E VôLincivÊ Ses murmures impulflans ^ il fe plut a leur faire deviner la vidoire, qu'il veooit de remporter fur elles. A la tr.o- defte circonfpeflion d'un Politique in- certain du fuccès^ il fit fucceder tour a coup Tair avantageux & les manières brûlantes d'un homme * qui vient de faire des duppes. Les Ambaffadeurs de France & d'Angleterre à Vienne foupçonn^rent qu il avoit plus fait en- core ^ qu'il n'*en laiflfoit entrevoir; Ôi comme s'ils avoient aprehendé qu'on fie les accufat de négligence , ou de peu de pénétration* ils annoncèrent a leur Cour les plus importantes décou- vertes^ Leur imagination avoit la meil- leure part a leurs conjeânres : mais el- les n'en paflerent pas moins pour des vérités. On crut k Verfailles & à Lon- dres , qu'au lieu d'un Traité de défen- sive pour leurs Etats refpedifs ^ l'Em- pereur & Philippe Vf avoient fait une ligue ofFenfive ; & que le premier, qui ne pouvoit joiiir des avantages que le traité de commerce lui faifoit ^ à moins que l'Angleterre ne fût hors d'état de le traverferi s'étoit engagé a appuïer & une nouvelle invafion du Préiendatit$ ai un nouveau fiege de Gibraltar avec la conquis de Minorque. Les DU Siècle. M Part. f^% Les deux Cour^^ fe hâtèrent de pren- dre les mefures capables de déconcer- ter un pareil projet. Le Roi d'Angle- terre? dans un voïage-ji cjuM fit a Han- novre -j fe ménagea une entrevue avec le Roi de PrufTe? a qui il fit goûter le plan d'une alliance . ou la France s'*u- lîiroit a eux ^ pour contrebalancer cel- le de l'Empereur & de Philippe V. Le Traité en fut conclu au château de Herrenhaufen > près d'Hannovre^ le 5. de Septembre 1725'. C'étoit une défenfiv^e , & une garantie des Etats & du Commerce refpedifs envers & contre tous. En cas de guerre entre PRmpereur & la France^ les deux Rois Eleâeurs promettoient de refufer au premier leur contingent ; & en même temps qu'ils fe refervoieot de le pou- voir fournir 9 au cas que l'Empire fut partie belligérante 9 ils s'engageoient d'emploïer leur crédit & leur autorité dans les Diètes pour arrêter les délibé- rations du Corps Germanique. De fom côté 9 la France s'obligeoit a foutenir les deux Rois Eledeurs> mêmeçoisi^ tte PEmpire, §. iTa Î44 HisïoiP.E P0LITIQ.UB f. î V. UBmpePwIUR ne sVtok point at- tendu a tant de vivacité ds la part du Roi ^''Angleterre. Le Commerce d'Of- tende^ quM croïoit Tunique objet des craintes de ce Monarque , touchoit de bien plus près les Hoilandois, qui cependant ne lui avoient oppofé que des offres capables de compenfer les avantages qu'il fe promertoit de Té- tablilTement de fa Compagnie. Son Confeil s'étoit flaté que ce feroit en rendant ces offres plus féduifantes, qu'on s'^efforceroit de le retirer des engagemens qu'il venoit de pren- dre a Vienne. Il avoit compté qu'il auroit toujours a opter entre fa fidé- lité a fa nouvelle alliance & fon re- tour amiable vers fes anciens Alliés. L'empreflement des contradans de Hannovre a s'acquérir des accedans à leur Traité ne lui permettant point de douter 5 quils n'euflent refolu de le ramener par la force a l'interpré- tation qu'ils donnoient ?ux anciens Traités de Commerce : la fermeté 9 gui faifaît la bg^e de foiî cara^ere» 1^ I DU Siècle. //. Parn 14^ le porta a foutenir fa démarche ; & il ofa efperer que fa politique feroit af- fez heureufe ■) pour gagner aux Trai^ tés de Vienne un nombre de partie- fans & de garants capable de les met- tre au-delTus des oppofuions de la triple alliance de Hannovre. Les Miniftres Impériaux intriguèrent dans les Diètes des Cercles. Ils ten- tèrent les Princes par les promeiïes les plus capables de les feduire. L'Elec- teur de Bavière ne tint point èontre leurs follicitations. Mais il fut le feul, qui s'y rendit. Le Landgrave de Heffe fe refufa a Papas d'un dixième Elec- torat 5 qu'on lui offrou de créer en fa faveur. Le Roi de Sardaigneaqui l'ex- périence avoit donné une jufte idée des promeiTes des Empereurs^ regarda com- me un hameçon» que la Cour de Vien- ne lui prefentoit^ pour le retirer a el- le 5 dès que le befoin qu'elle avoit de lui ceiTeroit , la promeffe de quelques nQuvelies ceffions en Lombardie. De forte que PEmpereur ^ abandonné de tous les Alliés, dont fa maifon avoit coutume de faire les inftrumens de fa grandeur ^ fut réduit k s'en procurer dans le Nord Son Confeil s'étant G fou- $4 Histoire ?olitiq.ue fouveilii a propos, qu'ii n'avoit pas ré- pondu a Tin . itation qui lui avoit été faite de prendre part au Traité de Stockolrn Î724* il fit demander d'y être admis. Uade de fon acceffion fut expédié le 16. d'Avril 1725. Il croïoit s'unir a la Suéde & a la Ruflle pour une defenfîve fans bornes. Mais la pre- mière de ces deux PuilTancesj, qui nV voit pas oublié les mauvais offices qui lui furent rendus par la Cour de Vien- ne au fort de fes malheurs , ne vou- lut pafTer Pade d'accefTion ^ que fous des modilBcations 5 qui lui refervoient la liberté d'entrer dans l'alliance de Hannovre. La Cour de Vienne fei- gnit de ne pas être auffi étonnée, qu'el- le étoit mécontente? de cette reftriâion. Mais pour peu qu'elle en eût foup- çonné la poiTibilité 9 elle fe feroit bien gardée d'aliéner le Roi de Dannemarc^ ainfi qu'elle le faifoit en accédant a un Traité dont l'article fecret la fai- foit entrer de moitié dans l'oblig^ion de faire reftituer au Duc de Holftein fa portion du Duché de Schlefwick. Cependant elle donna a fa réputation de paroiire fuffifamment appuïée par la RufFie j & elk fit avec cette Puif- fance DU Siècle. Il Part. 147 fanc^ un traité particulier de defenfi- ve , dont la garantie des Traités de Ripperda étoit le principal article. Les Alliés de Hannovre avoientbien d'autres moyens que la négociation & les promeffes ^ pour fe gagner des parti fans. Le premier bruit du pro- jet en faveur du Prétendant s'étoit ac- crédité 5 & la Nation avoit fignalé fon affedion pour la ligne Proteftante par des fubfides^ qui avoient tnis le Roi en état de diftribuer trois fortes ef- cadres dans la Baltique, la Méditer- ranée-, & le Golphe du Mexique. Les Etats - Généraux ? garants de la Sue- ceiTion dans la maifon de Hannovre^ ëtoient difpofés a contribuer a l'entre- tien des troupes des Alliés. Ils ^toient entrés eux-mêmes dans T Alliance , en ajoutant afes neuf articles un article fe- cret, par lequel ils ftipuloient qu'au cas que la République^ fût attaquée ^ les Alliés lui donneroient leur fecours^ fans attendre l'effet de leurs bons of- fices auprès de ragrelfeur. Tant d'ar- deur & de (i grandes forces contre un ennemi qui fe bornoit à promettre de grands préparatifs, ne laifibient point douteux de quel côié ^1 étoit plis G 2 . far T45 HlS'ï*ÔlïlE POLimCLtlE fur de fe ranger. Malgré les follici» tarions de la Czarine , ôc du Duc de Holiîein ^ le Roi de Suéde accéda a ralliance deHannovre. De p!u«?i dans fa qualité de Landgrave ae HelTe, il fit nn Traité avec le Roi- d'Angleter- re 9 pour Fentretien de douT^e mille Hefifois ; & le Roi de Sardaigne pa- rut n'attendre que des propositions ^ pour imiter Sa Majefté Suedoife. §. V. L'Empereur ctonné de trouver dans fes anciens Alliés des ennemis aufïî prefTans 9 & d'apprendre qu\m Roi d'Angleterre , Eledeur de Han- novre, faifant ufage contre lui des reffoiirces de Louis XIV. lui fufcitoit des affaires au fond de la Hongrie, ceffa de mettre a fi haut prix Taîlian- ce d'une PuifTdnce ^ dont toutes les forces échouoient au fiege d'une viL le de fon Roïaume. L'habiîe Com- te de Konigfek avoit fidèlement te- nu la parole donnée a Riperda par le Conleil Impérial. Il avoit fçu con- ferver foMS les yeux de la Reine d'Ef- pagne la perfped.va du mariage de riu- DU SiECLS. //. fart. 149- l'Tnfant avec PilrchidiicîielTe. Mais les Finances Efpagnoles étant épiiileeSî» & la Cour de Vienne ayant tiré tout ce qiieiles pouvoient lui fournir , il en vint enfin a Fexplication qui de- voit rendre les deux Cours a leur pre- mière défiance. Le Ccnfeil Impérial crut devoir prévenir les plaintes & les Reproches du Miniftre Efpagnoh Il Ce recria fur Pinexecution des arti- cles de Riperda^ & avant que d avoir réponfe fur fes griefs, il déclara la. refolution n où ctoit TEmpereur^ de fe détacher d'un Allié peu fur. Sa Ma- jefté Impériale demanda un nouveau Congrès^ où el!e put avec éclat rom- pre les nœuds bizares , qui runiflbient a fon ancien rival contre fes anciens Alliés -> fi elle ne pouvoit parvenir k l^ défaire* i .w È»;'^-^ C H A- »5o Histoire PoLiTiQ.trE CHAPITRE VIL Congrès de SoiJJons. Traité de Seville en 172p. TOUTES les Cours avoient un égal éloignement pour la guer- re ; & la connoilTance de cet eiprit de parti gênerai rendoit chaque puif- fance plus difficile fur les conditions de fon rapatriement. Perfuadces qu'el- les ne rifquoient rien à s'^opiniatrer, & que le pis qui leur en put arriver^ étoit d'être obligées de fe relâcher 9 elles tenoient bon fur toutes leurs pré- tentions. Il étoit poffible que pour fortir d'une négociation aùffi rebutan- te & fe délivrer de Pimportunité de leurs plaintes, on leur accordât quel- que chofe. L'Empereuu avoit ménagé fecre- temeiit Tintervention du Pape pour concilier les Alliés de Hannovre areç ceux de Vienne. li fut le premier à qui un Nonce fît inftance de la part du DU Siècle. //. Part, i^i du St. Père : comme s'il eut été le Souverain le plus difficile a fléchir 5 & celui qui après avoir été fléchi de- voit aplanir les plus grandes difficul- tés de la pacification. Les bons of- fices du Nonce furent reçus du Minif- tere Impérial avec une hauteur bruian* te capable d'en impofer aux autres Puiifances. On lui répondit comme a un Pacificateur incommode:,* & il put fe faire honneur de fa perfeverance. Cependant la Cour de Vienne étoiî attentive a l'idée que les autres Cours prenoient des bons offices du Pape, Lors qu'elle eut reconnu que le St. Père y étoit avoué de fa démarche 9 elle feignit de fe rendre a fcs follici- tations ; & elle donna au Nonce une déclaration en forme d'articles préli- minaires 5 d'après lefquels elle confen- toit qu'on drelTat un Traité. Elle y réduifoit tous les griefs des Alliés de Hannovre au Commerce d'Oflende, C'étoit effeâivement le ùiû qui fut fondé. Elle demandoit qu'on fixât un tems pour exam.iner s'il éioit con- traire aux Traités, Elle co|ifentciî: que pendant le tems de l'examen il ne fortit plus du port d'OIle/ide au- G 4 cun iÇ2 Histoire Politîq.ue eun vaiflTeau pour les îndes. Elle vouioit que Ci le tems fixé pour Pexa* men étoit prolonge ^ la Compagnie d'Oftende jouît par proviiîon de (on octroi. Elle confentoit enfin de fe foumettre a la décifion des Examina- teurs, pourvu qu"*ils fuffent Arbitres dé/întereffés. Rien de plus captieux que ces quatre Articles. Par le premier, l'Em- pereur auroit rendu problématique une queftion que les Alliés de Hannovre prétendoient décidée nettement par les Traités dont il demanddit la difcuffion. Par le troifiéme , il s'alluriit un vé- ritable gain de caufe : puifque fes Mi- niftres, exercés k tirer les aTaires en longueur, étoient furs d'empêcher que IVxamen ne fut terminé au terme af- fîgné. Par le dernier , il fe refervoit ou d'apeller de la dicifion Ci quelqu'u- ne des Grandes - Puillances étoit au nombre des Arb tres^ ou de gagner fes Juges, Ci on les prenoit parmi les Puiflances qui n'ont aucun intérêt au commerce maritime. Car hors l'Al- lemagne & ritalie, il tiQn eft point de ces dernières. Lbs Alliés de Hannovre ayant ré- pon- BU Siècle. //. fart, i^g pondu a ces préliminaires 9 la Cour de Vienne ne crut pas devoir entrer dans le détail d'une réplique. Elle avoit obtenu ce qu'^elle fouhaitcit^ favoir d'entamer îa négociation ^ fans paroitre faire les premières avances. Répliquer 9 c'eut été convenir qu'on lui avoit répondu. Pour fauver cet- te aparence^de dignité, elie envoïa a Verfajllesune déclaration, qu'elle norr- ma fes Conîre-^pr&pofinons i & le Car- dinal de Fleuri 5 qui venoit de fuc- céder au Duc de Bourbon dans le pre^ mier Miniftere 5 ne la chicana point fur fon étiquette. Fîaté de Pécîat que jetteroit fur fon Mènifîere une négo- ciation auffi vafte y s'il *'en attiroit la conduite , il répendit a FEmpereyr 5 fans confuîter les Alliés de HannovrCi» & il lui fit remettre? le 9. de Mai 1727. par l'Ambafladear de France à Vienne^ de nouveaux préliminaires ? avec îa déclaration du Roi fon maitre, que le refus d'une réponfe définitive dans k terme d'un mois •> feroit pris pour une rupture. Ces nouveaux prélimi- naires ftipuloient en huit articles, une fufpenfion ^ pour fept ans -> de toutes prétentions ^ hoftilités ^ tomes cho» G 5 fe^; ir4 Histoire PoLîTiQUE fes demeurant fur le pié où les Traités d"Utrecht, de Baden , & de la Qua- druple - Alliance -, les avoiem mifes , jufqu a-ce qu un Congrès en eut déci- dé autrement. L'Empereur renvoïa, fous le nom de nouvelles propoftnons^ ces mêmes préliminaires augm.entés de plufieurs articles fu^ la Police du futur Congrès. Ils furent communi- qués le 2J. aux Alliés de Hannovre ^ & comme les additions n'étoient pas alTez importantes pour être conteflées, leurs Miniftres les fignerentle 31. du même miOis. Le Roi d'Efpagne , qui s'étoit pro- mis de l'Alliance de Vienne , le re- couvrement de Minorque & de Gi- braltar 9 refufa h?.utcment de ratifier des préliminaires qui l'obligeoient a renoncer a l'Ifle^ & à lever le fiege qu'il faifoit depuis un an de la Pla- ce. Son dépit contre l'Empereur y dont il ne recevoit pas même des of» £ces ^ tandis qu'il , en avoit efperé des fecours^ le fit penfer a faire fans fa participation , (on accommiodement particulier. Des deux objets qu'il avoit eu en vue en recherchant fon Al- liance 5 il ea reftoit encore wn ; fua? DU Siècle. //. Part, icj* lequel Sa Majore Impériale ne s'étoii: point lailTée pénétrer. Elle avoit tou- jours donné a Rjpperda , & aux au- tres Miniftres Efpagnois, les paroles les plus pofiti^és en faveur de Don Carlos. Mais le jeune Prince n'en ^toit pas moins encore a une fimple expedative ^ que mille accidens pou- voient mettre au nombre des projets manques. La Cour de Madrid ne doutoit point que les Alliés de Han- novre , fi elle vouloit paffer de leur côté 9 ne lui fiffent raifon fur cet ar- ticle de la Quadruple- Alliance. Mais ils le lui feroient valoir ; & elle avoit d'autres demandes a leur faire -> pour lefqueîles il lui étoit eflentiel de mé- nager leur complaifance. Avant que de renoncer publique- ment aux efperances d'union qui fob- fiftoient encore entre les deux Cours, le Miniftere Efpagnol voulut tirer parti des circonftances 5 pour obtenir de l'Empereur la prife de po(Tef- fion du Grand Duché de Tofcane pour PInfant. Aïant fignifié aux Mi- niftres Impériaux que Ph::ippe V. met- toit a ce prix la fignature des préli- minaires du 2î. de Mil , il fit nalTer G 6 ^ a Éf6 Histoire Folîtique a Vienne deux cent mille piftoles^ qui détenninerent le Confeil Auîique a lever ce dernier obftacie a la tenue du Congrès. La prife de poiTefripii fut promife a Tlnfant de la manière la plus foîeninelle. On montra au Négociateur Efpagnol le refcrit Im- périal 9 qui devoit être fignifié a la Douairière Palatine 5 née Duchefle de Tofcane, & on fomma Philippe V. de remplir la condition fous laquel- le on le lui accordoit. La Cour de Madrid croïant avoir dupé celle de Vienne^ fe liâta de ilgner les préiimi>- saaires. Le 4, de Mars 1728. elle ra» îifia la Convention que le Roi d^ An- gleterre avoit fait digérer d'après leurs Articles, Le 13. d'Avril TEmperetir figna & fit expédier fon Refcript. Tout alloit bien jufques-ra, L^Efpagne te«* noit fes {Ix m.iile Efpagnols pour la prife de poiTeffioa Mais l'Empereur expliquant la reftriôion mentale de fa promeiTe 5 voulut que la prife de pof- feffion fe fit par fes propres troupes au nom de l'Infant; & il en fit ex« pedier Tordre avec les inftruâions au Comte de Thaun Gouverneur du Mi- feaès, Cétoit réduire cet Acle^ qui de«» DU Siècle. IL Fart. 15^^ devoit être déciaf 5^ k une pure ce- rcmonie. Il étoit inutile de fe plaindre de la fuperclierie. Le coup avoit été pré- médite ; & les Miniftres Impériaux avoient toute prête la réponfe aux re- montrances qu'on leur aiiroit adref- Uts. La Cour de Madrid dévorant fon chagrin, prépara dans le plus pro- fond fecret ^ unQ vengeance éclatante, Ayant nommé fes Minirrres au Con-» grès y elle parut remettre (qs droits & fes prétentions à l'arbitrage des Puif- fances c^ù Tavoicnt indiqué, l ^ Le Cardinal de Fleuri avoit oB^ tenu que Soiflons fut préféré a Cam- brai ") pour être le lieu de raflemblée. Ses foins pour donner de Téclat a cet- te Diète générale de PEurope , où il devoit préflder , furent extrêmes. Om eut dit qu'ail y attaclioit la réputation de fon Miniftère. Il y fît inviter les PuifTances du Nord qui n'y avoient aucun intérêt. Il fit déclarer au Grand Vizir par rAmjbaiïadeur de France a k Portc^ que Sa Majefté T- C, fe tien- ërok îjS Histoire Politîq.ue droit obligée au Sultan 9 s'il rfentre- prenoit point de troubler le repos de FEurope pendant la durée du Con- grès. Après mcme que la tranllation de i'alTembiée a SoilTons eut été re- loluë , il fit expédier les ordres du Roi au Gouverneur & au Magiftrat de Cambrai ^ pour la réception des Mi- nières? qu'on favoit déjà ne devoir pas veni^r dans cette Ville. Jamais Concile gênerai ne fut annoncé avec plus d'apareil & de dignité. L'ouvEUTURE du Congrès fe fit le 14. de Juin 1728. par des haratî- gues, C'ell: à peu près tout ce qu'il fournit k i'Hiftoire. Le Cardinal obli- gé d^être a la Cour^ y attira infenfi- blement les Conférences; & les Mi- niflres n'allèrent plus a Soiflbns que pour fe donner des fêtes, ou pour prendre Tair de la province pendant la belle faifon. La négociation 5 qui avoit pour objet la pacification dérou- te l'Europe , enfanta un projet de Trêve générale^ en dix Articles, le- quel ne fut goûté que de fcn Auteur, Chaque Puiffance , ou indifférente ou contraire a cet intérim qui ne remé- dioit a rien, le reçut avec mépris.. L'Em. DU Siècle. //. Fan. j^g L'Empereur a qui il intimoit une prolongation de rinterdidion de fa Compagnie d'Oftende , ne voulut pas même que fon Confeil en entreprit l'examen. La Cour de Madrid-) qu'il invitoit a fe repofer de la Succeffion de Tofcane (lir la parole de Sa Majef- té Impériale, & à fe confoler de la perte de Minorque & de Gibraltar 9 par l'affurance que le Roi d'Angleterre lui donnoit de ne prétendre plus rien? hors le commerce 5 de la Monarchie Efpagnole en Tun & l'autre Conti- nent ^ ne le traita pas plus favorable- ment. Les Puiilances du Nord,* qu'il n'accordoit point fur le Duché de Schlefwich, crurent qu il ne les regar«* doit pas. Tout d'un coup on ne par- la plus de ce Congrès qu'on avoit ef- timé devoir notifier au Grand Sei- gneur. Plufîeurs de ces Miniftres fi-* rent des voïages, les uns a leur Court» les autres dans leurs terres. Les Cou- riers fembioient pafler par SoilTons que fî le Miniftère de l'Empereur eii^ avoitété cru, fcn Maître dans une cir- conftance on il pouvoit tout obtenir de Philippe V. devoit refTerrer fes liai- fons avec lui. On devina plus jufte a Vienne- Ceft de toutes les Cours celle où les axiomes de politique fon^ le plus invioîablement obfervés. On avoir donné a Philippe V. des fujets de mécontentement: on ne penfa point qu'il refufat de s'en reffentir. Le Con- feil Aulique regarda comme un piège Fécîaîrcifiement que le Miniftre d'Ef- pagne luL demanda fur les fecours que fon Maître devoit attendre de Sa Ma- lade Impériale , au cas qu'il entrât en guerre avec les Anglois. La réponfe fut que la demande étoit hors de fai- fon dans un tcms où toute l'Europe aflemblée négocioit une paix générale» La Cour de Madrid feignit de ne pas voir qu'en Pavoit pénétrée. El- le DU Siècle. //. Part. i6i ie redoubla fes clameurs contre TAn- gleterre ,* & fixant rattention de la plupart des Puitrances fur ks préten- dus delTeins de guerre î elle attira in- fenfiblement a Seville les principaux Négociateurs de Soiffons. Les Con- férences furent nourries dans ce nou- veau lieu d'âlTembiée. Les AîTibaila- dcurs de France & d'Angleterre s\n referverent le fecret , conjointement avec le Miniftre Efpagnol. De for- te que le 9. de Novembre 1729. il parut un Traité en XIV. Articles, dont la Cour de Vienne n'avoit pas eu ig moindre avis. §. IL On peut rapeller les quatorze Ar- ticles du Traité de Seville k quatre principaux. Ceux qui regardent la dé- fenfive des Etats refpedifs, ne diffé- rent que du plus au moins de ce qu'ont ordina re de ftipuîer tous les Traités du Siècle. Les trois Puiffances s'en- gageoient de procurer la prife de pof- feiïion des Etats de Tofcane par ûx ipille homim.es de troupes Efpagnoles^' & elles en garantilToient envers & contre tous la jouïiTance & la pro- priété' î62 Histoire Politique prieté a l'Infant & a fes héritiers na- turels. Le Roi d'Efpagne de fon cô- té proîeftoit contre les privilèges qu'il avoit accordés aux fujets de PEnnpe- reur par les Traités de Ripperda. Il déclaroit^quM n'avoit jamais entendu déroger aux Traités antérieurs a Tan- née 1725. & il ïlgnifioit que s^il avoit ftipulé quelque Article qui leur fut contraire, il Tannuloit abfoliiment. Sa Majefté Catholique rétabliflToit le Com- merce de !a France & de l'Angleter- re en Europe & dans les Indes, fur le pie des anciennes conventions ; & el- le promettoit de dédommager les Né- gocians Anglois de leurs pertes en Eu- rope -> depuis Parmiftice de l'année précédente > & en Amérique , depuis l'arrivée au Mexique des ordres expé- diés en conféquence. La République invitée a l'acceffioîT^ ne la remit pas plus loin que le 19. du même mois j & elle y fut reçue avec diftindion. Outre les conditions de l'Angleterre-) qui lui étoient accordées, il lui fut promis que Sa Majefté Ca^- tholique ne donneroit déformais au- cun privilège a aucune Nation^ dont el- le ne fit jouïr auffi-tôt les Sujets de leurs Hautes- Puiilances, §. III. D U s I E C L E. 77. Part. î 65 §. I I L L E mécontentement de TEmpe- reur s'exhaia en plaintes améres. Ou- bliant quM a''oit donné a Don Car- los rinveftiture éventuelle du Grand Duché : qu'il en avoit fait prendre pofïefTion par fes troupes au nom de rinfant : qu'il en avoit parlé en maî- tre au Grand Duc Régnant ? & k fa Sœur : qu'enfin il avoit traité de dé- fiance injurieufe la crainte où avoit été la Cour de Madrid , que Sa Maiedé Impériale ne voulut pas fîncérement rétablifTemenr d'un Prince Efpagnol en Tofcane,- il reprocha aux Contradans de Sevilîe d\]furper les terres & les droits de TEmpire : il les accufa de rompre les liens les plus facrés de la Société «) & d'outrager un Souverain^ en difpofant de fa Succeffiv^n pendant fa vie. Cette bruïante colère avoit fa raifon dans un rafinement de politi- que^ parfaitement d'accord avec la hau» teur naturelle a la Cour de Vienne, Les Minières de France & d'Angle- terre étoient également pacifiques. Le moïen de les amener a négocier étoit d'affeder de n'y vouloir point entendre, CHA' 164 Histoire Polîîiq.us CHAPITRE VIII. ASîes & Traites relatifs à la Pragmatique San6îion de Charles p^L L'Inflexibilité des Pulfiances Maritimes fur rinterdidion du Commerce d'Odende s'étoit déc!aréa dans le Traité de Se ville,* & l'Em- pereur aïant marqué hautement par les Traités dj Ripperda, qu'ail étoit réfolu de maintenir fa Compagnie en dépit de leurs opoiîtidns ? il s'étoit fermé le retour aux conditions que les Etats- Gs- Keraux lui a voient offertes pour ré- compenfe de fa fupreffion. Ces condi- tions éioient fi avantageuies, que la Cour de Vienne, fans expérience fur les difS- criltésde Pétablifïement d'un Commerce maritime ^ en avoit redoublé d'ardeur pour celui de fa Compagnie. Queis pro- fits les ncgocians d'Ôftende ne dé- voient ils pas fe promettre , puis qu^u- iie Puiffance qui avoit fes Colonies^ .BU Siècle. It, Parn îS> fes Cooiptoirs-, fes Correfpondances & ^ne Marine de deux fiecîes-» vouioit acheter lî cher leur inadion l Tel^ fut la réflexion du Confeil Impérial ^ & elle lui fit reietter avec une con~ fiance dédaigaeufe ^ la quitance géné- rale que leurs Hautes - PuilTances of- froient a 1 Emnereur de tout ce que leur d^voit la Maifon d'Autriche^ avec la remife perpétue 11- des cinq cent mil- le écus annuels que le Traité de bar- rière leur affîgnoit* fiu: les revenus des dix provnces:? p©ur l'entretien des gar- nifons Hoilandoifes. Aussi-tôt que Taccedion de la Ré- publique au Traité de Sévi lie eut mis le fceau a la revocation que la Cour de Madrid y donnoit des articles de Riperda^ les Miniftres Impériaux re- noncèrent à Tefperance de mettre leur Maître au nombre des PuilTances com- merçantes; & pour faire dîverfion ait reproche qu'il leur pouvoit faire, d'à- %^oir manqué des avantages réels & prefens pour courir après des poffibles incertains & éloignés, ils le fixèrent fur Tobet de fa politique qu'ils fa- voient lui être le plus à cœur: en tâ- chant de lui per/liader que le refroi- diile- s 1^6 HîSTOIllE POLîTlQ,UE didementdes Puinances ?vIaritimesétoit ncceilaire , pour qu'on put les ame- ner a former les plus étroites liaifons. En eifec , il n'étoit pas impoffible de faire croire a l'Angleterre & à la Hol- lande qu'on nV'toit coupable envers el- les que pour avoir trop préfumé de leur affedion pour Sa Majefté Impériale; & qu'on n'avoit tant infifté fur le Com- merce d'Oftende que parce qu'on ne les favoit pas abfolument décidées a ne le point tolérer. Alors il étoit na- turel qu'autant par égard pour les in- tentions de Sa Majefté Impériale, que pour lui faire oublier Tinfulte qu'el- les lui avoient faite en traitant a Se- ville a fon infçu , elles accordaf- fent pour le renoliement que leur vé- ritable intérêt leurordonnoit plus qu'el- les n'auroient accordé pour la conti- nuation de l'ancienne Alliance, fi el- le n'avoit point été altérée. Le mé- contentement de l'Empereur lui don- noit pour ainfi dire de nouvelles pré- tentions & de nouveaux droits fur leur amitié. La Cour de Verfa^Hes avoit pris à Seville fa revanche des Traités de Vienne conclus fans fa participaiion. Gel- BU Siècle. //„ Part. 1 6y Celle de Vienne ne voulut pas refter fur les reprefaifles. Elle prifoit d'au- tant plus ce petit triomphe ^ que dé- jà le Cardinal de Fleuri ayant jette les fondemens de la réputation dont il a joui pendant fa vie^ le Miniftère Fran- çois comptoit fur la fuperiorité de fa politique. Bien tôt la négociation fut engagée dans le plus profond fecret avec la Cour de Londres. Milord Waldgrave AmbalTadeur extraordinai- re a Vienne en régla les préliminai- res pendant le mois de Mai 1730. & Mr. Robinfon qui le remplaça au mois de Juillet continua l'ouvrage avec tant de fuccès , que le nouveau Traité di- géré prefque fous les yeux d\ n des plus habiles Politiques que la Fian- ce ait jamiais eu , fut figné & ratifié avant que le Cardinal eut voulu croi- re qu'il fe négocioit. Mr. de Chavi- gni Miniftre de France dans l'Empire, ne s'en étoit point laifle impofer par les inftances que les Minières de l'Em- pereur faifoient auprès des Cercles con- tre le Traité de Seville. Mais les or- dres & les inftruélions qu'il recevoit de fa Cour , portant uniquement fur les obftacles qail devoit leur opofer? il lui î63 HisToiHE Politique lui i^'ilut fe refufer a fes propres lu- mières , & ne faire ufa^e du crédit qu'il sVtoit aquis dans TEmpire, que pour empêcher le Corps Germanique dVntrer dans les mefures que l'Empe- reur fembloit prendre au préjudice des Contradans de Seville. §. I. L'Empeueur Charles V I. plus grand Terrien & aufTi puilTant dans l'Empire qu'aucun de fes prédeccfleurs depuis Charles - Quint ^ a été accufc d'avoir repris le projet de la Monar- chie univerfelle ^ attribué aux Princes de fa Maifon. C'eft une accufaticn qui n"'eft fondée que fur des fpécula- tions que Phiftoire de fon rr'gne dé- ment. A peine fut-il poiïefieur de la Couronne Impériale > & Punique mâ- le de fa Maifon , que tout entier a la crainte de Textindion de celle-ci , & du p^Crige de celle-là dans une Mai- fon Eledora^e qui sYleveroit fur les ruines de la fienne> il forma le def- fein d'afTurer tous fes Etats a fa fille aî- née^ afin que le mari quM lui choifi- roitî devenant le Prince le plus ca- pable ftu Siècle. 71 Pari 169 pable de fourenir les charges de la Di- gnité Impériale ^ il fut une tige qu'on ne diftiEguat pas de la fouche. Ce xleflein devoit rencontrer une nnultiti> de de difficultés au dedans & au de^ hors de TEmpire. La Cour de Vien- ne ne fit pas un pas qui ne tendit a les aplanir : & fes vues pour le comnier- ce d'Gllende y entrereïît pour quel- que chofe , auffi-tôt qu'elle fut per- faadée que les PuifTances maritimes étoient rcfckies de les traverfer. Elle efpera que fon union avec la Cour de Madrid , la mettant au defllis des opofitions t PAngleterre & la Hollan- 4e feroient obligées de rechercher l'Em-' pereur d'accommodement; & elle s'at- tendoit a le leur faire païer par Taveu & la garantie de la difpontion Impé- riale. Les difficultés qu'elle fit naître à la prife de pcfTeffion des Etats de Parme 61 de Tofcaoe par un Infant} n'eurent point d'autre principe que la crainte de fonlfier contre fa fille un prétendant aux Etats d'Italie. L'aqui- lition de la Sicile ne lui fembla fi im- portante , qu'a caufe des facilités que cette Ifle etître les mains du Duc de Savoie pouvoit donner aux Princes H Ef^ ï^ô HisToiHE Politique Efpagnols^ pour faire valoir leurs droits fur Napies, La proteâion qu'elle don- na fi hautement au Prince Eleâoral de Saxe pour fe placer fur le Trône de Pologne 5 la guerre ruineufe qu'elle foutint pour fa querelle, étoient le prix de ramortillement de fes prétentions fur la Succeflion Autrichienne. §. I I. Le premier Ade pour l'établifle- ment d'un ordre particulier de Succef- fîon dans la Maifon d'Autriche Habf- bourg, eft de l'an ij20. L'Empereur Charles-Quint étant convenu avec Fer-* dinand fon frère, de la divifion de la Maifon en d€ux branches, fît k Bru- xelles le 22. d'Odobre la ceffion en faveur de la puinée , de tous les. Etats Autrichiens d'Allemagne^ fous la con- dition qu'au défaut des mâles de cet- te branche ^ les filles de la branche aînée feroient apellées par préférence a la SucceflGon. Ferdinand Roi des Romains, & afluré dès lors de fuc- ceder a ion frère dans la dignité Im- périale 5 fit peu de cas de la referve ilipuiée dans la ccfiGon. Ilregardoit les B Ù S î E G L B. //. P^rl lyt îes Etats d'Allemagne comme fa lé- gitime , qui lui venant de droite lui étoit un propre auquel fon aîné ne pouvoir impofer des cfharges. Dana fon Teftament de lan 1^43. il infti- tua pour héritière univerfelle de fes Etats y au défaut des mâles^ rArchi- duclieffe Anne ? fa fille aînée ^ avec droit de r^prefentation pour fa pof- térité. Ce Prince poflTedoit du chef de fa femme n les Rciaumes de Hon- grie & de Bohême 5 avec leurs dé- pendances & annexes. La d'fpoiition Teftamentaire de Ferdinand étoit abfolument illégitime, ainfi que la referve de Charles-Ouint: puifque les Etats d'Autriche n'étoient tombés dans la Maifon de Habsbourg, que parce que la Succeffion féminine n'avoit pas eu lieu après la mort de Frédéric le Belliqueux^ dernier Duc de la première Maifon d'Autriche. Ottocare Roi de Bohême ^ qui avoit époufé Marguerite , tante de Frédéric, s'étant emparé des Etats Autrichiens^ en vertu de la difpenfe accordée aux filles de cette Maifon par l'Empereur Frédéric Barberouffe 5 Rodolphe de Habsbourg Empereur îes reclama au H z nom ÎJ2 Histoire Politiqi5e nom de TEmpire comme des Fiefs dont il lui apartenoit de difpofer j & les ayant déclarés Fiefs vacans^non- obftant les proteftations du Duc de Bavière ) qui produifoit les preuves de fa confanguinité avec Frédéric le ' Belliqueux 9 en ligne diredle mafculi- ne 9 il en donna TinveAiture a fon fils Albert, qui a fait Souche de la fé- conde Maifon d'Autriche. Après le mariage de TArchidu- cheffe Anne fille de Ferdinand pre- mier , avec le Duc de Bavière Al- bert V. le Teftament de Ferdinand devint moins defedueux. Remettant la Maifon de Bavière dans fes droits^ il fembloit lui faire raifon de la pro- teftation qu'elle avoit faite en pleine Diète contre l'inveftiture accordée par Rodolphe a, Albert fon fils. Ferdinai^d il ayant été adopté en j6i6. par TEmpereur Mathias^ crai- gnit d'être inquiété fur fon adoption par PhiHppellI. Roi d'Efpagne ? qui du chef de fa mère , fille de Maxi- mil'en II. & fœur de Mathias ^ prc- tendoit au moins les Roïaum.es de Bohême avec leurs dépendances & «uinexes. Pour éiablir entre les deux bran- DTî Siècle. //. Part. 175 branches , Tunion que l'état de (es affaires dans TEmpire lui rendoit né- ceffaire , il pafla avec Philippe 5 en 1617. un accord fuivant lequel les Princes & PrincelTes d'Efpagne étoient apellés par préférence a hériter de tous les Etats de la branche Allemande Autrichi nne , au défaut des mâles. Son Teftament de 1621. & fesCodi- ciles de 163 Ç. ne dérogent point a cet accord. Il y pourvut feulement a la Succeffion mafculine^ en établifTant le Majorât ou Pindivifibilité en faveur des aînés. L'Empereur Leopold, qui ne foup- çonnoit point la prochaine extinâion de la Ligne mafculine 5 confirma par fa difpofiîion de 1705. le Majorât ordonné par fon Aïeul; & il obligea les filles de fe contenter de leur dot,' leur refervant, conformément au Tefta- ment de Ferdinand II. , le droit de re- tour au défaut des mâles ^ & préférant les filles de Paîné à celles du fécond Archiduc. Joseph nViant point fait de difpo- fitîon particulière > Charles VI. fon Succeffeur, animé de reffentiment con- tre la Maifon de Bavière ? & defefpe- H 5 rar.t Î74 Histoire Politique rant déjà d'avoir des enfans mâles 5 craignit que cette refervç du droit de retour pour les filles ne fut expliqué en faveur de la pofterité de TArchi- duchelfe Anne, fille de Ferdinand 1. 9 ainfi que Pavoit probablement enten- due Ferdinand IIo qui lors de fa difpofition avoit trop befoin du fe- cours de la Maifon de Bavière^ pour ftatuer rien a fon préjudice. Le Ban des Eledeurs de Bavière & de Co- logne fubfiftoit encore quand Char- les VI. fut apellé a rEmpire, Il crut le tems favorable pour privilégier fes propres filles aux dépens de PEledeur proicriti & le 17, d^Avril 1715. , fans la participation de quique ce fut que de ks Miniftres, il fit une difpofition 5 qu'il apella loi Dofnejilque ^ PaCle de famille y & qu'il fit enregîtrer deux jours après fous le titre Aq Pragmati- que San^lion Car 0 fine. Apres avoir déroge en termes ex- près a la Pragmatique de Charles-Quint, il s'ajrorife des difpofi.tions de Ferdi- nand IL '3c de Leopold, qu'il inter- prète félon fes vues , & fans faire mention de Ferd nand I. > pour éta- blir *e Majorât entre les filles comme entre DU SîEGLE. Il Part. XJ^ entre les mâles , & Tordre de fuccef* fion de ligne en ligne 5 a remonter de la plus proche du dernier poffef- feur a celie qui la fuit inntmedîaîenienb les ArchiducheiTes fes filles aïant la préférence fur les filies de fcn frere^ celles-ci fur celles de fon père, §. I î I Jusq.tj''en 1724. cette Pragmatique ne fut guéres connue & confiderée qu'a Vienne. Les Anicles de la Qua- druple-Alliance notant pas univerfel- lement ratifiés ? la Poflefïion des Fais- Bas ôi des Etats d'Italie n'étoit point autentique ; & la reconnoiflance quî s'y feroit faite de l'ordre de Succei^ fion qu'on y vouloit établir ^ n'auroit produit qu'une proteftation éclatante de la part de la Cour de Madrid ^ que celle de Munich n'auroit pas man- que d'imiter. Auffi-tôt que le Minirtè- re Impérial prefTentit la prochaine ac- cefïion de Philippe V. a la Quadruple- Alliance ^ il fît propofer la Pragmati- que aux Etats des Provinces Autri- chiennes d'Allemagne qui la reçurent le 22. d'Avril 1720. Les Horgrois H 4. furent i7^ His^roiHE Politique furent amenés % moitié par promefTeSj moitié par menaces, ceux- la par afFec- tion > ceux-ci par crainte •» a en fdire autant dans Pairemblée des Etats du Roïaume , 107. de Juillet 1722. On n'oTa encore tenter de la prefenter ni en Italie , ni dans les Païs-bas. La lîtuation de ces provinces rend de peu de confideration le fufFrage de leurs peuples 9 dont le choix doit être celui d€S PuilFances qu'il interelfe. Mais à peine fut-on convenu avec Ripper- da des préliminaires des Traités de Vienne, que la Pragmatique Sandioû fut mife en Diplôme Impérial , & pu- bliée comme une Loi avec toutes les folemnités d'ufage dans tou5 les Pairs qui reconnoiflbient TEmpereur Char- ks VL pour Souverain. Les Etats des dix Provinces aiîembiés par Dé- putés a Bruxelles, le 15. de Mai 1725*, la reçurent puretTient & {împlement. Philippe V. en prit la garantie dans un des Traités négociés par Rmper- da i & la Ruffle apuïa nommément fur cet article dans fon acceffion aux Traités de Vienne > en 1726. §. IVo 15 u Siècle. 11. Pari. 177 §. I \r. Les pretendansalaSucceiïîond'Ai*- triche ? ne crurent pas que des Puif- fances auffi peu avantageufement fi- tuées que rétoient rEfpagne & là Ruf- fie, pour foutenir leur garantie^ fuf- fent des garants bien redoutables ; & ils attendirent pour faire leurs pro- teftations 9 que quelqu'^autre fe décla- rât. Les Alliés de Seville fembloient par leur union devoir rendre la Prag- matique a fa première obfcurité. Ils paroiflbient en défiance de Tambition de l'Empereur > & peu contents de la grande puiffance que le Traité d'U- trecht avo t mife dans fa Maifon, La France, en fon particulier;, s'étoit dé- jà «xpliquée fur la Pragmatique; & on s'^attendoit a la voir donner un defaveu abfolu de fes difpofuions. La Cour de Vienne qui vouloit fur- prendre celle de Verfaillespar le Traité qui devoit rompre i^Alliance de Sevil- le 9 propofa d'abord fa Pragmatique au Miniftere Anglois i & elle fonda la neceffîté du fecret dans la négocia- tion fur les opofitions c^on devoit H 5 ap^^-^ 17? Histoire Politique apréhender de la part de la France. Dans le tems que Penvoi des trou- pes Impériales dans les Etats d'Italie, faifoit juger la mefintelligence des Cours de Vienne & de Madrid a fon com- ble , les Miniftres d^Efpagne & d'An- gleterre joints aux Miniflres Impériaux dreflbient les articles de raccommo- dement 5 dont la mort du Duc de Parme hâta la conclufion. Le Trai- té fut ligné le i5. de Mars i75i.,par l'Empereur ^ & TAmbafladeur d'An- gleterre. Gomme leurs Hautes-Puif- fances n''avoient pas donné des pou- voirs affez étendus à leur Refident^ on devoit leur demander leur figna- ture à la Haye ; & le Roi d'Efpagne promettoit l'ade de fon acceflîon^ pour le tems où par des effets réels on l'au- roit convaincu de la fincerité avec la- quelle on ftipuloit pour Tlnfant Dofô Carlos la Succeffion de Tofcane. §, V. L E Traité avôit neuf articles prin- cipaux 7 qu'on peut réduire a trois, La garantie de là Pragmatique Sanâion envers & contre tous, excepté le Turc; Fintrodudlion de fix mille Efpa.^nols dans les Places (fe Tofcane % & la çc i DU Siècle. IL Pan, 179 vocation abfolue de la Compagnie d'Oflende faifoient leurs objets. Les trois PuiflTances contraâaotes fiipu- loient une defenfive refpeâive. Elles fe refervoient tous leurs Traités avec les autres^Puiflances^ dont les articles î\e feroient point en opofition avec ceux de ce dernier. Le Roi d'Efpa- gne donna Tadîe de Ton acceffion le 6, de Juin de la même année ; & il la fii: fuivre d'un nouveau Traité d^Alliance, du 22. de Juillet. Les Etats-Generaux m donnèrent leur ratification que Fannée fuivante. C'eft ce Traité qui pendant les fix premières années de la guerre Pragmatique a exercé îa fubtilité des Miniftres de France & de Vienne auprès de leurs Hautes-Puif- fances. Ceux-ci vouloient qu'il por^ tat l'engagement d'une guerre ouver- te contre les opofans a la Pragmatique Sandion : ceux-là prétendoient qu'es- tant de pure defenfîve , il n'excluoit point la neutralité. Ce fut dans les Etats de chaque Province un fujet en- tretenu de débats & de conteftaîions.-) qui ne ceflerent qu'a la révolution. Dés que l'Empereur fe fut affuré de fes Protedeurs pour fa Pragmâti- H 6 que^ x8o Histoire Politique que î il la propofa a la Diète de FEni- pire. Ses Mlniftres la prefemerent auK trois Collèges 5 ainfi qu'ils l'avoient prefentée aux Puiflances Maritimes, comme une confirmation des difpofî- tions de fes prédeceireurs, déjà avouées par le Corps Germanique , comme un ade néceffaire a la balance de l'Eu- rope 9 comme un arrangement qui ne portoit préjudice a perfonne ^ & dont les Eledleurs^ époux des Archiduchef- fes Jofephines ^ avoient reconnu la lé- gitimité 0 en renonçant par leur Con- trat de Mariage a toute prétention^ du chef de leurs époufes ^ fijr la Suc- ceffion Autrichienne. Ces motifs, que la Cour de Vienne crut devoir don- ner aux Princes & Etats pour l'apro- bation & la garantie de la Pragmati- que Sandion , ont fourni leur Apo- logie aux Puiflances, qui , après l'a- voir garantie , fe font déclarés con- tr'elle. UEfpagne & la France > le Corps Germanique en gênerai , & la plupart de fes membres en particulier» ont rapelié la Légataire de Charles VI. aux aflurances qui leur avoient été données^ que la difpofition ne pré* |adicioit à peifoi5.ie i & çomnoie ù el- |e5 DU Siècle. IL Part. \%t les n'en avoient pris la garantie que parce qu'elles n'avoient pas douté de fon.équitéî elles fe jugèrent libres de leur engagement, auffi tôt que les Ma- nifeftes des Maifons de Bavière , de Saxe^ & de Brandebourg, eurent m\% dans fon jour le tort qu elle leur fai^ foi t. §. V I. Charles VI. n'en impofa point aux trois Collèges par Féloge pom- peux qu il leur fit faire de fa Pragma^ tique. Chacun fut perfuadé que c'é- toit moins la fureté de l'Empire , & rinterêt de la balance de TEurope i que la tendrefle paternelle, qui la lui avoir infpifée. Mais un Empereur a tant de prifes fur le plus grand nom- bre des Membr s du Corps Germa- îiique , qu'a moins de s'être fan uni- Yerfellement haïr ou méprifer , i peut toujours compter fur fa fuperiorité dans les Diètes. Les Eledeurs Pala- tin > de Saxe & de Bavière proîef- terent en Diete contre la 1 ragmaiâ- que Sandioa Leurs Msniftres ef- faïerent de perfuader aux Collèges d'en refufer la garantie , en leur met- tant îS2 Histoire Politique tant fous les yeux fes inconveniens. Ils tentèrent d'indifpofer contr'elle les plus puilFans Membres^ en leur mon- trant la dignité de TEmpire lezée par la recherche des garants étrangers qu'on lui afTocioit fans Ten avoir confuhé. Mais les foliicitations de la Cour de Vienne l'emportèrent. La plupart des Princes & Etats regardant la garantie qu'on exigeoit d'eux comme un ade de complaifance envers FEmpereur ^ dont fa mort les releveroit^ fe firent un nouveau mérite auprès de lui des opofitions des Eîedeurs. Ils affede- rent de paroitre faifir toutes les char- ges & tous les dangers d'une garantie fans bornes 5 afin de donner un plus grand prix à fon acceptation ; & le îi. de Janvier 1752. ils en firent fi- gnifier le Décret aux CommilTaires de l'Empereur 5 & aux Miniftres des Eledeurs opofans. §. VIL Il refloit encore la France & îe Dannemarc^ avec le Roi de Sardai- gne -> dont les Eledeurs opofans pou- voient efperer Tapui dans leurs préten« dons. D15 Siècle; Ilï^m. tZj. t'ons. La Cour de Vienne, qui^ dans rétabliflement de fa Pragmatique? ne VGÏoit rien de plus flateur que la ri- valité des deux Maifons , ne penfoit point a folliciter la garantie de la Fran- ce, contre laquelle PHeritiere de Char- les V I. lui paroifToit aflTez puiffante par fon union avec les PuilTaîlces Ma- ritimes ; 6c efîe croïoit avoir en main de quoi s'attacher le Roi de Sardaigne^ dont la poirefTion tranquille des mor- ceaux de la Lombardie qui lui avoier^t été cédés paroifToit devoir contentéi^ Famibition. Les bons offices de la Ruf» fie lui gagnèrent le Roi de Dannemarc. Le Traité fut conclu & firrné le 26, de Mai 1732. La Ru (Tie y renouvel- la les engagemens qu'elle avoit pris en 1726. & le Roi de Dannem.arc promît l'Alliance & la garantie aux mêmes termes qu'elle ^ moïennant la renonciation que le Duc de Holftein dut donner en fa faveur dans Tefpace de deux ans , à fes prétentions fur le Duché de Schlefwich. Après ce dernier Traité FEmpe- renr fut tranquille fur fa Succeffion, Son Confeil , qui sV'toit accom.modé à fapaffio^^ lai cacha arec foin les ref- î84 Histoire PoLiTicitJB rêftricSions tacites des Puiflances ga- rantes; & il lui laifla ignorer corn- j bien peu on devoit efperer» qu'aïant des intérêts il opofés dans le liftême gênerai > elles puflent fe réunir con- ftamment fur un point qui lui étoil effentiel. CHAPITRE IX Pdix de tienne en 1758-. S^Il avoit été poffible de former^ hors du véritable fiftême 9 une liaifon durable entre les Puiflances j le Traité du 22. de Juillet 1751. au- roit uni a perpétuité les Cours de Vien- ne & de Madrid. Le Roi d'Angleter- re ^ dont le Miniftre principal n'avoit de vïies que pour la paix ^ y étoit en- tré en tiers , & s'y étoit donné pour le garant de la fidélité du Miniftere Ira- perial a fes engagemens^ par raport a Pintrodudion tant difputée des fix mille Epr?gnols dans les places de Tof- cane. Il avoit fait agir Ton Miniftre au* DU Siècle. //. Part, î8j auprès du Grand Duc , afin d'en ob- tenir un aveu autenrique de la difpo- polition qu on faifoir de fes Etats ; & fes offices avoient c.é lî prelTans, que ce Prince avoit figné !e Traité •> qu'00 nomma de fa ni le 1 par lequel il infti- tuoit , autant qu^il étoit en lui > pour fon Légataire uni verfel •? fhentier qui lui étoit defigné. Ainfi PEmpereur avoit alFuré fa Pragmatique contre le Prétendant le plus redoutable ^ fans qu'il lui en eut coûté aucun païs, où il eut droit -» fans autre depenfe -» que celle d'^un refcript Impérial : il fem- bîoit que le différend , qui avoit tenu pendant quinze ans l'Europe en in- quiétudes fut enfin terminé. Mais la Cour de Vienne n'avoit Ja- mais traité de bonne foi avec Philip- pe V. Comme elle ne s'étoit propofé dans fes dernières négociations avec lui^ que d'acquérir des garans à fa Pragmatique*» & de décourager fes opofans par l'acceffîon du Prince, qui avoit le plus grand ir ttrét a la fronder: les Miniftres Impériaux rentrèrent dans leurs premières maximes^ auffi-tôt que Pexemple eut fait fon effet. Per- fuadés qu'il étoit abfurde de compter iur ïS5 Histoire Politique fur une défunion conftante des deax branches de la Maifon de Bourbon, & prévoïant quV^Ues fereconcilieroient à la prenfiiere difcuffiOn que Tune ou Tautre auroit avec TEmpereur) ils cru- rent que le temps de les heurter fans péril éwh celui, où^ les impreffions du renouvellement d'amitié étant ré- centes che2: les Alliés de leur maitre^ on avoit lieu d'attendre d'eux plus d'indulgence fur ia nature de la cau- {e] qu'on ieur demanderoit d'apuïer. Auffi tôt quMs jugèrent que TEmpe- reur pouvoit compter fur le fecours des Pui (Tances Maritimes, de celles da Nord & dr.* l'Empire ^ i!s rapellerent Sa Majerté Impériale a fes anciennes allarmes fur rétabliifement d'un Prin- ce Efpagnol en Italie , & l'animèrent a de nouvelles chicines capables dç porter la Cour de Madrid a des pré- cautions , donr on put fe faire un pré- texte de re> o }uer tout ce qui lui avoit été promis pour (on Infant. Le Confeii Efpagnoi héuta quelque temps avant qne de prononcer fur les vues du Mniiire Impérial. D'dbord il prit pour des fcrupules les nom- breux écla.rçiiïemens que l'Empe- reur BU Siècle/ II. Fart. îSj reur lui fit demander ; & il s'y prêta avec beaucoup de condefcendance. Le Prince de Monteleon? Plénipoten- tiaire de Philippe V, en Italie, don- na toutes les explications qu'ion défi- roit fur la tutele & la majorité de Fln- fant : il commenta a la fatisfadlicH des Miniftres Impériaux l'indépendan- ce abfolue 5 que le Traite de famille avoit ftipulée : il juftifia ^intelligence qu'on difoit illicite , de la Cour de Parme avec celle de Romie. Enfin 5 il relâcha des conventions de Vien- ne > autant qu'il étoit poffible de le faire fans commettre la fureté de Pin- fant. Mais quand on eut conftaté a Madrid que le Confeil Impérial mé- nageoit une rupture y on y défavcua hautement le Prince de Monteleon; & profitant du dépit que le Cardinal de Fleuri confervoit contre la Cour de Vienne^ qui lui avoit donné le chan- ge dans fes derniers Traités , on fa- crifîa les engagegiens-, qu'ion avoit avec l'Empereur / a de nouveaux avec la France , qui afliircient de la protec- tion contre lui. Ce fut le génie du Cardinal Alberoni qui anima alors le Confeil de Philippe V. Ce furent les coa« iSS Histoire Politique confeiU de ce politique hardi ^ qui dé- terminèrent le Monarque a fe mon- trer ce qu il avoit fi longtems mena- cé d'être. Le Cardinal rétablit de cet- te manière Téquilibre naturel ^ que fon Minirtere avoit dérangé ; & chaque bafTin de ta balance? dont la charge avoit fi b zarement varié depuis près de vingt-ans fut rempli par le grouppe des Puiflances f que des intérêts per^ manens doivent unir. Cette difpofî- tion rendoit la guerre inévitable^ §■ I. Jusqu'alors on avoît négocié pour îa branche Efpagnole de Bourbon ^ féparement de la Françoife ; & les pré- tentions de celle-la dévoient augmen- ter en proportion d© Taccroiflement que fes forces recevoient de fa réu- nion a fon ainée. La mort du Roi de Pologne Augufte IL précipita la rupture que les affaires d'Italie auroient tenue encore queiquetèms en fermen- tation. Le Cardinal de Fleuri ? dont la réputation commençait a foufrrir du caractère pacifique i hors duquel on le croïoit incapable de fortir ^ faifit avi- dement Du Siècle. II. Part. î§9 dément foccafion de faire cor;noitre qu'il fçavoit plier fon caraélere a Tin- terêt de l'Etat , & a l'honneur de fa Nation. InQruit des engagemens que l'Empereur avoir pris avec la Ruffie^ pour mettre le nouvel Eledeur de Saxe fur le trône de Pologne* il parla avec dignité au nom du Roi fon maitre des droits que le Roi StanifliS y avoit. Ce Prince n avoit pomt perdu fes anciens partifans. Obligés de céder au tems* ils avoient fait joug a la fortune d*Au- gufte fécond , en attendant l'occafîon de fe rendre a leur inclination. Sta- niflas n'avoit plws ni le feu ^ ni l'am- bition de fa jeunelFe. Refigné à la vie tranquille il ne clieriffbit de tous fes titres que celui de père ; & s'il avoit été lailfé abfolunnent a lui même^ il fe feroit refufé au rôle ^ qu'il ne pou- voir reprendre fans renoncer a la re- traite. Mais une époufe ambitieufe l'emporta fur fa ph lofophie. Il eut honte de laiiTer dans la vie privée le beau père d'un gra d Roi ; & par honneur ^ il conf^itit de briguer un . trône ^ qu'il auroit eu le courage de meprifer ^ fi l'écîat n'eût porté qu**à fes y.-ux. Il étoit aifuré de l'empor- ter *> loo Histoire Politiqu-s ter fur fon compétiteur 5 pourvu qu^ les Polonois fuflent abandonnés à eux- inêmes. Mais les troupes Ruffiennes & Saxonnes étoient déjà en nnarchei pour aptiïer leur candidat ; & la dif- tance des lieux ne laiflbit point efpe- rer qu'on leur put opofer avec fuc- cès des troupes Françoifes. Le Cardinal de Fleuri prit fon par- ti avec autant de courage que de fa- geffe. Comme il éto't évident que la.. .1 Cour de St. Petersbourg recevo:t les. | iinpreffions de celle de Vienne^ & n'a- giflbit que d'après elles ) Thabile Mi- nirtre s'adrefla uniquement à l'Empe- reur , en le rendant comptable au Roi fon Maitre de Tatteinte^ qui feroit por- tée par Parmée Mofcovite a rarmée Polonoife. Afin qu'il conftat que le Roi de France faiioit fa querelle de la caufe de fon beau père j le pavil- lon François fe promena dans la Bal- tique i & quatre a cinq bataillons fu- rent montrer en Pologne les drapeaux de France. De ce côié -> c'étoit en faire aifez ^ que de s'y déclarer. Le fort des arm.es du Roi devoit tomber fur un ennemi plus à leur portée ; & l'Empereur ayant pris en main la di- rediofâ DU Siècle. //. Fart. 191 redion des affaires de Pologne, Tu- nique moïen de les amener au point où on les vouloir , étoit de le forcer à ies y mettre lui-même. §. I I. UEmpereuR ne fut point effraie de Porage qui le menaçoit. li fom- ma fes Alliés de remplir leurs enga« gemens : il leur fit valoir la neutrali- té-» dont on ne pouvoit lui difputer les aparences ? tant qu^il retiendroit fes troupes fur la frontière de Silefie: il tacha de leur prouver que le Roi de France étoit agreiïeur i & il reïiiîit du moins a les embarrafler fur leur ré- p nfe. Le Gard nal calma la fermen- tation, que les inftances & les clameurs de la Cour de Vienne caufoient en An- gleterre 9 en déclarant que le Roi fon înaitre demandoit uniquement la liber- té de TEIedion pour les Polonois. Les Puiflances Maritimes feignirent d'en croire Sa Majefté Impériale fur le peu de part qu'elle difoit avoir aux m.ou- vemiens des troupes Mofcovites ; & elles parurent n'être retenues de fe dé- nigrer hautement pour Elle, que par le dou- fçi Histoire Politique doute où elles ctoient que les fuites de fa rupture avec la France les intc- re(Ta(Tent. Peut-être que fi le Com- te de Zinzendorf, favori de Charles Vl. & prefque fon premier Minillre^ avoit iqu profiter de ce tems d'incer- titude 7 iî les auroit mifes en défian- ce des grands préparatifs de la Fran- ce. Mais fes hauteurs > & fon ina- pHcation aux affaires avoiem indifpo- (é les Etats- Généraux; & les circon(^ tances ne l'ayant pas amené a fe cor- riger 5 la République -> prelTée par le Cardinal de fe déclarer ^ accepta par ime convention du 24. de Novem- bre 1753. la neutralité qui lui étoit offerte. Séduite par les proteilaticns que l'habile Miniftre lui faifoit du par- fait delintereffement du Roi ^ quant aux conquêtes, elle cmt que la ven- geance qu'elle alloit prendre de la Cour de Vienne ^ fe borneroit à lui faire fentir le befoîn où elle étoit de fes Alliés 9 & la neceffîté de leur mar- quer déformais plus de déférences Il étoit encore a craindre pour la France que TEtiipereur continuant de prendre Dieu & les hommes a léujoins, qu'on Paccufoit injuftement de fonjen- ter B u s I E c L E. It Fart, 19; ter les troubles de Pologne , dont le Cardinal faifoit le motif de la ruptu- re du Roi fon Maître -> l'Angleterre ne fe îalflTat perfuader que cette guer- re écoit comprife dans TAlliance dé- fenfive de 1731. Le hasard délivra le Cardinal de cette inquiétude. Ayant intercepté des inftruélions envoïées de Vienne au Refid -nt Impérial à Peterf- bourg 5 il eut entre les mains le fecret de PEmp^-reur; & la pubUcation^ qu'il en fit , ôtant aux Miniftres Impériaux le mafque dont ils fe couvroient 9 leur fit perdre le refte de créance qu'on avoit encore en eux. La Cour de Londres leur déclara? que n'ayant pas éîé confultée fur les mefures que leur Maitre. avoit prifes par raport aux affaires de Pologne 1 ehe fe croïoit fondée aie laiîTer démêler feul la tra- me qu'il avoit ourdie. Ils nViirent pas plus de fatisfaâion du Roi de Dan- nemark , pour qui la neutralité de la Suéde fut un modèle. L'Empereur^ réduit au fecours du Corps Germa- nique , eut encore le chagrin d'enten- dre le^ Eledeurs de Bavière & Pala- tin protefter contre la réfolution que îa Diète avoit prife en fa faveur. Soia I part! igc| Hî s TvOiRE Politique parti étoit pris de mettre PEledeur de Saxe fux le trône du Roi fon père: cMtoît a ce prix qu'il obtenoit de ce Prince-) époux d'une Archiducheffe fil- le de rEmpereur jofeph, Taveu de fa Pragmatique ; & il n'avoit rien plus a cœur que la fureté de cette difpo- fition domeftique. Contre l'avis du Prince Eugène ^ qui connoilToit mieux !es forces Imp riales que qui que ce fut de fon Confeil ^ il publia fa dé- claration de guerre contre les Rois de Fia^e? d'Efpagne & de Sardaigne. L'Europe entière lui prédifoit qu'il en payeroit l'éclat au prix que les trois Rois Alliés y voudroient mettre. §. III. L E Cardinal de Fleuri avcit mé- nagé avec bien plus de prudence & de bonheur les intérêts du Roi fon Maître. Tandis qu'il ccntenoit l'An- gleterre & la Hollande par les apa- rences les mieux foutenues d'une mo- dération a toute épreuve î & d'une parfaite indifférence pour tout autre objet que la libre éleâion d un Roi de Pologne: il faifoit goûter aux Rois d'Et DU S I E c L Eo IL Tari ipj d^'Efpagne ^ & de Sardaigne une Al- liance ofFenfive 5 en leur promettant la conquête , & le partage de*? Etats d'Italie apartenans à TEnapereur. Ces deux Monarques firent caufe com- mune avec fon Maître? & demandè- rent féparément raifon a la Cour de Vienne de Pinjure faite au beau- père de Sa Majeftc T. C. comme d'un ou- trage 9 qui les touclioit perfonnelle- me»nt. Le Cardinal ? comptant pour rien les mefures ^ qui affuroient le fuc- cès de la guerre ^ il elles ne le met- toient en état d'en recueillir les fruits, obtint encore des Cours de Madrid .& de Turin qu'elles ajoutaflent au grief, qu'elles adoptoient^ leurs griefs particuliers. C'éîoit? en leur donnant des prétentions ^ leur rendre plus dif- ficiles les Traités feparés , qu'on de- voit craindre que l'Empereur n'oSrit à l'un & a l'autre. Le Roi de Sardai- gne renouveila les plaintes du Roi fon père fur Tinexécution déjà oubliée 9 du Traité de 1703. dont les principaux articles avoient été défavoués par l'Em- pereur Joieph 5 & éludés par Char- les VL fon fucceiïeur. Il infifla fm l'échange forcé de la Sicile^ & lur I 2 l'im- 196 HisToiHE Politique fimparité de ce qui lui avoit été don- né pour équivalent. Enfin il pro- duifit pour fon grand motif d'une guer- re contre l'Empereur la néceffité de tliminuer la PuilTance Autrichienne en Italie. Le Roi d'Efpagne demanda fatisfailioa & dédommagement des infradions du Traité de famille ; & il déclara que la poffefïîon des trots Du- chés n'en pouvoit tenir lieu a Tlnfant. Le Cardinal jouiflbit du fruit de fa pro- fonde manœuvre. En donnant a la Cour de Vienne fem^barras de répon- dre a tant de prétentions , énoncées d'une manière (î vague , il fe prépa- toit le rôle d'arbitre ^ & une paix particulière ^ auffi-tôt qu'il feroit las de la guerre. Jusqu'aux premières opérations de cette guerre ^ le Cardinal de Fleu- ri avoit paru être a fa place dans le haut rang 9 où la faveur & la confian- ce du Roi Tavoient élevé. L'ef- prit d'ordre & d'oeconomie ^ qui lui éîoit particulier^ sYtoit déploie avantageufemxenjt dans les difcuffions de l'adminiftration intérieure. Non- feulement il avoit iiiffi aux affaires de fon reflbrt ; itifatigable dans le tra- vail DU Siècle. IL Part. i§y vail? il a voit étendu fes foins jufques fur les détails, qu'un Miniilre eft pour l'ordinaire obligé d'abandonner k des fubalternes. Peut-être cela Tauroit-il empêché de fe fixer fur les grands ob- jets. Mais dans un puilTant Roïau- me tel que la France ? qui tire de foi- même fa force & fa richefTe ^ un gc- nie créateur eil: dangereux ^ lorfque la paix lui eft nécelTaire. Auffi - tôt que la guerre fut allumée , le Cardi- nal fut dans Tembarras ; & en man- quant les moïéns qu'il avoit de s'en tirer fans laiffef connoitre qu'il y fût, moyens qui étoient de fon tour d'ef- prit & de fon caradère , il perdit tou- tes les avances qu il avoit faites pour s'établir une réputation. Le Cardinal Mazarin n'eut jamais plus de connoif- fânce que lui du militaire 5 & toute- fois fçut foutenir une guerre. Le Car- dinal de Fleuri ne fuivit que la moi- tié de fon m.odéle. Pour fe confère Ver la première influence fur les ope- rations des armées , il en partagea le commandement entre deux Généraux» comme avoit fait le Miniftre Italien> & comme le doit faire tout Miniftra jsloux de fon autorité , qui n'a point I 3 de 198 HîsTaiRE P0LITIQ.UE de General pour (on homme de coîî- lîance. Mais il remit a un feul hom- me le difpofitif des armées, bien plus important que kur commandement : il abandonna le bureau de la guerre à Mr. Chauvelin ^ qui ne tarda pas à lui faire fentir fa fuperiorité de ta- lens 5 & dont il ne tarda pas a deve- nir jaloux. Bien-tôt la jaloufie pro- duifît la haine ; & cette dermere aug- mentant de jour en jour par la vio- lence qu'ail fe faifoit pour la diffimu- ler^ la timidité qui le retenoit de dé- placer Mr. Chauvelin^ le décida pour one prompte paix , qui le mettroit dans l'indépendance des fervices de ce Miniftre. Les Hommes d'Etat décideront fl Funion des Etats de Lorraine a la Cou- ronne de France étoit tout ce que les grands fuccès des armes Françoifes permettoient au Cardinal de deman- der à l'Empereur & a PEmpire. Le refus , qu'ail fit , la féconde année de la guerre 9 du plan d'accommodement^ propofé par les Puiflances Maritimes^ ne laifle point douter que déjà il ne fe la fut promife. Ce projet de pa- cification régloit les affaires de Polo- gne DU Siècle. 7 7. Part. 199 gne & d'^Italie , fur le pie où le Trai- té rcel les mit: il faifoit même les con- ditions du Roi dii Sardaigne meiUeu- res. Mais il ne laifioir au Roi de Fran- ce que la gloire d'avoir réduit FEm- pereur a la néceffité d'y entendre; & le Cardinal ne le jugea pas accepta- ble. Cependant auffî-tôt après le re- fus qu'il en avoit fait:? il entama la négociation avec le Confeil Iniperial dans le plus profond fecret. CVtoit flétrir gratuitement, par une teinte de duplicité toujours odieufe y la gloire que lui afTuroit la jufteile defapoliti- que. Les Puiffances Maritimes n'étant plus a tems de prendre parti pour TEm- pereur, & les deux Rois Alliés devant leurs fuccès a leur union avec la Fr u - ce , il étoit également fur , & bien plus honnête de demander, de con- cert avec les Fiois d'Efpagne & de Sardaigne , les conditions qu'on étoit en état d^ex^ger de TEmpereur. Les Cours de Madrid & de Turin nV voient point d^interet a empêcher l'ac- croiflement de la France du coté de r Allemagne; & la Cour de Verfailles s'éloignoit de fes véritables principes^ en prenant jaloufie de ragrandiffement I 4 du 100 îrisToiRE Politique du Roi de Sardaigne au delà des Monts^ îorfque pour la fureté de la balance de l'Italie 9 on pouvoit agranâir un Qu deux Infans en proportion de lui. L E Cardinal , qui joignoit a de grandes qualités la foib'elTe de prifer Beaucoup !a réputation de politique rufé . mit fans doute fa gloire a pren- dre fa revanche fur le MiniOère Ef- pagnol du Traiié de Vienne de 173 1. Tout a coup les ordres vinrent dans les armées Françoifes de fufpendre les hortilités; & les Généraux des deux Rois Alliés virent là fin de la g ler- re î avant que leurs Maîtres eulFent eu les premières annonces de la paix. G'étoit 'a fuite de la fignature des pré- liminaires clandeftir s du :^. d'Odobre 17? ç. enire PEmpereur & Sa Majefté Très- Chrétienne. Toutes les préten- tions étoient rapellées a fix articlesj que le Cardinal prenoit fur foi de fai- re recevoir^ de gré ou de force^ par &s Alliés du Roi fon Maître, §. IV. E'abdicaTion de Staniflas lui étoit^ Tecompenfce psr les titres & les hon«- aeurs 15 V S I E c L S. 17. Fart, âo î sieurs de la Roïauté ; & afin qu'ail les foutint par lui-même avec dignité 9 on lui donnoit la jouïlTance des Etats de Lorraine ^ dont Tunion au Roïaum« étoit accordée après fa mort. Le Duc de Lorraine devenoit Grand Duc de Tofcane ^ & Tlnfant Dom Carlos Roi des deux: Siciles , auxquelles on jci- gnoit les places de la cote de Tofca- ne. Le Roi de Sardaigne avoit l'op- tion du Novarrôis, ou du Tortonnois^ joint au Vigevanafque S pour unir ces deux petits païs a fes autres Etats 9 fans pourtant les fouftraire au vafftî- lage de l'Empire. L* Empereur ren- troit en- poîTeffion de la tombardie^ à laq'ielle il uniflbit les Duchés de Par- me & de Plaifancë :, qui lui étoient fc- lemneilement garantis? ainfî que fes autres Etats , fuivant la difpofition de fa Pragmatique. La France payoit les dettes de la Maifon de Lorraine, évaluées a onze millions d'écus. El- le faillit au Duc une penfioiî de qua- tre mii ions dé livres, jufqu a-ce que la '- mort du Grand Duc Gatton de Me- dicis îe mit en poifeffion de laTof-" Cine. Ele iaiflbit lajouïiiance de Coni-' merci a la DuchelTe douairière. I S J'V:- 202 Histoire Politiq.ue §• V. Le Cardinal n'avoit pas befoin d'un grand effort de politique , peur obli- ger les deux Rois Alliés a racceffion. Il fufïifoit de leur déclarer que le Roi de France n'étoit plus partie dans la guerre, que pour faire accepter la paix. Cependant comme tout fe faifoit, fous ce Miniftère, avec vue médiode im- pofante^ cette accefîion fut follieitée p'ufieurs mois avec la montre d'une grande inquiétude. Les Cours de Ver- failles & de Vienne témoignèrent la leur par une convention du ii, d'A- vril 1756. pour Péxecution de leurs préliminaires. Elles fe promettoient de ton)ber avec leurs armées combi' nées fur les troupes des deux Rois ^ s'ils perfiftcknt a rejctter les articles. Après qu'ils eurent donné leur accef- fion, on parla d'un Congrès, dont la proportion? foutenue jufquVn 17^8» tomba par la conclullon du Traité dé- finitif, le î 8. de Novembre, Ce der- nier nVft qu\ie commentaire, en vingt articles, des fcpt préliminaires. L'ACQ.uisiTiOi^ de h Lorraine ren- dri •DU Siècle. //. Pan, 20^ dra toujours prétieufe la mémoire du Cardinal de Fleuri en France , & on admirera toujours l'habileté -> avec la- quelle f cachant Tes vïies aux Puiffan- ces Maritimes 5 il les reduifit a voir 5 fans le pouvoir empêcher ^ a aprou- ver, a garantir cet important accroif- fement du Roïaume -, iî fortement deiîré , ôi (i inutilement tenté par Louïs XIII. & Louis XIV. Mais la garantie folemnelle de la Pragmatique- Sandion^» & la furprife faite au Roi de Sarda!gne » qu'il étoit effentiel de ne pas aliéner, déparent ce chef-d'œu- vre de politique. Peut-être que les défiances des Alliés dans la Guerre Pragmatique ne fe font fondées que fur le Traité furtîf de Vienne, dont ils appréhendèrent le pareil de la part d'un Miniftre , chez qui le manège d'un Courtifan palfoit pour la fcience d'un Politique. Quoi qu il en foit, on eft étonné de voir la Cour de Vienne fortir avec auffi peu de perte du plus fâcheux embarras ; & on fe recrie fur la bonne fortune de l'Empereur -> en le confideranr, qui fait païer à un tiers les fautes monftrueufes de fon. Con* feil ) & qui termine , en fe renda* t I 6 plus 204 Histoire Politique plus puiflant qiie jamais en Italie^^ la guerre, qui de voit la. lui enlevés fans retour. C H A PI T R E X. Trmtés de Pàjaro^irz en iji% & de Belgrade en i73p» avec le Tmc. ^Omme on n^étolt point accoutii» mé a voir la Cour de Vienne fe prêter avec tant de complaifdnce à la paix, on auribja la promte conr clufion des pré.im naires de. 175?- à des vues de conquête fur les Turcs. EfFedivement, il fembloit que l'Enir pereur regardant Paguerri^t^nient de ies troupes comme le principal fruit de la guerre qu'il terminoit ? n'avoit fait la paix qu'afin d^ pouvoir tra- vailler fans di.traâion a ragrandiiTe- ment de fes Etats du côté de 1 Infidélep DEPUIS ia guerre ma heurt^ufe , h laquelle ks Traités de Carlo witz mi«^ raitiin, le. Grand Seigneur redoutok de DU Siècle. /Z Tart. 10% de fe commettre avec l'Empereur. In^ ftruite par l'expérience que les Puif^ fances Chrétiennes ne la folîicitoient jamais a une rupture quafin de rendre fes voifins plus acceffibles a leurs pro- pi^fîtions, U Porte a^^oit été fourde à leurs inftances pendant la guerre dé la SuccefiTion d'Efpagne ; & fidèle a la pa X de Carlowit'?:, elîe avoit man- qué Toccafion de fe reîev^er des con- ditions onereufes que ce Traité lui avoit impofce*;. L'E M VE R E u R V loin de lui tenir ' compte de la modération & de la bon^ ne foi qui étoient entrées pour beau^- coup dans fon inadion :> fonda l-'S plus vaftes efperances fur la timidité qui en avoit été le premier principe. Il excita contre e'ie les Vénitiens, afin de fe donner pour prétexte de fa rup* ture avec elle :? fon Alliance avec eux; & .V^ nife pacifique jufqu'a la foiblef- fe ai^ec les PuilTances Chrétiennes ^ pfk une teïie confiance aux alTuran* ce*^ qu'iMui.donniiit de l'apuïer^ qu'el- le ola par des dépr 'dations & des ava- îîies intî-relfer l'horneur de la Porte à ^ lui d'clarer la guerre. Les Turcs xi'eurçnt pocir eux-que 1^: 2o6 Histoire Politique la juftice de leur caufe. Le Prince Eu- , gène à la tête des armées Impériales en Hongrie , les prefla de manière a leur faire apréhender la ruine de leur Empire en Europe ; & ils furent heu- reux que les projets du Cardinal AI- beroni , obligeant la Cour de Vienne à réunir fes forces pour la défenfe de fc s Etats d'Italie 9 l'Empereur ne leur demandât pour la paix ^ que la ceffion du Bannat & de la Servie , dont fon General avoit fait la conquête. Le Traité fut conclu a Paflarowitz le 2U de Juillet 1718. par la médiation des PuiiTances Maritimes. C'étoit une nou- velle trêve pour vingt-^cinq ans. Les Vénitiens qui (ig erent la leur le mê- me jour 9 fe retrouvèrent au même état) où la paix de Carlowitz les avoit mis. Leur Traité de commerce^ paf- fé le 27. leur donna a cet égard quel- ques nouveaux avantages, que la Cour de Vienne leur compta pour beaucoupj mais qui ne meritoient pas la guerre^^ dont ils étoient Tunique fruit, §. I. Dans Tenabarras de fes négocîa- tionsi) DUSlHCLE. II. Fan. CLCf^ tions, depuis 1718. jufqu'en 1752, ^^ la Cour de Vienne n'^avoit ofe rentrer en guerre avec les Turcs. Les Alliés de Hannovre & ceux de Seville Pa« voient tenue en inquiétude^' & fa Prag- matique, qui lui faifoit àQS ennemie dans TEmpire ^ Tavoit empêchée de îiazarder une rupture , qui Tauroit mi- fe dans le befoin du fecours du Corps Germanique. Auiîî-tôt que les pré- liminaires de 179 tantôt fur les intentions d'u2i General Hérétique. Le Nonce Apof- tojique- vint fervir la batterie du Ré- vérend , en proteftant du reilîs des bé- nédidions du Ciel fur les armes Im- périales , & des fublldes de !a Cham- bre Apoftolique pour la CaifTe Mi- litaire, tant qu'un homme qui n'alloit pas a la MelTe 9 feroit a la tête dd Pàrmée. Le pieux Monarque ne tint point contre les frequens affauts qui îur furent livrés. Le Commandement fut ôté au General Proteftant ; & le Comte de Wallis, b'^n Catholique Rou- main ^ lui fut fubltitué avec un pou* voir illimité\ qui ne captivant pas fes talens comme l'avoient été ceux dû Comte de Seckendorf? devoit aider beaucoup les bénédidions du Pape & les prières du peuple Catholique. Le ' nouveau General trouva des ennemis que leurs premiers fuccès avoient rem- plis 2IO Histoire? oLiTîQUE plis de confiance. BonnevaU tout mauvais Mahometan qu'il etoit, avo?t du crédit a la Porte. On déieroit a fes avis dans le Divan; & les Turcs écUirés fur le Militaire par un hom- me qu'ils n'a voient pas pris a leur fol- de pour leur expliquer PAlcoran, ne croïoient plus à Tafcendant des trou- pes Allemandes fur les troupes Otto- manes. Nilla reprife y Orfova ré- duite, la Ser\4e recouvrée , deux ba- tailles gagnées, & le fiege mis de- vant Belgrade par Phab^le manoeuvre du Grand Vizir •> qui fcut occuper les lignes où le Prince Eugène b'étoit retranché pour couper le fecours a cette importante Place •> allarmerent la Cour de Vienne pour le Roïaume de Hongrie. Le jeune Ragotski avoit été magnifiquement accueilli à la Por- te : il publioit d s Manifeftes: il avoit des partifans ; & a la promelTe de fix à dix nulle florins que TEmpereur fai- foit a qui le livreroic mort ou vif, ii avoit ofé opofer celle de dix mille du- cats pour quiconque lui aporteroit la tête du Grand Duc^ gendre de TEm- pereur 9 & fcn Gcneraliffime. Ls Miniftere Impérial rechercha la me- DU Siècle. II Part: 2 1 s îïîédiatiQn de la E'rance , dont iî avok rejette TofFre au commencement de là guerre; & il envoïa au Velt - Maré- chal Comte de Wallis ordre & plem-^ pouvoir de conclure la paix. §. I I L La négociation nVtoit point épi- neufe par elle-même. Les Turcs vou- loient que la condition du vainqueur fut la même qu'a Palîarowit <, qu'il gardât fes conquêtes, & ils regardoient Belgrade comme la leur , parce qu'^ef- feâ.venieoî fa prife éroit un coup que les Gen raux de l'Empereur ne pou^^oiént parer. Comme ils ne fe reconnoiiToient pas vaincus par les Mofcovites 7 ils fe refervoient de trai- ter avec eux fur le même pié ^ lorf- que la fortune sV'tant déclarée ^ Tune ou l'autre partie voudroit la paix. La Cour de Vienne^, à qui Mr. de Ville- neuve? AmbafTadjur de France a la Porte ? ne laiiTa point ignorer que les Turcs étoient inébVanlables dans leurs propofitions^ exigea de fon Plénipo- tentiaire qu'il facrifiat fa gloire & fon intérêt particulier à la néceflité où el» ) lo 212 Histoire Politique le étoit de fe ménager une Apologie auprès de la Cour de Petersbourg. Elle le prévint fur le défaveu foiem- 2îel >) & fur les aparences de difgracè qui Tattendoient après !a conclufion du Traité ,* & comme elle le vit héfi- ter fur le facrifice , elle lui envoïa Tordre de remettre fes pleins -pou- voirs & fa CommifTion au General Comte de Neuperg , Courtifan plus docile, ou Sujet plus zélé. L E tems étoit précieux. Le Grand Vizir^ qui prelToit Belgrade avec la dernière aâivité^ avoit déclaré qu'après la prife de cette clef de la Hongrie, il mettroit la paix a bien plus haut prix. Belgrade pouvoit tenir jufqu'a la fin de Septembre ^ fi l'armée Impé- riale avoit occupé les lignes de Sem-- Un. Mais pour occuper ces lignes^ il faloit rifquer une adion générale; & les ordres de l'Empereur étoient auiïî pofitifs pour ne la pa$ bazarder^ que pour faire la paix avant que Bel- grade fut obligé de capituler. L E Comte de Neuperg ^ avec îa parole de Mr. de Villeneuve pour fauf-conduit -) vint le i8. d'Août aa quartier du Grand Vizir. Le Gene- ral BU Siècle. //. P^rt. 215 rai Ottoman lui déclara que s'il nV voit pas des pleins pouvoirs , il ne de voit point efperer qu'on entrât en négocîati; n avec lui; 6i le v orne lui a'ûntairuré qu il étoit avoué félon que la Porte le vou'oit n il lui fignifia les préliminaires déta annoncés par Mr. De- Villeneuve, Le Comte le retira dans une magnifique tente y que le Vizir lui av-oit fait dreiler ; & aïant obtenu quelques jours pour fe con- fulter 9 il fit palTer au Maréchal C om- te de Waîlis les conditions. Celui ci les envoïa a Vienne ^ dVù la réponfe qui devoit venir en cinq Jours par les Couriers ordinaires 1 n'étoit pas en- core venue le i . de Septembre. Le Comte nViant pont parlé de retour- ner au camp 7 parce que muni des pleins- pouvoirs , comme il Tavoit dit au Vizir , il lui eut été fort inutile de faire cette pronnenade ; il eut de- vant fa tente une garde de cent Janif- faires. Le cérémoniel d un camp lui en ordonnoit une ? & ce lui auroit été un outrage de ne la pas avoir. Juf- qu'au premier de Septembre, le Com- te fit ufage de toutes ks refTources de (en eiprit pour fléchir le Grand Vi^ ■^ .14 H I s T O î E. E P 0 L I T Î^Q. XT^ Vmr, Alors ne recevant point de nouvelles inftruétions de Vienne^ il îie douta pas que le Miniftre Impé- rial ne fe fit de fon filence une raifon? pour defavolier après coup fa négo* dation. Le Vizir ëtoit refolu de rom- pre abfoîument les conférences , û el- les trainoient plus long tems : Bel- grade (.^toit aux abois ; & les difficul- tés de la marche vers les lignes de SemHn augmentoient de jour en jour: le Comte perdolt le mérite de fon fa- cnfice en le différant. Il figna le pre- mier de Septembre ces fameux pré- liminaires ^ en marquant au fixieme jour après la fignature le commence- ment de leur exécution ? & au di- Kîeme celui des conférences pour le Traité définitif. §. I V. Les cinq Articles préliminaires por- toient la ceffion de Belgrade ^ de Sa- bacza de Plfle & de la FortereflTe d Orfova ^ de toute la Servie 9 avec la Valachie Autrichienne 9 aux Turcs» fous la referve exprefïe de la démo- lition des fortifications de Belgrade & de DU Siècle. II. Tan, 21^ de Sabacza. Le Bannat de Teniefwar reiloit a l'Empereur ; & on remet- toit au Traité définitif a régler tout le rerte fur le pie de la paix de Car- lo v^'^itz. §. V. Jusq,u'au 17. de Septembre , le Comte de Neuperg ne reçut de fa Cour que des reproches vagues & des plaintes indéterminées, quil interpré- ta en Court ifan qui avoit déjà fait fcn facrifice, Vcïant qu on ne lui envoïoit point une défenfe pofiiive d'achever le Traité , il procéda a fa conclu- fion. Les Articles en furent fignés le \2. Le Comte étoit bien éloi- gné de penfer qu il fut aifez cher à TEmpereur fon Maitre , pour que Sa Majefté Impériale ne fe réfîgnat a une paix onéreufe^ que de peur de Pex- pofer au reirenument du Grand Vi- zir , dans le quarti. r duquel il étoit fans fauf-condu]t du Grand Sceau. L A Ruffie •) malgré les nombreu- fes & incroyables viâoires , dont les Gazettes firent honneur au Comte de Munich, ne crut pas devoir feule con- tinuer la guerre. Elle fit fon Traité le ^.i6 Histoire Politiq^he le même jour que l'Empereur. Ce fut une paix perpétuelle, dont les prin- cipaux Articles le reduifent a la nul- lité du Traite de 171 1. a facqu'ÏI-. lion d'Afoph^ entièrement démoli^ à Pi' terdidion de la navigation fur la M r noire pour 'es Mofcovites <. k la reft'tution de Choczim & de Jafli, avec toute la Moldavie 1 au Grand Seigneur. La Czarine fut reconnue a la Porte fous le titre d'Impératrice des Ru^es ,• & les dévots de fon Em- pire eurent la liberté du Pelerm^ge de Jerufalem. Quoi qu'il en foit des vidoires remportées par les troupes Mofcovites , la Gzarine failant pu- blier cette paix Tannée fui vante ^ fe félicita auprès de fes Su'ets d'avoir fçu Pobtenir. Elle la leur difoit également honorable & avantageufe. L'Empereur ne parla pas d'abord de la {îenne fur le njême ton. Ses Miniftres ayant rafleir-bié toutes les raifons qu'ils s'étoient ménagées pour apuïer le defaveu & la diïgrace du Plénipotentiaire Impérial , publièrent des Apologies pitcïab'es. Tantôt ils prenoient à partie le Grand Vii^^ir 9 a <|ui ils reprochoitnt d avoir retenu le Corn» DU Siècle. 11. Fan. 217 Comte de Nenperg piifonnier dans fon camp : tantôt ils imputoient à Mr. de Villeneuve de n'avoir pas rempli fa parole , en laifiant le Plénipoten- tiaire Impérial pafler la nuit dans une tente à la Turque. Enfin le Maréchal Wallis 9 le Comte de Neuperg ^ les Portillons 5 les Couriers 7 étoient ac- cufés d'intelligence avec l'ennemi du nom Chrétien 7 ou tout au moins d'u«- ne imprudence criminelle. Le Non- ce Apoftolique ^ Italien accoutumé k chercher le pourquoi de tout ^ fe lailTa prendre au naturel de cette Comédie. Il ne s'imaginoit pas qu'on voulût fe charger gratuitement de tant de ridi- cule. Mais comme ce n'étoit pas pour lui que fe donnoit le fpedacle. Le Minirtere Impérial y mit fin dès qu'il en vit l'inutilité par raport a la Ruf- fie. L'Empereur fe montra ; & les petites finefles de fon Confeii difpa- rurent. Sa Majefté Imiperiale fit part de fon Traité aux Puiflances 5 fans plus parler de Tirrégularlté de la né- gociation. Dans la communication qu'il en fit donner k la Diète , il vou- lut que Ton crût que, toutes chofes égales d'ailleurs, les Articles de Belgrade va- loient bien ceux de Pafiarowitz. K CHA. aiS Histoire Politiq.ub CHAPITRE XL Traité d'Abo j entre la Suéde & la RuJJie en 1748. LE s Cours de Vienne & de Peters- bourg sMtoient obfervées Pune Fau- tre dans ia guerre contre les Turcs, cha- cune avec rintention detronnper fcn Al- liée, & avec la crainte d'en être trom- pée. L'Eu pereur dont PAliiance avec laRuffie étoit de pure défenfne, étoit entré dans cette guerre avec plus d'é- clat que ne Pexigeoient fes engage- mens-, dans l'efperance de faire de nou- velles conquêtes. II fe flatoit que la ra- pidité de fes fLCcès pendant la premiè- re campagne 5 en impr:nicroit telle- ment aux Turcs^ qu'ils le recherche- rcieot d'accommodement ; & que fur €on refus dV entendre feparément de fon Allié , fe trouvant heureux qu'il itn tint à la défenfive dans la fécon- de campagne , ils porterojent du côté des MofcDvites le fort de la guerre. Les DU SïHCLE, II Pari. 2J^ Les brouilleries entre les Cours de Londres & de Madrid^ s'envenimoient^ ^& menaçoient d'une prochaine ruptu- re. Le Roi d'Efpagne ne vouloit point modérer la vigilance de (es Armadil- les. La Nation Angloife refufoit de profcrire entièrement la contrebande. Les ordres du Miniftere Efpagnoî pouf- foient jufqu k la vexation Pexaditude des garde- côtes Mexiquains,' & les plaintes des Négocians Anglois obli- geoient le Parlement de demander des dédommagemens ^ ou la guerre. Dans la perfpedive d'une rupture , le Mi- niftere Anglois fe repentoit d'avoir abandonné l'Empereur a ies propres farces pendant la dernière guerre; & fentant le coup que portoit a la ba- lance le Traité de 1758. il foUiciioit Sa Majefté Impériale de fe retirer des liaifons qu'elle avoit prifes avec la France. Tout annonçoit au midi de PEurope une nouvelle crife^ où l'Em- pereur auroit befoin de toutes (es ref- lources. A peine fut-il engagé dans la guerre de Hongrie ? que cette fer- mentation fe fit apercevoir ; & dès- lors celle-là lui parut une diverfion onereufe. La fortune lui aïant été K 2 auffî 220 Histoire .Politiq.ue auflî contraire quelle éiok favorable aux Mûfcovites, il craignit que la Cour de Mofcou ne faifit le p!an qu'il s'étoit formé ; & il fe hâta de fe dérober, par fa paix particulière, au fardeau qu'il n'étoit pas en état de fou- tenir. Le Miniftere Ruffien avoit pouffé la guerre avec la dernière vivacité , afin que TEmpereur piqué d'émula- tion s'y engageât fî avant de fon cô- té 5 que la diverûon dont la Suéde menaçoit la Ruffîe^ ne mit pas cette dernière dans la néceffité de deman- der la paix k la Porte -> ainiî qu'il le lui auroit' falu faire , fi elle avoit eu fur les bras toutes les forces Ottoma- nes. Lorfque la découverte des né- gociations de la Suéde a Conftanti- nople , eut mis hors de doute fa pro- chaine rupture avec la Rufîie, om apré- Jienda également a Vienne Ôc a Pe- tersbourg un Traité particulier avec le Turc i & chaque Cour fe difpofa fecretement à prévenir fon Alliée. Heu- reufement pour l'Empereur , la Porte ne pénétra point cette défiance réci- proque. Sans autre Politique que cel- le du bon fens ,, le Grand Vizir au- roit DU SiËCLE. IL Fart. ait roit opté entre fes deux ennemis. Dé- terminé à faire au plus redoutable des avantages capables de le réfoudre a l'abandon de fon Allié ^ il feroit demeuré en guerre avec l'autre. La Ruflie auroit reçu avidement la pré- férence qu'il lui auroit donnée pour la paiXo Juftifiant fon Traité particulier par l'exemple de l'Empereur y qu'el- le pouvoit convaincre d'avoir recher- ché le fien fans fa participation , elle l'auroit prétexté de fon jufte reflenti- ment ; & fa gloire fe fauvoit à la fa- veur des démarches de la Cour de Vienne î qui faifdit pafTer les fîennes pour d'heureufes reprefailles. Le Vizir ébloui de Tacquifition de Belgrade ^ aïant figné la Trêve avec l'Empereur^ le Miniftre Ruffien^ qui avoit fes inftru(3ions^ ne lui laiffa point le tems de fe refroidir fur le defir de la paix. Dès le même jour il lui pre- fenta fes articles ; & le bon Turc les aïant fignés, la Cour de Petersbourg fe trouva comme celle de Vienne ^ dé- chue de fes efperances ? & délivrée de fes craintes. Toutes deux regar- dant leur Alliance & la guerre contre le Turc comme non avenues 5 s'ocu^ K 5 perent 222 Histoire PoLiTieitiE perent de leurs autres affaires. Ceî~ le-ci entra dans de nouvelles liaifons avec l'Angleterre : celle-là fe difpo- fa a faire tête au mécontentement de la Suéde. Depuis la paix de Neuftad, la Sue- de travailloit en filence à fe relever de répuifement que lui avoient caufé les Héroïques de Charles X I I. tandis qu'acrûe de pui (lance & de richelFe la Ruffie mainienoit avec hau- teur la fuperiorité que le Czar Pier- re lui avoit donnée dans le Nord. Elle parloit aux Polonois d'un ton de maî- tre. Elle traitait avec le Dannemarc en le menaçant : elle fe donnoit aux Suédois pour un Arbitre ^ qu^iî leur étoit dangereux de recufer ,* & mal- gré TArtcle exprès du Traité de Nieuf- tad 5 elle prenoit part aux d-^bat's & aux réfolurion? des Etats 9 qu'elle pré- tendoit régler fur fon inte«*ct parti- culi^^r. Le Roi de Suéde qu'aucune affeétion ne nafli^nnoit pour le Suc- ce'Teur qu'on lui donneroit, auroit vo- lontiers confenti dVn remettre le choix après fa more. Mais la plupart des G^-ands du Roïarme^ effraies de l'é- xemple de la Pologne 5 qui avoit été BU Siècle. lî.Tart. 225 forcée de recevoir le Roi qu'ail avoit plu a la Ruffie de lui déugner^ vou- loient que PElefiion du Prince Suc- ceffeur fe fit pendant que la Suéde unie fous fon Roi , étoit autant en état qu'acné y pouvoit être de faire valoir fon choix. La Gzarine Anne avoit dans ua âge peu avancé les infirmités de la vieillefTe: on prévoïoit la fin prochai- ne de fon régne j' & déjà il y avoit pour fa Succefiîon des brigues & des faâions formées , dont on pouvo't conjecturer une guerre civile dans ce vafte Empire. Le Cardinal de Fleu- ri 5 qui ne pardonnoit point aux R îf- fes le fecours qu'ils avoient envoie à TEmpereur en 1755.61 agir FAm- bafiadeur, & l'argent de France dans les Etats de Suéde , pour animer la Nation a profiter des circonfianccs. Ceux qui aprochoient du Roi flirent gagnés: les Membres de rafiembiée les plus acr édités furent perfuadés 9 ou feduits : la plus nombreufe partie de la Natioa parut décidée pour h guerre contre la Rufilej & la Cour or- donna a fon Mmiftre a la Porte, de négocier une Alliance défenfive entre les deux Empires. K 4 Lb 22^ Histoire Polttkjue^ L E Traité n'en fut conclu & fignë que le 22. de Décembre 1739. Mais là Cour de Petersbourg en eut avis dès h mois de Juin , & là convidlion peu de jours après par les papiers qu'elle fit enlever au Major Saint Clair 5 que les Miniftres Suédois dépêchoient de Con*- îkntinople à Stockolm. Cet Officier arrêté k Breflau par le Gouverneur General Autrichien ^ puis relâché a la vue de fes palTe-ports^ fut pourfliivi^ atteint & égorgé par quatre hommes vêtus en Dragons Mofcovites^ que le Miniftere Ruffien defavoua pour ce q'je leur habit les difoit. Les Cours de Vienne & de Petersbourg nièrent très fort d'avoir eu part k cet aflaffi- nat,' & elles n'en furent point crues* Pour diminuer Fimpreffion des plain- tes que Sa Majefté Suedoife faifoit du maOacre de fon Major 9 & de Pen- lévement de fes papiers? elles firent courir des copies d'un prétendu Trai- té de la NobleiTe de Pologne mécon- tente avec le Grand Seigneur. Les articles étoient donnés les plus capa- bles d'indifpofer contre les négocia- teurs tous les Chrétiens 5 fidèles k la vieille haine des Turcs j & quoiqu'ils fuf- 1 DU Siècle; 77. Fart. 22 J fuffent controuvés^ ils dévoient faire un grand effet parmi le vulgaire cré- dule , parce que le Roi de Suéde n'a- voit garde d'entreprendre une réfuta- tion qui Tauroit engagé dans des ex- plications fort épineufes fur le con- tenu des Dépêches du Major. En ef- fet Sa Majefté Suedoife fe contenta des défaveux des deux Cours touchant FàlTaflînat ; & elle termina fes inuti- les perquifitions fur les aflaffins , par des funérailles honorables pour TOf- ficier afTaffiné, j. i. Le Traité d'Alliance défenfire de la Suéde avec le Turc étoit en neuf Articles. L'affedation avec laquelle on infiftoit dans chacun fur la paix des deux Empires avec la Ruffie , qu^on ne prétendoit point léfer par cette Alliance, prouvoit elle feule que c'^étoit contre la RufTle que les con- tradlans avoient en vïie de s\inir. La Cour de Petersbourg n'en douta poinr^^ & elle opofa a PAUiance de Confen^ tinople y un nouveau Traite de défeii- fiye avec PAngleterre, - K 5 : §. U.' 226 His^roiRE Politique §. I L L A mort de la Czarîne Anne Iwa-^ îîowna 5 parut aux Etats de Suéde 9 la circonftance la plus favorable pour fe déclarer. Par les brigues & le cré- dit du Duc Biron de Courlande ^ & des Cointes de Munich & Ofterman^? la PrincefTe Elizabeth, maintenant Im- pératrice des Ruffies 5 fut éloignée do Trône ; & le jeune Prince de Brunf- wick y fut placé. Cétoit dans tout FEmpire une fermentation qui pro- mettoit de grands avantages aux Sué- dois 5 Cl au lieu de motiver leur dé- claration de guerre de leurs Griefs contre la Ruffie , ils avoient prétex- té leur prife dVmes du défir de fai- re juilice à la fille de Pierre le Grand. Mais les RufTes voïant dans la guerre de Suéde une querelle nationale y s'u- nirent pour la foutenir. Les Géné- raux & les Armées , dont Paffedion auroit été partagée dans une guerre qui auroit touché la perfonne du Sou- verain y fe portèrent avec zélé dans celle qui regardoit PEmpire j & les Suédois éprouvèrent dès la première adion , DU Siècle. 77. Fart 227 action , la fuperlorité que le Czar Pier- re av^oit fû donner a fes troupes. La Princelfe Elizabeth aïant ren- verfé du Trône le jeune Ufurpateur fans effufioH de fang , fans même porter coup a la tranquilité publique 1 la Suéde, qui fe voïoit enlever la reffour- ce des divifions inteftines y fur laquel- le elle avoit compté, tint le langage qu'elle auroit du tenir lors de fa décla- ration de guerre, La nouvelle Impé- ratrice remercia les Suédois de Tinte- rêt qu'ils vooloient bien prendre a ce qui la regardoit. C'éioit l'unique ré- ponfe qu'ils en dévoient attendre^' & la prudence leur ordonnoit de faifir cet inftant pour faire la paix ^ en de- mand-int qu**en faveur du motif de leur prife d'armes , on remit les cho- fes comme elles étoient auparavant. Mais excités a !a guerre par les pro- melTes de la France t & par les difpo- fitions pacifiques de la Czarine ^ ils demandèrent d'être relevés des plus onereufes ceffions du Traité de Nieu- ftadi & le malheur , ou la mauvaiie conduite de leurs Généraux^ leur aïatat fait perdre toute la Fmlande , ils fu- rent réduits après la féconde campa- K 6 gne . 228 Histoire Politique gtiQ'i a demander la paix en fuplians, ou a continuer la guerre par defef- polr. ^ ■ .^ La Cour de Ruflie étoit (î convain- cue de fa fuperiorité ^ qu'elle ne crai- gnit point d'offrir aux Finlandois , avant que de 'es attaquer ^ de les mettre en Republique indépendante , pour ctre déformais fous la proteftion deis Czars 9 une barrière entie les deux Etats., Cette offre fî féduifante pour un peuple nombreux & fier^ aHarma le Miniftère Suédois, & plus encore la Nation. La Finlande une fois dé- tachée de la Suéde , le Roïaume eût été reflerré pour toujours dans fes li- mites ; & les Suédois fans efperance de jamais recouvrer îeur ancienne puiC- fance n'en avoient plus que le fouve- nir. Cette perfpédive que les pluS .éclairés firent enyifager aux Etats, détermina l'afTemblée à faifir la voie la plus prompte pour fe reconcilier avec la Czarine, L'Etedion du Suc- ceffeur fut remife fur le tapis > & les fuiïrages fe réunirent fur le Duc de Holftein Gpttorpv neveu de Sa Ma- Jefté Czarienne par fa mère r & petit nciv^u d€; Charles XIL par f on aïeule. On DU Siècle. I J, Part. 229^ On ne doute point que ce choix ne fut recompenfé de l'Impératrice par la ref- titution de la Finlande > & de la Ca-» relie. Les Députés Suédois avoient à peine déclaré au jeune Prince fon Eleâion -> quMs fe virent plus éloi- gnés que jan^ais de leurs efperances. L'Impératrice fa tante Tapella au Trô- ne des Rudes; & l'incompatibilité des deux Couronnes nVtant pas problé- matique 'i le jeune Duc donna la pré- férence a la plus brillante. Les Dé- putés revinrent avec la recommandai tion de Sa Majefté Czarienne en fa- veur du Duc de Holftein Eutin^ Evê- que de Lubeck? dont elle promet- toit en termes vagues de recompen- fer l'Eledion ^ en fe rendant plus aç- ceffible aux propofitions de paix. §, m Il falut que la brigue du Danne- îTiarc pour fon Prince ^ & celle de la France pour le Duc de Deux-Ponts, cedalTent a celle que Finterêt prefent de la Nation avoiioit. La Cour de Petersbourg 9 mettant pour premier article de fcs préliminaires 5 l'Eleâion de E^o Histoire Politique de l'Evêque de Lubeck : les Etats de Suéde achetèrent la Paix par leur dé- férence aux recommandations de ce puiffant VQÎfin. Les prélcminaires fu- rent fignés à Abo le 27. Juin 1745. & le :5, de Juillet le Prince Evêque aïant été élu «» les Mimftres travaillè- rent au Traité définitif qui fut figné le 27t d'Août. Il a vingt & un ar- ticlesî qui fe reduifent aux trois pré- liminaires dont ils donnent une ample explication. Il en eoutoit a la Suéde le morceau de la Finlande ^ où font les Fortereffes de Wilmanftrand & de Frederiksham^ avec la Ville de Niflot, pour rentrer en pofleffion des autres pais qui lui avoient été enlevés pen- dant les deux années de guerre. Ses Alliances avec la France & le Grand Seigneur ne lui avoient valu que quel- ques fubfides en argent ; & vue guer- re qu'^elle entreprit fans grand fujet 9 qu'^elle foutint avec opiniâtreté, au lieu du recouvrement de fes anciennes pro- vinces > qu'elle s'en promettoit, ne lui produifit que de nouvelles pertes. El- le y put reconno tre la profondeur des bleflures, que le fermant régne de Charles XII. lui ayoit faites j & il ne DU Siècle. Il Part. 251s lui manqua rien pour fe convaincre que la Ruffie n'eft plus un ennemi con- tre lequel elle puifle lutter. CHAPITRE XIÎ. Capitulation de PEmperetfr Frajf-: fois I. en ij^^. Ses raports hifioriques aux Règnes des Empereurs Autrichiens. L 'Empire d^Occident n'a auciî^ .„ j ne reflemblance avec l'Empire Romain 9 ni avec PEmpire Grec, hors le titre d^ Empereur >> & la primauté de rang , qui font unanimement ac- cordés k fon Chef, Depuis que le Pa- pe a borné fa Souveraineté aux affai-^ tes de PEglife , & a TEtat , connu fous le nom d'Etat Ecclefîaftique y les Puiffances d'Itah'e n ont que le nom de vaflaux de TEmpirej & rEmpe- reur n'eft ^ a proprement parler, que le Roi d'Allemagne. Ce puilTanr Etat;^ partagé en autant de S uverainetcs que de Provinces, fe donna> dansfanaif- fan- a^2 Histoire Politique jfance -) laConftitution, qui étoit alors? la dominante en Europe. Le Peuple fut efclave , la NobleiTe fut libre , & les chefs de l"a NobleiTe forent des ti- rans. C'êft le gouvernement Gothi- que. Ce fut moins p^r égard pour la neceflité y que par déférence pour Fu- fage - que cette multitude de Souve- rains fe dcnna un Chef Pendant long- te'ms , il fut fans autorité , p^rce qu'il ne connut pas celle quM devoit avoir. Maximilien I. eft le premier Empe- reur qui ait établi la fubordination en- tre le Chef & les membres de TEm- pire. Il profita des malheurs de Ta- narchie ^ dans laquelle la démence? ou la foibleffe de Frideric fon père avoit fait tomber l'Allemagne , pour perfua- der aux Princes la necefiTité de fe don- ner un conciliateur permanent. 'A pei- ne eut -il cette qualité, qu'il voulut celle d'arbitre ; & fes Succefleurs ^ a qui il laifla cette dernière bien établie, briguèrent celle de Maitre. Dans une République partagée en deux fadions, dont chacune ne peut rien gagner qu'aux dépens de fa rivale ? ce doit être une guerre qui ne fçauroit fe ter- miner 5 que par l'entière fuperiorité d'un 1 D u s I E G L E . 1 7. Téirt, 23 3 à\m des deux partis. Les Princes & Etats 9 qui compofent la Republique Germanique 5 fentirent qu'entre eux & rEmpereur il y auroit une guerre de cette elpece ^ a moins que d'établir un milieu , qui fixât Téquilibre entre le Chef & les membres^^ ce milieu fut la Capitulation. Mais en fe donnant des Empereurs? affez puiflans pour en- freindre impunément les loix> dont leur ambition étoit gênée ^ ils reduiiî- rent la Capitulation à un engagement de pure formalité 9 que l'Empereur prenoit avec eux par complaifance, & qu'il étoit refolu de leur laiiïer inu* tilement reclamer. Chacun des Suc- cefleurs de Maximiîien s'étoit agran- di? en violant f» Capitulation avec le moins de ménagement; & Charles VI. le dernier de fa maifon ? avoit Joui tranquillement de toutes lesacquifîtions de fes Predecefieurs jointes aux fîen- nes. L habitude avoit tellement fa- miliarifé avec les ufurpations des Em-- pereuts Autrichiens , qu'on n'eut pas même l'idée de les faire reftituer à TEm^ pire ; lorfque , pour en venir a bout? on n'avoit qu'a le vouloir. On fe fé- licita d'êire affranchi du joug de cet- te 254 Histoire P®litiq^e te puiffante Maifon ; & comme fi le chemin du trône Impérial avoit été fermé pour jamais aux Princes Lor- rains 5 qui s'antoîent fur elle ; on leur en laifTa paiTer avec indifférence tou- tes les poffeffions. s. I. C'ÉToiT autrefois la maxime des Souverans d'Allemagne de fe donner pour Empereur un Prince peu puîf* fant : ils penfoient avec ra fon que 5 sM étoit en état de ie faire craindre 0 il voudroit fe faire obeïr,* & ce fut a cette politique que Rodolphe de Habf- bourg fut redevable de la préféren- ce p que les Elec5l^nrs lui donnèrent^ fur le Roi de Bohême. Mais alors Tunique objet du Corps Germanique étoit fa liberté. Redoutable a ùs voi- fins 9 dont aucuns n'avoient éprouvé fes forces, il étoit fans intérêt parti- culier dans leurs querelles, & fans crain- te qu'ails ofanfent intervenu dans fes af- jfeires domeftiques. La Hongrie étoit une barrière entre le Tui c Si lui. Sans intelligences au midi de TEurope^ lêS Puil^nces du Nord ne s'^en prenoient point j DU Siècle- IL P^rL 2:»^ point à TEmpire de leurs différends avec quelqu'un de fes membres; & !a France^ en guerre perpétuelle avec les Anglois & Tes deux grands vaffaux ^ n'avoit garde de former aucunes ef- perances de conquête fur TAilema- gne î d'où elle tiroit fes meilleurs fol- dats. Le mariage de Maximilien I. avec Théritiére de Bourgogne fut le ferment d'une révolution dans le Corps Germanique. Les Etats Autrichiens^ accrus de TAlface ^ que et Empereur avoit ufurpée^ étaient Théritage de {es petits-fils ; & les Princes , qui regar- doient le droit d'^ainelTe comme une loi fondamentale ^ fe refufoient au coup de politique qui lui auroit don- né atteinte. Ils ne mirent pas- même en délibération de faire la Lgitime du puiné des Etats d'Allemagne. Dr for- te que Charles, Roi d'Efpagne, & Sou- verain desdix-fept Provinces, entrant en poffeflRon de la Succeffion de fon Ayeul y fut un membre monftrueux 9 qu'on ne put laifiTer uni au corps dans fa place naturelle ^ fans le défigurer , fans altérer fa conftitution. L'Elec- teur de Saxe ne donna point d'autre raifon politique de fon refus de la Coi> • renne 2r^6 Histoire Politique ' renne Impériale ^ après la mort de Maximilien; & il s'en aida auprès des autres Eledeurs pour leur perfua- der la néceffité de préférer Charles- quint à François premier. \ Tout fembla concourir avec l'am- bltion de cet Empereur 9 pour tirer l'Empire de fa tranquille indifférence. La Religion ayant partagé le Corps Germanique, Charles envenima les haines ; & fe déclarant pour le parti le plus foible, il s'en attacha pour toujours les chefs^ en leur donnant une fuperiorité , qu'ils ne pouvoient con- fer ver 5 qu'autant qu'il feroit de leur coté. Certain d**avoir déformais cette moitié de l'Empire dans fes intérêts^ il ôta la barrière qui le feparoit du Turc ; & ayant réduit le parti Protef- tant a la neceffité de recourir a la France 9 il mit le Corps Germanique aux prifes avec fes deux plus puif- fans voifins. L'un ayant conquis les trois Evêchés» l'autre étant venu met- tre le fiege devant Vienne , les Diè- tes regardèrent ces deux Puiflatices comme les ennemis naturels de l'Em- pire ; & leurs principales délibérations furent fur les moïens de leur faire tê- te. DU Siècle, II. Part. 2^7 te. Elles fentirent alors la faute que le Corps Germanique avoit faite de fouffrir les Empereurs privilégier leurs Etats héréditaires^ & les exempter des contributions impofées a chaque Etat pour la défenfe commune. ÙArchi- duc d'Autriche , Roi de Bohême & de Hongrie ^ Landgrave d'Alface &c. avoit droit aux fecours duCorps Ger- manique ? obligé d'ailleurs a confer- yer des Etats , qui faifoient fa barriè- re; tandis qu'a mo'ns que d'interefler ce Prince d'une façon particulière au bien de TEmpire 5 il pouvoir fe refu- fer a en partager les périls & les dé- penfes. On fe crut dans la néceffité de le donner a l'Empire pour Chej^ afin qu'il n'en fut pas un membre inu- tile. La dignité Impériale devint hé- réditaire datis la Maifon d'Autriche, §. I I. Les conquêtes de Leopold & de Charles VI. fiir les Turcs ayant ren- du de ce côté a l'Allemagne fon an- cienne barrière : & les Eledeurs étant devenus allez puiflans , foit par leurs ^cquifitions ^ foit par leurs liaifon^ avec 2^8 Histoire PoLinPiQ.iîE avec les étrangers pour contenir le feui voifin , dont Tambition eft redou- table a PEmpire ; Le Corps Germani- c|ue fe retrouvoit au tems , où il ne devoit avoir qu'un Conciliateur dans fon Chef. L'abrogation de la Prag- matique alloit démembrer cette riche Succeflîon ^ dont l'enfemble avoit fi longtems fauffé la balance de TAUe- magne : la part qu'on en affignoit a FEledeur de Bavière , le devoit met- tre en état de foutenir la dignité Im- périale , fans Poter de proportion avec les autres Eledeurs : TEmpire rentroit dans fon ancienne liberté. Mais une neutralité ^ dont on ne fçauroit devi- ner le but , ayant abandonné les pré- tendans à leurs propres forces? Té- toile de la Maifon d'Autriche a eu îe defliis; & le petit-fîls de Charles VL fe voit afluré a la Succeffion de fon ayeul , jointe a celle de fon père. L'btat du Corps Germanique n'eft pUiS le même j depuis que les cou- ronnes d'Angleterre & de Pologne font fur la tête de deux Eiedeurs : depuis que deux régnes ont donné a la Maifon de Brandebourg le réel de la Puiilance ^ dont le premier ne lui avoit DU Siècle. II. fart. 239 avoit acquis que le nom. Ces trois Princes, que la Religion dominante dans leurs Etats mettra aécefîairementî en tems de crife ^ du parti opofé à celui de TEmpereur ^ font capables de foutenir la balance, s^il la vouloit renverfer. Quels que foient leurs dif« ferens intérêts y & leurs différentes liaifons hors de TEmpire^ ils s'uni- ront toujours contre un Defpotifme^ dont ils feroient les premières vidi- mes ; & c'eft leur union qui fait la différence entre la Capitulation de PEmpereur François premier , & cel- le des Empereurs Autrichiens. §. III. L'attention des Eledeurs, Prin- ces & Etais dans cette Capitulation, a été fur-tout d'ôier au nouvel Empe- reur ^ & a fes Succefleurs y les prin- cipaux moïens , dont les Empereurs précedens fe font fervis ^ pour s'ac- créditer dans PEmpire 9 & dominer dans les Diètes. Elle n'a pas un de fes trente articles^ qui ne porte un coup mortel au Defpotifme. Le premier^ interdifant a Sa Majefté Impériale de pri- a^e Histoire^ PoLiTiauB priver aucun membre de l'Empire> & même provifionneliement ^ de fa fcan- ce ik de fon fuffrage a la Diète, rompt le frein qui retenoit les Princes de s'expofer au reffentiment des Empe- reurs. En lui défendant d'admettre perfonne dans les Collèges fans leur confentement , il lui enlevé Tapas le plus propre a lui attacher les Princes des anciennes Maifons, & la recom- penfe dont (es PrcdecefiTeurs avoient coutume d^animer le /^èle ^ & de payer les fervices de leurs grands OfficierÇe Leopold avoit gagné les Ducs de Han- novre par le bonnet Eiedoral? & Char- les VI. oiïroit au Landgrave de H^ffe le même prix de faxomplaifance. Les Maifons de Schwartzemberg^ de Lob- kowitz ^ de la Tour- Taxis, de Lich- tenftein, & plufieurs autres^ font en- trées dans le Collège des Princes^ fans autres titres que leurs fervices & la vo- lonté des Empereurs. En ôtant au Chef de TEmpire le pouvoir d'étendre & de proroger le droit de féance & de fuffrage d une ligne éteinte fur une au- tre qui lui furvit, il éloigne de la Cour & des armées Impériales les Princes juinés^ auxquels une auffi brillante per- DU Siècle. //. Fart. D.^.t Y^rfpedive étoit feule capable de fai- re dérorer les hauteurs des Miniftres^ & des Généraux de PEnipereur. Le fécond article réduit le Chef de PEmpire a la reprefeiitation impuif- fante d'un Doge de Venife. Sa Ma- jefté Impériale y renonce a l'exercice du pouvoir Legiflatif Elle ne pré- tend au pouvoir lui-même qu'autant que les Eledeurs voudront l'admettre a le partager avec eux. Elle promet de foufcrire à ce quils auront décidé: elle les authorife à t^lire> môme malr gré elîe^ un Roi des Romains; & s'in- terdit de le leur propofer. Elle recon- noit dans le Collège Eleéïoral le pou- voir de tenir fes Diètes particulières, fans fon aveu t & d'y délibérer fans fa participation fur les affaires géné- rales de TÈmpire. Elle réduit fa Cham- bre Aulique à n'être plus qu'un tribu- nal de Juilice dillributive pour fes E- tats propres. C'efl: bien décheoir des prétentions de Ferdinand II. & lïl. pour qui les Eledeurs n étoient que des Sujets; & de celles de Jofeph, qui attribuoit à fon Confeil plus que les Dieies ne s'en croïoient permis par les loix. Cet article enlevé aux Em- L pereurs ff 24^ HïsT0iRE Politique pereurs jufqu'aux moïens de fe ven- ger^ en aflurant aux Vicaires de rEm- pire^ pendant la vacance , le pouvoir de décider toutes les affaires:, pendan- tes au Confeil Anlique fous le régne précèdent; & de pourfuivre jufqu'a décifion 9 fous le nouveau régne, cel- les dont ils auroient commencé Tin- formation. Il manque encore aux Vi- caires le droit de revifion fur celles dont le Jugement n'^auroit pas fatis- fait les parties. Le quatrième article^ raproché du fixieme ^ anéantit ce que les deux pre- miers laiflcient encore à TEmpereur de Fautorité Monarchique, Sa Ma- jefté Impériale y renonce a faire ni guerre r «i alliance 5 fans le confen- tement de la Diète ^ ou au moins des Eledeurs; en jurant que, dans ce der- nier cas , Elle ne s'en tiendra point à des déclarations feparées des Cours Electorales. Le Chef de l'Empire con- fent de perdVe une influence ^ qu'il confirme a chaque Prince & Etat , en qui il reconnoit le droit de traiter avec l'Etranger , pour ce qui le regarde. Il ôte a fon militaire toute infpedion fur le militaire de l'JEmpire : il s'^engage de D^ Siècle. II. Part: 245 de n'*élever ni forts, ni citadelles fur le territoire Impérial ; de ne faire aucu- nes levées dans les Cercles qu'avec Pa- grement des Princes & Etats i de ne point diftribuer les Quartiers aux trou- pes^ de ne les point faire marcher hors de TEmpire , fans le confentement de la Diète. Leopold & fes deux fils avoient toujours expédié des ordres pour les troupes de TEmpire^ com- me pour les leurs propres ; & fans en rendre d^'autre raifon que Ta vis de leurs GenerauXi ou du Confeil de guerre^ ils les avoient fait pafler en Flandres, ou en Hongrie? félon que le bien de leur fervice Texigeoit. Ils avoient fait leurs recrues dans les villes Imperia*- les & dans les Cercles ; & mettant > pour les quartiers, leurs troupes parti- culières fur fe même pié que les trou- pes de l'Empire , ils en chargeoient indiftindement les païs ? où il leur convenoit q^uelles hivernaffent. La Capitulation coupe ces abus jufqu'a la racine. L'Empereur y renonce aux étapes pour fes troupes parti culieres^ & promet de ne leur faire prendre le logement , qu'après réponfe favora- ble à fes Lettres requifitoriales^ & cau- L z tion 244 Histoire Politique tion donnée pour le payement de tou- tes les fournitures. Ce rigoureux ar-. ticle vuide la fameufe querelle fufci- J tée aux Eledeurs dans les négociations de WeRphalie 9 de Nimegue, de Rif- Wick,v & d Utrecht, L'Empereur obli- gé de ne traiter qu'avec leur agrérnent, leur reconnoit le droit d'AmbalTade & de députation au Congrès ^ fans dé- pendance quelleconque du Plénipo- temiaire Impérial Le Comte de Sin- 2endorf fe fit reffource de cette chi- cane a Utrecht, pour traverfer la né- gociation. Dans le cinquième article. Sa MaJ. Impériale promet de n'établir aucun impôt fans le confentement des Elec- teurs ; ôi dérogeant exprelTément aux Privilèges , que s'étoient donnés les Empereurs Autrichiens 5 il foumet fes païs héréditaires aux taxes générales de rEmjpire. Dans le fuivant, il prof- crit les Compagnies exclufives , dont la Cour de Vienne s'étoit fouvent fer- vie , pour mettre le commerce en mo- nopole. Le neuvième article ôte a FEmpereur le pouvoir de permettre aux villes de battre monnoïe. Plu- fîeurs fois les Empereurs piécedens Ta- DU Siècle. //. Fart. 245: Pavoient vendu. Le neuvieine & le fuivant anéantilTent Fabus 5 qui a été la fource de la PuilTance Autrichien- ne. Ils interdirent a l'Empereur tou- te aliénation des droits Impériaux , toute hypothèque, tout engagement des fiefs. Ils lui défendent de s'^apropri' r les hommages dus a l'Empire , dV tribuer a fa Chancellerie l'expédition des inveftitures , & de conférer les fiefs vacans , fans le confentement du Collège 9 ou du Banc , où ils don- nent féance & fuffrage. En exigeant qu'il tienne pour des abus les expec- tatives & les furvivances, on lui fait une obligation de ne mettre dans fa Maifon aucun fief vacant^ fans le con« fentement de la Diète. Sur tous ces points les trois Ferdinand^. 5 Leopold &fesfils5 avoient commis une infini- té d'exorbitances. Ferdinand I. avoit arraché le Duc de Virtemberg a l'Em- pire 5 pour en faire un vaffal des Ar- chiducs d'x\utriche: les autres avoient difpdfé en maitres de la confifcation de ceux qu'ils mettoient au ban. Fer- dinand II. avoit donné de fa propre authorité le Meckîembourg à Wal- ienftein 5 le haut Paîatinat au Duc de 24^ Histoire Politique Bavière , ainfi que la dignité Eledo- rale. Jofeph s'étoit emparé de la Ba- vière ; & Charles VI. avoit retenu > malgré les plaintes des heretiers de ■Guaftalle & de Mantoue 5 nnalgré les offices des Puiflances y & les repre- fentations des membres de PEmpire? les Duchés de ce nom. Les cinq articles fuivans décident la queftion^ jufqu'alors inutilement debatue ^ de la fuperiorité des Diètes fur TEmpereur ^ & de la fuprematié de la Chambre Impériale. Le Roi des Romains promet la convocation des Diètes, au moins de dix ans en dix ans. Il promet d'y faire fes propo- fit ions dans la quinzaine^ & de faire en forte que dans les deux mois il y foit délibéré fur les griefs à^s Cercles. C^eft renoncer à la brigue ^ qui ren- dic presque toujours (ts Prédecefleurs les maitres de Paflemblée. 11 defa- voue les refcrits y dont ils gênoient la liberté de la Chambre Impériale. Il promet de ne faire aucun obftacle a Texecution des fentences de la Cham- bre , & de n'cvoquer à fon Confeil Aulique aucune des Caufes , dont el- ie aura pris connoiflancce Dans DU Siècle. //. Fart, Î247 Dans le XIX. & XXI. Sa Ma?. Impériale abandonne entièrement aux Princes & Etats le jugement de leurs vaflaux: elle jure de ne donner à ceux- ci aucunes lettres de protedion, ni pour leurs biens > ni pour leurs per- fonnes ^ fous couleur de faire faire droite & de rendre juftice. Il fe dé- pouille d'une authorité légitime^ pour donner aux Princes une efpece de Def- potifme, ^ Le vingtième termine le grand pro-» ces, que Paflemblée de Weftphalie n'^ofa juger 5 entre les Empereurs & les Princes. Ceux-ci alîarmcs de la profcription de l'Eleâeur Palatin , du Duc de Mecklembourg ^ & de leurs fauteurs ^ avoient inutilement deman- dé que l'autorité Impériale fïit reftren- te a des formalités y qui fauvalTent au moins les apsrences de Toprefficn, La fermeté de Ferdinand avoit réduit !a France & la Suedt^ a laiffer l'affaire indecife. Le Congrès avoit pronon- cé que déformais PEmpereur ne met- troit au ban aucun Prince 9 que con- formément aux loix de l'Empire. La Captulation de Leopold & de Jofepli n'avoit rien de plus précis. Mais après L 4 la ^43 Histoire Politique la mort de ca dernier -> las Princes 8c Etats , que fes excès contre TEIedem de Bavière 5 & l'Archevêque de Co- logne avoiem Irrités , profitèrent de Fabfence de Charles^ pour mettre dans fa Capitulation !a néceffné du confen- tement des Eiedeurs pour cette terri- ble fentence. (>harIos n^eut point oc- cafîon d'enfreindre la loi qui lui étoit faite. Mais les Princes ne la crurent pas telle qu'il convenoit k leur fureté; & ils ont impofé :i François I. la né- ceffité du confentement des Eledeurs^ Prifices & Etats de TEmpire, avec des formalités qui rendent preTque impof- fible rinftrudion d'un femblable pro- cès. «LoRS(iUÉ le procès fera en état ; dit le paragraphe IV. »>le$ pièces fe- »ront communiquées a la Diète , en ^pleine aflemblée ^ & enfuite remifes «'>à une députation ^ ou commiffion des «trois Collèges ( y compris la clafle »d"S Abbés & des Comptes) dont les «membres feront mi -partis Catholi- »ques & Proleftans > & pris folemnel- »lement a ferment : afin que fur leur «raport foit procédé au Jugement par *>la. Diète affemblée. Sa BU Siècle. //. Part. 249 Sa Majefté Impériale promet de de ne fe rien aproprier des biens du profcrit^ & de ne point étendre aux enfans ou Agnats la punition du cou- pable. Le ban par contumace eft dé- claré abfolument illicite. Dans les articles fuivans TEmpe- reur s'engage a ne point donner a des Etrangers les grandes charges de fa Cour: à préférer les Nobles aux Com- tes a brevet j a ne mettre en commif- fîon aucune affairependante a la Cham- bre Aulique , à ne point évoquer a fa Chancellerie les difcuffons qui le re- garderont en fa qualité d'Empereur. Enfin il promet fes offices pour Fe- xecution d'une Capitulation perpé- tuelle. Tel eft le frein que le Corps Ger- manique a mis a l'ambition de fon Chef. Il fubfiftera auffî long-tems que le danger de le rompre. L 5 € H A- âj'e Histoire Politique CHAPITRE XIII. & dernier. Paix[ d'Aix -la- Chapelle en 1748. L'Empereur Charles VI. fut fur- pris de la mort^ lors qu'^ayant entamé de nouvelles négociations, fur un nouveau plan , avec les Cours de Londres & de St. Petersbourg 9 il aî- loit mettre FEurope entière aux mains pour Tinterêt de fon gendre. Il fe repentoit de n'avoir pas defigné dans fa Pragmatique fon fuccefleur a l'Em- pire 5 comme il y avoit nommé fon héritier; & ne trouvant pas dans la Cour de Verfailles la complaifance qu'il avoit compté s'y ménager par fes égards pour le Cardinal de Fleur i^», il intriguoit chez fes anciens Alliés^ p )ux fe Illettré en état de forcer fon lufFrage , ou d'en braver le refus. Dé- jà il s'étoit expliqué fur la neutralité que Sa Majefté Très - Chrétienne lui avoit fait propofer par raport aux dif- férends de rÈfpagne sivtc TAngleter* DU Siècle. //. Farl 2^1 re ; & la Cour de Londres n'ayant pas accordé au Roi des dt^ux Siciles celle où il demandoit qu'on le lailTat : il y avoit aparence que la querelle des deux PuilTances^ déjà venue en une guerre ouverte ^ feroit bien-tôt une querelle générale. On ne déclaroit point entr'elles d'autre intérêt que ce- lui du Coir.merce. L'Elpagne tâchoit de dégoûter les Anglois du Contrat de )^AjJiento^ en les tenant a la rigueur dans îes réglemens ; & dans l'efpé-- rance de les porter a quelque hoftilité d'éclat ? dont on prendroit occafion d'annuUer le Traité 5 la Cour de Ma- drid apuïoit les vexations que fes Gar- de - côtes lui donnoient pour de jurâ- tes précautions contre la contrebande. L'Angleterre fembioit n'apréhender que pour fon commerce de l'Amérique^ & ne demander raifon aux Efpagnols que des torts faits a fes Négociant, Mais l'efprit de conquête animoit l'u- ne & l'autre Cour. Celle de Madr!d fe promettoit d'une rupture le recou- vrement de MincTrque & de Gibral- tar; & celle de Londres ne confide- roit point la fuperiorité de la Marine Angloife ^ fans concevoir l'efptrance Xé 6 d'fD- 2Î2 HisToiTiE Politique d'enlever aux Efpagnols quelqu'un de leurs établilTemens dans le nouveau monde. Apres la mort de Charles VI. le dernier mâle de la Maifon d'Autriche Habsbourg, de plus grands intérêts occupèrent les Cours. La plupart étonnées d'un événement , fur la (u- pofition duquel leurs Miniftres n'a- voient projette quVn Tenvifageant dans le lointain, montrèrent un embarras & des incertitudes 5 qui prefagerent leurs fautes. Celles de Vienne , de Londres 9 & de Berlin furent les feu- les qui s'énoncèrent de façon k con- vaincre qu'elles avoient pris leur par- ti : la première, en produifant hau- tement fes prétentions 9 la féconde, en déclarant qu'elle perfîfloit dans fa garantie de la Pragmatique ; & la troi- lîeme, en accompagnant de l'entrée de fon armée en Silefie Fexpofuion de fes droits fur pluiîeurs Principau- tés de cette belle province, Charles VL étoit mort le 20. d'Odobre-, & le 1 1. de Décembre une armée PruiTienne ré- pandoit fes manifefles dans les Pais que le Roi de Pruffe reclamoit. C^TTS conduite , fi propre à ter- miner DU Siècle. IL Part. 275 miner les différends avec autant de cé- lérité que d'avantage^ ne fut point imi- tée par les Puiflances intereffées a Tab- rogation de la Pragmatique. Le Car- dinal de Fleuri en étoit encore a dé- libérer : il paroiiToit auffi indécis que il jamais il n'^avoit penfé a l'Empe- reur Charles VI. Tandis qu'il faifoit faire a la Reine de Hongrie des pro~ teftations vagues de la fidélité du Ror fon maitre a la garantie de la Pragma- tique, il faifoit négocier dans les Coursr d'Allemagne un partage de la Succef- iîon Autrichienne. On auroiî dit que fans connoitre ni alliés ni ennemis de la France il n'avoit que d'alors l'idée d'une partie pour ou contre la fille de Charles VI. Cette irrefolution arrêts toutes les Cours , dont les oppofuions a la Pragmatique avoient befoin de Papui de Sa Maj. T. G. Celles de Ma- drid & de Munich s\n tinrent a pu- blier divers écrits^ où les Jur iftes avoient déploie toute leur fubtiliîé ; comme fi cette caufe eût été de celles , dont le jugement eli abandonné au Public; La Cour de Saxe ^ que la fituation de fes Etats . & fa concurrence avec cel- le de Munich obiigeoient a une gran- de 2^4 Histoire Politiq.us de circonfpedion ^ reduifît fes difFe- rends avec la fille de Charles VI. a fa prétention (lir le fuffrage Electoral de Bohême ; & reconnoiflant cette Prin- celTe dans toutes les qualités ^ quelle prit après la mort de l'Empereur fon pare, elle fignaau mois de Mai 1741. une convention avec la Ruffie, pour le maintien de la Pragmatique. L'Em- pire , partagé en autant de fadions que de membres, attendoitque laFran^ ce fe fut décidée fur fon Chef. L'in- quiétude des deux derniers Collèges^ qui fe dédommagent par une bruïante difcuffion des affaires du dedans de ne pas entrer directement dans celles 'du dehors^ ne portoit que fur les voïages & les conférences du plénipotentiai- re François dans les Cours Electora- les. Indiférens fur la perfonne de leur Empereur , ils ne montroient point d'autre paffion que Timpatience de le connoitre. Les Princes des anciennes Maifons s'aiTemblereot par Députés a OfFembachi & leur aflembJée, qu'ils âppellerent Congrès 9 fut auffi infruc- tueufe que les autres de ce fîecle con- nues fous ce nom. La Cour de Turin n'étoit point de c;eî- DU Siècle. I^. Par\ 2rf celles à qui il fut avantag^-ux de pren- dre promptement un parti. Certaine de faire fes conditions avec Tun ou l'autre, c'étoit pour elle le chef-d^œu« vre de la prudence de ne point fe laifler pénétrer. Le Miniftère Efpa- gnol connut affez peu Pmerêt des In- fans ^ pour marchander ralliance du Roi de Sardaigne ^ & pour difputer avec ce Monarque fur la part qu'il prétendoit aux conquêtes , qu'on ne •pouvoit faire fans fon fecours. Le Cardinal de Fleuri groffit encore cette faute capitale y en refufant aux trou- pes Efpagnoles le paflage^ que la neu- tralité la plus exacle permettoit de leur accorder j & le Confeil d'Efpagne , timide , ou circonfpeâ: a contre-tems avec un Allié 5 qui n'attendoit 9 pour fe déclarer » que d'avoir reflerré fes liaifons , fit attendre k fes troupes fur la frontière de France une réponfe qu'il lui convenoit de fupofer favorable 5 & dont les Généraux Efpagnols pou*^ voient par des marches forcée* pré- venir impunément la venue. Deux mois après le refus du paflage 9 les Cours de Verfailles & de Madrid ftrent avec celles de Munich & de Na- 256 Histoire Politique Naples ralliance comradiéîoire a la garantie de la Pragmatique. §. I. O N ne donnoit ni a Londres 5 ni à Berlin^ dans ces contrariétés, que pro- duit une politique timide. Le Roi d'Angleterre, qui pouvoit mefurer fon adivité fur celle de fon Alliée, dans une caufe, où il n'^entroit qu'a titre de protedion , montroit a Théritiére de Charles VI. fes fubfides & fes trou- pes; & par des affurances réelles d^u- ne affedion k toute épreuve 5 Texci- toit a fe délivrer d\in de ùs adver- faires, pour mieux chercher, aux dé- pens des autres 9 le dédommagement des ceiTions qu'elle ne pouvoit éviter de faire a celui-là. En qualité d'E- ledeur de Hannovre y il oppofoit fon crédit dans les trois Collèges aux fol- licitatioris de la France dans les Cours d'Allemagne. Comme Roi d'Angle- terre il opofoit la bonne volonté de fon Parlement , & l'ardeur de la Nation aux offres & aux promeffes du Ma- réchal de Belifle. Cet oit un Allié plein de zèle & de fermeté 5 qui fen- toit DU SlïïCL??. 77. Part. 2^^ toit la grandeur d\ péril . & vouloit perfuader aux autres , après s'en être convaincu lui-même^ que rui,i:]ue voï@^ pour en fortir, étoit de paroitre ne le point redouter. Le Roi de Prufla -, joignant la ma- nœuvre du Cabinet aux opérations de fon armée ^ foutenoit de la plus adroi- te politique fon exécuiion militaire. Il avoit dit dans fon manifefle, qu'é- tant difpofé a renvoïer la difcuffici^ de Tes prétentions a un tems où la Cour de Vienne auroit moins de pré- vention & d'embarras^ il ne s'em- paroit de la Silefie ? qu'afin de la met- tre a couvert de Pin^afion des Cohé- ritiers ; & donnant ce procédé pour un bon ofïîce , quH rendoit a la Rei- ne, il avoit fait accréditer le foupçon de fon intelligence fecrette avec cette Princefle. Pour éloigner le défaveu qui étoit inévitable , il avoit fait pro- pofer au Miniftère Autrichien Taccom- modem.ent le plus capable de le fédui- re^ fi le reffentiment n'eût pas fait per- dre de vue a la Reine fes véritables in- térêts. Le tems que cette ébauche de négociation avoit pris 9 le Roi Favoit emploie a fe rendre maître des païs qu'il 25S Histoire Politique qu^il reclamoit. Fidèle aux principes des régnes précedens ^ le Miniftere Autrichien fe roidit contre tous les temperamens : il parut ne pas connoi- tre le prix des circonftances. Le Roi offroit de garantir la Pragmatique 9 quant aux Etats fîtués dans FAllema- gne: d'entrer dans la plus étroite allian* ce avec la Reine Archiducheffe & fes Alliés: d'emploïer tout fon crédit pour faire tomber ^ & pour affermir la Cou- ronne Impériale fur la tête du Grand Duc. Enfin ce Monarque offroit un fubfîde gratuit de deux millions de flo- rins comptant 9 û on lui faifoit cefïîon entière de la Silefie. L A Cour de Vienne affaifonna de l'ironie la plus piquante la rtponfe qu'elle fit a ces propofitions. UE- ledeur de Bavière sV'tan^ déclaré fur les entrefaites-) le Roi de Prulfe^ trop grand pour fe laiCTer dominer par de petits reflentirrens .> le relâcha de fes demandes , qu'ail reduifit à la ccffion de la balTe Sslefie, Après avoir re- nouveHé fon alliance avec la Ruffie^ dans le tems que la Cour d* Vitnn^ fafoit fe% efforts pour lui mettre eette PuifTance à dos, il pouffa la m o- de- DU Siècle. //. Part. 2^9 dieration jufqu'a ne demander les Prin- cipautés qu'il reclamoit ^ que fous la referve de leur vafTelIage. Embraf- fant d'un coup d œil les pofTibles -5 qui refultoient d'une armée Françoife auxiliaire au cœur de l'Empire ^ il pa« roiflbit fouhaiter d'avoir plutôt a la combattre» qu'à fe joindre à elle. Mais fa modération fut prife pour un fen- timent de crainte i & le Confeil de la Reine rejetta avec hauteur toutes fes propositions. La Cour de Vienne fon- doit fon inflexibilité fur des efperan- ces bien frêles* Elle fe faifoit reffour* ce de la naiflance d'ufî Archiduc? dont elle faifoit obferver la conception du vivant de l'Empereur fon Ayeul, com- me fi les mâles nés d'une Princefle héritière ponvoient cefler d être de la ligne féminine. Elle attendent be^u» coup d'une lettre du Grand Duc au Cardinal : cm me û ce Prince eût été en droit d\x\g;t;ï^ de la recormoiiTan- ce pour fon acceffion au Traité de 175 8- comme fi le facrifice^ qu'il avoit fait de la Lorraine , n'avoit pas été bien recompenfé par le don de la Tof- cane. Elle comptoit encore fur les forces de la Hongrie ^ peut-être mê- me 26o Histoire Politique me fur le fecours du Turc ^ chez qui elle avoit fait agiter pour la premiè- re fois rinterêt de la Porte à l'équili- bre de l'Europe. §. IL Telles étoient les idées du Minif- tère Autrichien y lorfque TEledeur de Bavière, plus allarmé du caradère & du genio du Cardinal Prernier Miniftre> qu'il n'étoit forlifié par fon Traité avec le Roi de France , fit propofer un ac- commodement a la fille de Charles VI. Il demandoit pour i'amortiflement de toutes fes prétentions y la ceffion du Tirol » & de toute l'Autriche anté- rieure^j avec les petits païs Amrichiens, enclavés dans la Souabe. Il deman- doit que la Reine s'engageât à faire reconnoitre dans l'Empire le double Vicariat du Rhin. Il vouloir qu'au cas que le jeune Archiduc 9 auquel il promettoit fon fuflFrage , fût élu Em- pereur, la Reine renonçât à la Ré- gence Impériale en faveur des trois Vi- caires , a qui elle devroit demeurer jufqu'k la Majorité. De ces trois ar- ficles , la Cour de Vienne n en admit que DU Siècle. IL Fart. iSt içue la moitié d'un, quelle auroit mê- me rejettée ^ fi elle avoit préfumé que cette flexibilité eût pu lier la négocia- tion: car elle ccmptoit que le Roi de PrufTe reviendiOit a fes dernières pro- pofitions 9 dès qu'elle voudroit l'y ra- peller ,' & le Bavarois devoit être alors un ennemi peu redoutable. Mais les circonftances avoient entièrement chan- gé pour ce Monarque , depuis que la France s'étoit décidée en faveur de PEiedieur de Bavière pour la Couron- ne Impériale. Gnquante mille Fran- çois auxiliaires des Oppofans à la Pra- gmatique avoient fait prendre parti k PEledleur Palatin ; & tandis que le Roi de Naples ^ joint aux Efpagnols, faifoit valoir les droits des Infans fes frères fur les Etats d Italie , le Roi Ele<îieur de Saxe fe mettoit au nom- bre des prétendans au partage de ceux d Allemagne. La Cour de Drefde avoît de pjus que les auires Cohéritiers la conven- tion du 12. de Septembre 170:^. fous l'Empereur Leopold, entre le Roi des Ro nains Joieph ^ & rArchiducXhar- les , proclamé Roi d'Efpagne a Vien- ne;» laquelle llipuloit que Charles^ mou« rant 252 Histoire Politique .^ rant fans enfans mâles, les filles de Jo- fepîi > au défaut de leurs frères 5 dé- voient recueillir fa fucceffion. C'é- "^toit une récompenfe que le puîné don- noit de ce qu'alloit dérober à la légiti- me de fon aine U néceflîté de foutenir fes prétentions fur la Monarchie d'Ef- pagne. Cette convention 9 jurée fo- lemnellement par Fauteur de la Pra- gmatique lui-même^ formoit un grand titre pour le mari de rArchiducbefle Jofephme ainée; & le Roi Eledleur, en le produifant, m^otivoit faprife d'^ar- mes de la raifon la plus capable de fourenir la réputation de juftice & de modération que la Maifon de Saxe s'eft faite dans FEmpire. «Si la Pragmatique avoit pu fub- «fifter:, difoit ce Monarque? f aurois te- »nu fidèlement la garantie ^ que j'en »ai promile. Mais puifque la fuccef- »lion de PEmpereur Charles Vh doit «être déchirée ^ je n'en puis 3 tn n'en »dois lâilTer ai 1er les pièces à des Pré- »tendans 9 qui y ont moins de droit «que les Princes mes fils. » Cette dé- claration fut fui vie de l'entrée des trou- pes Saxonnes dans le Roïaume de Bo- hême > où elles furent bien-tôt jointes par les Francois, ik les Bavarois. Le D\i Siècle^ //. Part. 265 Le Cardinal de Fleuri n'avoit point encore perdu l'idée de la neutralité^ que fa timide circonfpeâion lui faifoit regarder comme le meilleur parti. Pour en fauver les apparences, il pré- texta l'entrée des armées Françoifes dans FEmpire de la contrainte 9 où les troupes Hannovriennes pouvoient ter- nir les Eieéleurs, & en même tems qu'il déclaroit que le Roi fon maître s'engageoit a apuïer l'Eledeur de Ba- vière dans la pourdiite des droits de fa Maifon > il renouvelloit à Vienne les afTurances de féloignement conftant de Sa M. T. C. pour tout ce qui pou- voit lezer la garantie jurée de la Pragma- tique. Le Confeil de la Reine ne s'en laifla point impofer par ces protefta- lions contradidoires. Il vit un enne- mi dans le Roi de France , fous le nom d'Auxiliaire de TEledeur de Ba- vière ; & il redoubla d'inftances au- près du Roi de PrufTe ^ pour qu'il délivrât la Reine de la diverfîon qu'il faifoit a fes forces. De leur côté> les Alliés de PEledeur de Bavière, qui av©ient paru fouhaiter que l'Eledion d'un Empereur fût différée 9 dans îe lems que le Plénipotentiaire Franç^ s inti B rB^ Histoire Politique întriguoit dans les Cours Eledorales, la prelTerent ? dès qu'ils virent !a Rei^ ne Archiducheiie rechercher le Roi de Pruffe d'accommodement. Le Trai' té particulier de ce Prince leur auroit fait perdre le fuffrage de Brandebourg; & Tunanimité étoit néceffaire , pour empêcher que la voix de Bohême ne fit une nullité dans TEleélion. Ils pré- parèrent le Corps Germanique fur leur Candidat par des papiers publics, où il étoit mis en fait que la principale qualité d\m Prétendant a la Couron- ne Impériale étoit de n'avoir point d^Etats hors de PAlIemagne. Ils in- timidèrent les Eîedeurs de Trêves & de Mayence par le voiiînage de leurs troupes: ils obligèrent par la montre d'une armée Françoiie en Weftphalie^ FEieâeur de Hannovre a promettre en cetre qualité une entière neutralité entre la Reuie ArchiduchefTe & les Al- liés de la France daos FEmpire. En- fin PEledeur de Bavière fut élu Em- pereur 5 fans autre oppofition que cel- le de la Reine 5 dont les ohjedions fur le fofFrage de Bohême furent élu- dées par le Collège Eledoral, qui voulut que pour cette fois cet Eîec- iQrat fût muet* J. III. ©u Su CLE. Il Farl 16$ §. III L A dignité Impériale^ qui avôit été pour les Princes Autrichitns rinilru- ment le plus puilTani de leur ambition & de leur grandeur^ ne valut qu'un titre de plus, avec une augmentation de dëpenfes doroeftlques^ à TEledeur de Bavière, Le bonheur de ceux ia avoit été le fruit de leur habileté k intereiler le Corps Germanique dans leurs querelles particulières; & la fauf- fe politique du Miniftère de France •avoit rendu preique impoiTible pour celui-ci le fuccès des mêmes etforts. Les longueurs de la négociation en- tre les Cours de Verfailles & de Mu- nich firent naître de la défiance. On s'imagiiia que la France mettoit fou fecours à des conditions , que THlec- leur difputoit ; &: lEmpire ccan( re« mué par les aîlarmes qu on lui infpî^ roit fur Tambit^on Françoise , on Z crut que la négociation ne sYtoit tfr« minée 1 que par Facceffion du finir Empereur a des articles ruinei:x pour le Corps Germanique. De là ceue étonnante manœuvre des armées com- 266 Histoire Politique binées de France & de Bavière, qui ne fe replièrent , dit-on ^ fur la Bo- hême 5 tandis qu'il leur étoit fi facile de s'emparer des deux Autriches^ que parce qu'un puiflam Allié , craignant pour la fiBferté Germanique , fi les François étoient dans Vienne , ne con- fentoit au fiege de cette capitale, qu'a condition qu'on le lui laifleroit faire avec les feules troupes. De la encore cette froideur des Diètes pour le Chef de l'Empire, dans un tems où les mal- heurs de ce Prince étoient a un ex- cès qui compromettoit la gloire du Corps Germanique. Il manquoit d'ail- leurs a la Cour de Munich cette vi- gueur & cette fermeté , qui caracSeri- lerent toujours celle de Vienne. Dans des circonftances où les Ferdinands, Leopold & fes fils auroient rendu leur autorité viâorieufe par leur hauteur a la fdre valoir > Charles VII. per- dit ce qui lui en reftoit encore, pour- a\'oir trop craint de l'expofer. Un des Généraux de la Reine ayant pé- nétré dans la Bavière ^ cette Princef- fe fe vit tout à coup maitreffe des Etats du rival , qui lui difputoit ceux de TEmpereur fon perej & le Corps Ger- mani- DU Siècle. II.Farl 2(^7 tnanique parut igfenfible a Tinfortune de fon Chef. Abandonné de la moi- tié de fes AUiéji, chafTé de fes pais héréditaires , pourfuivi dans ceux de l'Empire ^ réduit pour fa propre fub- fiftance aux plus chagrinantes reffour- ces auxquelles un Souverain puiffe re- cour^9 le malheureux Empereur n'ob- tint *s Diètes que de fteril. s délibé- rations , & l'offre infrudueufe d'une médiation fans crédit. §. I ^^. L A Cour de#Vienn- n'ayant pu pa- ter réledion de Charles VII. n n fut que p -us animée a m.aîntenir contre lui la Pragmatique,- & fon attention aufll grande aux affaires du dedans, qu'à cel- les du dehors, Teut bien tôt mife en état de faire pa(Ter ^mt un effort de courage ^ didé par ia prudeiice, To- piniatreté dont on i'avoii a 'Civlée. Les Hongrois, pafTionoés pour une Re.ne, qui leur difoit qu\:Ue n'avcc dri ref- fources & d'eA éranœf» que d. n^ leur affedion , lui ay ;nî accordé la convo- cation de la * PiifWne:, ôc Tapas de M z ^^^ ^ Lq Ban 5c V^^kxç-'Bm •geuçî:::i> 268 Histoire Politiciue rafranchiUement ayant mis les armes à la main a tous les^païians de Bohê- me, les pais héréditaires fournirent plus de foldats , que leur défenfe n\rï eKigeoit. Les Etats d'itaiie^ encore dans leur entier, par robflacle que le Cardinal de Fleuri ^ en infiftant fur la garantie du Grand Duché , avoit fait aux opérations de l'armée Efj^nole & Napolitaine, curent dans le Roi de Sardaigne un nouveau défenfeur, bien capable de les conferver. La Cour de Madrid s'étoit refufée a Tunique moïen de gagner ce Mo- narque , qu'elle déçoit fupofer peu porté a recevoir un fécond Infant en Italie , fî , par de grands avantages préfens, elle ne Taveugloit fur les dan- gers futurs d'un pareil voifinage. Dans Fefperance qu'if apréhenderoit de fe mettre entre les armées Efpagnoles & Françoifes, elle n'avoit pris aucune? mefures contre lui ; & les troupes d'Efpagne & de Naples devinrent im- mobiles k la déclaration que la Cour de Turin publia de fes prétentions fur le Milanès > où elle fit entrer un corps d'armée. Le Miniftère Autrichien pro- fita habilement de ce moment. Il trou- DU Siècle. IL Part. 2^9 trouvoit un Prince outré du peu de cas que la Mailon de Bourbon fem- bloit faire de fa puiiTance, & déter- miné à ne pas être ilrnplc fpeâateur d\îne guerre qui s'allurnoit a fa vue; & il lui falut peu de foin pour Tanie- ner au parti de la Reine. Le tems ne permettant point un traité régulier^ les Miniftres de la Reine préfenterent au Monarque irrité une convention capable d'en tenir lieu j & i!s obtin- rent de lui^ le i. de Février 1742. que 9 remettant a un tems plus tran- quille la difcuffion des droits refpec- tifs 5 il s'uniroit a la Reine pour em- pêcher toute autre PuilTance de s'em.- parer du Milanès. Les Cours de Ma- drid & de Naples opoferent a cette convention un traité avec le Duc de Modene. Mais la promeiTe qu'elles lui faifoient du Duché de Ferrare al- larma les Vénitiens, & indifpofa la Cour de Rome : de forte que ce nou- vel ennemi de pins pour la Reine lui valut deux puiffans alliés fecrets. §; V. Les deux Rois Eieâeiirs de Sexs M 3 •& 270 Histoire Politique & de Brandebourg , en défiance Tua de Tautre, & plus encore de TEmpe- reur & de fon Allié , n'avoient plus que Paparence de leurs liaifons. Le fécond avoit dçs avis pofitifs du re- tour du Cardinal de Fieuri a fon ca- ractère pacifique; & le prenmier^ qui avoit lieu de craindre que le Roi de Pruiïe 9 ou le nouvel Empereur ^ & peut-être tous les deux enfemble ^ fai- fant leur paix particulière ^ ne le laif- fafrent foutenir feul le relTentiment de la Reine , rentroit dans fes engage- iTjens relatifs à la Pragmatique^ a me- fure que les fuccès des armes Autri- chiennes diminuoient la certitude Ha dcîmembrement de la fucceffion. Ces dirpofiticns habilement ménagées par le Lord Hindfort, Ambafladeur d^An- gleterre auprès du Roi de Pruffe^ pro- duifirent un traité-, dont les préliminaires ' furent fignés à Breflau 9 le i ï. de Juin 1742. leur publication? le 21. k la tête de l'armée Pruffienne^ ne permit point que la conclufîon du définitif trainat; & en efFet il fut conclu le 28. de Juillet a Berlin. Ses trei2:e articles, les mêmes que les préliminaires, fe réduifent a la ceffion de la Silefiej avec le DU Siècle. II. Van. 271 le Comte de Glatz , en Bohême 9 moyennant laquelle Sa Maj. Pruffien- ne s'ob!igeoit a une exade neutralité par raport ai^x différends de la Rei- ne avec l'Eleéteur de Bavière ^ & au payement des dettes hypothéquées fur la Silefie. L'Eledeur de Saxe étoit compris dans ce traité 9 fous conditirn que dans le terme de feize jours il re- tireroit fes troupes du fervice d«^> Al- liés. Un article fecrct> qui \v\ éafoit quelques ctfficns en Bohême u'ayant pas eu lieu ^ on ua gueres fur fa te- neur que des conje<:^'ires. Le Roi d'Angleterre^ nédia eur égarant, s'cn- gageoit à ne rien négliger pour obte- nir la garantie de l'Empire y & celle de la RulTîe. Auparavant cet accommo- dement le MiniOèrc Autrichien avoit tenté le Roi de PruiTe par Toffre d'une ceffion de quelque province des Baïs- Bas. Mais ce Prince de Tambition là plus éclairée ne prit pas le change ; & il préfera une acqu^fition^ qui s\iniffant à la maffe de fes Etats lui donnoit un accroiffement réel de puiiTance y \\ cel- le qui ne lui auroit apporté qu'une plus grande , mais plus couteufe influence fur les affaires générales. M 4 §. VI. 572 Histoire Politique S. V I. La paix de Breflau ét©it le coup le plus funefte pour FEmpereur de fes Al- liés. Le Cardinal de Fleuri gagna fur foi de n'en paroitre point étonné;, quoi- ^ qu'il ne s'y attendit pas. Le Roi de FruJ- Je -m^a gagné de vlteff^e , lui entendit-on dire , à la ledure de la dépêche , qui lui en donnoit la nouvelle. Mais ce trait de ftoïcifme ne fut point foutenu; & on peut croire fans témérité que > rage ayant refroidi le cœur & Tefprit de ce fa lieux Miniftre , fa tranquilli- té d'ame fut moins un trait de cou- rage 5 qu'un défaut de fen(îbilité. Le même Miniftre^ qui avoit cru fa gloire intereflee a démentir les bruits de fes tentatives pour la paix auprès de la^ A Cour de Vienne > changea tout a coup de langage 9 & voulut qu'on crut dans toute l'Europe qu'il n'a voit négligé au- cune occafion àitn faire les ouvertu- res. Le Miniftre le plus jaloux qui fut jamais de primer 5 s'efforça de perfua- der qu il n'^a voit point de part à la guer- re que faifoit le Roi fon maitre. Dans l'idée que ia Reine feroit moins éloi- gnée DU Siècle. II. Fan. 275 gnée d'un accommodement , fî elle lui croïoit du panchant a la paix ? il pro- tefta de fa confiante opofition aux ré- folutions que le Miniftère François avoit prifes . . . Votre Excellence 3 di- foit-il au Comte de Konigfeck? dans fa lettre du 11. de Juillet 1742. ejî ^trop injîïuite de tout ce qui fepaj^e^ pour ne pas deviyier aijément celui qui mit tout en œuvre 9 pour déierminer le Roi à en- trer dans une ligue ft contraire à mon goût & à mes principes. On le voit dans cette lettre, prier, conjurer^ le Miniftè- re Autrichien d'uferavec modération defes avantages. Il implore la Reli- gion, l'humanité, la grandeur d'ame de la fille de Charles VI Les Mi- niftres François a St. Gertruidemberg ne donnèrent point un pareil triom- phe aux ennemis de la France : s'é- nonçant avec dignité fur de bien plus grandes pertes 5 ils laiffoient encore douter fi leurs inftances pour la paix étoient des prières , ou des menaces. Mais ils agiflbient d'après les inftruc- tions du Roi leur maitre ; & le Car- dinal ne fut guidé en cette oecafion que par fes craintes y & fe refufa peu après à lui-même fon propre aveu. M 5 Le 1274 Histoire Politique Le Miniftère Autrichien fut mer- veilleufement animé par le décourage- ment du Cardinal. La Reine rapelia avec complaifance à l'Europe les dé- marches qu'elle avoit faites pour obte- nir de Son Eminence qu'elle entret nt le Roi fon maitre dans des difpofitions favorables a la Pragmatique : elle cita les réponfes dures que le Cardinal lui avoit faites; & par un parallèle tou- chant de l'un & Pautre état de fa for- tune 9 elle juftifia 9 aux yeux mêmes des partifans de l'Eledeur de Bavière, l'inflexibilité dont elle faifoit gloire.. Pour préliminaire de l'accommode- ment 9 auquel on l'invitoit? elle de- manda que le Grand Duc fon époux fût couronné Roi des Romains: elle reclama en fon nom la Lorraine^ dont: elle prétendoit que la ceffion^ faite k laFrance^ avoit été le prix de la garan- tie de la Pragmatique: elle parla de- fes fraix de guerre > & elle en voulut le dédommagement. Elle ne pouvoit mettre a de trop hautes conditions une paix) qu elle étoit refolue de ne pas faire.. L'iN FORTUITE Charles VIL voïant d:eja ruinée fans avoir combattu la troi-> Ikme amiée que la France lui don- noit^. DU Siècle. IL Fart. 275 noît, ceflbit d'efperer le rétabliflement de fes affaires d\in Miniftre^ quU fem- blant ignorer l'efficace d'un effort ex- traordinaire 9 s'^opiniatroit a ne point fortir de la faufle œconomie ^ qui lui faifoit confumer en détail les forces & les richeffes du Roi fon maitre. Le Roi des deux Siciles ^ expofë aux infultes des Efcadres Angloifes 9 fe repentoit d'avoir compté iur la proteélion de la marine des deux Couronnes* Sommé par un Amiral Angîois de quitter foa Palais, fa Capitale & fon Roïaume^com- me un citoïen obfcur le peut être par on Huiffier de vuider fâ maifen/il pro^ fita avec reconnoiffance des offices du Roi Electeur ^ fon beau-pere^ qui lui avoient obtenu la neutralité qu'on lui avoit refufée en 1740. Le ao. d'Août 1742. il expédia Tordre a fon General de fe féparer de l'armée Efpagnolej & il abandonna la caufe deS Oppofans à la Pragmatique. L^EIedeur Palatin^ fe faifanc bouclier de la convention du Corps Germaniqus5 avec les Puiflfances^ Belligérantes ^ en revenoit à i'indifé- rence permife sux membres de l'Em- pire. Le Statliouder de Hcffe^ que la^ promefTe de Is dignité Eleitoraletenoit M. 6 aux 276 HisiroiRE Politique aux aguets de Foccafionde fe déclarer pour le nouvel Empereur^ s'efforça de détruire^par fês liaifons avec le Roid' An- gleterre? le foupçon d'un projet^ auquel ilrenonçoit. Ce dernier, protedeur con- fiant de la Pragmatique 9 & fon princi- pal foutien, apuïoit de l'argent de l'An- gleterre fes inftances auprès des Cer- cles, pour les unir dans le deffein qu il avoit formé de -rechaffer les François hors de l'Empire. Charles VII. mal fe- couru du feul Allié qui lui reftat , ré- duit aux expediens pour l'entretien de fa maifon 9 & en doute même de la fti- ï£îé de fa perfonne fur les terres de l'Empire j ovi il s'étoit retiré r refufa de croire que fa fortune put changer avec le Miniftère de France. Perfuadé .que les fautes du Cardinal étoient trop grandes^ pour que fa mort en arrêtât les fuites & les influences 9 il rejetta les. nouvelles efpt;rances r que la Cour de Verfaiiles lui préfentoit; & prêt à fa- crifier toutes fes prétentions au recou* vrement de fes Etats, il ne mit que cet- te condition à la paix^ qu'il fit deman*^ der a fon ennemie par le Roi d' Angle- terre,. i VIL DU Siècle, 1 1 Farl 277 §. V I I. La Cour de Vienne ne foutint point fe bonne fortune avec la même fuperio- rité que la mauvaife. Sans modératioa^ dans celle-là ^ elle fe livra a !a chimé- rique efperance d'atterrer un. ennemi^ dont elle devoit fe trouver trop heu* reufe de n'avoir pas été accablée : elle ofa fe promettre de conquérir fur la France. Ingrate r auffi-côt qu elle fut hors de péril > elle méconnut fes enga- gemens avec l'Allié qui Favoit aidée à ie relever; & le Roi de Sardaigne l'en-- tendit faire revivre pour lui la maxime: que l'Empereur Jofeph avoit citée aiî; Duc Vidor. Les Miniflres de la Rei- ne regardèrent la promeffe, qu'ils a- voient faite a ce^v^onarque, de plufieurs morceaux de la Lombardie -» comme: un vœu indifcret, infpiré par la crainte, €u comme une parole extorquée par la. neceflité. Devenu peu néceffaire de- puis la neutralité du Roi des Deux Si- ci les 5 le Confervateur de la Lombar-* die étolt un créancier importun;» qu'on auroit vu peut-être avec plaifir fe chan- ger en ennemi j pour avoir un prétex- te de ne pas le payer. Il fa lut que le Roi d'Angleterre interpofat fes offices pour l'exécution de la convention de Février 1712% La 278 Histoire Politique La Cour de Londres ^ qui jugeoit plus fainement que celle de Vienne des fuites de la mort du Cardinal de Fleu- ?i, étoit bien loin de oroire qî e la que- relle de la Pragmatique fut vuidée par le defiftement de l'Empereur. Elle s'at- tendoit à voir le Roi de France rallu- mer une guerre, qui ne s'étoit afToupie, que parce qu'un Miniftre^ qu'il et oit de fa gloire de défa vouer , n'avqif pas fçu la nourrir ; & elle faififlbit tous les inconvéniens du mécontentement du Roi de Sardaigne. Ce fut d'après ces fpéculations , qu'en même tems qu'el- le faifoit rompre la négociation de Ha- nau, qui de voit remetre l'Empereur en polTeffion de fes Etats ^ elle prefla le traité? qui afiPurant an Roi de Sardaigne ha recompenfe de fes fecours , le de- voit affermir dans l'alliance de la Rei- ne. Les articles , au nombre de dix- huit , furent fignés à Worms^ le 15. de Septembre 174^. Ilsétoient précé- dés d'une nouvelle convention y qui confirmoit le renvoi des droits refpec- tifs fur tout le Milanès à un teips tran- quille. Le Roi étoit déclaré Generalifr fîme , & la nature ainfi que la force du contingent de chacun pour la défenfe des Etats- d'Italie étoit foigneufement expli- ■Y DT^ Siècle. 77. Pari. 27^ expliquée. L'Angleterre donnoit un fubfîde annuel de 200000. liv. fterl. & la Reine cedoit a perpétuité ^ pour être unis aux autres Etats de la Maifon de Savoie , le Vigevanafque 9 le Mar- quifat d'Anghera, la meilleure partie du Duché de Plaifance^ le Pavefan, & le Marquifat de Final que TEmpereur fon père avoit vendu aux Génois. Le Roi d'Angleterre n'y ftipuloitpour la nation Angloife que la liberté du commerce, en faveur duquel Final de voit être un; Port - franc. §. VI IL La mort du Cardinal de Fleuri fît une révolution en France. Le Roi 5. que la reconnoiffance & l'amitié avoient rendu indulgent pour un Miniflre, dont les foibleiTes & les fautes ne venoient ni de manque de zèle , ni de mauvaife volonté y ie montra tel que le deman- doit fa gloire, auffi-tôt que la bonté de fon cœur ne captiva plus fes lumières. Ayant pris en main les rênes du gou- vernement, il ranima dans fonConfeii cette vigueur & cette fierté du régne précèdent , que la timide prudence du vieillard , qui y préhcîoit auparavant » fembloît avoir éreintes. L'émulation (h remit entre les Minillres& dc,ns lesbu- reauXa. aSo Histoire Politique reaux. CeuX-la comptables déformais de leur travail au Roi lui - même , re- doublèrent d'attention & de vigilan- ce fur le fubâîterne ; & celui-ci fe fla- tant de pouvoir percer jufqu'^au Souve- rain^ s'efforça de mériter d'en être re- compenfé. Le Militaire ^ qui voit tou- jours avec peine fa fortune dépendre d^un homme dont la profeffîon lui rend le difcernement douteux> s'aplaudit d'a- voir dorénavant de meilleurs Juges de fes fervices. Ce fut pour ainfi dire un nouveau régne pour tous les ordres du Roïaume ; & les ennemis ne tardèrent pas a fentir qu@ l'Etat étoit animé par un plus puiflant génie. Les Ambafla- deurs B'rançois reprirent le ton d'arbi- tres-) & parlèrent avec dignité des fui- tes du refus de leurs bons offices. On entendit partir de Verfailles dès offres & des menaces^ des déclarations dignes de la première PuilTance de l'Europe» Apres avoir tenté inutilement de re- lever les efperances de TEmpereur^ & de rappeller les anciens Alliés a leurs pre- mières vlies^ le Roi refufa d'entrer dans leurs négociations autrement que com- me conciliateur. Il dégagea Pinfortu- né Charles VIL des liaifons 9 que ce Prince jugeoit êire un obftacle à fon ac- com- BU Siècle. Il Part. iSï commodément avec la Reine de Hon- grie; & fignifiant a tous ceux qui pen- foient comme PEmpereur^ qu'il les te- noit quittes de leurs égards pour Tinte- rêt de la France , il leur permit de fè laiffer pourvoir feul a ce qui regard oit fon Royaume, Après cette déclaration^ les troupes Françoifes furent rapellées d'Allemagne Un traité particulier d'al- liance avec i'Efpagne & les deux Siei- les pour rétabliftement de TlnfaniDom Philippe en Italie ^ fut oppofé au trai- té de Worms. Le Pape & les Véni- tiens furent raflfurés fur leurs inquiétu- des. Pour accroitre leur eriorité de Tes armes. Le Confei! de France avoit choifi pour cette féconde négociation en Al- lemagne le Marquis de Chavigny , le Négociateur le plus capable de pacifier^ ou de bouleverfer TEmpire^ fuivant les intérêts de fon Maitre. Une longue expérience des affaires^ foutenue d'une pénétration fans bornes ? le rendoit re- doutable a tous ceux qui dévoient trai- ter avec lui. Sa réputation étoit établie par les plus heureux fuccès. On le con- noiiToit pour un Politique fin & fubtiî^ mais en même tems veridique & droit, qui fcavoit allier la prudence avec la franchife 9 & parler avec referve fans ambiguïté. Pendant plus de trente an- nées de négociations? on ne trouvoit a lui reprocher ni fourberies ni impruden- ces : les Princes accordoient leur con- fiance a fa candeur ; & fa capacité lui don- BU Siècle. IL Fart. 285" donnoi t un afcendant fur leursMlniftres. Il fçut habilement profiter du zèie in- difcret des partif ns de la Reine Ar- chiduchefTe , & de la néceffité où elle avoit été de mettre fes troupes dans des villes de l'Empire, pour infpirer de la défiance au Roi de PruiFe , & de la crainte a l'Electeur Palatin. Il fit ap- préhender au Monarque que Tarmée de France rechaflTant le Prince Charles au delà du Rhin, ou la Cour s'en délivrant par un prompt accommodement, le re- flux des Pandoures,TaIpaches Croates^ VarafdinSî & autres Hongrois, ne vint inonder la Silefîe, fa nouvelle conquê- te: il démontra a PEledeur Palatin^ que la défolation de fes Etats étoit iné- vitable 1 s'il donnoit le tems aux Au- trichiens de s'y établir. Il réveilla l'am- bition du Landgrave de Heffe fur l'E- leélorat , en lui prouvant que jamais il n'auroit plus belle occafion de le m.é- riter. Pour la première fois depuis le commencement de la guerre, le Corps Germanique s'eftimoit lézé dans fon Chef. L'audace de la Cour de Vien- ne y qu'il avoit aplaudie lors des pre- mières difgraces de la Reine^ il ne la lui pardonnoit point dans fa profperité. Le Marquis de Chayigny fit fl bien valoir la 2S6 Histoire Politique la clrconftance, que les Miniftres Pru fiens eurent ordre d'agir de concerj avec lui pour perfuader à TEmpereu: le recouvrement de fes Etats; que PE- ledeur Palatin promit la levée de bou-i clier 9 qui le de voit délivrer de fes hô- tes ; que le Landgrave de HefTe em- brafla le moyen qu'il lui propofoit de mériter rElec9:orat : qu'enfin les Prin- cipaux membres du Corps Germanique n'attendirent que les premiers fuccès^ pour entrer dans l'alliance. La Cour de Vienne aprit au même moment l'in- vadon de la Bohême, & la Confédera- tion, qui la de voit foutenirj, après Sa- voir projettée. §. X. Ce fut a Francfort fur le Mein que le Traité d'union fut conclu entre l'Em- pereur, le Roi de Prufle, l'Eiedeur Pa- latin » & le Roi de Suéde, en fa qualité de Landgrave de HelFe. Ses motifs, équitables aux yeux défintéreffés, é- toient plaufibles aux yeux les plus Au- trichiens,' & la Cour de Vienne ne leur pouvoit opofer que de vagues décla- mations. Par le Traité de Breflau , le Roi de Pruffe avoit promis une parfai- te neutralité fur les différends de la Rei- ne avec i'JBIeâeur d€ Bavière; &if Favoit DU Siècle. 71 Fart. 2S7 Pavoit exadement gardée, tant que cet- te PrincefTe avoît confervé la diftinc- tion entre TEledeur & le Chef de TEm- pire. Mais la proteftation que le Mi- niftre Autrichien avoit fait recevoir cet- te année à la Didature de Mayence 9 contre la validité de TEledion de Char- les VII. qu'elle perfîftoit a méconnoi- tre : fon refus de remettre a ce Prince les Archives de l'Empire : la violence faite aux troupes Bavaroifes dans des villes Germaniques: tous ces excès d'u- ne Cour emportée par fon reiïentiment^ & par fa confiance en fa bonne fortu- ne? faifant évanouir la diftinâion, qui retenoit le Roi Eledeur dans fa neutra- lité : fa prife d'armes étoit pour une nouvelle caufe ? tout-à-fait indépen- dante de la première. Sans aucun in- térêt aparent a la Pragmatique, les qua- tre contradans de Francfort s' uniffoient, 30ur faire valoir une Eledlion , qui ne Douvoit être conteftée ? fans lézer '^honneur de l'Empire , fans violer fes loix. Les fix articles de la confédéra- tion portent fur ce motif; & le troifîe- me, qui parle de la fucceffion de Char- les VI. le borne à ramener ce grand procès a fon véritable tribunal, en fti- puîant le concours des Confédérés 9 pour 1^3 Histoire Politique pGur obliger les partl-s de recevoir l'arbitrage du Corp-^^ Germanique, On marque ce tenis à C harles VIL pour celui où il auroit dû mettre au Ban de PEmpire la Reine Arcbidnchef- fe & fes adhérens Les Alliés de- Franc- fort fe décUrant Protecteurs des loix» & obiigés de prendre les armes pour en empêcher ranéantiiTement. faifoient de leur caufe c^êlle du Corps Germani- que. Tous les membres de TEmpire auroient foutenu la fentence de leur Chef; ôc l'Empereur n'eût- il fait par ce coup d'éclat que donner de la réputa- tion à fon parti , l'avantage étoit aflTez grand, pour ha^^arder de le fraper. Charles n'en fit rien, & il retomba dans de nouveaux embarras. La maladie de Louis XV. a Metz eft un accident» qui rompt toutes les combinaifons d'un Hiftorien. Peut- être ne dut- on qu à elle la défiance, qui fe mit entre les Cours de Verfaiiles & des morceaux dépendans de la Sile- iîe qui font enclavés dans la Luface, §. X I I. La mort de l'Empereur Charles VIL dont le fils encore mineur pour la cou- ronne Impériale ? ne pouvoit lui fuc- ceder au trône? derangeoit toutes les vues de la Cour de Verfailles, par ra^ port a TAilemagne. Le Roi de Pologne? & le Prince R. Eledoral fon fils aine? les feuls rivaux qu'elle pût oppofer au Grand Duc? s'étant refufcs a (es inftan- ces? l'Eiedion d'un Empereur étoit une affaire a laquelle il ne lui convenoit plus de prendre part. Il étoit de la bonne N 4 po- 2:g^ Histoire Politique politique de ne pas la reconnoitre, afin de fe ménager pour le traité de paix gê- nerai un grief de plus à produire? & à relâcher. Le Confeil de France fut plus loin. Il fit déclarer dans les Cours que le Roi foutiendroit piûiôt une guerre de trente ans 5 que de donner fon aveu à TEledlion du Grand Duc; & par là il n'opéra rien autre chofe y fmon de fai- re croire aux ennemis de S Maj. T. C, que l'Eledion le chagrineroit : ce qui étoit les animer à la faire promptemeiit. Malgré ces bruïantes oppoiltions? il parut que la Cour de Verfaille's tenoit déjà le Grand Duc pour Empereur, puis qu elle negligeoit les moïens qu'el- le avait de traverfer fon Eledion. Son armée du Rhin fut affoiblie , pour ren- forcer celle de Flandres ; & toutes fes vues fe portant fur l'établifTement de Pînfant Dom Philippe en Italie 9 elle ne. penfa plus qu'a conduire la guerre de manière à fe faire donner, par une prompte paix 9 un Etat pour ce Prin- ce ^ comme une récompenfe de l'ac- ceffion qu'elle ne pouvoir éluder a TE- ledlion Impériale. Tandis qu'elle fe préparait a tomber fur les Païs - Bas avec fes plus grandes forces^ afin d'en- gager les Hollandois allarmés pour leur DU Siècle. IL Fart. 297 leur barrière , a devenir les plus ardens promoteurs de la paix 5 elle négocia auprès du Roi de Sardaigne fon déflfte- ment de Falliance de Worms. La pofition des affaires de ce Mo- narque étoit critique y depuis Téclat de Puni on de Francfort. L'invafion de la Bohême , & enfuite de la Saxej par le Roi de Pruffe^ & la rentrée de l'Empe- reur Charles VII. en Bavière ^ fixoienr f5)ute l'attention de la Gour de Vienne: pendant qu'environné des François^ & des Efpagnols, foutenus des troupes du Roi des deux Siciles ^ qu'un jufte ref- fentiment & de nouveaux périls avoient tiré de fa neutralité ^ il étoit a la veille d'en voir fes Etats inondés. Les Mi- litaires les plus habiles ne trouvoient point de raifon du métier^ pourquoi Mi- lan n'étoit pas encore occupc'e par les armées des trois couronnes. Il n étoit point en état de leur disputer cette ca- pitale de la Lombardie ,* & il ne pou- voit la leur laifler prendre fans demeu- rer feul expofé au danger des fuites. - Sa Majefté S. crut devoir traiter avant que d'en être réduit a ces extrémités. La Reine ne complétant points & étant alors djns Pimpuiflanee abfolue de - cenipleter le fublide qu'elle avoic pro- * 298 Histoire Politique mis pour fa part dans le Traité de Worms, la Cour de Turin avoit droit de fe prétendre par cela feu! autorifée a pourvoir a fes affaires comme elle le trouveroit bon. On veut «lême que la Cour de Londres , s'étant rendue a la force de la vérité , ait invité le Roi de Sardaigne a fufpendre par les apparen- ces de la négociation les opérations de^^ armées ennemies y jufqu'k - ce que les cir confiances 5 devenant plus favora- bles 5 il pût en fureté fe montrer fans mafque aux termes duTraité de Worms, Cette fubiiliic étoit d'une pratique bien fcabreufe 9 vu furtout le peu d'appa- rence qu'il y avoit alors que les affaires s'accommodaffent en Allemagne, de façon a libérer l'Impératrice Reine de la diverfion des Alliés de Francforts Quoi qu'il en foit , la Cour de Turin -était convenue avec celle de Verfailles des articles d'une paix particulière, dé- clarant toutefois que s'ils n'étoient pas fîgnés & ratifiés avant la fin de Février 174 '^. elle n'y entendroit plus. Le Miniftere de France, jugeant que^ le Roi de Sardaigne, vu la facheufe po- fi.ton où il fe trouvcit , ne s'en tien- droit pas en rigueur au terme qu'il fi- xoïtr sie fe hâta point de donner fa ré- pon- DU Siècle. //. Part^ 299 ponfe, & la fîgnature. Il pouvoit ef- perer qu'en différant ) le Roi de Sar- daigne fentiroit de plus en plus la né- cefîîté de s'accommoder^ & fe relâche- roit de fes demandes. Il mit donc en délibération les articles convenus^ il les fit figner a Sa Maj. T. C. Mais il né- gligea de recommander la diligence à celui qu'il faifoit le porteur de la ratifi- cation; & celui-ci ayant fait a Lyon un féjour 9 ayant été retarde d'une autre journée aux portes de Savoie» & de Piémont par des accidens ^ qu on fçut lui ménager 9 n'arriva a Rivoli, que le 5. de Mars. L'Angleterre avoit pour fon Minifîre auprès du Roi de Sardai- gne Mr. de Villette ^ politique adif? & d'une grande pénétration. Inftruit de la paix de Drefde^ il ne douta point d'u- ne prompte révolution dans les affaires de l'Impératrice en Italie ; & perfuadé que le plus grand fervice qu il put ren- dre a la caufe dont le Roi fon maitre étoit le défenfeur, feroit de lui confer- ver un tenant tel que le Roi de Sardai- gne 9 il travailla fourdement a faire é- choûer le Gonfeil de France dans fa né- gociation. Il avoit fait fuivre & exa- miner Mr. de Champeaux 5 qui étoit venu fecretement de Genève a Turin? N 6 pou/ 500 HIST0I1.E Politique pour y être dans le plus profond fecret Agent de fa Cour. Informé de fes moindres démarches, & de fes paroles les plus indiférentes , l'habile Minif- tre Ânglois eut toutes fes contrebatte- ries prêtes a jouer > avant que l'Agent François eut achevé fes difpofitions. Il fçut Cl bien faire valoir au Roi Theu- reux changement que la paix de Dref- de appo^'coit aux affaires de 1 Impéra- trice Reine,' il infpira au Monarque tant de conPance dans les fecours, qu'il lui promettoit au nom du Roi fon mai- tre, & dans la bonne volonté des trou- pes y qui n attendoient que fes ordres pour agir,- enfin i! montra a Sa Maief- té une libelle perfpedive , &fçut la lui montrer fi fûre, que le Monarque rompit abfolument la négociation, ain- fi qu'il s'en étoit refervé la liberté. Les^ troupes Françoifes , qui fe repofoient fur le bruit d'une paix prochaine , fu- rent attaquées, battues, pourfuivies; & les affa'res d'Italie ne firent qu'empirer de la en avant pour les trois Couronnes. Le Duc de Modene fut chaflé de fes Etats : Gènes fut prife i les François furent répondes delà les monts : l'Ar- mée Autrichîerne , entrée en Proven* €e , menaça Touion d'un nouveau fie* DU SiE c LE. II. Fan. 50Ï = ge. Deux années ne purent reparer la ^ perte de deux jours. §. X I I L L A conduite de là Cour de Vienne par raport a l'Empire après la mort im- prévue de PEmpereur Charles VII. eft une de ces manœuvres? qui ne font : que hardies pour les génies élevés ; . mais dont le projet eft téméraire j &^ dont le fuccès tient du prodige au ju- gement du vulgaire. Avec moins d'au- dace & de fermeté, le Miniftère Autri- chien n'eût trouvé que de nouveaux < embarras dans l'accident 9 qui le ren-^ doit a fes premières efperances. Qua- tre des plus puiflans Princes de l'Em- pire 5 ouvertement déclarés avec la France contre la Reine ArchiduchefTe^ tenoient le Grand Duc à plus grande diftance que jamais du trône Impérial, Le fuifrage de Bohême 5 toûjoui^s en litige , juftifioit 5 & autorifoit les ar- mées des Alliés de Francfort,* & il étoit un noeud fuffi(ant , pour mainte- nir Tunion. Le Corps Germanique ne donnoit plus que les apparences de la Neutralité. Plufieurs de fes membres n'étoient retenus de fe déclarer 1 que par la crainte d'avoir fur les bras les troupes Autrichiennes,' &; d'autres cou- vrant |02 Histoire Politique yrant leur jaloufîe^ ou leur ambition de Tamour de la paix , fondoient leurs efperances fur l'afFoiblifTement des deux partis , & n'attendoient que lui pour les produire. L E Confeil de la Reine Archidu- eheffe fentit tous les défavantages; & il prit9 avec un courage admirable, le parti de faire iilufion fur eux, en af- fectant les apparences d'une parfaite fécurité. S'il pouvoit efperer qu'en faifant des avances il regagneroit quel- ques Allies a la Reine , il n'avoit pas moins a craindre qu'en fortant du ca- sradlère ^ fous lequel il s'étoit toujours montré , il ne paflat pour agir fur une conviction intérieure de fa foiMeffe^ & s'adoucir, parce qu'il ne pouvoit plus foutenir fon premier plan. Alors Fefperance déterminant a l'éclat ceux des Prétendans a la Succeflîon Autri- chienne, que la crainte de l'événe- ment retenoit dans le lîlence , la con- defcendance qui lui auroit réconcilia un ennemi, ne manqueroit d'en en- hardir plufîeurs à fe déclarer. Sur ce principe, la Cour de Vien- ne parut fe refufer avec la dernière hauteur a tout accommodement, qui rabattroit de k$ prétentions. Inflexi- ble DU Siècle. //. Part. 505 ble a regard du nouvel Eleveur de Ba^ viere , tandis qu'elle faifoit (ecrete- ment agir fur refprit de ce Prince fe tendreffe pour fes peuples, & le cré- dit de rimperatrice fa mère 9 elle le menaçoit d\ine guerre a outrance^ & ne lui offroit que l'oubli du paffé pour recompenfe de Toption qu'il feroit pour la paix. En vain l'Eleûeur Pa- latin demanda quelques tempêramens^ qui , fans lezer au fond les droits de ïhéritiere d'Autriche ^ otaffent la dil- parate de fa reconciliation avec cette Princefle ^ & de fes liaifons avec la France. La Reine fut ferme a ne voir le Corps Germanique que dans fes par- lifans , & a regarder les Contradans de Francfort comme des volontaires^ que l'Empire défavoùoit. Elle exi- gea de rEledteur , pour préliminaire de fon accommodement particulier^ qu'il abjurât abfolument fes engage- mens, & fes liaifons avec la France^ & qu il promit d'accéder aux réfolu- tions que l'Empire prendroit relative- ment a cstte Couronne, avant & après TEledion d\m Empereur, Tant de fermeté en impofa, par- ce qu elle fut fuppofée venir d'une con- fiance raifonnée en fes forces. On crut que 304 HisToiïiE Politique que la Reine avoit des reflburces in- connues 5 qu'elle fe refervoit de pro- duire a l'exiréoiité. Ceux des Unis' de Francfort, qui ne pou voient fe fou- tenir contr'elle que par Tunion, apré- hendérent d'être abandonnés ; & cha« cun fouhaira fe mettre a couvert du péril , en faifant fon traité, L'Electeur de Bavière avoit ffi- pulé dans le fien la retraite libre & fu- re de fes Auxiliaires 5 & le Landgra- ve de Hefîe crut que cet article lui af- filroit le retour de ihs troupes^ & fai- foit fa paix avec la Reine ^ puifque la Cour de Vienne feignant d'ignorer les efperances qui i'avoient attiré dans W^ mon 5 ne vouloit voir en lui qu'un Al- lié de la Bavière. Mais les Miniftres Autrichiens étoient trop éclairéS) pour laiifer à la difpofition de ce Prince un Corps d'armée ^ dont quelqu' autre en- nemi de la Reine ne manqueroit pa^ de s'accommoder. Comme ils pou- voient enfreindre impunément tous les articles du traité avec rEiedleur? ils firent céder aifément leurs fcrupules à l'utilité, qui reviendroit à leur Maitref- fei de Finfr action de celui- la. Ils fi- rent arrêter & désarmer les troupes Hef* foifes f mîQ mettant au deiiusdes cla- meurs iJu Siècle. ÏL Fart. 50 f meurs des Cours de Munich & de Caf- fel; & citant à la dernière FUnion de' Francfort ^ ou le Landgrave étoit con^ tradant , ils l'amenèrent à reconnoitre^ la neceffitë de faire fon traité particu- culier , & celle de recevoir les condi-' tions qu^on lui voudroit accorder- La principale flit , que le Landgrave ne donneroit aucun fecours aux ennemis de la Reine. Cetoit aflurer à cette' Princeffe les troupes Hefîb'des de la ma-" niere la plus capable de lui en rendre le fervice utile. La Cour de Caffeî ne les pouvoit tenir fur pie qu'au moyen- des fubfîdes étrangers-, & le traité h reduifoit à ceux des Alliés de h Reine, îl falut donc que le Landgrave folii-* citât cette Princeffe de les lui procu- rer ; & qu il reçût comme un bon of- fice , ainfî qu'avoit fait TElcdeur de Bavière 5 d'être admis à combattre pour elle les Alliés 5 auxquels il s'étoit uni pour lui faire la guerre, §. X I V, Les fuccès des armes Françoifes dan.<5 les Pais -Bas éto'ent regardés comme lè plus fur acheminement vers la paix. Toujours livrés à leurs incertitudes? & au defîr de fe ménager entre les deux partis^' les Etats-Gen, oppofoient aux infiances des 5o6 Histoire Politique des Minières du Roi d'Angleterre , & de la Reine Archiduchelfe^ la neutralité qu'ils avoient promife à Sa Maj. T. C. "'^i ils répondoient à celles des Minif- très de France , en leur citant la garan- tie de 173Z. Le Roi de France & la Reine avoient des raifons à peu près égales à donner à la République? pour la déterminer de fon côté. Si elle fe reconnoiiïbit engagée par le traité de garantie 9 elle ne devoit pas balancer k protéger la Pragmatique contre fes adverfaires; & les Miniftres Autrichiens Faccufoient d'y manquer , lorfqu'elle s'en tenoit aux fiibfîdes^ qui n'avoient été jugés fuififanSî que parce qu^on comptoit que le Corps Germanique par- tageroit hautement la défenfe. Le Trai- té de 17^1. n'étoit plus obligatoire pour ïa République^ fi on ne lui tenoit pas les conditions auxquelles l'Empereur Charles VL avoit obtenu fa garantie. Or ce Prince étoit mort avant que d'a- voir fait ceffer la navigatioii^ des ports de Flandres aux Indes, avant que d'a- voir parfaitement redrefîe les affaires de rOoft-Frife 5 & les Miniftres Fran- çois attribuoi.ent à afFecl'on pour la fil- le de Cli r js Vi. à mauvaiiè volonté pour le Roi leur maitre? les fufibdes que la D U s I E G L E. 77. Part. 3 07 ïa République fourniflbit à la Cour de Vienne. Avec plus de vigueur & de refolu- tion 9 les Etats- Généraux fe feroient relevés de la faute qu'ils avoient faite en: 1752. de prendre dans Pade de leur garantie de la Pragmatique un tiers des fubfîdes , & le même nombre de trou- pes que les Anglois; & ils auroient fait refpedler leur neutralité par la France elle-nmême ^ & par la Reine Arcliidu- chefTe t en portant toutes leurs forces dans la Weftphalie , fans autre mon- tre que celle de couvrir leur frontière. Avec moins de ménagement pour la République ^ qu'il pouvoit toujours préfumer furement éloignée d\ine rup- ture préjudiciable a ^on commerce ^ le Miniftère de France fe feroit délivré de la crainte où il étoit > que Tenvie de conferver fa barrière ne la fit opter pour le parti de la Reine. Au lieu de donner aux Etats- Généraux des affurances, qui les empêchèrent d'augmenter leurs troupes, quelques bonnes tête? du Con- feil vouloient qu^on augmentât encore leurs inquiétudes. On étoit certain qu'ils ne feroient point agreffeurs ; on pou- voit compter que, fi on Tétoit a leur é-* gard 5 on auroit aOTez de monde pour les. 3bS Histoire Politique les accibler; & c'eut été beaucoup ga^' gner de les laiffer s'épuifer a pure perte. APRÉfe avoir enlevé a la République fa barrière , fans la trouver plus accef- fibie a fes propofitions ^ la Cour de' Verfailles crut qu^en attaquant quelqu'u- ne de fes places elle lui infpireroit plus . de condefcendance. Elle demandoit aiix Etats- Généraux d'opter entre le Roi & rimperatrice Reine ; & il étoit naturel qu'ils le fiiTenten faveur du fol-' liciteur, qui avoit cent vingt- miltehom- riies de troupes viélorieufes ^ prêtes a^ pénétrer au centre des fept provinces. Le contraire arriva. Les peuples, qui fe jugèrent dans lâ même crife que leurs' ancêtres en 1672. recoururent au re- iTiede^ qui leur avoitfi bien réuffi. Com- me eux> ils reflufciterent le Stathoude- rat; & comptant fur les mêmes fuccèsç ils s'unirent aufTi étroitement à leurs Al- liés, pour faire la guerre k la France. Mais les circonllances étoient bien' autres q' l'en 1672. Fatiguées^ épuifées de la guerre, les Puiflances, qui en fai- fôient les principaux fraix, nypou- voient plus fubvenir. La Reine n'avoit plus que des Hongrois à opofer aux ar- mées Françoifes; & TAngleterre n étoit plus capable d'un effort;? tel qu'il Tau- roit BU Siècle. II. Fart. 509 ,roit fallu •, pour rechigner les François d^ns leur frontière. Le fouievement de Gènes prcfageoit de nouv^eaux em* b :^t ras au Roi de Sardaigne^ & de nou- velles dépenfes aux Puiifances Mariti- mes. Trente mille Rufles , en pleine marche vers le Rh n^ demandoient une nouv^eile armée Françoife fur ce fleuve. Ainfi la révolution de Hollande > qui menaçoit d'une guerre générale la plus opiniâtre, fut comme l'annonce ôc le fignal d'une prochaine paix. §. X V. Uanimosit é entre PEfpagne & PAng-eterre n'avoir fait que s'accroitre^ pendant n uf ans d'une guerre , qui fe ibutenoit avec égalité , ma gré Pimpa- rité de forces. Toute l'Europe avoit été attentive furies opérations des ef- cadres Angloifes en Amérique,* & elle fe vengeoit, pour ainfi dire, des inquié- tudes, qu'elles lui avoient données, en fe tenant fur eHes, depuis leur mauvais fuccès, dans une iniiférence égale a fa première curioiité On ne connoifloit plus la guerre des deux Couronnes, que par la lifte des piife*^ des Armareurs ref- pedîifs. Cette Mdrine formidable, qui avojt d'abord menacé le Mexique de lui faire changer de maitre 5 fe confu- moit 5C0I Histoire PoLiTitlTJï moit fur les côtes de Bretagne> & n'ol- froit a laNaîion^ pour retour des fraix immenfes de Cou entretien^ qu\in mor- ceau de lerre à détacher du continent de la France , que la conquête de la Prefqu'iflede^v/i^ro^. L'Efpagne*, ain- fi que font d^ordina^re les Etats foibles, fe mettant fur la défenfîve en Amérique con.re un ennemi qui avoit fait retraite^ s'épaifoit en préparatifs, & en précau- tions déformais inuti'es; & fon enne- mie en faifoit autant pour foutenir des menaces qu'elle n'avoit ni le defîr , ni le pou'/oir d'exécuter. Les deux Cou- ron -es étoient toujours en guerre, par- ce que leurs déclarations exigeoient un traité de paix, qui n\*xi(lo!t pas enco- re. A IX premières propofitions , qui fe firent 5 elles paru'-ent également dif- pofées a fe remettre enfembîe fur Tan?- c\en pié. §. XVI. Ciî^GUN étant las de la guerre^» tout le monde fe porta de foi - même aux arrangemens? qui la dévoient terminer. Le Congrès fut indiqué a Aix-la Cha- pelle; éc l'unanimité des principales Puillai:es en nromit plus de fruit qu'il n'en croît refuhé de celui de Breda > dont on ne cci noit que quelques pe- tites eu Siècle. IL Tari. 51 r tites anecdotes peu dignes de PHiftoi- re. Le flege de Maftrlchi: donna la plus grande activité aux conférences. Com- me la prife de cette place coupoit aux fept Provinces les fecours d'Allemagne, fans lefquels leur défenfive leur étoit rui- neufe, le Starhouder lui-même fouhai- ta que les Plénipotentiaires des Etats hâ- taflTent la conciufion. Dsshuit PuilTances belligérantes, les trois, qui étoient capables de faire la loi aux autres , convinrent des Prélîminai- res, auxquels elles s'engagèrent de faire accéder leurs Alliés. Les Plénipotentiai- res de France, d'Angleterre, & de Hol- lande fignerent le 50. Avril 1748. les vingt^quatre articles> dont le traité dé- finitif devoir êîre le commen aire. Les Traités de Breda^, de Nimegue, de Rif- wick, d'Utrecht, de Radtlat & de Vien- ne, en 17:58. avec la Quadruple- Allian- ce de 1718. y furent renouvelles ex- prelTément , fous la referve des points iur lefquels chacun d'eux avoit dérogé à fon Prédeceffeur, & de ceux auxquels le préfent Traité devoit déroger. La reftitution de toutes les conquêtes refpedives, a Texception de la Silefie; le rétablifTement du Duc de Modene en fes Etats î le déliftement de toutes pré- 512 H l' s T. P 0 L„ DU S I E C LE. prétentions quellesconques fur la Ré^- publique de Gènes '^ Taveu des ceffions raîtes par le Traité, de Worms au Roi de Sardaignei hors Final 6^ le Pla^fan* tin; la reconnoilFance de François I. pour Empereur ; la r nonciation de ÎTmperatrice Reine aux Duchés de Par- me, Plaifancei & Guailal-a^ en faveur de Dom Philippe , fans antre refervq^ que cel'e de reverfion, au défaut des mâles, ou au cas du paiTage de Plnfant au trône des deux Siciles; la confirma- tion de la Pragmarique; la gar.r,ntie des Traité^ de Breflau, & de Drefde, firent le fond de cette famepfepaixi dont Pen- voi des acceffions r-etati^a le définitif jufqifau 1 8. d'Odobre. L'Europe n'a- Toit point encore vu de guerre auflî compliquée, foutenue avec tant de va- riations, terminée avec fi peu de perte. Ce fut une de ces longues & bruïantes tempêtes, qui? après avoir troublé l'eau de la mer jufques dans fes abimes * & foulevé les flots jufqu'aux nue^ , finif- fent par déplacer un banc de fable , & ne lailfent de vertiges , que des mon- ceaux de petit poilTon jette fur la côteo F I N- .■Jfi III «IÏm N« nIV °^ ILLINOIS-URBANA 30112054726671 ^a*,' «. # -5^" i. -.ly î^ J-j